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"L’enfant pénitentiaire" met en lumière le cheminement personnel de
Binael Billy, malgré les défis familiaux et l’incarcération. Observateur et acteur de son évolution, il partage ses émotions et expériences. Dans sa quête de liberté, il explore la signification de l’existence et plonge au cœur de ses sentiments, rétablissant le lien avec son enfant intérieur, dialoguant avec son âme, transcendant les tourmentes qui jalonnent son parcours chaotique. Parviendra-t-il à trouver la rédemption au bout de ce tumultueux voyage intime ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ayant connu de nombreuses incarcérations,
Binael Billy s'engage à travers son écriture pour témoigner des réalités pénitentiaires et aider ceux qui se sentent intérieurement emprisonnés. "L’enfant pénitentiaire" est son second ouvrage publié.
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Binael Billy
L’enfant pénitentiaire
© Lys Bleu Éditions – Binael Billy
ISBN : 979-10-422-1360-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Bonjour à vous tous, je m’appelle Binael, je suis un détenu incarcéré en France. J’ai 43 ans et cet ouvrage, « L’enfant pénitentiaire », est une très belle aventure avec soi-même. Lors de mon séjour au quartier disciplinaire, une cellule au mitard isolée de la détention, dans l’obscurité du cachot. C’est là que j’ai pu me retrouver avec moi-même et plonger au plus profond de mon être. À travers chaque difficulté, à travers chaque lourde épreuve, c’est bien dans les moments les plus bas de nos vies que nous apprenons à nous connecter à nos valeurs et aux éléments qui nous entourent. Je me suis perdu pour me retrouver avec moi-même et à travers notre propre dualité et notre effort, le but du travail est d’unir le cœur et nos pensées afin de célébrer le mariage de nos vies. Je suis encore incarcéré pour de longues années et je partage avec vous ces lumières, ces vérités, ces connaissances et vous transmets une clé. Quand nous savons que pour chaque être humain sur terre, dès sa naissance, sa vie se construit et est basée à 95 % sur l’amour, nous comprenons la valeur de cet amour et ce qu’elle incarne en nous, dans nos vies, chez l’autre. Nous sommes tous des miroirs et le reflet de l’autre ; apprenons à nous connaître et à partir à la découverte de notre nature divine, que la Source de la vie et de la lumière ; l’univers vous bénit abondamment. Bonne lecture à tous.
Partons à la découverte de notre enfant pénitentiaire et devenons libres spirituellement, mentalement et physiquement.
Nous devenons complets et entiers quand nous pouvons identifier et reconnaître tous ceux qui existent dans notre monde intérieur et quand nous savons unifier le tout. Bonne lecture à tous.
L’enfantement
Le 15 septembre 2021, dès le bon matin, je sortis de ma cellule pour me présenter au portail de mon aile ; afin de me rendre en formation Phénix développeur web ; que j’effectue depuis plus de 6 mois.
Il se fait 8 h 10. Nous attendons avec plusieurs détenus qu’on nous fasse sortir du bâtiment d’hébergement afin de traverser la cour de promenade à une trentaine de mètres d’où nous sommes, dans le bâtiment où s’effectuent les formations professionnelles. Posé contre une porte, je vois 2 détenus se rendre directement à la cour de promenade. Pensant être en retard, ils décident de courir vers leur lieu de formation.
Arrivé sur la cour de promenade, un surveillant se précipite pour leur dire de bien vouloir revenir immédiatement, car ils doivent attendre d’être accompagnés. Lors de cette discussion, le ton augmente entre les 2 protagonistes et le surveillant pénitentiaire se rapproche de lui face à face, front contre front, en voulant leur imposer le respect.
Le détenu réplique immédiatement en disant au surveillant de ne pas le provoquer ainsi et sur ces quelques mots, ils se poussèrent commençant par se battre.
Le surveillant sonna l’alerte et plusieurs de ses collègues intervinrent immédiatement, sautant sur le détenu. D’un coup, ils le mirent par terre et lui firent une clé de bras au sol. Moi, spectateur de cette scène, je décide donc de m’interposer instinctivement.
