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Charles et Natalia d’Herbeyville, respectivement agents au service de Louis XV et d’Élisabeth I , sont au cœur des imbroglios politiques les plus cruciaux de leur époque. Chargés de missions conjointes, ils évoluent dans un univers de trahisons et de conspirations, où chaque décision peut infléchir le cours de l’histoire. Leur dévouement et leurs compétences en font des acteurs redoutables. Pourtant, derrière leur loyauté apparente se dissimule une quête plus profonde, susceptible de les pousser au-delà de leurs propres limites, dans une joute aux enjeux aussi élevés que les secrets qu’ils protègent.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Plongeant dans les méandres de l'Histoire,
C. E. Martin puise son inspiration au cœur du XVIII siècle, à l'époque flamboyante de Louis XV, ainsi qu'au sein des civilisations anciennes. Ces époques, riches en intrigues et en mystères, alimentent son imagination foisonnante et s'incarnent avec force dans ses écrits.
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C. E. Martin
Jeux de rôles et dupes
Tome I
Nouvelle version
Roman
© Lys Bleu Éditions – C. E. Martin
ISBN :979-10-422-4472-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À André
– Marquis Charles d’Herbeyville
Gentilhomme campagnard
– Natalia Fedorovna
Marquise d’Herbeyville, née Comtesse Bakharova
– Vicomte Aurélien du Bernay
Parent et ami de Charles
– Baron Jean d’Aillies et Baronne Adelaïde d’Aillies
– M. et Mme de Vallencourt
– M. et Mme de Lanvilliers
– M. et Mme de Marigny, Melle de Marigny
– M. et Mme Croissart d’Imbert
Relations amicales du couple d’Herbeyville
– M. de Merry
Procureur du Roi, ami du père de Charles
– Maître Adrien Descroy
Notaire de Charles à Abbeville
– Paul Aubertin
Secrétaire de Charles
– Maître Guillaume Aubertin
Notaire à Paris. Père du précédent et ami de Maître Descroy
– Jérôme Ledain
Majordome et intendant de Charles
– Apolline
Cuisinière de Charles et de Natalia
– Ivan Semionovitch
Valet de Natalia d’Herbeyville
– Alexis Kirilovitch Kolinski
Fils du comte Kolinski et filleul de la Tsarine Elisabeth 1re
– Vassili Artémovitch Ivanov
Garde du corps d’Alexis
– Général Comte Evgeny Igorovitch Ossourov.
Ancien militaire des armées russes
– Major Grigori Illarionovitch Antonov
Bras droit du général
– Prince Constantin Borissovitch Kourakine
Ambassadeur de Russie en France
– Elisabeth Ire Petrovna Romanov
Impératrice de Russie, fille du Tsar Pierre 1er le Grand
– Arcady Iosifovitch Alleiev
Chef de la Police de Saint-Pétersbourg
Sept heures du matin. Une légère brume automnale flotte encore sur la demeure. Fierté du maître des lieux, c’est un ancien château fort en pierres et briques, remanié au cours des siècles, flanqué de tours aux quatre angles. Le marquis est non moins fier des dernières rénovations intérieures du château, du parc où trônent des arbres plusieurs fois centenaires, de son large portail ouvragé qui s’ouvre sur une allée centrale bordée de peupliers. Celle-ci donne de part et d’autre sur des jardins jusqu’au petit pont de pierre bordé de balustrades, originellement pont-levis, au-dessus des anciennes douves recouvertes à présent de pelouses en pente douce.
Le châtelain, levé très tôt, somnole dans la grande bibliothèque du rez-de-chaussée. Il sursaute. Un cheval lancé à bride abattue vient de parcourir l’allée principale, après avoir franchi le portail ouvert à la hâte par un concierge ensommeillé. Le cavalier stoppe brusquement l’animal. Il saute prestement de sa monture, laisse la bride à un valet d’écurie essoufflé que le bruit a sorti précipitamment, lui aussi, de son lit.
Le nouvel arrivant traverse le pont ou plutôt l’arpente, et se présente à la haute porte de l’entrée. Charles d’Herbeyville entend une conversation animée entre son majordome et le visiteur inattendu dans le vestibule. Il se lève de son fauteuil et ouvre la porte :
« Eh bien, mon cher comte ! Quelle obligeance de nous réveiller de si bonne heure ! Merci, Jérôme, je reçois monsieur. »
Le majordome naturellement distingué, de taille élancée, impeccablement vêtu, portant sa perruque de façon non moins irréprochable, s’incline, la mine compassée, les lèvres pincées.
