La comtesse Edwige de Mont-Sorel - Claude Duberseuil - E-Book

La comtesse Edwige de Mont-Sorel E-Book

Claude Duberseuil

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Beschreibung

"La comtesse Edwige de Mont-Sorel" explore avec finesse une symphonie complexe d’amour et de duplicité intentionnelle. À travers les méandres tortueux de l’ennui qui accable une existence trop ordinaire se déploie une réflexion sur la nature duale du désir. L’amour ardemment recherché s’égare parfois dans les dédales d’un érotisme empreint de perversité insouciante. Le mensonge, tel un catalyseur, incite les protagonistes à embrasser des audaces périlleuses, oscillant sans cesse entre rêves chimériques et ambitions dévorantes. Cependant, le bonheur demeure introuvable pour ceux qui érigent le mensonge en doctrine de vie...

À PROPOS DE L'AUTEUR

Artiste insatiable, Claude Duberseuil est toujours en activité littéraire. Ses œuvres, notamment "La comtesse Edwige de Mont-Sorel", se distinguent par une attention particulière portée aux femmes, mettant en avant leurs complexités et leur profondeur avec une sensibilité remarquable.

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Claude Duberseuil

La comtesse Edwige

de Mont-Sorel

Roman

© Lys Bleu Éditions – Claude Duberseuil

ISBN : 979-10-422-3956-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

– Les années « mornifle »… éditions Édilivre, 2012 ;
– Trop de fausses notes pour de l’Amour… éditions Édilivre, 2013 ;
– Marcelline ! Qu’as-tu fait de toi… éditions Édilivre, 2013 ;
– Gisèle ! Qu’ont-ils fait de toi… éditions Édilivre, 2014 ;
– Maryse ! Ainsi soit-elle… éditions Édilivre, 2015 ;
– L’Éhontée… éditions Édilivre, 2018 ;
– Sylvie D., Architecte D.P.L.G… éditions Édilivre, 2021.

Avertissement

Ce livre est un roman. Les personnages et les situations décrites sont purement imaginaires. Toute ressemblance avec des personnes ou des évènements existants ou ayant existé, ne serait que pure coïncidence et fortuite.

I

Ce vendredi 17 décembre 2015, une pluie glaciale ne cessait de tomber depuis deux jours sur le village d’Onvillers. Un crachin qui vous mine le moral et vous retient bien au chaud. Je me dois d’assister à une réunion où j’ai été convié. Cette réunion est suivie d’un dîner offert par l’Office de Tourisme de Montdidier pour tous les membres de l’Office. Je n’ai aucune envie d’y aller. Je suis collé à mon fauteuil et je ne trouve pas le ressenti d’une nécessité. Pourtant, Madame la Présidente avait insisté sur ma présence, mais je ne ressentais aucun lien. Je n’éprouvais aucune sympathie et je me reformulais toujours la même question : que fais-je dans cette association, pourtant extrêmement convoitée, avec tout le travail qui m’accable ?

Subitement, après avoir consulté ma montre : 18 h 45, la réunion est à 19 h. Alors d’un sursaut, je décidais de m’y rendre.

Arrivé à la salle « Caron », exiguë, en centre-ville, près de l’Hôtel de Ville et après avoir garé ma voiture, je poussais la lourde porte battante. J’entrais et paraphais le registre de présences. Je serrais plusieurs poignées de main, sans oublier la Présidente et la secrétaire et supposais une place libre en bout de la vaste table de l’assemblée.

L’ordre du jour fut lu par la secrétaire et les articles ébauchés un à un. De brefs consentements et des désaccords interminables animaient le climat de la présente réunion. Ces derniers apportaient, ainsi, un enthousiasme ardent et une énergie bien réelle. Sinon, celle-ci deviendrait une litanie qui assoupirait les présents.

Avec les derniers votes, les indifférents se résignant à se rattacher aux décisions des « forts en gueule », la Présidente leva la séance. Elle invita l’assemblée à rejoindre le restaurant le Dijon à cinq minutes de la salle pour le repas de fin d’année.