Je me rue sur le surveillant, les sépare en les poussant, tout en lui disant de cesser de le taper et d’autres surveillants me regardant se mirent à courir vers moi me sautant dessus. Ce qui s’ensuivit par une prévention au quartier disciplinaire. Un chef pénitentiaire, il essaya de me faire une clé de bras, moi ne me laissant pas faire, lui, insistant, me disant de lui donner mes mains afin qu’il me mette les menottes. Moi je m’y opposais, car je ne comprenais pas pourquoi je devais être sanctionné alors que ce sont les surveillants qui agressaient un détenu. Le chef très contrarié serra ces poings puis mit un coup de poing bien ferme. Je m’efface contre le mur, une main derrière le dos et l’autre en me débattant, lui insistait à ce que je lui donne mon autre bras. J’essaie de lui demander pourquoi il agit ainsi alors que moi je n’étais que venu séparer un dérapage, une injustice et cet incident. Mais lui, déterminé à vouloir me mettre les menottes, me menaçant de son poing, vers mon visage en me disant : « Donne tes mains, je t’ai dit donne-moi, ne résiste pas ». Je finis par me laisser menotter et me ramener au mitard. Arrivé au quartier disciplinaire, il est exactement 8 h 20 du matin. Cela ne fait que 10 min que je viens de sortir de ma cellule pour passer une bonne matinée soi-disant et moi de m’occuper en allant dans ma formation informatique. Et me voilà au quartier disciplinaire enfermé dans un cachot. Une fois arrivé au mitard, le chef me mit dans une salle d’attente pour me fouiller à nu au nom de la sécurité de l’établissement, je suppose. Je me fais fouiller à poil par 2 agents. Lui, présent, me regardant fixement. Puis, je me rhabille et il m’amène en cellule N°2, m’enlevant les lacets de mon jogging et de mes baskets, me disant que je me suis mis dans une grosse galère et qu’il me met en préventif au cachot, dans l’attente de passer à la commission disciplinaire qui est mercredi 15 septembre.
Je rentre dans cette cellule N°2, cachots sombres, vides, bien froids à double porte, une grille qui sépare la porte d’entrée sans kit d’hygiène, ni draps, ni stylo, ni feuille avec moi pour informer mes proches. Toutes les une heure, un chef, un lieutenant vient passer dans ma cellule pour discuter avec moi, voulant comprendre pourquoi j’avais réagi ainsi et pendant 2 jours qui suivaient les surveillants venant les uns après les autres me demandèrent ce qui s’était vraiment passé ?
Dans l’après-midi même, on me fit signer le compte-rendu d’incident. C’est comme un rapport m’accusant de m’être agrippé, d’avoir violenté un surveillant pénitentiaire lors d’une intervention musclée pour maîtriser un détenu ayant voulu forcer un barrage et menacer le surveillant.
Très vite en lisant ce rapport, je compris qu’il s’arrangeait pour me le faire payer très cher. La direction pénitentiaire reconnaît très rarement leurs erreurs ainsi que la mise en cause de leurs propres agents personnels. C’est une équipe, une famille, les liens de la famille avant les liens du sang, c’est être assermenté devant la loi.
Le vendredi après-midi, de 14 h à 14 h 30, la porte de ma cellule au quartier disciplinaire s’ouvre et un chef, escorté de plusieurs surveillants, vient me chercher pour que je passe à cette fameuse commission devant le directeur, un assesseur de lieutenant et un surveillant. Je rentre donc dans cette petite salle derrière un bain vitré, la greffière vient vers moi me faire signer un papier et le directeur de l’établissement. On commence le débat en me disant monsieur à ce jour, vous êtes reproché d’avoir agressé un de mes agents lors d’une intervention alors qu’il venait pour maîtriser un détenu, vous êtes venu les en empêcher. Cette faute est très grave. Il commença à hausser la voix et le ton pour me réprimander, me dire que les agents pénitentiaires effectuent leur travail et que le détenu n’avait pas obéi aux règles de l’établissement. Après 10 min de gesticulation et de discours, il me regarda fixement et me dit : « Voilà ce que moi j’ai dans le dossier comme pièce matérielle vous concernant et à aucun moment je ne peux croire votre version. »
Moi, je lui dis exactement comment la scène s’est passée ainsi que mon état d’esprit et pourquoi j’avais réagi face à cette injustice, mais il resta sur sa disposition à me réprimander, car c’est lui la loi.
