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"L’élan demain qui chante" dévoile une rencontre empreinte d’une beauté poignante dont la fin se révèle cruelle et tragique. C’est aussi l’histoire d’une non-rencontre, politique, où l’amour abonde sur fond de mobilisation inféconde. Cet élan vers le bonheur, immédiatement brisé après avoir été retrouvé, reprend son souffle pour raccorder les vérités d’hier à celles du présent en vue de donner un sens à demain. Entre passion, adversité et résilience, naviguez entre les lignes de ce récit rythmé par des sonorités soigneusement choisies.
À PROPOS DE L'AUTEUR
En qualité d’ingénieure en développement culturel, Hélène Muchembled contribue à la promotion de divers projets politiques et artistiques en région lilloise. "L’Élan demain qui chante" marque ses débuts d’auteure, signant ainsi le premier chapitre de sa propre création littéraire.
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Hélène Muchembled
L’élan demain qui chante
© Lys Bleu Éditions – Hélène Muchembled
ISBN : 979-10-422-2142-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Alain,
avec tout mon amour en retour.
Avis au lecteur
Quand on écrit à la première personne, au moins c’est clair : tout est subjectif.
Philippe Djian,
Romancier, nouvelliste, parolier et scénariste
Le Bonheur a marché côte à côte avec moi ;
Mais la FATALITÉ ne connaît point de trêve :
Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve,
Et le remords est dans l’amour : telle est la loi.
Le Bonheur a marché côte à côte avec moi.
Paul Verlaine, Nevermore
Préface
L’écriture d’Hélène Muchembled est un art de dissuasion massif contre le fatalisme.
Sa création transcende la simple résilience.
Dans cet élan, bien davantage que d’espoir, c’est d’intégration du bonheur, d’amour, de mémoire et de respect qu’il s’agit – du vrai respect, du respect réaliste, sans idéalisation, de la personne aimée et des valeurs partagées –.
Ce bonheur passé reste présent pour toujours. Il n’est plus ici question de temps, d’épreuves, ni de manque.
Fabrice Lanvin,
Psychiatre
Dimanche 26 juillet 2020 – 17 h 30 – Lille
Je suis bien arrivée. Trop tard. Quoiqu’à l’heure dite.
4 juillet 2020 – Midi – Santes
— Tu vas me faire le plaisir de clore cette histoire une bonne fois pour toutes ! Tu m’entends ? Parce que tu t’enlises là, excuse-moi de te le dire aussi sévèrement, dans un passé douloureux qui te poursuit à force d’être ressassé, qui te ronge, te freine, t’inhibe dans ce qu’il t’est donné de vivre désormais. Alors, prends-toi le temps que tu estimes devoir prendre pour le terminer, ce bouquin, je ne sais pas moi, pose des congés, sortons moins souvent, isole-toi là-haut chez nous dans ton bureau, ou chez toi pour un moment encore si tu préfères, en tous cas : parles-en moins et écris-le jusqu’au mot FIN ! Crois-moi, cela t’ôtera un sacré poids et me soulagera avec… Je te laisserai libre de ce temps que tu juges nécessaire pour achever ce que tu nommes toi-même « travail »et que, pour ma part, je respecte – ET-QUE-POUR-MA-PART-JE-RESPECTE –, oui ! solde ton compte épargne temps au besoin, mais solde-moi cette histoire qui te fait mal puis passe à autre chose enfin ! Avance bon sang ! Non pas que de te savoir consacrer des heures entières à écrire sur ce que je qualifie, moi, « d’ordure » – torture mentale que du reste je peine à saisir, hein ! – me réjouisse, mais finis-en avec ça ! Non pas que j’y tienne personnellement, mais simplement parce que tu te le dois à toi, tu entends ? TU-TE-LE-DOIS !
Abasourdie.
