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Après le décès de l’ancien chef du village de Stult, son ami Marquin se retrouve contraint de lui succéder. Pour documenter le quotidien des habitants de Stult, il entreprend de tenir un journal pendant un an, relatant les festivités villageoises, les attaques de monstres, ainsi que les hauts et les bas de la communauté. Dix-sept ans plus tard, Camiy, la petite-fille de Marquin, se lance dans une aventure aux côtés de ses quatre camarades. Elle reprend alors le flambeau en consignant dans le journal les péripéties de sa vie trépidante et pleine de dangers. Réussira-t-elle à perpétuer cette tradition jusqu’à son dernier souffle ?
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Seitenzahl: 142
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Kellian Smith
Journal de Marquin et Camiy
Roman
© Lys Bleu Éditions – Kellian Smith
ISBN : 979-10-422-2496-7
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Tendrejour, 15 de Pluifraîche
Hier, le chef de notre village est mort. Il s’appelait Proctor et, loué soit Lahémalé, il avait 59 ans. Mais ce que les dieux donnent, ils peuvent aussi le reprendre. À présent, c’est moi, Marquin, qui dirige Stult, notre village. J’ai décidé de tenir ce journal pour garder une trace de ce qui se passera à l’avenir.
Les préparatifs pour son enterrement ont déjà commencé. J’ai du mal à en parler, car Proctor était mon ami, mais l’écrire fait du bien. On l’avait laissé dans son lit le temps que Valignévi, notre menuisière, fabrique son cercueil. Cela lui a pris une bonne partie de la journée, mais maintenant, Proctor a l’air de dormir dedans.
Mornejour, 16 de Pluifraîche
La cérémonie était très belle et tout le village était présent. Nous n’avions pas de prêtre pour la diriger, mais j’ai pu m’en charger. Nous avons placé une amulette de Lahémalé autour de son cou et Valignévi avait gravé l’étoile à dix branches des dieux sur le couvercle du cercueil, ils devraient être bons avec son âme. La fille de Proctor, Manuelle, a pleuré tout du long, mais lorsqu’à la fin elle a déposé des fleurs sur la tombe, j’ai remarqué que ses larmes avaient cessé de couler.
Après cela, nous sommes allés sous la place couverte où nous sommes encore, dînant en l’honneur de Proctor. Je me suis éclipsé quelques instants pour écrire ces mots et pour cacher mes propres larmes.
Adieu Proctor, tu vas me manquer.
Sacrejour, 18 de Pluifraîche
À partir d’aujourd’hui, je n’écrirais plus que les sacrejour, pour résumer les évènements de la semaine. Mais avant cela, j’aimerais parler de notre village. Il n’est guère grand, car il ne compte qu’une vingtaine d’habitants. Il se tient sur les terres du duc Philippe, seigneur de Hautterre et vassal du roi de Grantia, sa Majesté Onyx le Fort. Je n’en sais guère plus, ma vie s’est toujours limitée à Stult et ses alentours immédiats. Mais les voyageurs parlent parfois de la capitale Sautefaille et du château royal construit au-dessus de la faille, soutenu par une arche immense. Ce doit être un sacré spectacle à voir.
Pour en revenir à Stult, il est installé au bord de la rivière Otte, qui descend depuis le nord, et à côté d’une forêt que nous appelons la pineraie, car les pins y sont nombreux. Notre activité principale est évidemment le travail aux champs, mais comme je l’ai dit nous avons une elfe menuisière, et son mari, Zormo, un barbare, est bûcheron. Nous pouvons aussi compter sur trois mineurs, dont Masgak, le frère de Zormo ainsi qu’une forgeronne, Viviann. Enfin, nous avons la chance d’avoir un moulin à notre disposition, dont le meunier est mon propre frère, Artinor, ce qui nous permet en plus d’avoir une boulangère, Samiella, sa femme.
Avec l’enterrement de Proctor, tout le monde a pris un peu de retard sur son travail, mais Silmone, mon épouse, et moi avons pu terminer de semer l’orge, tandis que notre fille Flavile s’occupait de semer les pois. Il reste beaucoup à faire, et ça ne va pas s’arrêter, car les plants de moutardes donneront bientôt des graines.
Artinor et Samiella ont déjà commencé à planter leurs carottes. D’ailleurs, Viviann et Valignévi ont travaillé ensemble pour leur fabriquer une nouvelle houe.