J’essayais malgré sa rigueur et son incompréhension de lui expliquer que j’avais fait mon devoir civique et que j’évitais justement une grosse bavure professionnelle, car j’avais déjà vécu auparavant la mort d’un détenu à cause d’une altercation de ce genre. Je m’étais excusé, mais j’avais fait mon devoir tout comme je l’avais fait en 2009 dans un autre établissement, à mon poste de travail lors d’une altercation entre un détenu et un surveillant pénitentiaire pendant la distribution des draps. J’avais dû prendre le parti du surveillant qui se faisait agresser par ce détenu avec une fourchette. J’avais été convoqué à cette année par la directrice. Pour être honoré et félicité, cela avait été un acte de bravoure très respectable. Eh bien, c’est la même valeur que j’ai gardée, autant pour ce détenu tout comme je l’aurais fait à l’extérieur : mon devoir civique pour un citoyen en danger. Porter assistance à une personne en danger n’est pas une loi à prendre à la légère, mais celle-ci n’arrange que certains. Il m’interrompit plusieurs fois toujours dans les contestations, me disant : « C’est vous qui le dites, moi en tant que directeur, j’ai le témoignage de mes agents ». À vrai dire, c’était le 3e directeur que j’avais connu par mon expérience et mon parcours carcéral qui menait son établissement d’une main de maître. Il me fit son éloge, ces 30 ans d’expérience, son CV avec une grande éloquence, et fierté me disant :
Je ne suis pas assis dans ma tour d’ivoire, moi je connais dans le moindre détail ce qu’il se passe dans ma prison. Si vous vous prenez pour un justicier alors, passez le concours, car vous n’êtes pas assermenté pour ce rôle ; moi je suis directeur et je le suis, c’est par mes capacités et mon mérite que j’en suis là ; chacun à sa place occupez-vous de faire votre peine c’est tout.
Monsieur le directeur, puis-je faire une parenthèse ? lui dis-je. Une de mes connaissances en 2016, dans la précédente prison où j’étais, a été assassinée par étouffement lors d’une intervention musclée. Comme vous le savez, il a fallu que certains détenus se battent et se mettent debout pour que la justice et la vérité de cette affaire soient connues au grand jour, il a fallu faire remonter aux médias, au juge, au procureur, cette altercation pour qu’il y ait des enquêtes, sinon l’affaire serait restée interne et camouflée. Ce serait un compte-rendu, une série, un rapport rédigé, un exposé des faits selon certaines lignes directrices qui ne mettent jamais la responsabilité des surveillants en cause ; tout comme le compte-rendu d’incident de ce dossier, des pièces matérielles. Comme vous dites que vous gardez votre position ; moi je suis réaliste, dans 99 % des cas, les détenus sont fautifs et ont souvent tort, mais les 5 % restant sont des dérapages ; que vous vouliez l’entendre ou pas, c’est une réalité existante que nous les détenus vivons et cela se passe dans votre établissement Monsieur le Directeur.
Il me contredit aussitôt, me disant :
Monsieur, on n’a pas les mêmes chiffres.
Monsieur le directeur, il y aura toujours des hommes pour se lever et défendre la justice et la vérité. Non pas pour l’idéologie, mais parce que ce sont leurs valeurs qu’elles défendent.
