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À l’aube de leurs quarante ans, Sabrina et Louis s’envolent pour une quinzaine de jours en Thaïlande. Dès leur arrivée, un événement inattendu fait surgir une figure du passé de Sabrina, perturbant l’harmonie de leur couple et déclenchant une série d’émotions imprévues. Tandis que les ombres de son passé se manifestent, Sabrina se lance dans un voyage intérieur, découvrant des forces insoupçonnées en elle-même. Entre rencontres mystérieuses, souvenirs enfouis et quête de soi, L’œil en coulisse vous invite à suivre un parcours de transformation et de résilience.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Sandy Sanzey utilise l’écriture pour exprimer ses émotions et panser les blessures de sa vie. "Dans L’œil en coulisse", elle vous invite à un voyage intimiste, empreint de réconfort et d’espoir, où chaque mot devient une promesse de guérison.
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Seitenzahl: 296
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Sandy Sanzey
L’œil en coulisse
Roman
© Lys Bleu Éditions – Sandy Sanzey
ISBN : 979-10-422-3962-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. Mais peu d’entre elles s’en souviennent.
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince
L’amour ne voit pas avec les yeux, mais avec l’âme.
Shakespeare
À Ma Mie
À mes enfants
Aujourd’hui, jeudi, Sabrina rentre tôt du bureau. Elle ressent, depuis ce matin, un certain vague à l’âme. Elle ne sait pas pourquoi. Après s’être préparé un thé au jasmin, elle se dirige vers sa chambre et sort sa valise du dressing. Elle promène son regard sur sa garde-robe et toise avec froideur ses vêtements d’hiver, pas qu’elle n’aime pas les porter, mais ils ne lui seront aucunement utiles pour sa prochaine destination de vacances. Ses yeux, en se posant sur ses affaires d’été, pétillent de joie et vibrent de gaieté dans tout son corps. C’est donc avec un entrain exubérant qu’elle choisit ses plus belles pièces : robes aux étoffes délicates, jupes vaporeuses, tops à dentelle festonnée, sa chemise en guipure, mais aussi des basiques tels que des tee-shirts, des shorts, des pantalons en toile, sans oublier les indispensables en toute saison, un jean, une veste en molleton et une autre en jean qu’elle dépose sans grande conviction au fond de la valise. Dans plusieurs pochons en tissu sont rangés, sandales, sneakers et tongs qui sont placés dans l’autre compartiment du bagage. Le reste, elle le préparera à la dernière minute.
Satisfaite et heureuse d’avoir déjà bien rempli sa valise, elle remarque qu’elle en a oublié de boire son thé. Le sourire aux lèvres, un peu bête : « Trop pressée ! Trop pressée ! » lui dit sa petite voix intérieure qui se moque d’elle. Elle retourne dans la cuisine faire réchauffer son thé au micro-ondes et va s’installer sur le canapé. Attirée par le porte-vues duquel dépasse un des guides de voyage, acheté quelques mois plus tôt, du futur pays qu’ils s’apprêtent à visiter, elle étire le bras gauche et s’en empare. Certaines pages cornées, d’autres, froissées et même quelques-unes tâchées de café témoignent des nombreuses manipulations et lectures. Sabrina relit avec avidité et grand intérêt les passages surlignés en jaune. « Calme-toi ! » se dit-elle en réfrénant son impatience. « Encore cinq jours avant le départ. » « Non ! Plus que cinq jours avant le départ », rectifie-t-elle.
À la fois excitée et angoissée sans raison apparente par ce séjour, elle boit son thé tout en le feuilletant encore et encore quand la porte d’entrée s’ouvre. C’est Louis. Dans le vestibule, elle l’entend se déchausser et accrocher sa veste dans le placard puis il arrive dans le salon. Il lui dépose un baiser sur les lèvres et, en se dirigeant vers la cuisine pour se laver les mains, déclare sur un ton enjoué :
— Tu relis encore ce guide ! Tu vas le connaître par cœur à force !
— Ça me permet de patienter, lui répond-elle en insistant sur le dernier mot.
Lorsqu’il revient, Sabrina perçoit un sourire moqueur au fond des yeux de son mari, mais elle ne relève pas. Il prend place sur le canapé quand Sabrina se lève pour aller préparer le dîner.
L’assiette de pâtes à peine terminées que le film commence. Sans intérêt, cette fiction l’incite à aller se coucher. La douche terminée, les dents brossées, la nuisette enfilée, elle rejoint son lit avec joie et s’abandonne aux bras de Morphée.
Enfin ! Je suis sauvée. Je suis en sécurité. Je suis intouchable. Je suis libre. Libre de rêver, de penser. Libre d’être moi-même.