Fort imbu de sa fonction, il est choqué des manières si peu convenables du cavalier et de son accoutrement. Le nouvel arrivant, très grand, possède une musculature avantageuse dont il est fier, alors qu’importe la tenue : vêtements et bottes couverts de poussière, cheveux châtains bouclés au vent et donc sans perruque, ni chapeau.
Il suit son hôte dans la bibliothèque, sous l’œil réprobateur du majordome. Charles, avant de refermer le battant, demande à ce dernier une collation pour son invité imprévu. Restés seuls, les deux hommes se regardent un moment, le marquis prend la parole :
« Mon jeune ami, c’est folie de vous arrêter ici, vous deviez aller directement à Paris, votre ambassadeur vous attend.
— Avec tout le respect qui vous est dû, cher marquis, vous devez vous douter que cette halte chez vous répond à une raison impérieuse, rétorque le visiteur, pendant que son hôte lui désigne poliment un siège, proposition qu’il dédaigne dans son impatience et il enchaîne :
— Après avoir quitté la Russie avec Vassili Artémovitch1, nous avons traversé plusieurs pays, puis le duché de Lorraine. Nous arrivâmes enfin sur le sol français et nous sommes dirigés vers Châlons. Nous voici presque à la nuit dans une auberge. Mon compagnon de voyage, plutôt devrais-je dire mon mentor, voulut rester avec les chevaux à l’écurie et je m’installai dans une petite chambre.
— Arrêtez de marcher de long en large, je vous en prie, ôtez votre redingote et asseyez-vous. »
Le majordome, après avoir frappé, pénètre dans la pièce en portant un plateau :
« Posez cela, je vous prie, sur la petite table, lui dit le châtelain. S’occupe-t-on du cheval de mon invité ?
— Certainement, Monsieur le Marquis, il est aux écuries, puis-je disposer ? s’enquiert le majordome du ton pompeux qu’il eut employé s’il avait annoncé le Roi. »
Le châtelain incline la tête en guise d’acquiescement, se mordant les lèvres pour ne pas sourire. La porte refermée, le jeune homme reprend :
« Après une courte nuit, Vassili me réveilla, les chevaux étaient prêts. Pendant qu’il rangeait mes affaires dans les sacoches de voyage, je descendis dans la salle pour demander des boissons chaudes. J’entendis alors des bruits de lutte étouffés et un cri rauque.
Je remontai l’escalier le plus rapidement possible. Vassili était à terre et avait reçu deux coups de couteau. Il devait y avoir plusieurs agresseurs, dont au moins un devait être blessé : Vassili, soldat endurci, avait encore son kinjal2 taché de sang à la main. Je suis sûr qu’un seul homme n’aurait pas eu raison de lui. J’appelai à l’aide. L’aubergiste et un domestique, déjà alertés par les bruits, se précipitèrent à ma suite dans la chambre.
Vassili essaya de me parler, m’agrippa pour me forcer à me courber jusqu’à lui. Dans un souffle, je crus reconnaître le mot de “Vechka”, puis il s’évanouit. J’étais atterré et peiné, car j’ai dû le laisser aux bons soins du médecin de la ville voisine. Je ne pouvais l’emmener. J’espère qu’il pourra guérir le plus rapidement possible, c’est un solide gaillard, il l’a prouvé maintes fois. »
En finissant sa phrase, la voix du comte est légèrement émue et il baisse les yeux. Malgré tout, un pincement des lèvres inconscient n’échappe pas à Charles.
« Vous avez bien dit Vechka ? N’est-ce pas le surnom que l’on donne à un voleur qui sévit à Saint-Pétersbourg depuis plus d’un an, cela veut bien dire Écureuil en français ?
— Absolument, mais je ne comprends pas, il ne peut être responsable, il n’agresse jamais. D’après sa réputation, il ne vole qu’aux gens qui le méritent amplement… continue le jeune homme embarrassé.
— Vous a-t-on subtilisé le précieux document que vous deviez remettre à votre ambassadeur ? interrompt le marquis, intrigué par le ton du comte à la fois précipité et gêné.
— Oui et… non. Bien sûr, l’argent que mon père avait confié à Vassili a disparu. Il avait sûrement plus confiance en lui qu’en moi à ce sujet, assure le comte. »
Il réalise soudain d’avoir parlé imprudemment, en prenant quasiment fait et cause pour le célèbre voleur, état d’esprit que partagent quelques idéalistes chez lesquels se mêlent jeunesse débordante et bouillonnement slave.
« Je ne comprends pas, vous ont-ils volé le document ou non ? Le portiez-vous toujours sur vous ?
— Mais oui, assure en souriant son interlocuteur, l’original est constamment sur moi. Un faux très bien exécuté servait de leurre et se trouvait dans l’un de mes manteaux, resté dans la chambre.