Il me dit qu’il y avait déjà des professionnels pour cela et qu’on n’avait pas besoin de moi. Cela me fit rire avec un sourire aux lèvres. Je lui répondis :
Pourtant, vous responsabilisez les détenus ; pour effectuer leur devoir civique quand vous les sollicitez, pour venir vous informer des risques suicidaires ; des pensées fragiles de certains détenus ayant reçu une mauvaise nouvelle. Vous demandez donc à certains détenus de faire leurs devoirs civiques, de vous informer des trafics et de tout ce qui se passe dans l’établissement. Cela ne vous dérange pas quand ils le font. C’est un devoir et une responsabilité du détenu aussi je ne sais pas si vous êtes conscient, Monsieur le Directeur, et si les surveillants pénitentiaires le sont aussi, mais vous êtes le miroir et l’image de la société pour nous détenus qui purgeons une longue peine et de longues années d’enfermement. La société, nous la voyons à travers la télévision et les intervenants qui viennent en prison pour nous faire des activités socioculturelles ; ainsi que nos proches au parloir et surtout Monsieur le Directeur, les surveillants pénitentiaires. L’intégrité et la conduite des surveillants font partie du processus de réadaptation sociale pour les prisonniers ; tout comme le surveillant ne se lève pas le matin, pour venir se faire insulter ni se faire cracher dessus ni mettre sa vie en danger, mais exécuter des ordres, faire respecter les règles, et répondre à ses devoirs et à ses responsabilités. Tout comme le détenu a des devoirs et des responsabilités de suivre les règles et exécuter sa peine au mieux ; sans être provoqué par certains agents.
Monsieur, nous allons délibérer, me dit-il en frappant sur son bureau. Veuillez sortir, nous vous rappellerons une fois que notre décision sera prise.
Je fus mis dans une salle d’attente et 15 min après, on m’appela et je revins en face d’eux. Le directeur me fit part de sa décision qui était de 13 jours d’enfermement au mitard :
Monsieur, je voulais aussi vous retirer de la formation Phénix informatique, mais j’ai été dans mon bon jour aujourd’hui. J’ai écouté mon assesseur qui est de bonne humeur aujourd’hui donc je vous mets en sursis pendant 6 mois, me dit-il en me regardant fixement dans les yeux.
Je pris 3 min de réflexion pour analyser cette sentence puis je lui répondis : « J’accepte cette sentence de 13 jours. Par contre, j’arrête de moi-même la formation, de mon plein gré dans l’attente de mon transfert pour me rapprocher de ma compagne ». Il me fit signer puis je sortis de la salle pour aller au cachot juste à côté. Juste après, l’un des chefs qui me ramenaient me dit que le directeur avait été très dur avec toi quand même. Je le regardai avec un large sourire, comprenant que j’avais décidé librement de choisir de servir et de défendre la justice et la vérité, de défendre mes valeurs peu importe le prix à payer et que pour montrer que je suis digne, la vie m’éprouve. Par ces 13 jours, mon mérite fut éprouvé.
Aujourd’hui, samedi 18 septembre, la porte s’ouvre et les bruits des clés me réveillent. Il est 7 h du matin.
Bonjour, monsieur, voulez-vous une douche et une promenade en matinée ? me dit-on.
Oui, ce matin je souhaite aller en promenade, mais que je veux prendre ma douche avant, répondis-je encore dans mon lit sous ma couverture en ouvrant à peine l’œil.
OK, me répondit un premier surveillant-chef d’une grande allure pas loin de la soixantaine, très respectueux et de la vieille école. Un an de fin de carrière, bientôt je pars à la retraite.
Et de là s’installe une conversation avec lui en oubliant l’heure puis je pars prendre ma douche, et récupère dans mon casier, situé dans une pièce à côté, mon savon et mon accessoire de douche, car mes vêtements ne m’étaient pas donnés. Une bonne douche du matin pour bien se réveiller, quoi de mieux ?
Sous ma douche, faisant mon shampoing, lavant mes locks, 1 large sourire au coin de bouche, une mélodie me vient à l’esprit et m’emporte dans un flou musical où je commence à chanter la positive attitude, me parlant à moi-même. Puis me vinrent les souvenirs de mon parloir précédent avec ma femme qui était venue me rendre visite. Comme à nos habitudes, elle réservait un hôtel pour la nuit, elle se réveillait le samedi matin vers 7 h au calme et quittait le domicile aussitôt après s’être préparée en direction de la région parisienne, quittant le sud-ouest de la France. Plus de 500 km de trajet et 500 km pour le retour. J’étais incarcéré en Île-de-France. Nous avions parloir le samedi après-midi et dimanche matin. À 15 h 10, je demandais un parloir prolongé par rapport à la distance parcourue pour maintenir les liens du couple. Donc le dimanche matin était un jour nostalgique pour moi, surtout vu que je suis actuellement au cachot.