Sacrejour, 24 de Pluifraîche
Forjour 20, un marchand itinérant a fait étape au village. Nos artisans ont pu lui vendre quelques-unes de leurs créations. Silmone lui a acheté quelques herbes médicinales, nous commencions à en manquer. Heureusement, les prix de Sselsoch ne sont pas trop élevés, ce vieux squameux nous en a vendus cent grammes pour seulement un grantien d’argent, alors que le marchant passé la semaine dernière en demandait trois.
Les semailles de l’avoine sont terminées et celles des légumes avancent. L’air a enfin commencé à se réchauffer suffisamment pour que commence l’entretien de la mine. Certaines poutres de soutènement vieillissent, elles doivent être changées.
Sselsoch nous a avertis de la présence d’un drôle d’homme sur la route à l’ouest, donc le lendemain, Ambrine, une des gardes, est allé jusqu’au bosquet de Saint Anqa pour enquêter. Elle a aperçu quelques hommes qui sont alors partis en direction de l’étang des Os. Elle y est encore retournée le jour suivant et elle a vu près de l’étang un groupe de gens armés qui ne devaient pas être de simples aventuriers.
Nous avons besoin d’aide du seigneur Philippe pour nous défendre contre ces bandits. Ambrine est allée demander des renforts qui sont arrivés aujourd’hui même. Mais quatre seulement sont venus. Si on y ajoute les trois gardes déjà présents et les villageois en mesure de se battre, les deux frères barbares, Valignévi et moi-même.
Onze personnes face à toute une bande. Nous verrons demain ce qui doit advenir.
Équinoxe de Printemps
Comme je le disais, nous avons vu le lendemain, mais nous ne nous attendions pas à subir l’attaque de ces crapules aux aurores. La plupart étaient armées de haches et de masses, et même de gourdins, mais un ou deux étaient des archers, et il y avait à notre grand étonnement un cryomage. Cela est assez rare, ça devait être un incapable renvoyé par son maître ou son école, car il a très vite reçu deux flèches de Valignévi.
Le combat n’a pas duré bien longtemps, mais suffisamment pour qu’il y ait des blessés. Heureusement, ma belle-sœur s’y connaît un peu en alchimie, ses potions de soin ont été utiles. Mais les réparations du village ont nécessité une semaine de travaux. Il a fallu refaire le toit du moulin et les clôtures brisées, les bords de mes champs sont ravagés, un poulailler a été détruit et de nombreux pieds de moutards ont été écrasés. La plupart des pertes sont supportables.
En plus de ces réparations, nous devions préparer l’équinoxe du printemps. Pour cela, nous avons fabriqué des petites barquettes dans lesquelles nous avons placé des bougies allumées. Nous les avons ensuite mises à l’eau pour qu’elles descendent la rivière, alors que nous chantions Le chant des oiseaux :
Quand le gel cesse, quand la neige fond,
Enfin, nous entamons notre chanson.
Après des mois à trembler dans le froid
Nous pouvons faire entendre notre voix.
Gazouillements, sifflements, pépiements,
Nous célébrons le retour du printemps.
La brise colore le paysage
De vert, avec nos chants dans son sillage.
Alors que le soleil brille, alors que les fleurs s’épanouissent,
Que le vent joue de sa musique, les Oiseaux se réjouissent.
Sacrejour, 6 de Viveterre
La tranquillité de cette semaine nous a permis de rattraper le retard du mois précédent. Cela ne durera pas, car qui dit Viveterre dit aussi monstres végétaux dans les champs. Nous avons regardé dans les alentours et il y a déjà des Fleurs charmantes et des Ronces qui poussent.
Sacrejour, 12 de Viveterre
Comme chaque année, ces maudites Plantes sont apparues dans nos champs. La nature a ses cycles que les monstres suivent. Et nous, nous survivons comme nous pouvons. Un cochon a failli mourir vidé de son énergie par une Fleur, mais heureusement, je suis arrivé à temps, par-derrière sans me faire remarquer.
Le jeune Antonin, le mari de ma nièce, a manqué de se faire piquer par une Ortie pendant qu’il chassait des Rats dans son champ de panais. S’il avait fini complètement engourdi par la plante, les nuisibles l’auraient grignoté à mort. Il a eu de la chance qu’Artinor l’ait accompagné et l’ait sauvé.
Pour parler d’autre chose, j’ai cru voir Flavile et Alecsan, un jeune homme, fils de Viviann et Blierti se jeter des regards. Ils ne sont guère discrets, Silmone et ses parents les ont aussi vus. Ah, la jeunesse.