— Votre “chaperon” était-il au courant du subterfuge ? demande le marquis apparemment soulagé.
— C’est incontestable ! Mais il ne pouvait laisser voler le second document sans réagir. D’abord, en raison de son instinct de soldat et ancien ordonnance3 de mon père. Ensuite, s’il n’avait pas agi ainsi, cela aurait pu faire croire que ce document avait peu de valeur, avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer si ses agresseurs n’étaient pas de vulgaires bandits.
— Vous reste-t-il quelques subsides ? Êtes-vous suffisamment armé ? Il n’est sans doute pas prudent de repartir à Paris sans escorte.
— J’ai une bourse bien remplie confiée par ma mère en cachette de mon père. Je pense que mon épée et mes pistolets pourront dissuader tout autre attaque. D’autant que nos assaillants, s’ils sont ce que je crois, sont persuadés d’avoir réussi et n’ont plus de raison de renouveler leur agression.
— Permettez-moi, malgré tout, de vous adjoindre mon cocher qui fut bon combattant dans sa jeunesse et demeure excellent cavalier. Il connaît le chemin le plus court pour Paris. »
Le comte Alexis Kirilovitch Kolinski termine prestement son en-cas. Puis, le marquis et son visiteur sortent dans le couloir qui mène à l’entrée. Charles dit d’une voix plus forte :
« Je vous souhaite, mon cher comte, un voyage moins mouvementé. Veuillez saluer pour moi, le prince Kourakine, diplomate de valeur que votre pays peut se flatter d’avoir comme ambassadeur.
— Cher marquis, je n’y manquerai pas. Mes parents m’avaient bien recommandé de faire halte en votre demeure avant Paris, afin que je puisse témoigner à vous-même et votre épouse, l’assurance de leur amitié, et vous présenter mes respects.
— Cela me touche et la marquise qui n’est pas encore rentrée de voyage, sera également très sensible à ces attentions. Elle regrettera beaucoup de n’avoir pu vous remercier de vive voix. »
Les deux hommes continuent de faire assaut de politesse devant le secrétaire du châtelain apparu dans le vestibule, en présence d’un valet et du majordome qui leur ouvre la porte du château. Ils traversent le pont, puis s’engagent dans la grande allée, coupent par les jardins qui mènent aux écuries. Le marquis fait signe de la main à son visiteur, qui, flanqué de son nouveau guide, le cocher du marquis, repart au galop.
Charles soupire, l’air songeur et préoccupé. Que sait exactement le jeune homme de sa mission et ce que représente le document ? Ignore-t-il que c’est un très ancien et inestimable manuscrit, cadeau de la Tsarine pour le Roi de France et non une missive qu’elle adresse à son ambassadeur ? Ce qui est en définitive beaucoup plus compromettant qu’une lettre. D’autre part, la fougue d’Alexis due à son âge et liée de surcroît à ses origines familiales est loin de rassurer le marquis.
Le jeune homme a hérité apparemment du caractère ombrageux et impulsif de son grand-père ainsi que de son orgueil.
On avait bien assuré à Monsieur d’Herbeyville que précisément la jeunesse et la réputation de tête folle du comte lui seraient la meilleure couverture qui soit. Il eut été plus simple qu’il soit accompagné d’une garde, mais il est vrai que cela aurait attiré l’attention générale autant en France qu’en Russie et sa réelle mission aurait été faussée.
Cette brutale agression prouverait-elle que la fameuse « couverture » est dévoilée ? En effet, il s’agit plus probablement d’une attaque ciblée que l’œuvre de détrousseurs.
Tout en réfléchissant, Charles pénètre dans son bureau jouxtant la grande bibliothèque, s’assied lourdement ou plutôt s’affale dans son fauteuil favori. Il se sent soudainement las malgré ses 32 ans. Son dynamisme habituel est mis à rude épreuve afin de mener à bien ses activités. Celles-ci affectent plus qu’elles ne l’auraient dû la vie de ses proches ou accroissent les risques qu’eux-mêmes n’hésitent pas à prendre.
Charles pense à la marquise qui n’est pas encore revenue de Russie, son pays natal. Elle a hérité du domaine de son père le comte Fedor Ruslanovitch Bakharov et en est l’unique propriétaire, son frère cadet ayant disparu prématurément. Tous les ans, elle part y vivre au moins un mois, le voyage ayant une durée quasi similaire.
Ce séjour lui permet de ne pas laisser la haute main sur les paysans, les villageois et le personnel de sa demeure, à ceux qui la représentent, bien qu’honnêtes et choisis soigneusement : c’est-à-dire l’intendant du domaine, le staroste4 et le régisseur des fermes. En outre, cela lui offre l’opportunité de gérer ses affaires au plus près. Ses relations privilégiées avec la Tsarine apportent une protection à ses biens pendant son absence.