Dans mon petit hélicoptère, je savoure cet instant. Instant tant désiré. Je l’avais attendu toute la journée, secrètement, intensément, sans être sûre de pouvoir m’y réfugier. Je ferme la porte précautionneusement et en silence. Et, la première chose que je fais à chaque fois est de respirer. Oui, respirer à pleins poumons. L’air y est plus appréciable. De l’air pur. Non contaminé, non vicié par l’odeur du tabac. Je ne suffoque plus. Je ne restreins plus ma respiration. J’inspire goulûment, par le nez, par la bouche. Puis de longues et paisibles inspirations.
Ensuite, j’écoute. Le silence. Aucun bruit, aucun hurlement, aucune agitation ne parasitent mon ouïe. Je m’amuse alors à percevoir le moindre bruissement, cliquetis, son. Rien. Seulement le balancement folâtre et allègre de mon cœur. Rien ne trouble le silence qui ambiance mon cocon. Quel bonheur ! Je retrouve le calme, la tranquillité à laquelle j’aspire tant.
Enfin détendue, je tire le levier et je décolle. Puis, le trou noir pendant quelques secondes. Comme d’habitude.
Soudain, je me retrouve dans un esquif en bois léger sur un océan ou une mer sans rivages. Seule. Bien que mon bateau ressemble à une périssoire, je ne ressens aucune inquiétude et bien que je sois seule, je ne ressens aucune peur. Je me laisse aller tel un objet perdu au milieu de l’infini. Le temps ralentit son pas et m’offre un véritable répit.
Le ciel céruléen et épuré, dépouillé de gris-blanc, affleure l’horizon et tous deux ne font presque plus qu’un. Des nuances de bleu, partout, à perte de vue. Infiniment beau.
Aucun obstacle ne bride ma vue charmée par la magie de ce paysage enchanteur. Le soleil, au zénith, caresse de sa généreuse ardeur l’étendue étale et saupoudre de myriades de particules d’or sa surface. Mes yeux, à chaque fois, doivent s’accommoder à cette lumière éclatante, presque aveuglante. Mais ô combien réconfortante.
Mon âme et mon corps s’enivrent d’une délicieuse chaleur. La mer, dont le fort parfum iodé entre par tous les pores de mon être, me grise d’une énergie positive.
Puis, un vent léger et doux, tel le zéphyr, vient me lécher le visage et me chuchoter à l’oreille une douce mélodie. Le clapotis de l’eau chatouille ma frêle embarcation et me berce. Les yeux fermés, je ne peux m’empêcher de sourire béatement.
Voguant sur ces flots sereins, j’entends soudain un cri plaintif qui me fend le cœur. J’aperçois un oiseau de mer qui vient troubler cette merveilleuse sensation. Celui-ci au plumage noir et blanc me fait sourire avec sa huppe noire hirsute. Mais son long bec pointu m’effraie un peu. Il survole mon embarcation. Comme je l’envie. Aucune entrave ne l’empêche de voler. Je l’observe, car il m’intrigue. Lui aussi me surveille. Il descend, fait du sur place. Il n’est qu’à quelques mètres. Je reste immobile. Il penche sa tête vers moi. Une bande blanche au-dessus de ses yeux lui ceint la tête comme un bandeau et une bande noire barrant son œil droit lui donne l’air d’un pirate. Ses yeux marron foncé me scrutent pendant quelques instants. Je perçois alors son regard empreint de tendresse. Aurait-il ressenti la souffrance tout au fond de mon cœur ? Je me sens rassurée.
J’ai envie de le toucher, de le caresser alors je tends le bras doucement, mais trop tard, il s’envole. Je suis déçue. « Peut-être lui ai-je fait peur ? » J’aurais tant aimé l’entourer de mes bras, j’aurais aimé qu’il reste à mes côtés. J’aurais aimé lui parler, lui raconter…
Puis, tout autour de moi, des éclairs d’un bleu turquoise fendent l’eau. Éblouis par une telle intensité de lumière, mes yeux clignent et se ferment. Lorsque je les rouvre, quelques secondes plus tard, apparaissent des nappes d’un bleu translucide qui nimbent mon bateau et contrastent avec le désert aquatique doré. Nullement médusée par ce spectacle à la fois effrayant et féerique, je me sens de mieux en mieux. Je me retrouve, je suis moi-même. Poussée par la curiosité, je me penche de part et d’autre de mon canot. Une multitude de poissons aux couleurs éclatantes dansent, virevoltent, tournoient. Leurs parures élégantes et somptueuses, aux teintes vives et intenses, s’apparentent à des coups de pinceau minutieusement déposés sur la toile, offrant un beau tableau exotique.