Dans le brouhaha de cette fin de réunion avec les bruits de chaises et de paroles sans retenue, j’aperçus une remarquable femme séduisante se lever. Que peut-elle réellement éprouver là cette dame si élégante dans cet environnement de ruralité picarde ? Où le vestimentaire n’est que le prolongement d’une ferme de village ou d’un atelier ? Qu’est-ce qu’elle peut réellement éprouver là ? Elle m’apparut très avenante, d’une coiffure si bien apprêtée. Je me rapprochais d’elle après quelques jeux de coudes pour me frayer un passage. Le teint de son visage et son agréable sourire exprimaient une divergence dans cet environnement. Je ne voyais plus qu’elle. Tout devenait trouble autour d’elle. Je m’imaginais comme dans West Side Story, apercevoir Maria. Il faut que je me joigne à elle à tout prix pour la connaître, me dis-je ! Et, de mon intention, après l’avoir approchée, j’usais alors des charmes de l’homme expérimenté que je fus. Avec un sourire qui m’enluminait et une tenue en élégance, je l’abordais ainsi dans les meilleures conditions :

— Bonsoir Madame, je n’ai pas l’honneur de vous connaître, vous êtes sûrement nouvelle à Montdidier. Acceptez que je me présente ! Je suis Hubert Menard, je demeure à une dizaine de kilomètres dans un village où je suis Maire.
— Enchantée Monsieur, j’apprécie votre hardiesse pour venir à moi. Je reconnais que je ne fréquente personne dans cette assemblée. La présidente, pour laquelle j’éprouve une grande sympathie, m’y a conviée. Elle est l’épouse d’un ami de mon mari.
— Est-ce que vous allez au dîner après ? Ce serait pour moi un plaisir extrême de converser avec vous durant ce dîner. J’avoue que je ne jouis pas d’une conversation vive à mener avec ceux qui nous entourent, ne partageant pas les mêmes appréciations qui pourraient me lier à eux.
— Écoutez, j’apprécie votre rencontre. Je suis certaine que nous allons entretenir une conversation qui ne sera pas dépourvue d’intérêt pour moi compte tenu de mon isolement.
— Vous êtes en voiture, je suppose ? Alors je vous propose que nous nous retrouvions dans le hall du restaurant.
— Avec plaisir ! À tout de suite !

Je regagnais ma voiture avec empressement. La pluie fine et le froid de la soirée n’avaient plus de conséquence pour moi. Mon moral tournait au beau fixe, empressé de retrouver cette dame. Je ne connaissais pas son prénom, mais son visage maintenait un sourire en moi avec une ample sensation.

Au restaurant, je l’attendais dans le hall. Elle ne tarda pas à arriver. Dès qu’elle franchit la porte d’entrée, je m’empressais à sa rencontre. Aussi, devant le vestiaire, je l’aidais à se dévêtir de son manteau élégant en peau retournée avec le col de fourrure. Elle maintint un petit foulard de soie craignant une fraîcheur dans la salle et également, pour se préserver des regards sur son décolleté et masquer avec discrétion sa poitrine généreuse.

Au passage de la Présidente, je lui demandais comment se placer ! Avec un regard réjoui, elle me répondit :

— Comme vous voulez, je n’ai pas prévu de placement, chacun choisit. Je pense que cela va se faire par affinité… !
— C’est extrêmement aimable, merci, nous allons trouver bonne place.
— Passez une excellente soirée !
— Merci, vous aussi.

Deux places, isolées, face à face, dans un coin de la salle spacieuse du restaurant, se présentaient à nous. Deux places, où la plupart des convives nous tournaient le dos. Nous nous retrouvions à notre convenance pour parler avec discrétion. Je n’osais pas aborder un premier questionnaire de curiosité. Elle restait en attente, tournant la tête de gauche à droite, dissimulant un empressement pour éprouver celui qui avait osé l’aborder. Je me trouvais subitement envahi d’une timidité extrême, ne sachant pas comment débuter mon approche de séduction. C’est elle qui brisa la glace :

— Alors ! Dites-moi Monsieur Menard, que faites-vous d’autre dans la vie que cette prestation de Maire de votre village ? Êtes-vous marié ?