L’inquiétude gagne insidieusement le marquis. Sa femme, il est vrai, est dotée d’une personnalité hors normes et d’un fort caractère.
De plus, elle ne voyage pas seule, est armée et connaît parfaitement les dangers encourus. Il s’installe à sa table de travail et machinalement feuillette différents dossiers : certains doivent être traités par son homme d’affaires à Paris, d’autres, infiniment moins importants, sont à remettre à Maître Descroy, son notaire d’Abbeville. Charles finit par s’y absorber.
Début d’après-midi : des coups discrets à la porte sortent le marquis de l’atmosphère voire la torpeur studieuse dans laquelle il baigne depuis le matin. Il n’a même pas pensé à commander le moindre repas et son majordome a hésité à le déranger.
Sur l’invitation de Charles, entre un jeune homme à la silhouette trop mince, un sourire à peine esquissé sur un visage sans expression. Il remonte sans cesse sur son nez des lunettes à tempe en ivoire, essayant de se donner une contenance. Sa perruque cache le début d’une calvitie précoce et ses vêtements sont d’une grande discrétion. Tout dans sa personne respire l’onctuosité et la réserve du secrétaire modèle, selon ses propres critères…
« Oui, Aubertin ? demande Charles en levant les yeux des papiers étalés sur son bureau.
— Monsieur le marquis, vous aviez souhaité me voir avant de rencontrer votre notaire.
— Cela sera peut-être inutile, les documents pour Maître Descroy sont déjà prêts. Je vérifierai ceux que je dois emporter à Paris.
— J’espère que Madame la marquise sera bientôt rentrée sans encombre, exprime Paul Aubertin.
— C’est aimable de votre part, vous pouvez disposer, répond Charles. »
Celui-ci vient malencontreusement de faire tomber ses épaisses lunettes. Le marquis plante un regard vif dans celui de son employé qui bredouille des excuses et se précipite pour ramasser ses indispensables accessoires.
Pendant que son collaborateur referme doucement la porte, Charles, en soupirant, remet sa plume dans l’encrier et s’enfonce dans le fauteuil en croisant les doigts. Pourquoi avait-il accepté, un an auparavant, d’engager Paul Aubertin, 2e ou 3e fils, il ne sait plus, d’un confrère et relation de longue date de Maître Descroy, lui-même notaire de Charles.
Le jeune homme lui tape sur les nerfs avec sa réserve, son air constamment contrit et malheureux, sa personnalité quasi absente. Pour faire bonne mesure, il ne rate jamais la gaffe qui agace prodigieusement son employeur tout en voulant lui complaire. Le châtelain aurait préféré choisir lui-même son proche collaborateur, mais il n’avait pas voulu vexer Maître Descroy, homme affable et dévoué qui, il y a longtemps, lui avait été chaudement recommandé par le 12e marquis d’Herbeyville, père de Charles.
« J’en ai assez de la paperasse, rien ne presse ! se dit Charles. Il ne doit d’ailleurs partir qu’après le retour de sa femme, prévu dans deux ou trois jours. »
Soudain, il entend des bruits de voix et des pas rapides dans le couloir. Jérôme, les deux valets et une femme de charge s’empressent dans le hall et sortent, suivis du marquis. À leur grand étonnement arrive une diligence couverte de poussière dont le conducteur vient de stopper les chevaux écumants.
Une charmante personne apparaît à la vitre : son visage énergique et charmeur est entouré d’une abondante chevelure blonde aux reflets roux qui sortent en bataille de son tricorne. Elle ouvre la portière avant quiconque, descend légèrement du véhicule malgré sa fatigue, ôte son chapeau habituellement porté pour la chasse et secoue ses cheveux.
Derrière la marquise, on distingue Alice, sa femme de chambre, une robuste quadragénaire. Le jeune passager, assis auprès du cocher, atteint le sol en un bond, secoue ses bottes et se tient à côté de la voiture, le bonnet à la main.
« Mon ami, me voilà avec armes et bagages, au sens littéral de l’expression, dit la marquise, l’air espiègle, en tapotant les deux pistolets passés dans la ceinture de son manteau de voyage. »
Elle éclate de rire devant les yeux écarquillés et l’air scandalisé du majordome qui essaie poliment et vainement d’ailleurs, de rester impassible. Comment la maîtresse des lieux peut-elle se comporter en militaire revenant de campagne ! Décidément, il ne comprendra jamais ces Russes. Sans doute, souhaitent-ils imiter leur Tsar Pierre le Grand dont les manières avaient fait scandale lors de sa venue en France au début du siècle.