Tout à coup, mon regard se porte plus particulièrement sur un poisson à la robe d’un jaune orangé vif. Des zébrures blanches verticales bordées de bleu marine étirent son corps plat. Je l’observe attentivement et remarque qu’il a deux taches noires, rondes, l’une d’entre elles étant de taille plus importante. Je reconnais son œil, mais l’autre m’interpelle. Elle est située à l’extrémité de son corps, vers la partie supérieure, près de la caudale jaune pâle. « Cet étrange et magnifique poisson aurait donc deux yeux sur le même flan ! me dis-je. Bizarre ! »
À ses côtés, un de ses semblables l’accompagne, mais celui-ci, plus gros et plus grand, n’a qu’une seule tache noire, son œil. « Pourquoi ? » Aucune hypothèse ne me vient à l’esprit. Puis, « Ah ! Peut-être est-ce sa maman ? » dis-je enthousiaste à haute voix.
Placides, tous deux semblent flâner, barguigner au milieu de la foule animée, à la recherche de nourriture certainement. Ce bal, peuplé de robes madrées, rayées, moirées, de couleurs somptueuses, de frou-frou, dépose sous mes yeux un décor multicolore saisissant. Mon regard hypnotisé contemple ce ballet joyeux et grouillant.
Je décide alors de les rejoindre. Afin de ne pas les effrayer, je me laisse glisser doucement et me retrouve parmi eux. La mer m’accueille en son sein chaleureux, m’étreint de son onde suave, comblant mon cœur et mes sens. Certains poissons, dès mon entrée dans l’eau, se sont enfouis, d’autres écartés. Me tenant fermement d’une main à ma nacelle ; je ne sais pas nager, je dégourdis mes jambes lentement. De l’autre main, j’essaie tant bien que mal de toucher mes nouveaux camarades, mais je n’y parviens pas, ils sont beaucoup trop vifs pour moi.
Soudain, à environ une trentaine de mètres, un aileron court et triangulaire d’un gris foncé émerge de la surface. Il se dirige vers moi à vive allure. Apeurée, je remonte précipitamment dans mon bateau et m’allonge sur le ventre. Immobile. Les jambes raidies, mes genoux commencent à s’entrechoquer en des spasmes irréguliers. J’essaie de me faire aussi petite que je peux. Être invisible. Mon pouls s’affole. Des palpitations effrénées soulèvent ma poitrine. Le battement de mon cœur, dont le vacarme analogue à celui du tambour, résonne dans mes tempes et frappe d’un rythme vif toutes les parties de mon corps. La gorge sèche, les mains moites, une peur panique s’empare de mon esprit. Mes mains se rejoignent en un mouvement convulsif et se pressent l’une contre l’autre sans pouvoir se calmer. Folle de terreur, je me crois perdue. Je souhaiterais disparaître. Je m’attends à tout instant à voir surgir un monstre marin qui va m’engloutir telle Charybde, surgissant des profondeurs et remontant par spirales.
Mais aucun remous ni tourbillon ne trahit son arrivée. Rien ne se passe. Aucun bruit de nageoires ni de mouvement de l’eau. Les flots conservent le gracieux de leur sérénité. Alors, lentement, je me redresse, les yeux aux aguets.
Brusquement, une tête qui ne m’est pas inconnue sort de l’eau. Un dauphin ! Ce n’était qu’un dauphin ! Son corps parfaitement lisse rassemble différentes nuances de gris sur son dos. Son ventre, entièrement blanc, contraste avec le gris, plus clair, de ses flancs. Je le trouve à la fois très élégant et fascinant.
Il tourne plusieurs fois autour de mon embarcation puis il s’arrête. Face à moi, très proche, il reste à la verticale, la tête hors de l’eau. Je n’ai qu’à me pencher un peu et tendre la main pour le toucher. Mais, je n’ose pas. Il incline la tête d’avant en arrière comme s’il souhaitait me saluer. Toutes mes craintes alors se dissipent. Rassurée. Un étrange et réconfortant contact visuel se crée entre nous deux. Je sens qu’il me comprend. Ses prunelles d’un noir intense ne se détachent pas de mes yeux. Il tente de me consoler et m’invite à jouer avec lui. Très communicatif, il commence par émettre des sifflements aigus entrecoupés de clics. À mon tour, j’essaie tant bien que mal de l’imiter. Je vocalise, je chante, je ris. Il me sourit, étalant ses nombreuses petites dents pointues, semblables à des quenottes. Puis, il saute à la verticale, bondit en avant et lorsqu’il retombe dans l’eau, des jets d’écume giclent sur mes vêtements et mes cheveux. Trempée jusqu’aux os, j’éclate de rire. Ensuite, il entame une série de tourbillons et pivote comme une toupie. En le regardant, il me donne le tournis.
Ce spectacle dédié à me distraire m’apporte un certain regain de confiance et une sensation de plénitude m’envahit. Je suis tellement heureuse que je me lève et tournoie plusieurs fois cependant mes déplacements et mouvements irréguliers font tanguer mon embarcation de sorte que je perds l’équilibre et tombe dans l’eau.