Te faisant face à la terrasse de cet estaminet santois, choisi pour toi par moi parce que sis sur ton ancien terrain de combat – la bien nommée 5e circon1 dans notre jargon –, parce qu’à ce que nous souffle l’enseigne de ces murs, De Bouche à oreille, en principe s’y susurrent en confiance de savoureuses confidences, davantage que s’y murent en contrits silences des amoureux confus, parce que si sûre de nous, de la teneur sublime autant que de la chaleur intime des échanges qu’à mon sens nous étions censés y nourrir, certitude à tes lèvres assassines brusquement suspendue, je demeure bouche bée de ce qu’avec dureté, aussi soudaine qu’inhabituelle à mon endroit, tu infliges à mon oreille à cet instant-là.
Une férocité que je ne te connaissais guère que dans l’arène politique, dont je ne soupçonnais pas qu’elle puisse atteindre à le meurtrir ce cœur retranché derrière la tribune des offenses passées, le mien en l’occurrence, de toi tant adoré.
Estourbie. Bouche bée. Mouchée. Coite devant tant de culot. Sur le cul. Le bec cloué. La vindicte vissée au dossier, la riposte prostrée à table, la révolte ravalée sous le joug de ta pupille impérieuse, le reproche grippé par le satisfecit qu’esquisse sur ton faciès d’assaillant la moindre de tes commissures, l’orgueil défié par l’impatience à laquelle ton écoute impérative en retour me soumet, mais qui malgré lui se tait. Tu mon orgueil par ta sagacité agacé et qui, dès lors, s’admet par ton assaut intrépide terrassé, criblé par trop de lucidité.
Car tout est vrai. Oui, impitoyablement vrai. Rien ne manque ni ne ment. Non, rien ne ment de ce que tu assènes vaillamment, ce midi-là, sur un ton intraitable, qui au plus m’est insupportable, au plus t’est profitable, avec un ascendant amplifiant à mesure qu’il met ma défense en sourdine, façon persiste et signe à la sonorité offensive, à la résonance quasi jouissive qu’émet dans le même temps l’acuité invasive de ton regard… Un de ces regards qui vous scrutent à nu, vous glacent les sangs, vous percent à froid, à l’aune de l’effroi que ton cinglant propos en moi sitôt provoqua, un regard d’un bleu limpide qui à l’accoutumée tendrement m’étreint, un regard d’un bleu nuancé et perfide désormais, qui vertement à la contre-attaque me contraint – un débat ouvert dans mon intérêt, envers et contre moi-même.
En effet, tu m’aimes. C’est un fait. Et si de jouissance il est ici question, c’est bien de la somme de mes inhibitions dont, à les vitupérer justement, tu me délestes, et non de les énumérer froidement dont tu te délectes. Tu ne prétends à rien d’autre présentement qu’à provoquer en moi l’électrochoc qui, ainsi raccordé au fil des vérités qu’à mes oreilles il me semble que violemment tu vocifères, mais qui en ta bouche se revendiquent aimablement nécessaires, se pourrait salutaire. Au risque de me perdre. À cette idée d’ailleurs, sous l’apparente suffisance de ce calme olympien que tu opposes à l’assaut de mes larmes qui se contient, tu es terrifié. Tu me l’avoueras peu après.
— Parce qu’à toujours te plaindre, encore pleurer, parfois accuser, en quoi cela te fait-il avancer ? Le boulot, la politique, tes déceptions présentes et passées… Je ne dis pas que l’autre, que les autres n’y sont pour rien, mais toi, ta stratégie à toi, quelle est-elle ? Qu’opposes-tu concrètement à tout cela ? Tu as un talent fou, et tu le gâches ! Tu TE gâches !
À ces mots, c’en est trop. Que tu ne mâches pas. Trop cash pour moi. Je me sens défaillir au gré des failles qu’insolemment tu égrènes. La coupe de nos déboires à venir selon toi est pleine, risque de déborder si nous tardons à nous en emparer. Ainsi que notre couple, sous la coupe du cumul des non-dits, menace de partir à la renverse si nous ne vidons, prestes, notre besace. Alors de me la servir tu t’empresses. Non sur un plateau d’argent, mais sans ménagement sous mon nez. Qu’à mes lèvres déposée, la potion obtempère ! Qu’une fois décantée, à sa suite émergent structure, équilibre et matière ! Tel est le toast exhausteur qu’en me faisant trinquer je t’entends porter. Mais la lie, âpre, de tes récriminations me reste en travers, pour peu sonnerait l’hallali de notre relation, la précipiterait dans le précipice de mon quant-à-soi (sans compter ce qu’au sujet de tes expériences passées tu m’avais indiqué : « je me suis toujours arrangé pour que ce soient elles qui me quittent »). Hébétée, je me tiens sur mes gardes, je reste sur ma réserve, les sens en alerte, le cœur aux abois. Ton breuvage manque quoiqu’il en soit de dosage, de rondeur, d’élégance selon moi. En fait de quoi, c’est la tasse que je bois.