« Jérôme, revenez sur terre, faites porter mes malles et mes sacoches dans mon appartement. Veuillez aider Alice qui est épuisée malgré son air fanfaron ! Allez vite, le postillon doit repartir ! Assurez-vous qu’il se soit restauré convenablement et que l’on s’occupe de l’attelage, ces braves bêtes n’ont pas démérité ! »
Elle hoche la tête, soupire en souriant un peu ironiquement en voyant le majordome éperdu, quoique toujours aussi solennel, donner ses ordres avec importance. Elle se tourne vers le jeune homme au bonnet, resté en arrière. Nul besoin d’un ordre. Il s’empare prestement du bagage léger resté sur la banquette et se dirige à son tour vers l’entrée.
Le marquis, stupéfait et ravi, n’a pas dit un mot. Il s’approche de sa femme, lui baise la main, et prend son bras en lui chuchotant à l’oreille :
— Tu m’as offert un spectacle réjouissant et tu ne peux savoir combien ton arrivée me comble. Tu voudras bien m’expliquer la raison d’un aussi imprévisible et agréable retour, ce jour est riche en surprises !
Ils entrent dans le château et attendent que les domestiques affairés se soient éloignés dans l’imposant escalier menant au 1er étage. La marquise fait un signe de tête courtois au secrétaire sorti de son bureau pour la saluer.
— Natalia Fedorovna, veuillez me suivre dans la bibliothèque, j’ai hâte de vous entendre, ajoute Charles. Mais avant tout, précise-t-il plus bas, j’ai quelque chose de grave à t’apprendre. Il lui narre brièvement l’aventure extravagante du comte.
— Je crains, mon ami, que mes nouvelles ne te plaisent pas non plus. Les pistolets qui ont tant offusqué ton si impeccable majordome m’ont probablement sauvé la vie et celle de mes compagnons de voyage. Malgré mon passeport russe et l’alliance de mon pays avec l’Autriche, nous avons subi maintes formalités irritantes aux frontières successives. Quelque temps après avoir quitté le duché lorrain, nous venions de changer d’attelage et allions traverser une forêt. Un accueil fort désagréable nous attendait. Cinq hommes armés et masqués nous mirent en joue.
J’avais fort heureusement dissimulé mes « petits complices » sous mon manteau. Je n’ai pas hésité et ces larrons ont été plus que surpris de me voir tirer tandis qu’Ivan leur démontrait son habileté au poignard. Ils s’enfuirent avec des blessés. Je fus quand même étonnée qu’ils décampassent sans insister. Qu’attendaient-ils de nous : écus ou autre chose… ? J’avoue que nous n’avons pas demandé notre reste. Le cocher, blanc comme un linge, a fait claquer son fouet et les chevaux se sont élancés comme si un démon était à leurs trousses. Nous n’avons fait que des haltes obligatoires et rapides aux relais et le soir nous avons dormi habillés afin de ne pas perdre de temps.
Je peux imaginer ce que nous aurions dû affronter sur le sol russe, si je n’avais demandé la protection de l’armée et exigé des contrôles de la part de la police impériale retardant ainsi d’éventuels poursuivants. Je remarque que les attaques subies par Alexis et moi-même l’ont été après la frontière lorraine, coïncidence ? J’en serais surprise !
— Sans nul doute. Qui était au courant de ton départ de Russie ?
— Sûrement beaucoup de monde. Officiellement, mon voyage n’avait rien de secret. Néanmoins, l’Impératrice m’avait conseillé de ne pas revenir à la Cour la saluer comme prévu avant mon départ, et de quitter mon domaine dès que possible.
Tant que j’étais en Russie, ainsi que je l’ai précisé, toutes les précautions avaient été prises. Mais en France, il était facile de connaître l’itinéraire en se renseignant sur les trajets des relais de poste. La situation me semble plus grave que nous le pensions. Espérons que je n’aie pas été suivie. Sois donc très prudent, que ce soit pendant ton voyage et même après.
— Je vais avancer mon départ pour demain. Direction Versailles et ensuite Paris. Un régiment de Chevau-légers, actuellement cantonné à Abbeville, doit prendre ses quartiers à Versailles, j’aurai donc une bonne escorte. Je vais faire prévenir immédiatement le lieutenant-colonel qui commande ce régiment. Ah ! J’y pense, notre cocher a accompagné le comte Alexis jusqu’à Paris et, je l’espère, ne tardera pas à revenir. Tu auras donc sans doute avant moi des nouvelles de notre fringant damoiseau.
— Je vais demander que l’on me prépare un bain et prendre un peu de repos, conclut-elle d’un ton enjoué.
— Retrouvons-nous donc pour souper. Je vais devoir travailler, bien que je n’en aie absolument pas envie.