Je m’ébroue comme un animal enchaîné, des gigotements désordonnés liés à l’affolement épuisent mon petit corps, le souffle commence à me manquer. Je tends les bras comme si j’essayais de saisir quelque chose, de m’accrocher, mais rien. Le soleil me paraît loin, de plus en plus loin. Alors je cesse de me battre. Je me laisse aspirée par le fond.
Soudain, une masse lisse et ferme passe sous mon ventre, me soulève et me transporte vers la surface. Sauvée. Sauvée par le dauphin. En affleurant, je m’agrippe du peu de forces qu’il me reste au bateau. Haletante, je reprends difficilement ma respiration. Exténuée par tant d’efforts colossaux, éperdus de douleurs, mes membres répondent péniblement et traduisent ma faiblesse. Mais, à mes côtés, mon bon samaritain m’accorde son soutien et sa bienveillance en me hissant doucement sur ma barque. Je m’allonge pour reprendre haleine et mes esprits. Mon regard plonge dans l’azur dont le tableau immuable panse peu à peu mon mal être. Éphémère.
Mon sauveur que j’entends barboter ne m’abandonne pas. Au bruit trotte-menu de l’onde, je sais qu’il souhaite attirer mon attention. Avec ferveur, il pousse de petits cris stridulants semblables à des paroles réconfortantes pour me faire réagir. Je me redresse. À ce moment-là, il redouble de vitalité. Sauts, sauts arqués, sauts périlleux, pirouettes, vrilles, tonneaux : des acrobaties impressionnantes ! Je suis conquise. Malgré mes muscles endoloris, j’applaudis encore et encore. Et je sens mes lèvres se retrousser avec confiance et je souris de plaisir. Et pour me faire rire encore davantage, il se penche légèrement en arrière, pivote et retombe sur le flanc. J’éclate en applaudissements.
Insouciante, immergée de bonheur comme dans une bulle dont la légèreté vous emporte au gré de votre imagination. Il m’adresse un long regard, doux comme une caresse puis je le vois s’éloigner lentement jusqu’à n’être qu’un point gris scintillant.
La mer impassible étire inlassablement ses flots dormants à l’infini. Le soleil, aux aplats de pourpre velouté, zébré de raies safranées et de touches violettes, s’éteint engourdi amèrement.
Sabrina se réveille brusquement. Il est cinq heures dix. Elle est bouleversée par ce songe. Rêvé tant de fois pendant les nuits de son enfance, il n’a cependant jamais pris cette tournure dramatique. Jamais elle ne se noyait. Elle ne comprend pas pourquoi il ressurgit en elle et de cette façon. Elle avait chassé, depuis longtemps, les souvenirs douloureux des premières années de sa vie. Elle avait environ cinq ans à cette époque.
Elle se lève délicatement pour ne pas réveiller Louis qui dort paisiblement et va se préparer une infusion à la camomille dans la cuisine.
« Pourquoi ce rêve refait-il surface ? » « Pourquoi vient-il intriguer mon esprit ? » se questionne-t-elle tout en buvant sa tisane. Aucune réponse ne lui vient. Fatiguée, elle n’a pas envie de sombrer dans une analyse scabreuse. Ce n’est pas le moment. Alors, elle retourne se coucher et pour oublier, elle pense à leurs prochaines vacances. Mais, impossible de se rendormir. Elle se tourne d’un côté, puis de l’autre, et ainsi de suite pendant un certain temps si bien que Louis se réveille.
— Qu’est-ce qui t’arrive ? marmonne-t-il.
— Rien, rendors-toi, lui murmure-t-elle.
Elle attend que sa respiration redevienne régulière pour se lever. Dans le plus grand silence, elle choisit ses vêtements, va s’habiller dans la cuisine et fait chauffer de l’eau dans une casserole. C’est beaucoup moins bruyant que la bouilloire. Le thé à la menthe lui rafraîchit les idées sur le moment, mais une mélancolie latente depuis hier matin s’est emparée de son esprit.
L’alarme du téléphone de Louis retentit et quelques secondes plus tard, il est déjà dans la cuisine. Sabrina lui prépare un café en s’excusant de l’avoir réveillé.
— Tu as fait un cauchemar ?
— Oui et non.
Louis, interloqué, par la réponse de Sabrina, l’interroge du regard.
— Tu veux en parler ? s’enquiert-il.
— Non, pas maintenant.
Elle se prépare, l’embrasse et sort de l’appartement. Quand elle arrive au bureau, elle pense que son travail s’emparera de ses idées et chassera ses vieux démons. Mais durant toute la journée, elle ne peut s’abstenir de repenser à cette nuit si étrange, si particulière. Elle a cherché des signes, a tenté d’interpréter ce qu’elle a revécu. Aucune explication évidente ne s’est offerte à elle. Ainsi, la tête embrumée par tant de circonvolutions effrénées, elle est épuisée.