Moi, sous la douche, avec l’odeur du savon parfumé, les jets de l’eau chaude qui me relaxait le corps ; je me douchais en me laissant aller à travers tous les bons souvenirs de mon parloir ; sachant qu’elle avait quitté la prison avec de terribles douleurs sur le côté gauche du bas du ventre. Cette souffrance la handicapait tellement, depuis plusieurs jours, que face à cette évidence, je lui conseillais de partir aux urgences, car semble-t-il qu’elle n’arrivait même plus à bouger, des contractions, de fortes douleurs l’immobilisaient. Je craignais pour son retour seul en voiture après plus de 500 km de trajet. Elle avait quitté Paris vers 15 h et enfin vers 22 h du soir, elle arriva dans sa région du Sud-ouest tellement fatiguée, remplie de douleur. Une fois chez elle, elle n’avait même plus la force d’aller aux urgences à cause du calvaire du trajet. Donc elle prit la direction de sa chambre et se mit au lit jusqu’au lendemain matin où elle partit à l’hôpital et bien ? Arrivé là-bas ! On la consulta et bim ! « Madame, on vous garde, vous avez frôlé la mort. Vous serez venu plus tard, c’était fini. Je suis même étonné que vous soyez encore debout ».
Elle a eu droit à plusieurs analyses. On la garda à l’hôpital, le médecin et le chirurgien lui annoncèrent une perotonite au niveau de l’intestin. Mais tellement cela s’était aggravé qu’elle ressentait la douleur jusqu’au bas du ventre incroyable. Elle était très inquiète de laisser ses enfants seuls au domicile. Cela se compliquait. Cela faisait déjà 3 jours qu’elle était à l’hôpital, sans manger, affaiblie. Le mardi soir, on s’était appelé, on discutait et regardait même le même film du soir ensemble. Elle dans sa chambre d’hôpital et moi en cellule en détention. En se quittant vers 23 h du soir par message, je l’embrassai et lui dis à demain, où elle était, où elle devait attendre la décision des médecins pour savoir si elle pouvait rentrer chez elle et si les antibiotiques avaient pu effectuer leur travail de fond sur son corps.
Donc la nuit passa et le mercredi matin, je partis en formation vers 8 h du matin. Dès mon retour vers midi de ma formation informatique, je l’appellerai aussitôt pour connaître la décision des médecins et savoir s’ils allaient la garder encore ou si elle pourrait rentrer chez elle.
Mais avec les aléas de la vie, on décidait autrement. Dès le matin, après être sorti de ma cellule, cette altercation me tomba dessus, et me voici au cachot au quartier disciplinaire.
Tout en me rinçant les cheveux sous l’eau, j’ai mis l’eau un peu plus chaude pour bien me relaxer le dos. On est samedi matin, cela fait 4 jours que je suis ici dans ce cachot sans avoir pu prendre ou pu donner de mes nouvelles, et là en sortant de la douche et en m’habillant, je décide d’aller demander au chef pourquoi je n’ai pas eu droit à un appel ni à une enveloppe timbrée pour écrire et informer ma famille, car cela était un droit pour chaque détenu placé en quartier disciplinaire de pouvoir appeler leur avocat, informer leurs proches. Donc, je continue mon discours en disant à ce chef : « Même si je décide de faire appel de votre décision ou de faire un recours hiérarchique pour contester la décision de ce directeur, je n’ai aucun matériel avec lequel je peux faire valoir mes droits, je n’ai toujours pas pu bénéficier de mon droit d’appel téléphonique, car comme vous le savez, c’est la loi qui autorise un appel. »
Sur mon insistance, il m’a accordé mon appel et m’amène un stylo et un bloc-feuille. Je décide donc d’aller en promenade, il est 7 h 45 du matin, seul dans cette petite cour de promenade de 12 m², je fais les 100 pas respirant l’air ; le visage vers le ciel, cela faisait 4 jours que je n’étais pas sorti du cachot. Les rayons du soleil me percent la peau et m’éblouissent les yeux, je respire et m’exclame à voix haute : « Waouh ! »