Je me trouvais soudainement anéanti pour satisfaire la curiosité de mon mariage. Avantageusement, le kir d’accueil qui précédait le repas me laissa le temps d’ébaucher une réponse. Celle-ci devait être très nuancée pour ne pas compromettre l’empressement de mes intentions.

Nous levions notre verre en même temps que les autres convives et je lui dis :

— À votre excellente santé, euh… ! Je ne connais pas votre prénom. Nous sommes dans une convivialité qui me surprend de devoir trinquer avec quelqu’un dont je ne connais même pas le prénom !
— C’est exact, c’est une incorrection de ma part, je ne me suis pas présentée.
— Mais non, je suis aussi fautif de ne pas vous avoir anticipée, alors dites-moi ?
— Eh bien, mon prénom est Edwige, et le deuxième prénom Juliette.
— Mais ce sont de bien jolis prénoms qui sont à l’image de votre personne ! J’avoue qu’ils ne sont pas communs et qu’ils vous rattachent probablement à une famille remarquable !
— Oui, effectivement, mais là, je vous exigerai une discrétion extrême.
— Vraiment ! Mais pourquoi ?
— Mon nom est de Mont-Sorel, Edwige de Mont-Sorel !
— Mais vous êtes d’une famille de la… ?
— Oui, mais je vous en ai trop dit, je ne tiens pas à faire apparaître ce qui vient de mes aïeux.
— Je me sens gêné de poursuivre notre entretien. Vais-je être à votre hauteur ? Même si je suis le Maire d’un village, je ne suis issu que d’une famille extrêmement modeste et une famille nombreuse de surcroît.
— Non Monsieur Ménard, j’apprécie votre spontanéité et je serai discrète auprès de vous.
— Mais alors dites-moi et cela demeurera un secret que je ne trahirai pas. Vous êtes alors… ?
— Oui ! Je suis Comtesse. La Comtesse Edwige de Mont-Sorel.
— Et votre mari est donc Comte ?
— Oui, mais mon mari est décédé il y a un an.
— Oh mon Dieu, condoléances… Madame… Et de quoi est-il décédé si je ne suis pas trop indiscret ?
— Blessé lors d’un accident de la route, transporté à l’hôpital pour une intervention chirurgicale, un chirurgien a fait une erreur qui lui a été fatale. J’ai donc porté plainte et engagé un procès.
— Je suis désolé de vous importuner sur ce drame.
— Non pas du tout !
— J’ai un grand plaisir à me retrouver en votre présence. D’abord honoré de rencontrer une Comtesse et aussi une si ravissante femme.
— Alors, dites-moi Monsieur Ménard, vous n’avez pas répondu à mes deux questions ? Êtes-vous marié ?

Je me trouvais gêné pour répondre à cette question. Il me fallait contourner la réponse pour ne pas compromettre la relation que j’escomptais. Et, promptement, je n’avais qu’une issue :