Lorsqu’elle rentre chez elle, elle décide de se délecter dans un bain chaud afin de détendre son corps tendu et son esprit éreinté. La température de l’eau dénoue peu à peu les tensions. Elle se sent mieux. Mais les images s’imposent à ses pensées, sans répit. Ce passé trop lourd rejaillit et s’amarre comme un navire à quai.
Quand Louis regagne le domicile, il est surpris de trouver Sabrina dans la baignoire. Inhabituel. Il comprend que quelque chose ne va pas.
— Comment s’est passée ta journée ? lui demande-t-il après l’avoir embrassée.
— Sans plus !
— C’est-à-dire ?
Sabrina baisse la tête. Elle n’a pas vraiment envie de se confier. Louis insiste gentiment.
— Un problème au travail ?
— Non, chuchote-t-elle.
Pour écourter cette conversation, elle s’empresse de rejoindre sa chambre et ouvre sa valise. Une paire de chaussettes et un k-way, on ne sait jamais, sont ajoutés suivis de son chapeau en paille et de sa casquette. Et pour la nuit, une goutte de parfum suffira ! Cette pensée lui donne le sourire.
— On commande des pizzas pour ce soir ?
— Oui, répond-elle, enthousiaste.
— Une exotique pour toi ou une quatre fromages ?
— Une exotique, s’il te plaît !
Le repas pris devant la télé, comme tous les vendredis soir, est un rituel qu’ils ont instauré depuis leur emménagement ensemble. Pas de préparation de repas ce jour-là. Un moment de détente précédant le week-end, souvent chargé. Après avoir apprécié ses deux parts de pizza, Sabrina, accablée par un manque de sommeil évident, souhaite bonne nuit à Louis et va se coucher. À peine la tête sur l’oreiller qu’elle dort déjà.
La nuit a été difficile, entrecoupée de réveils. Il est six heures trente, Sabrina est déjà debout. Un besoin impérieux et irrésistible de chocolat s’empare de son esprit. Une envie qu’elle doit satisfaire. Maintenant, tout de suite. Dans le placard de la cuisine, une tablette de chocolat aux amandes traîne encore à côté des céréales. « Seulement quelques morceaux ! » Mais finalement, elle la mange entière. Une plaquette aux vertus euphorisantes, une source de bonheur qu’elle savoure avec avidité. Malheureusement, ses effets se réduisent à néant, ils ne chassent pas sa mélancolie. Elle se tourne alors vers les infusions : une à la verveine pour la relaxation, une autre à la valériane contre l’anxiété, et une dernière au millepertuis pour stimuler le moral. Mais rien n’y fait. Plongée dans ses pensées, elle se demande d’où vient son mal-être.
Soudain, un bruit interrompt ses réflexions. Le téléphone de Louis vient de tomber de la table de chevet. Son conjoint arrive, le portable dans la main, en l’inspectant sous toutes les coutures.
— Bonjour, chérie ! Tu es bien matinale.
— Bonjour, chéri. Il n’est pas abîmé ?
— Apparemment non.
Il se sert un café bien corsé et lui demande :
— En forme pour le footing ?
— Oh non… pas envie… pas ce matin.
— Comme tu veux !
Sabrina déroge donc à leur rituel du samedi matin. Ils ont l’habitude d’aller courir dans le parc non loin de chez eux. C’est un moment qu’ils aiment partager. Mais ce matin, Sabrina n’a envie de rien faire, pas le goût de s’adonner à cette activité qu’elle aime pourtant, seulement se prélasser dans le canapé en écoutant de la musique. Louis n’insiste pas. Il se prépare et sort seul.
Elle sélectionne sur son portable Albinoni et insère dans ses oreilles les oreillettes. Allongée sur le sofa, elle se détend en robe de chambre. La musique de ce violoniste italien résonne en elle lorsqu’elle est au plus mal. Les mélodies empreintes de lyrisme viennent la cueillir et la mélancolie des morceaux vibre dans son cœur. Les œuvres de ce compositeur, auprès desquelles elle se complaît, la plongent au plus profond d’elle-même, et paradoxalement la ravivent.
L’asthénie chassée, elle s’empresse de se faire une beauté. Elle enfile sa robe de couleur noire. Son corps moulé dans cette robe fourreau la met en valeur. Elle agrémente sa tenue d’un collier fin multicolore et de boucles d’oreilles en argent, des petites créoles, relève ses cheveux et les attache à l’aide d’une pince crabe. La nuque dégagée, elle sait que Louis adore ça. Elle se maquille légèrement, seulement pour avoir bonne mine et chausse des escarpins noirs à plate-forme. « Rien ne sert de se plaindre, la vie est trop courte pour la mépriser », pense-t-elle.
Louis rentre, dégoulinant de sueur. La course à pied lui a permis d’évacuer ses tensions. Un tempérament calme en apparence qui masque un tumulte intérieur.