Je prends conscience où je suis ; ici et maintenant comme si j’étais dans un autre monde avant et que je revenais sur terre en tant qu’observateur et spectateur de ma vie. Puis me revient en mémoire le discours du directeur, l’absence de reconnaissance de leurs erreurs et j’analyse comment je suis en train de vivre actuellement cette situation ; j’ai quand même vécu deux situations et contextes, entre l’altercation du surveillant avec le détenu auquel j’étais intervenue, et ma vie en détention. L’univers du quartier disciplinaire, le cachot où le temps s’arrête, où les mouvements et l’action deviennent passifs, le fond du trou ; face à toi-même et dans ce raisonnement défilent dans mon esprit toutes ces choses. Moi, toujours faisant les 100 pas comme un lion en cage, je me sentais réduit, illimité dans cet environnement et cet univers. Deux autres prisonniers rentrent chacun tour à tour dans leur cour de promenade, il y avait 3 cours au sein de cette prison. Moi, je suis dans celle du milieu, à ma droite, un détenu congolais, et à ma gauche un Maghrébin, ce fameux détenu pour qui j’avais dû intervenir ; il m’appelle : « Eh, mon pote, comment tu vas ? Je tenais à te dire merci, merci encore, mais pourquoi as-tu fait ça pour moi ? On ne se connaît pas. Qui d’autre parmi les détenus au sein de cette prison aurait fait ça ? Personne, frérot, ça fait des années que je suis ici, mon gars, je te le dis. Tu as agi par tes principes et c’est très respectable et honorable, ton geste. »
Nous discutions quand soudain apparurent le chef et 2 agents pénitentiaires sortis fumer leurs cigarettes juste devant la porte de notre cour de promenade. L’un d’eux répliqua : « Eh oui, c’est dommage pour lui, c’est un bon gars. Le détenu que j’avais aidé lors de l’altercation avec le surveillant se surnommait Croco, il avait 22 ans. Au fond de moi, je me revoyais à son âge, dans ma jeunesse, fougueux, insouciant. »
Je fis un large sourire bêtement, le cœur apaisé, je répondis à Croco : « Excuse-moi, Croco c’est ton surnom ? »
« Oui frérot », me répondit-il.
« OK, Croco, tu sais, je n’ai pas agi ainsi pour toi, je l’aurais fait pour n’importe quel autre détenu. Même si je ne le connais pas, je l’aurais fait aussi pour un surveillant pénitentiaire qui se serait fait agresser par un autre détenu ; tout comme j’ai fait mon devoir civique en portant assistance à une personne en danger. C’est un choix, ma responsabilité si je décide librement de servir et d’assumer mes valeurs. Je n’aime pas l’injustice et il doit y avoir un juste équilibre en toute chose. »
Les 2 détenus ne parlent plus, m’écoutant attentivement, absorbant mes paroles comme pour s’en nourrir, les surveillants me regardent à travers la porte du grillage de cette promenade hochant, la tête, l’air de vivre l’empathie. C’est un côté humain et derrière chaque uniforme il y a un homme avec son bagage personnel qui détermine sa personnalité et qui il est. Et sur ces quelques minutes d’explication, nous sommes restés des heures, durant toute la promenade, à discuter et à partager chacun nos vécus, nos expériences, nos idées, nos ressentis ainsi que nos points de vue. C’est étrange parce que cela fait presque un an que je suis dans cette prison et que ces 2 détenus vivaient à quelques mètres de moi en haut dans le bâtiment. Nous étions dans la même prison, dans la même galère, dans le même bateau pourtant, sans jamais avoir pu nous dire bonjour ou même discuter. Il a fallu cette situation et qu’on soit au quartier disciplinaire, au mitard, dans cette épreuve loin de l’agitation des mouvements et de l’ambiance carcérale pour que chacun de nous se rencontre et se voie. C’est bien dans ce contexte que peu à peu nous reconnaissions et prenons conscience de la valeur humaine, de notre identité et de nos aspirations profondes. À chaque fois, nous continuerons d’être éprouvés par la vie, je demande à l’un d’eux s’il fume, il me répond « bien sûr, frérot », mais qu’il est en galère, qu’il n’a pu rien gérer. Je lui dis d’attendre, car je vais leur envoyer quelque chose. Je leur renvoie chacun un bon bout de cannabis, de quoi tenir 2 à 3 jours. Tous contents, ils se précipitent pour rouler chacun leur joint et nous reprenons notre discussion jusqu’à ne pas s’apercevoir de la fin de la promenade. Quand le chef vint pour nous ramener chacun à notre tour dans notre cellule, on lui dit : « Chef, il est déjà l’heure, le temps passe trop vite, laisse-nous encore 30 min ».