Quand, enfin, cette bouée qu’in extremis je reçois de toi :
— Ou alors est-ce moi ? Moi qui ne te rends pas heureuse ? Insuffisamment en tous cas…
Interloquée. La contrevérité en bouclier ! L’absurde pour armure ! L’évidence sourde qui t’absout, mais surtout, le spectre de la rupture que subitement mon sursaut conjure.
— Je t’interdis de dire que tu ne me rends pas heureuse ! Parce que c’est faux ! Et parce que je ne l’ai jamais autant été qu’à tes côtés !
Présentement, c’est moi, bien moi, qui comme jamais tremble de te perdre. Et qui par cet élan de mes tripes qui en tressaillent, enfin le manifeste. Un cri de terreur sorti du tréfonds de mes entrailles. Surgi du puits du cœur. C’est Vénus tout entière à son œuvre harnachée ; Arachné bien trop fière en sa toile empêtrée ; Pénélope, par la sienne engourdie, secouée. C’est Hélène, prise au piège, par ses peurs assiégée.
Accablée. À l’idée de tout perdre. Par ton amour à commencer. Un amour tendre et enveloppant, densément loyal pour avoir été naguère insensément rudoyé, un amour tissé au fil de ton ambition folle, suivant un canevas savamment maîtrisé, aiguillé qu’il fut par maintes déconvenues… Un amour expert, cette fois convaincu, à l’ancrage serein depuis son rivage affermi, davantage que le mien aux contours, parce qu’encore amers, parfois encore incertains… Un amour sincère, déclamé par toi au quotidien, défiant au jour le jour mes humbles répliques, frileuses sur le sujet par crainte, à trop le traiter, de l’en trouver galvaudé… Un amour que je tenais jusqu’alors pour solidement arrimé : aux actes forts que tu as osés, innombrables et fondateurs telles d’inébranlables balises sous mes frêles enjambées déposées ; à ta fougue itérative ; à ton ardente et ferme volonté.
Et moi d’agréer et d’embarquer à pieds joints, quoique peu marins, il y a près de trois années, sur ce preux gréement ivre de promesses et d’allégresse, par ton haut gouvernail assuré. Et moi de me retrouver, ce midi-là, face à toi, à la terrasse de cet estaminet santois, estomaquée par ta manœuvre offensivement intrusive en guise de mise en bouche apéritive. Et moi de me retrouver bientôt, las !, dévastée sans toi, lasse, sans plus phare auquel me fier, si ce n’est d’écrire tout haut ce que tu m’as confié ici-bas.
Août 2020
Alain,
À l’instant T où je prétends t’écrire, je t’entends y souscrire. Car à t’énoncer, [alɛ̃], j’ai ouï dire qu’il le faut. À l’instinct. Tentée que je me sens par ce que prescrit, sous-tend ton prénom tout entier, lequel… à l’intérieur recèle la primauté et ma priorité révèle : ce A de prime abord, limpide en son sort, que toute liste à l’ouverture accule, qui de plus ici arbore sa majuscule, puis ouvre la voie à « lain », juste à l’un et à nul autre. La preuve par A d’emblée, première lettre et vocation première en ton prénom Alaintrasèquement liées.
La preuve par toi.
Alain 1er. T’écrire en premier lieu et au mieux. À l’instinct, certes, à l’instar, peut-être, d’un tas d’histoires qui nous précèdent, à l’improviste, il va de soi, puisque le contexte, funeste, m’y invite, mais t’écrire avec style en tous cas, de cette plume sincère qui t’avait ému, car à l’imparfait mon amour, à l’inverse, n’est tenu.