Il regarde Sabrina, surpris par sa métamorphose. Réjoui et rassuré, il l’invite à se rendre chez Gino pour le déjeuner. Elle accepte avec enthousiasme, évidemment. C’est leur restaurant préféré : un italien qui prépare des lasagnes exquises et des tiramisus divins. L’un comme l’autre aime se retrouver autour d’un bon repas. Remplir le corps et vider l’esprit grâce à une nourriture riche.
Le repas, largement arrosé d’un Bourgogne enivrant, délie la langue de Louis, lui si avare de paroles. Le voilà volubile. Sabrina, agréablement surprise par le flot de paroles de son mari, le taquine affectueusement. La conversation animée s’avère d’une agréable douceur et ils échangent longuement sur leurs prochaines vacances, prévues depuis longtemps. Ils se préparent à entreprendre un voyage en Thaïlande, pays qu’ils rêvent de visiter. Un périple d’une dizaine de jours qui les mènera de Bangkok à Ko Samui. Mais il leur reste encore trois jours à patienter.
Ils sortent du restaurant l’esprit léger, mais quelque peu embrumé. Dès lors, ils décident de flâner dans les rues de leur quartier, également pour jouir de la douceur de la journée, baignée de soleil. Car ce mois de novembre est particulièrement doux.
Le ventre et l’esprit repus, une joie calme peint leur visage et un sourire béat s’esquisse sur les lèvres de Sabrina. Louis lui prend la main, la serre tendrement puis embrasse amoureusement sa femme dans le cou. Elle incline légèrement la tête, frissonne de bonheur et entoure Louis de ses bras aimants. Cette balade s’avère bien propice au rapprochement de leur corps. De retour à la maison, leurs regards embrasés incendient leur peau comme un vent de feu. Les caresses suaves, escortées de baisers, grisés de sensualité, effleurent leurs sens de volupté. Dans leur étreinte flamboyante, ils s’appellent de tout leur cœur d’une ardeur passionnée où la flamme exulte en cris d’amour.
L’après-midi touche à sa fin. Sabina promène son regard sur son dressing ouvert. « Aurais-je oublié quelque chose ? » « Non, je ne pense pas », se rassure-t-elle. Elle enfile son peignoir et se déplace du lit au canapé où son conjoint étendu passe en revue, pour la énième fois, la liste des visites impératives à faire.
— Encore ! se moque gentiment Sabrina.
Louis reste silencieux et récapitule attentivement toutes les excursions prévues. Le repas copieux et trop arrosé pèse encore un peu sur l’estomac de Sabrina. Elle se lève et se dirigeant vers la cuisine demande à Louis s’il souhaite boire quelque chose.
— Un verre d’eau gazeuse, s’il te plaît.
Elle, elle se prépare une tisane de thym pour stimuler sa digestion. Louis lui propose de dîner, mais elle n’a absolument pas faim. Elle attend patiemment que les vertus apaisantes de l’infusion la soulagent. Et ce vague à l’âme dormant depuis trois jours… Elle a le pressentiment qu’un événement douloureux va se produire…
Louis se mitonne une omelette aux champignons qu’il mange, installé sur le fauteuil en face de Sabrina. La télévision allumée permet de rompre le silence. Sabrina se lève, dépose un baiser rapide sur les lèvres humides de Louis et se rend dans la salle de bain. Elle prend une douche bien chaude puis elle enfile sa nuisette. Sous la couette, elle saisit le livre qu’elle a commencé quelques jours auparavant, en souhaitant que cette histoire futuriste l’emmènera en voyage, loin de cette mélancolie sous-jacente qui la trouble. Du moins, l’espère-t-elle du plus profond de son être.
Confortablement installée dans son lit, bercée et cajolée par les mots d’amour de Simon : « … Alors, je peux vous le dire… Éléa, mon amour… je voudrais être près de toi… sur toi… dans toi très doucement… te rassurer, te réchauffer et te calmer, te consoler, je t’aime… je ne suis qu’un barbare… un arriéré sauvage… je mange de la bête… et de l’herbe et de l’arbre… je ne t’aurai jamais… mais je t’aime, je t’aime… Éléa mon amour… tu es belle… tu es belle… tu es l’oiseau, le fruit, la fleur, le vent du ciel… Jamais je ne t’aurai… je le sais, je le sais… mais je t’aime… »
Sabrina est Éléa. Elle se sent aimée, mais elle ne se sent pas à sa place. Pourquoi ? D’où lui vient ce sentiment ? Elle reprend la lecture :
« Il se tut. Elle parla. Elle dit en français :
— Simon, je te comprends… Il y eut un court silence. Puis elle ajouta :
— Je suis à Païkan… De ses yeux clos, les larmes continuaient de couler. »
Les larmes coulent aussi sur le visage de Sabrina. Elle lit la suite : le magnifique et bouleversant monologue intérieur de Simon puis referme le livre. Ce n’est pas vraiment le genre de roman qui va lui remonter le moral, mais ce récit la captive. Un roman de science-fiction, intemporel, dont les thèmes sont toujours d’actualité : le pouvoir, la suprématie des états, la guerre, et surtout une magnifique histoire d’amour, un amour absolu que chaque être humain souhaite connaître un jour.