Vers le soir, le couple se rejoint dans la salle à manger, superbe pièce auparavant composée de deux chambres et leurs antichambres. Le père de Charles, sur la fin de sa vie, avait tenu à sacrifier à la nouvelle mode : faire aménager une pièce uniquement pour les repas. Le marquis a demandé que l’on dresse, non l’imposante table rectangulaire des réceptions, mais une autre de dimensions plus réduites, près d’une fenêtre qui donne directement sur le parc. Nous sommes fin septembre et la nuit commence à tomber.
Des chandeliers ont été allumés. Les bûches crépitent joyeusement dans les cheminées. Malgré cela, la température n’est pas élevée dans la grande pièce.
La marquise entre, affichant une tenue qu’elle apprécie : une ample robe vert pâle sur laquelle elle a passé un joli caraco ajusté qui masque l’absence de corset, accessoire indispensable aux toilettes féminines, mais ô combien contraignant. Ses pieds qui avaient été mis à l’épreuve sont chaussés de bottines en cuir souple.
Privée de bijoux pendant son voyage, elle a choisi dans ses trésors de famille de jolies boucles d’oreilles en émeraude et a décidé de ne pas porter le bracelet ciselé assorti. À sa main gauche brille la magnifique bague de fiançailles, un saphir, ornée de petits diamants qu’avaient portés toutes les marquises d’Herbeyville depuis le 16e siècle, ainsi que son alliance. Ses cheveux bouclés ont été soigneusement lavés, coiffés et légèrement parfumés par sa fidèle femme de chambre.
Natalia est souriante, sans laisser transparaître son inquiétude concernant le bagage qu’Ivan a porté et déposé dans sa chambre. Elle a eu le sentiment qu’il avait été fouillé avec beaucoup de minutie. Ce ne serait pas l’œuvre d’un amateur. Est-elle trop habituée à être sur le qui-vive et à tout soupçonner ?
Son mari, arrivé à son tour, lui baise la main, en lui adressant un regard complice. Lui-même est simplement et confortablement vêtu. N’attendant pas son majordome, il recule une des chaises afin que sa femme s’asseye, et prend place devant elle :
« Natacha5, j’ai commandé à notre remarquable cuisinière des plats simples. Un potage de légumes, un entremets d’asperges et du poulet, sans oublier les petits gâteaux que nous aimons tant. Qu’importe si nous dérogeons au nombre habituel des plats, cela te plaît-il ? J’ai choisi un vin rouge léger et néanmoins excellent pour fêter ton retour. »
La marquise s’apprête à répondre quand Jérôme entre et fronce ses élégants sourcils en voyant les châtelains déjà installés. La table a été dressée avec fleurs, carafons, verres et couverts.
Le guéridon sur lequel seront posés les plats au fur et à mesure porte également des assiettes en porcelaine de différentes grandeurs. Refrénant une moue réprobatrice, Jérôme se permet la question :
« Puis-je commander le consommé dès maintenant, Monsieur le Marquis ?
— Absolument et nous n’aurons plus besoin de vous, un seul valet suffira pour nous servir. »
Le majordome, mortifié par ce manquement au bon déroulement du repas, plus raide que jamais, s’incline et tourne les talons en levant les yeux au ciel, rien ne lui serait donc épargné lors de cette journée. Déjà, ce service à la russe (alors non usité en France et en outre aménagé par les châtelains) lui semble inconvenant.
Heureusement, le marquis ne s’est pas conformé à cet offensant procédé nouvellement apparu : celui d’appeler les serviteurs par une clochette, cette entorse aux anciennes et bonnes manières est, pour lui, un véritable camouflet !
Le potage servi, le couple reste seul. Charles a demandé que ne soit pas fermé l’un des battants de la porte, pour ne pas être fréquemment interrompu par le domestique qui ne manquera pas de toquer avant d’entrer. De toute façon, la discrétion souffrira, car le valet pénétrera assez souvent dans la pièce afin d’être à leur disposition. Natalia, tout en achevant de déguster son potage, pose à haute voix la question qui lui brûle les lèvres :
« Avez-vous quelques nouvelles de nos enfants ?
— Ils vont bien. Nous avons eu raison de les envoyer en Provence. C’est la région qui convient le mieux à leur fragile santé. J’ai appris qu’ils s’ennuyaient malgré tous les soins dont ils sont entourés et aimeraient être ici. J’ai hâte qu’ils puissent revenir à Herbeyville. »
Natalia a haussé les sourcils alors que Charles continue de parler. Le valet s’approche portant un poulet rôti, on ne peut plus appétissant. Il découpe délicatement la volaille sur le guéridon, emplissant chaque assiette, après avoir ôté celles ayant contenu le consommé et changé les verres.