T’écrire. Non à toi qui n’es plus, qui tant et plus m’exhortas à l’écriture, maintes fois désarmé que ma volonté bien inspirée chût en ratures ; toi qu’il m’aurait plu de contenter par ces lignes dédiées autrement qu’à titre posthume ; non à toi, mais t’écrire toi, qui mourrais une deuxième fois, en moi cette fois, si même au fait extrême de ta mort je ne m’attelais pas à donner corps et sens à ce dont tu martelais l’importance.
Ta mort qui désormais m’obsède et m’intime d’opposer, avec force, au mot fin qui s’impose, le besoin qui m’anime : embaumer nos liens au moyen des beaux mots – beau… la signification même de ton prénom en est une injonction.
Beau. Bien. Et vite.
À l’indélicatesse de ton départ, objecter le temps de parole qu’il me reste.
À l’incrédulité devant tel cauchemar, signifier en boussole les faits qui nous attestent.
À l’infâme qui nous sépare, rétorquer que ton empreinte au sol n’a cessé d’être.
Bref. T’écrire au détour de nos « si », de nos « oui», de nos doutes et de nos envies, avec ou sans fard, pour qu’en d’autres yeux que les nôtres se découvre, se parcoure et s’éprouve cette Histoire d’A, non pas d’adieu, mais d’Alainfiniment toi.
22 juillet 2020 – 19 heures – Lille
Je suis rentrée tôt ce soir, une heure plus tôt que prévu, mais bille en tête ainsi qu’entre nous convenu, tard hier, lors de mon appel. Un de ces coups de tel faussement sages passés et reçus depuis nos lieux de vie encore distincts – quel vœu pieux et preux que ce fossé qui peu ou prou nous tient en patience, respectable quoiqu’en vain à l’approche du pieu commun, puisque si proche est mon saut du lit dans le tien, proche mon emménagement, dans quelque temps seulement, deux ou trois semaines à peine…
En patience, mais non point à distance, tant ce chambre à part de circonstance, dont, en cette fin juillet, à la netteté de mes draps juste défaits, l’on comprend aisément le défaut de pertinence à présent, comme l’on sent poindre, évidente, l’échéance, aura constitué l’antichambre-aubaine de notre appétence certaine, week-end après week-end, à nous retrouver.
De circonstance : statu quo premièrement maintenu par toi, qui par trop avais goûté déjà au matelas conjoint que creuserait immanquablement le poids du train-train, fade et désolant ; pour finalement, au gré de débats par notre bel équilibre progressivement atténués comme de nos ébats par ce bête va-et-vient invariablement contrariés, ne plus disconvenir qu’il puisse, entre toi et moi, en être différemment.
À moins que ce ne fût ma propre propension à tourner les talons à la première difficulté, ou même mon adoption aisée, d’emblée et sur le long terme, de cet ordinaire dédoublé imposé, qui te fit (r) éprouver les effets pervers de tel système : parce qu’en fait de séduction en vis-à-vis, ce furent au fur et à mesure des vacuités subies, et sévirent les temps longs à deviser seul, à pallier par toi-même. Et ainsi donc tu t’es ravisé : quoique hardi quant à l’énoncé du principe, tu n’étais pour autant pas né Dutronc ni, soit dit en passant, de la dernière pluie… Ô Liberté que femme chérit…
Dès lors, enclenché le processus inverse, ébranlée ta forteresse, chahutées mes chastes réserves, jusqu’à ce qu’au printemps deux mille vingt tes manques plus mes attentes fassent consensus et que soient proclamées du deux en un les vertus manifestes.
À table notre soif partagée d’Absolu ! Au diable les affres passées et indigestes.
De chicanes, d’anicroches, il serait de toute façon question. De ce refrain obtus contenu en toute cohabitation, tu étais fermement convaincu et m’avais par anticipation assurée de son caractère sain, de son gain plein et entier, de l’avantage qu’il se peut trouver dans l’adversité, laquelle, quand elle n’a pas eu raison de la relation, de facto la raffermit, rabiboche et rapproche. Ce fécond rapport de force, qui avait élu droit de cité dans ta pratique de la politique, je te soupçonne de nous y avoir adroitement incités à maintes reprises, à tes fins névrotiques ; d’avoir, pour ainsi dire, instillé en notre sphère privée la surdose requise de piquant doux ; d’avoir, bien inspiré, jeté le trouble : le risque était de mise, à ton instigation promptement j’ai pris goût.