Ses paupières se ferment cependant, Sabrina résiste, mais finalement Morphée s’empare d’elle.
Cette nuit-là, elle rêve qu’elle est Éléa, aimée et désirée par Rafael.
Sabrina repense à son rêve. Le songe particulier de cette nuit la perturbe… Elle a rêvé de Rafael. « Pourquoi ? » Cela l’interpelle… Puis après quelques instants, elle pense que c’est sûrement son esprit qui, perturbé en ce moment, doit s’égarer. Elle en ignore la raison. « Peut-être les hormones », pense-t-elle.
Louis se réveille et se lève quelques minutes plus tard. Il a les traits tirés.
— Tu as mal dormi ? Tu as une petite mine, lui dit-elle en lui ébouriffant les cheveux.
— Ah bon ? Pourtant, j’ai l’impression d’être reposé.
En fait, il s’est endormi tard. Il a visionné plusieurs épisodes d’une série. Lorsqu’il s’est couché, Sabrina dormait déjà.
Toute la journée, ils la passent à la maison, à se bercer de regards, à se caresser de mots tendres. Séduit par le visage radieux de Sabrina, étrangement, Louis la dévore de tout son être.
Sabrina va chercher leur album photos de mariage. Celui-ci n’a pas été ouvert depuis leur mariage. En parcourant les pages, elle ne peut se retenir de rire en voyant sa coiffure. Quelle idée avait-elle eu d’onduler ses cheveux en boucles anglaises ! Maintenant, elle trouve cela ridicule et ringard. Pourtant, ce n’est pas si loin, leur union date de cinq ans. Et sa robe blanche, digne d’une princesse, pensait-elle à l’époque, ne trouve plus grâce à ses yeux. Elle aurait dû choisir une robe fourreau afin de mettre davantage en valeur sa taille fine. Elle se moque d’elle-même avec tendresse. Louis n’approuve pas les remarques de son épouse.
— Pour moi, tu étais la plus belle des mariées !
— Tu es trop mignon ! Et surtout très gentil ! Mais pas très objectif. Malgré tout, j’ai envie de te croire.
Ils se remémorent cette journée où le vent, déchaîné, à la sortie de l’église, avait soulevé les robes, emporté les chapeaux et dépeigné les coiffures.
— C’était très pénible ! Je devais sans cesse repousser mes cheveux que le vent amenait sur mon visage et tenir ma robe, tu te souviens ?
— Oui ! D’ailleurs, les photos le prouvent !
Ils éclatent de rire à ce souvenir.
Puis, lors de la soirée de noce, une pluie torrentielle avait martelé les notes de musique dans une ambiance chaleureuse.
L’album de photos refermé, Sabrina le repose sur la bibliothèque. Louis allume la télévision pendant que Sabrina se dirige vers la chambre et revient avec son livre de chevet du moment. Assise sur le canapé, elle commence la lecture. Mais au bout de quelques lignes, son esprit s’évade et la transporte dix ans plus tôt.
C’était un samedi après-midi, le dix-neuf du mois de janvier. La journée froide et humide invitait à rester sous la couette néanmoins Sabrina et une de ses amies, Camille, avaient décidé de faire les soldes. Elles souhaitaient s’acheter quelques vêtements, bref faire un après-midi shopping entre copines.
Les emplettes terminées, elles allèrent boire un chocolat chaud dans un bar qu’elles ne fréquentaient pas habituellement.
Il était rempli de jeunes, l’ambiance était festive ; musique du moment et parties de baby-foot. La discussion entre les deux copines porta sur leurs prochaines vacances. Un mois entier, tout le mois d’août, sur la Costa Brava, à Lloret de Mar, une station balnéaire très fréquentée. Elles avaient loué un appartement avec trois autres de leurs amies. Il était très bien situé, à proximité du centre-ville et de la rue piétonne et surtout en face de la mer.
C’est Sabrina qui avait proposé cette idée : partir en vacances en Espagne. Amoureuse de ce pays depuis son adolescence.
Elle en avait fait la découverte grâce à sa grand-mère qui l’avait emmenée en vacances à Rosas. Sabrina avait alors treize ans. Sous le charme de la langue et de la douceur de vivre, de la sympathie des gens et du climat méditerranéen, elle s’en était éprise immédiatement. Sa grand-mère également si bien que l’année suivante, elles y retournèrent avec le grand-père cette fois.