Dès qu’il quitte la pièce, la marquise se penche et murmure à son mari :
« Croyez-vous que cela soit raisonnable de risquer d’être entendu à tout instant ?
— Avec joie, Natalia Fedorovna, dès que je rentre de Paris, nous pourrons convier nos relations à souper, fait-il à voix haute d’un ton badin à la nouvelle stupéfaction de sa femme. Elle réagit cependant immédiatement.
— Je m’en réjouis d’avance, toutefois si cela ne vous contrarie pas, je souhaiterais organiser pendant votre absence une petite réception avec quelques voisins.
— Faites selon votre bon plaisir. »
Pendant leur échange, le marquis s’est levé subrepticement et marche doucement sur les tapis jusqu’à l’entrée de la pièce. Avant que le serviteur n’entre, il avait eu l’étrange sensation d’être épié et maintenant de légers craquements du parquet dans le couloir l’avaient effectivement averti d’une présence à côté de la porte. La personne qui s’y trouvait avait dû rapidement s’éclipser en voyant le valet arriver, avait attendu sa sortie et était revenue ensuite.
— Ne trouvez-vous pas qu’il fait un peu chaud désormais avec ces cheminées allumées ? demande Charles à sa femme en ouvrant le deuxième battant.
Ce faisant, il s’avance dans le corridor regardant de droite et de gauche et il lui semble reconnaître, dans la lueur des chandelles portées par les candélabres, une longue veste et son propriétaire qui disparaissent promptement, bifurquant au bout du grand couloir. Serait-ce un début de piste afin de tirer le fil qui déroulerait enfin la toile d’araignée tissée depuis un certain temps entre la France et la Russie ?
Charles retourne à table et le couple achève son repas en n’échangeant que des banalités qui passent du temps maussade aux divers problèmes rencontrés par les fermiers, de l’agrandissement de l’hospice, celui du village devenant trop exigu, aux réparations du toit de l’église, enfin les soucis d’une vie tant régulière que provinciale.
Charles propose à sa femme une petite promenade digestive dans les jardins, malgré le crépuscule. Ils pourront enfin échanger sans craindre des oreilles aussi indiscrètes que malveillantes. Le marquis demande qu’on allume une torche qui guidera leurs pas dans l’obscurité. Natalia pose sur ses épaules le large manteau que sa femme de chambre vient de lui apporter. Quiconque les observerait serait persuadé de voir un couple heureux de ses retrouvailles, en pleine flânerie romantique, les chiens de garde gambadant joyeusement autour d’eux. Ce n’est malheureusement pas la réalité.
Ils reviennent bras dessus bras dessous et se dirigent vers leurs chambres respectives contiguës au 1er étage, dont la porte de communication s’ouvre peu de temps après.
Charles part de bon matin. Détestant les adieux prolongés, il a préféré ne pas réveiller son épouse. Nanti de quelques malles, il rejoint l’escadron qui l’attend patiemment devant le château. Ils partent au galop et le bruit des sabots décroît, s’estompe et disparaît.
Pour éviter de céder à la mélancolie, Natalia s’installe dans son Bureau au 1er étage, au cœur de l’une des tours. Elle joue machinalement avec les pièces du jeu d’échecs rapporté de Russie, qui a trouvé sa place sur l’imposante table de travail. C’est l’un de ses favoris, elle n’avait pu se résoudre à le laisser dans sa demeure familiale. Les superbes pièces en ébène et buis sur leur échiquier d’érable lui remémorent les efforts déployés par son père afin qu’elle apprenne les coups les plus sûrs pour battre l’adversaire.
Le comte Fedor Ruslanovitch Bakharov, une fois n’était pas coutume, s’était montré indulgent. Il valait mieux que sa fille, même si ses résultats étaient modestes, apprenne ce jeu qu’il considérait viril plutôt qu’elle s’adonnât à la musique, cette mièvrerie inutile. Natalia est restée, de son propre aveu, un joueur très moyen et néanmoins passionné. Les occasions de pratiquer les échecs ne sont pas si fréquentes et son caractère impatient la dessert. Charles, son partenaire habituel, excelle à ce jeu et cela donne lieu à d’amicales chamailleries.
Natalia décide de vérifier et classer les nombreux papiers rapportés de Russie. « Du courage, se dit-elle, pense à ton père qui était un travailleur infatigable. » Pourtant, au bout de quelques minutes, repoussant les documents, avec une attitude semblable à celle de son mari, elle se plonge dans ses réflexions. La réussite de la mission avait été basée sur la rapidité, le sens des initiatives et l’adaptation aux aléas de ses exécutants et, quand cela avait été nécessaire, une ignorance souhaitée pour certains d’entre eux quant au but de cette mission.