J’en veux pour preuve notre déjeuner du trois juillet dernier, quand j’ai lu, a posteriori du récit que j’en ai fait, toute l’ingéniosité, celle qui te ressemble et qui, par l’élan en moi sitôt impulsé, redoublé par l’émoi qu’en t’en allant tu as suscité, scelle, ce me semble, nos vocations respectives : sous mon crayon mû par ta perspicacité, toi l’homme de perspectives qui les miennes auras augmentées.
Et quand au jour de ta mort il me faudra endosser l’âpre réalité et sa douleur, endurer les heures damnées qui s’ensuivront, me confronter à leur revêche incarnation, à me morfondre dans de beaux draps, non plus les nôtres, il va de soi, mais dans d’autres, immondes et tellement revêches sans toi, alors mes maux dans tes mots se blottiront, querront consolation au creux de tes apports dont nos proches eux-mêmes, par procuration, me réconforteront. Et mes maux alors, peu à peu s’apaiseront.
Il me sera bon, en effet, d’ouïr ta frustration d’avant, du temps de mon indécision à conjuguer en mode quotidien notre relation hors du commun, par crainte justement de mettre ce trait en péril, comme il me sera bon de jouir, a posteriori, de ton exaltation fébrile à l’idée de nous inscrire, couple insensé que nous étions, dans cet ordre du possible : ainsi, ton plus proche neveu, en nombre de kilomètres et davantage en affinités politico-sportives encore, me servira-t-il, insatiable à ton sujet – sans doute pour ne jamais le/te perdre de vue –, ton aveu de tendresse délivré lors d’un de vos tête-à-tête réguliers, celui d’un impatient éperdu, réduit à implorer ma venue, ivre de l’attente du verdict, devenu intenable.
— Mais qu’est-ce qu’elle attend, bon sang !
— Ben alors tonton ! On est amoureux ?
Bis repetita placent ! Oh ! Que oui, il est plaisant de bisser la scène, fût-elle rejouée par d’autres lèvres que les tiennes, sous nos vivats te tenir en éveil…
De même, il me sera d’un réconfort certain de repenser au crédit que ton fils, par la portée décisive de son entremise, accorda à notre mise en commun, quand, un serein soir de juin, au nom de toi il s’en montra complice : « je te propose, papa, pour qu’Hélène arrive et vive au plus vite auprès de toi, de kidnapper ses chats ! Tu verras, illico elle rappliquera ! »
À cette (re) marque de reconnaissance d’un lien de confiance envers le nôtre, j’ai mesuré la teneur effective de telle revendication et acté en définitive le bien-fondé de notre union.
« Tu sais qu’je t’aime ? Ben non ! Tu ne le sais pas ! Je ne te le dis jamais, alors… » : de cette redite amoureuse enfin, dont tu scandas, plaisantin, notre quotidien, je te sais gré, Alain, car je l’ai désormais bien dans l’oreille, me la suis répétée à moi-même post mortem, un talisman pour l’éternité, mon totem.
***
22 juillet 2020 – 19 heures
Je suis donc rentrée tôt ce soir, et bille en tête, promise à ce câlin que tu attends, remise à ce qu’Alain, aimant, prétend… Basta les amis, basta le sport, basta… sauf toi : moi aussi, j’ai très envie de nous, de toi ; une envie qui nous presse, va savoir pourquoi, une envie qui nous somme, en somme, en vie que, ce soir encore, ensemble, nous sommes.
22 juillet 2020 – 21 heures – Lille
— Attends ! Choisis-nous un disque d’abord. J’ai envie d’un peu de musique avec toi, avant…
Prégnant est ton regard alors, aimant, implorant par cette phrase laconique de retarder les débordements fatidiques que fomentent nos désirs convergents, venant saborder l’élan érotique de mon torse, cet impudent, serpentant, diabolique, entre les accotoirs de nos deux sièges fétiches et attitrés, dont les rebords font rempart à notre épanchement sudoripare.