Sacrejour, 18 de Viveterre
Tendrejour 15, nous avons fêté l’anniversaire de Viviann. De deux ans mon aînée, je la voyais comme ma grande sœur quand nous étions enfants. C’est pourquoi, lors de l’épidémie d’il y a vingt ans, j’ai été aussi triste qu’elle lorsque ses parents sont morts. Et elle-même l’a été quand nos propres parents, à Artinor et moi, ont été tués par la grande meute de Loups de 604.
Quoiqu’il en soit, ça n’a pas été un jour de grande fête. Nous n’avons pas beaucoup de temps à perdre pour autre chose que le travail. Et pourtant, certains évènements nous font perdre ce précieux temps.
Zormo a retrouvé deux de ses poulets vidés de leur sang mornejour. Les marques aux cous indiquaient une Chauve-souris vampire, il a donc dû passer une nuit blanche près de son poulailler pour la surprendre alors qu’elle revenait se nourrir. Il a donné ses ailes à Samiella pour qu’elle en fasse des potions et il a gardé les dents pointues pour son collier.
Sacrejour, 24 de Viveterre
Le travail avance bien, nous avons bientôt terminé de semer les légumes, sauf le panais et le pavot. Mais forjour, nous nous sommes inquiétés quand un arbre s’est effondré en bordure de la forêt à cause de deux Élémentaires de terre. Heureusement, il n’y en avait pas d’autres, et ils sont repartis dans les bois après leur accès de violence.
Avant-hier, mornejour, un marchand est passé au village en nous prévenant que des Chiens sauvages rôdaient près de la route, et effectivement, hier, quelques-uns se sont approchés de la mine. J’espère qu’ils ne s’en prendront pas à Masgak, Blierti et Alecsan pendant qu’ils travaillent. Ils ont déjà failli se faire écraser l’année dernière quand le plafond du tunnel s’est effondré.
La garde Mac Kel Fok Noul s’est proposée pour effectuer des rondes pour surveiller les chiens.
Sacrejour, 30 de Viveterre
Les Bêtes ont essayé d’attaquer Mac Kel Fok Noul, mais quand elle a tranché la tête du plus fort, les autres se sont enfuis sans demander leur reste, bien qu’ils aient pu lui arracher un bout de barbe avant cela. Je n’ai jamais compris comment les naines pouvaient avoir des barbes semblables à celles des nains, et Mac Kel Fok Noul non plus. Cela ne l’a pas empêchée d’être très énervée en rentrant au dortoir des gardes.
Autre mauvaise nouvelle, Artinor a vu des Nénuphars noyeurs en allant pêcher à son coin préféré, à l’étang d’Irtod, juste au sud des champs de son fils Francquin. Il les a troués de flèches pour que son fils puisse s’occuper de sa parcelle, et pour que lui puisse pêcher tranquillement.
Sacrejour, 6 de Belfleur
Enfin, les grosses récoltes vont débuter. Le seigle planté à la fin de l’année dernière commence à dorer, le pavot à rougir et les gousses de pois et les cosses de fèves à verdir.
Mais des Buissons touffus sont sortis de la forêt et ont essayé de découper Zormo avec leurs feuilles alors qu’il abattait un orme. Il n’a pas été gravement blessé, mais il n’avait que sa hache de bûcheron pour se défendre donc cela aurait été bien pire.
Il a récupéré leurs feuilles tranchantes et les a donnés à Silmone pour qu’elle puisse s’en servir d’armes de jet. Le reste servira de petit bois pour allumer le feu.
Sacrejour, 12 de Belfleur
Les Fleurs charmantes se multiplient, et hors des champs, certaines ont même évolué en Fleurs envoûtantes. Elles ne sont pas beaucoup plus puissantes, mais elles peuvent renforcer les autres, donc mornejour, nous avons nettoyé comme nous pouvions les alentours de Stult. Nous avons récupéré le pollen pour les potions de Samiella, et Francquin a ramassé quelques fleurs pour offrir un bouquet à Manuella, car son anniversaire était le lendemain.
Sacrejour, 18 de Belfleur
Sa’chish, l’épouse de Masgak, notre potière et tailleuse de pierre, a fêté son anniversaire fraijour dernier. Il lui a offert un produit préparé par Samiella permettant de lustrer les écailles de squameux à base d’une poudre de cailloux extraits dans la mine. J’ignorais que Samiella savait faire ce genre de produits de beauté, mais ça expliquerait qu’elle a l’air plus jeune qu’elle ne l’est… Qu’importe. Des Plantes mordeuses et des Plantes à pustules ont pris la place des fleurs, poussant comme du chiendent, nous devrons aussi les éliminer.