Toutefois, ces brusques départs de Russie et ces arrivées précipitées en France ne favoriseraient-ils pas de nouveaux soupçons de la part de leurs ennemis ?
Un évènement déconcertant est survenu dans l’univers brumeux des agents secrets : l’apparition du voleur qui échappe habilement et régulièrement à la police impériale russe. L’attaque perpétrée contre Natalia, qui ressemble à une tentative désespérée, démontre néanmoins la détermination de leurs adversaires.
Malgré la fuite contrôlée où se mêlaient à la fois l’impétuosité et le sang-froid des trois intrépides voyageurs, Natalia redoute encore d’avoir été suivie. Elle doit coûte que coûte faire taire ses angoisses, offrir une soirée où elle invitera quelques notables des environs. Elle pourra ainsi les observer comme des « insectes », disait avec ironie son père en parlant de certains courtisans de Saint-Pétersbourg.
Ragaillardie, elle se lève, regarde le parc, l’étang derrière le château environné de pelouses, les bosquets, les allées bordées de fleurs, les arches sur lesquelles s’accrochent les roses à la belle saison : tout un univers végétal soigné scrupuleusement par les deux jardiniers, les arbres dont elle apprécie la variété. Ceux-ci donnent au parc une profondeur invitant au rêve d’une terre lointaine, la sienne.
Les grandes plaines, les forêts de bouleaux et de chênes, les champs de blé et seigle à perte de vue, les moissons remplies de joie, la résidence seigneuriale bleu et blanc entourée de merisiers, où elle est née. Une vie sans luxe, ordonnée par son père et meublée en général de journées spartiates tant par l’étude que par les exercices physiques.
Fedor Ruslanovitch Bakharov, qui se contentait d’un confort rustique, acceptait difficilement que son entourage ne se pliât pas à sa volonté. Inflexible, mais juste, avec son entourage et son personnel. Il avait été secondé pour l’éducation de sa fille par de rigides précepteurs. Il aurait tant voulu avoir un fils capable de lui succéder. Malheureusement, Alexandre était de constitution fragile doublée d’un caractère rêveur, et affichait toujours une attitude alanguie qui exaspérait son père.
Fedor Ruslanovitch avait essayé, avec maints efforts, de cacher à sa femme la mauvaise humeur que l’attitude de son fils provoquait chez lui. Le jeune homme était peu taillé pour sa future vie de boyard6 vivant exclusivement à la campagne et apte à administrer ses biens d’une main ferme.
Alexandre possédait les traits fins et les cheveux bruns de son grand-père eurasien, ce qui aurait dû incliner Fedor à la clémence, lui qui portait une admiration sans borne à son propre père. Ce dernier, malgré un aspect gracile, était doué d’un fort caractère doublé d’un sens inné de la diplomatie. C’est cet état d’esprit à la fois volontaire et souple que le comte retrouvait chez Natalia non moins que l’éclat métallique de ses yeux verts teintés de gris. Elle seule arrivait à tenir tête à son père, mais avec finesse et déférence afin qu’il ne perde en aucun cas la face.
Le comte Bakharov avait fini par reporter ses espérances sur sa fille. D’aucuns n’hésitaient pas à émettre ironiquement une opinion qui malmenait la bienséance : si Fedor avait pu se douter des inaptitudes de son unique fils et si cela avait été en son pouvoir, il aurait fait en sorte que sa fille devienne officiellement son fils aîné.
Natalia plaignait son pauvre frère, gâté de manière outrancière par sa mère, ce qui ne le stimulait pas pour sortir de son cocon de poète et de son dégoût pour ce qui touchait à la gestion du domaine. Malgré sa peur des chevaux, et afin de complaire au moins une fois à son père, il avait essayé de monter un kabarde7, doté d’un garrot peu élevé et possédant un caractère sociable.
Alexandre était tombé, on l’avait relevé avec une méchante fracture dont il ne se remit jamais vraiment. Son état de santé déclina et le médecin de famille avoua son impuissance. Sa mort prématurée fut suivie de peu par celle de sa mère dévastée de chagrin.
Père et fille restèrent seuls. Le comte devint de plus en plus taciturne, désespéré par la mort de son épouse. Il ne la ménageait pourtant pas de son vivant en lui imposant un rythme de vie austère qui ne lui convenait pas. Elena Maksimova, mère de Natalia, était née princesse Andreïvska8, fille favorite d’un père qui acceptait tous ses caprices. Elle avait vécu les premières années de sa jeunesse dans un somptueux palais de la capitale et mené une vie où l’opulence le disputait à l’insouciance.