Il se fait tard, seulement. Et voici que, non content d’avoir permis, un soir encore, deux heures durant, que la chose politique pérore jusqu’à mordre sur notre cause égoïste – la politique, l’ogre de toute ta vie qui en dévorera jusqu’à tes derniers instants –, dénonçant une fois de plus, par une sorte d’indulgence tacite, la clause de non-concurrence affective qui, pourtant explicite, a régi dès son amorce notre modus vivendi, tu risques un faux départ. Et oses la césure.
Nulle injure que cette pause à notre appétence imposée ;
Séance suspendue aux ordres de ton émotivité,
Qui au ralentissement invite, élabore son décor :
De l’importance de notre mise à nu, ce qu’elle suppose
De parler vrai, à ne rien dire, nos vérités juxtaposées.
Dolce. Virtuose du point d’orgue, tu instaures un silence éloquent qu’amplifie l’attente à la mesure de notre envie grandissante. Si ce silence est d’or, c’est d’être dense de ce que chacun offre à autrui d’y percevoir. Et ton regard immense qu’évase sa puissance, vibrant d’intensité, aimante mes pensées. Je pense en effet qu’il se fait tard, mais qu’à cet adagio des sens que tu entames, péremptoire, mon corps s’accorde évidemment, et que l’ici et maintenant, par evanessence – bientôt admise à mes dépens –, commande de s’y attarder. Urgemment.
Savoir durer. À l’instar du politique. Faire effort et avoir foi. S’imposer soi puis sa cadence. Ne point feindre, à jouer les cadors. Maîtriser. Car l’Art d’aimer, comme de vaincre, ne consent absolument rien au hasard. Encore moins à l’à-peu-près. Et la musique, chez toi, laisse à voir les coulisses du sens que tu y mets – également complice de toutes tes campagnes électorales, dans quelques pages j’en reparlerai.
Tu insistes.
— S’il te plaît. Mets un disque. Je souhaite que ce soit toi, ce soir, qui le choisisses.
Lentement s’évanouit le bruit de mon impatience, s’étouffe avec lui le son incongru de toute protestation, et progressivement, tel un second mouvement qui naturellement s’ensuit, mon émotion se met à ta portée, au diapason de ton orchestration : ici et maintenant, depuis le temps que j’y songe, inhibée que je suis par la nudité crue à laquelle ce pupitre solo me confronte, je te livre une interprétation choisie à titre de confession, les mots d’un autre duo en écho… Écoute donc ceci, Alain, et sonde combien est profonde ma fêlure, ainsi que l’est ma confiance en toi, démesurément :
Ne me raconte pas d’histoires
Tu sais bien, ce qui ne tourne pas rond
Chez moi, ne m’en demande pas trop
Tu sais bien, que les fêlures sont profondes
En moi, ne t’accroche pas si fort
Si tu doutes, ne t’accroche pas si fort
Si ça te coûte, ne me laisse pas te quitter
Alors que je suis sûre de moi
Je te donne tout ce que j’ai alors essaie de voir en moi que
Je t’aime
Mais je t’aime
Je t’aime
Je t’aime
Je t’aime
Je t’aime
Je t’aime du plus fort que je peux
Je t’aime, et je fais de mon mieux2
Grand Corps Malade. Ce géant de la rime fait mirador, qu’escalade notre sort infirme arrimé au miracle de ses sonnets, slamés, transcendants.
À mesure que s’écoule et fond sur nous la partition, que ma voix, trouble, murmure les couplets, accablants d’amour, dégainés par Camille Lellouche, dont le doux grain grave, rauque et sucré, en mon nom te touche, ton émoi en frissons suffoque et ondoie. Tu en as manifestement le souffle coupé. Ce je t’aime que depuis des mois je censure, pour me l’être par le passé fait piller, dont du bout des lèvres soudain je te crible, par huit fois d’un coup, ce je t’aime, visiblement, a ciblé juste, t’a ému : de languide en allègre, notre troisième mouvement précipitamment s’est mû.
— On monte ?