Tout en rigolant, nous nous saluons chacun : « Allez, à demain, les gars. Courage, force et énergie, on se reprend demain en promenade. Passez une bonne journée et une bonne soirée. »
En rentrant dans mon petit cachot, je profite pour demander une balayette et une pelle afin de nettoyer, on m’apporte aussi une serpillière et je me mets aussitôt torse nu et commence à mettre du savon sur les murs, les WC, le lavabo à nettoyer ce petit 8 m² de fond en comble, pendant plus de 1 h. Quand la porte s’ouvre, il est l’heure du repas : 13 h. Je rends la serpillière et cette balayette et récupère mon repas, je demande au surveillant à quelle heure je pourrais appeler ma femme, il me dit qu’il repassera dans 10 minutes. Si je suis prêt, OK pas de problème. Je me précipite pour manger, mélangeant deux barquettes de haricots verts et de poissons panés d’un trait, puis quand il revient, je suis prêt. Il m’amène à plus de 5 mètres de distance dans une cabine téléphonique accrochée au mur dans une mini pièce. Je composai mon code téléphonique et le numéro de ma compagne, et ma « Baby love » répondit aussitôt : « J’ai eu peur, sans nouvelles depuis tout ce temps… Comment vas-tu, que deviens-tu, je n’ai plus de tes nouvelles, que s’est-il passé ? »
« Eh bien, chérie ! je suis au cachot pour une période de 13 jours, décision rendue par le directeur. Mercredi matin en allant en formation, il y a eu un dérapage entre un surveillant et un détenu et instinctivement, j’ai voulu m’interposer. »
« Oh là là, je connais déjà mon homme ! » s’exclama-t-elle.
« Bon, et toi ? Depuis ton hospitalisation je n’ai pu prendre de tes nouvelles, 4 jours de galère sans qu’ils me donnent de quoi écrire ni me permettent d’appeler. Comment donc s’est passée ta sortie de l’hôpital ? »
« Eh bien, j’ai demandé à sortir mercredi matin, car les médecins souhaitaient me garder encore et me prescrire un traitement pour une semaine. Je me sens un peu faible et j’ai souvent des nausées, mais j’ai repris le taf. Obligée, tu vois ? »
« OK ! fais attention à toi, bébé, et ménage-toi un peu. »
« Sinon, comment vis-tu cette situation, chéri ? »
« Oh tu sais, ma puce, si c’est le prix à payer et que je dois être éprouvé pour mes valeurs, je l’assume pleinement. Cela ne peut me rendre que plus fort, je commence à prendre en maturité et je relativise beaucoup sur ma vie. C’est vrai, avec du recul je m’aperçois que je pénalise beaucoup mes proches, mais c’est ainsi, cela ne va pas m’affaiblir ni me fragiliser. Bien au contraire, on continue d’avancer droit devant, car sur le papier il me reste encore 10 années à effectuer. On tient nos objectifs et je garde la positive attitude, surtout que c’est un mal pour un bien quand on regarde bien, puisque depuis que j’ai reçu mon bloc-feuille et mon stylo, le goût de l’écriture est revenu. Mon inspiration va s’exprimer pendant cette période, j’ai commencé à écrire mon prochain livre, chérie, et j’en suis à la page 6 ! »
« Sérieux ? »
« Je te dis, bébé. »
« Waouh, bravo ! c’est une très bonne chose, continue, mon homme, voilà qui est bien. Au moins, tu prends les choses du bon côté. »
« Tiens bon. OK, ma puce ? Si je le peux et s’ils m’en autorisent, je t’appellerai la semaine prochaine, ou alors j’essaierais de t’écrire si je reçois mes enveloppes timbrées. »
« OK, allez gros bisous et bon courage à toi. »
« Je t’aime, je t’aime », puis j’appelai le surveillant qui me ramena dans mon cachot.