L’hôtel, où ils avaient séjourné, s’ouvrait sur la mer et sur une plage privée. Sabrina et sa grand-mère aimaient s’y reposer sous les palmiers. L’adolescente appréciait cet endroit, face à la mer. La mer qui la berçait, qui la ressourçait. La mer qu’elle chérira toute sa vie. Extrêmement détendue et à son aise, cet endroit au rythme nonchalant lui seyait très bien. Elle, qui était élevée à coups de « Dépêche-toi ! », ici, elle pouvait savourer la vie sans se soucier du temps.
Les différentes excursions leur avaient offert l’opportunité de découvrir les villes avoisinantes, des ports de pêche, Barcelone qui deviendra sa ville de cœur. Des promenades en mer, des repas sur des petites plages… C’était un doux souvenir.
Depuis lors, elle avait eu l’occasion de séjourner à plusieurs reprises sur la Costa Brava et à Barcelone. Elle ne s’en lassait pas. Mais elle n’était jamais retournée à Rosas. Elle s’était pourtant promis de revenir à l’hôtel Coral Platja, mais à ce jour, elle n’y avait encore pas remis les pieds.
Elle était enchantée de retrouver « son » Espagne. Camille, elle, ne connaissait pas du tout ce pays. Elle était donc très impatiente, tout aussi impatiente que Sabrina d’ailleurs.
— Vivement ! Vivement le premier août ! s’exclame Camille sur un ton enthousiaste.
— Ouiiiiiiiii ! J’ai tellement hâte ! On va bien s’amuser, tu verras !
— D’après tout ce que tu m’as raconté, je n’en doute pas une seconde.
— Oui, Lloret de Mar est une station animée où Allemands, Anglais et Néerlandais se ruent les étés. C’est très festif et… bruyant !
— On va faire la fête ! dit Camille en applaudissant.
— Je te le confirme !
Sabrina esquisse un sourire et dirige son regard devant elle vers le baby-foot où des voix fortes et masculines braillent. Une silhouette se détache du décor. Son regard s’arrête sur un corps athlétique qui ondoie au gré des mouvements des bras et des poignets. Une chevelure blonde et bouclée se dandine, concentrée sur la balle du baby-foot. Il est en face d’elle, à quelques mètres. « Non, ce n’est pas possible ! » Enfin, elle le voit de près, de très près. L’effet est identique, mais encore plus fort.
Son visage, ses yeux, son sourire traversent sa chair et entrent en elle jusqu’à la plus petite de ses cellules. Il met Sabrina sens dessus dessous. Sans doute perçoit-il son regard posé sur lui, car il redresse la tête. Un regard bègue et curieux à la fois. Troublée par ses prunelles d’un bleu-vert d’eau, comme un ouragan qui traverse son esprit, le renverse et le vide. Éblouie et bouleversée, elle a la sensation que sa chaise flotte dans les airs.
— Sabrina, Sabrina ? insiste Camille.
En entendant son prénom, en un instant, son esprit reprend possession de toutes ses facultés et sa conscience la ramène en face de Camille.
— Euh… oui ?
— Tu vas bien ? s’inquiète son amie.
— Oui, tout va bien. Pourquoi ?
— Je te parlais, mais tu ne me répondais pas.
— Regarde qui est en face de moi ?
Camille se retourne discrètement.
— Non ! Imagine n’importe quoi, mais va lui parler !
— Facile à dire ! Je vais aller aux toilettes.
Elle se lève, passe près du baby-foot quand la balle tombe à ses pieds. Elle la ramasse et la lui tend avec un regard sans équivoque planté dans ses yeux. Il la saisit et remercie Sabrina.
— Tu veux te joindre à nous ? lui propose-t-il.
— Oui, si tu veux perdre ! plaisante-t-elle. Salut, moi, c’est Sabrina.
— Salut ! Louis !
Les trois autres joueurs la saluent de la tête.
Et la voilà à ses côtés, fébrile et enchantée. La partie terminée, elle rejoint Camille.
— Bien joué ! lui lance Camille.
— Merci.
Elle n’a pas le temps d’ajouter un mot de plus. Louis est derrière elle pour l’inviter à boire un verre.
— Vas-y ! Vas-y ! insiste Camille.
— Tu es… sûre ? lui demande Sabrina d’un ton indécis.
— Oui, pas de soucis ! On se voit demain, OK ?
— À demain ! Sabrina la remercie en mimant le mot « merci » du bout des lèvres et d’un signe de la main, la salue. Camille sort du bar le sourire aux lèvres.
Sabrina avait remarqué Louis quelques années auparavant. Un physique de jeune premier, blond, mais inaccessible. À plusieurs reprises, elle l’avait croisé dans la rue et l’effet qu’elle avait ressenti avait toujours été identique.
Un peu plus jeune qu’elle, ils n’avaient jamais été dans la même classe ni ne fréquentaient les mêmes amis. Leur rencontre dans ce bar avait été une aubaine.
Réunis à la même table, Louis lui avait raconté ses projets. Il aspirait à s’expatrier au Canada