***
1er août 2020 – Midi
Sur le chemin retour de ton inhumation, dans la voiture qui de Valenciennes à Lille me ramène, passagère moi-même éteinte confiée aux soins d’un entourage amène, s’insère sur les ondes, signe divin, la chanson :
Si j’avance, avec toi
C’est que je me vois faire cette danse, dans tes bras
Des attentes, j’en ai pas
Tu me donnes tant d’amour, tant de force
Que je ne peux plus me passer de toi3
En fait de danse, c’est au centre d’une ronde qu’alors Grand Corps Malade nous entraîne : comme dans une chaîne d’union, aux vibrations de sa voix, je me sens reliée à toi ; cet entrelacs de sons, de midi me renvoie à notre dernière nuit, et mon cœur bat, à tout rompre, à l’unisson de ton amour infini.
22 juillet 2020 – 22 heures – Lille
« Quel beau cul ! Quel beau cul… »
À y songer, désormais que jamais plus tes pensées par elles-mêmes ne l’envisageront, ni tes yeux ne le détailleront, ni tes mains ne l’aborderont, ni tes doigts ne le courtiseront… j’aurais voulu l’avoir moins beau, ce cul, et en avoir davantage.
Dans quatre jours et durant ceux à venir, mon corps seul, orphelin de l’écho du tien, détiendra en ses courbes la mémoire intime de ta caresse ultime venue s’y loger, puissante alors, aimante, triomphante tel ton serment dernier, celui d’un cœur qui étreint pour l’éternité.
Blanches ainsi de l’argile, ces courbes, les miennes, figeront ce soir, à l’insu de ton vivant, l’empreinte façonnée par ton désir ardent arguant sa faim, soumises à la pression exercée par tes mains fébriles au maintien habile de mes hanches dociles.
Impression-sensation qu’en unique recours à ta mort qui nous prendra de court – abandon ô combien cynique en réplique à celui, tonique, de nos corps –, je n’aurai plus de cesse, dès lors, de convoquer par l’adresse de l’esprit : ceints mes contours, à travers le souvenir précis, précieux de ton dessein asservissant mes fesses, ce facétieux accostant tout en finesse le pourtour médité de mes reins.
Car bientôt, ces lignes que dans mon dos tu reluques, vorace, et qu’avec audace tu sillonnes, tandis qu’en son bas jusqu’en haut de ma nuque j’en suis le parcours à ta trace et frissonne, ces lignes, je les relierai en braille, en larmes et en personne, mon fantasme eunuque en lieu et place de tes yeux canailles, que la faux, cette garce, sans détour ni secours, aura clos.
Car bientôt, ces lignes dont tu épouses en phase le verso avec un appétit non feint, je les éprouverai, moi, de face et en solo, vouées qu’elles seront par ta fin à la pénitence de nos plaisirs défunts.
Des lignes veuves, en somme, séparées de corps, tels que d’un texte s’appréciant d’un seul tenant les derniers mots au revers d’une feuille rejetés, nues comme des vers, de leur contexte désarrimées, en haut d’une page égarées, ne rimant plus – sauf à rien. La matière sortie de son cortex ; mon tronc sans ton écorce ; une entorse que ton sort, faite au beau sexe.
Car bientôt, de notre amour physique mes lignes figureront les reliques, témoins post mort’aime de l’envie qu’en cette nuit tu revendiques et que je coucherai sur vélin : telle une veille authentique, pareille à linceul, Alain…
Le seul moment où la politique est loin derrière, c’est quand je suis physiquement avec TOI, L’ESSENTIELLE.
Lettres à Hélène, Alain C.
23 juillet 2020 – 18 heures – Lille
Tu m’as fait prendre place face à toi, énième face-à-face sur ces deux fauteuils-là, ensemble de choix puisque choisi ensemble au second mois de nos émois…
***
Février 2018
Tu m’avais fait prendre part alors, un peu malgré moi, au renouvellement de ton décor, qui à cette heure ne me concernait pas, pas encore, prestement m’impliquer en cela, comme pour m’y faire sentir bien déjà, comme s’il avait fallu dès à présent asseoir dans un futur prometteur nos débuts tout juste balbutiants.