Sacrejour, 24 de Belfleur
Nous avons remarqué des empreintes d’ours, des toiles d’Épeires et des traces sillonnant de Serpents. Plus ça va et pire c’est. Les Ours sont des prédateurs solitaires, généralement, mais ils sont féroces. Mais ce n’est pas tout, les Épeires sont vicieuses et les Serpents sont venimeux. Je prie pour qu’aucun mal ne soit fait aux villageois.
Sacrejour, 30 de Belfleur
Je n’aurais jamais cru que cela puisse arriver. Forjour 26, alors que je nettoyais mes outils, j’ai soudainement entendu crier au feu. J’ai alors vu la forge de Viviann d’où partaient des flammes. Une fois que nous les avions éteintes, elle nous a assurés qu’elle n’avait aucune idée de comment c’était possible, qu’elle n’eût fait aucune erreur.
Je pense que c’est vrai, elle est bien trop compétente pour que cela soit sa faute. De plus, le feu avait pris loin du foyer de la forge. Heureusement, Viviann garde toujours un grand tonneau d’eau pas loin d’elle, mais il lui a fallu plusieurs jours pour retaper son atelier. Nous n’avons rien trouvé expliquant cette histoire.
Entre-temps, ma nièce Michelle a eu 18 ans, mornejour. Elle était radieuse, mais elle l’est presque tous les jours depuis la naissance de son fils Joffroi, à peine une semaine avant la mort de Proctor. Mais entre le travail quotidien et son bébé, je pense qu’elle cache sa fatigue. Antonin a intérêt à la soutenir s’il ne veut pas tous nous avoir sur le dos.
Sacrejour, 6 de Hautsoleil
Nous avons enfin compris comment la forge avait pris feu. Fraijour, juste à l’extérieur, Blierti a ramassé un cristal de feu vidé de sa magie. Le seul moyen d’obtenir ce genre de cristal ici, c’est en tuant un élémentaire. Celui-ci doit donc venir d’un élémentaire de feu qui est simplement mort près de la forge et s’est déchargé en enflammant le mur en bois.
Mais cela reste inhabituel, car normalement nous n’en voyons pas avant la fin du mois. Et pourtant, Alecsan en a vu un trois jours plus tard en allant au verger. L’élémentaire était faible et même Alecsan a pu le vaincre seul, mais pas sans être brûlé au bras. Ça lui laissera une belle cicatrice, mais rien de plus.
Pour une note plus belle, forjour était l’anniversaire de Valignévi et son mari lui a offert un petit autel en bois d’érable représentant l’étoile à dix branches des dieux, avec des gravures spécifiques sur la branche de Lahémalé, le dieu de la vie, celle de Lahounovou, la déesse de l’amour.
Valignévi et Zormo s’aiment énormément, et leur plus grand trésor est leur fille Béléann. Mais comme Valignévi est un elfe, il leur a été difficile d’avoir un enfant, et il leur est encore plus d’en avoir un second.
Sacrejour, 12 de Hautsoleil
Un élémentaire de foudre et deux de feu étaient apparus mornejour sur la route de l’est, dans le bosquet après la mine. Ambrine, Mac Kel Foc Noul et leur camarade Robert ont fait leur travail de gardes et les ont vite vaincus. Cela a été une semaine tranquille.
Sacrejour, 18 de Hautsoleil
Je commence à croire que ce que j’écris dans mon journal nous porte malheur. Nous avons trouvé une grotte emplie de Serpents, dans les collines au nord des champs d’Antonin et Michelle. Deux de ces sales Bêtes ont fichu la frousse aux jeunes en descendant jusqu’à leur parcelle d’avoine. Il y avait trop de monstres pour que nous puissions nous en occuper, alors nous avons envoyé une demande urgente d’aide à la guilde des aventuriers.
Ce n’est pas un travail pour les soldats du duc de Hautterre, apparemment. Ils ne sont censés protéger le peuple que contre des brigands ou des envahisseurs, même s’il faut bien éliminer les trouble-fête qui traînent.
Une équipe de jeunes aventuriers est arrivée deux jours plus tard, mais la veille même, des Serpents sont encore descendus de leur grotte et nous avons failli perdre Artinor. Mon vieux bouc de frère s’en est sorti, mais tout juste.