— Je suis en instance de divorce. J’ai deux enfants et deux petits-enfants, garçon et fille. Ce mariage fut une erreur pour moi. L’erreur d’un passé pas très respectable. Un passé inconvenant avec de mauvaises fréquentations d’une jeunesse que je ne maîtrisais pas réellement. Ce mariage me fut obligé pour me ressaisir.
— Une erreur de jeunesse ! Votre reprise valait indubitablement mieux que de finir dans la délinquance ou pire encore.
— Oui, c’est certain, j’aurais inévitablement mal tourné.
— Alors, dites-moi Monsieur Ménard, vous exercez un job en dehors d’être Maire ?
— Oui, je suis Ingénieur-Conseil à la tête d’un bureau d’études modeste que j’ai créé à 27 ans.
— Vraiment ! Mais vous conseillez quoi ?
— Je suis spécialisé en Génie Civil avec trois collaborateurs, dont mon fils.
— Mais c’est honorable, vous avez raisonnablement bien fait par votre mariage de vous détourner de ce qui vous aurait mené à la déchéance !
— Oui, c’est certain, ce mariage est venu freiner le désordre qui était en moi.
— Mais Monsieur Ménard, pourquoi un désordre ? Je ne comprends pas, vous me paraissez équilibré !
— Non, pas à 25 ans ! Lorsque j’étais célibataire, je possédais une autre activité qui, jadis, n’était pas conforme aux règles d’une conduite vertueuse.
— Vraiment, dites-moi, vous me surprenez !
— En plus de mon activité d’Ingénieur, je suis musicien.
— Musicien ? Mais de quel instrument ?
— Je suis trompettiste avec des études rigoureuses, j’ai obtenu un premier prix de Conservatoire à Paris !
— Mais vous me surprenez, Monsieur Ménard. Qu’est-ce qui n’était pas conforme alors à 25 ans ?
— J’ai cherché à gagner de l’argent, je jouais dans des cabarets à Pigalle le soir en plus de mon travail d’ingénieur. Avec les fréquentations de ces lieux, j’ai mal tourné. J’aime mieux ne pas en parler, je vous raconterai cela plus tard.
— Vous êtes quand même surprenant, vous me semblez jouir de beaucoup d’audace, Monsieur Ménard.
— On vient de nous servir ce magret de canard, transportons-nous dans ce plat du sud-ouest servi avec ses pommes grenailles qui vont être froides.

Edwige et moi étions épris l’un de l’autre. Je lui servis un peu de vin qu’elle apprécia avec empressement pour apaiser son attente. Je revivais en sa présence. J’avais contourné le piège de mon mariage.

Nous poursuivions durant tout le repas nos chassés-croisés de curiosités pour mieux faire connaissance :

— Mais dites-moi, en tant que Comtesse, vous demeurez dans un château ?
— Hélas non ! J’ai laissé le château à mes enfants depuis le décès de mon mari. Il y avait trop de souvenirs qui me glaçaient et me perturbaient en ces vastes salles avec des cheminées qui ne me réchauffaient pas. Alors je vis dans une fermette que nous avions achetée avec mon mari et cela me suffit.
— Je vous comprends, dans ce château votre mari est trop présent en vous et vous assombrit moralement.
— Oui, c’est un peu ça, mais vous, monsieur, vous habitez où ?
— Moi, j’habite aussi un modeste village à quelques kilomètres d’ici, à Onvillers.
— Onvillers ! Je connais, je passe fréquemment par ce village. Il y a à la sortie une propriété élégante avec une longue grille blanche, je pense que cela doit être une maison de retraite !
— Non pas du tout, c’est chez moi.
— Chez vous ! Mais c’est une propriété somptueuse, c’est un héritage de famille ?
— Non absolument pas ! C’est le fruit de mon travail d’ingénieur, de concertiste et également d’écrivain.
— D’écrivain ? Mais vous écrivez quoi ?
— Des romans.
— Des romans d’amour ?
— Oui, des romans de femmes. J’en ai écrit six et tous sur des femmes.
— Je serais curieuse d’en consulter un pour découvrir votre talent caché. Mais des romans de femmes, cela doit être « chaud-chaud » par moments.
— Oui, avec un peu d’égarement pour le lecteur. Cela ne fait de mal à personne. Mais le bonheur est extrêmement présent dans mes livres avec toujours une fin chaleureuse.
— Alors Ingénieur, Concertiste et Écrivain avec une propriété élégante à entretenir, mais quand dormez-vous ?
— Très peu, j’écris la nuit jusqu’à deux heures du matin.
— Vous m’impressionnez ! Vous avez probablement davantage de talent que moi, qui ne suis qu’une Comtesse esseulée.
— Non, vous représentez pour moi une femme ravissante et je ne pense pas que vous soyez si esseulée que vous le prétendez. Écoutez ! Demain, je fais une signature de mon dernier roman à la Maison de la Presse de Roye. Votre visite me ferait énormément plaisir, vous pourriez consulter mes livres. Je vous en proposerai un, bien évidemment.
— C’est trop aimable, j’y serai pour 11 h 30.
— Je pense qu’il se fait tard. Je n’ai pas vu le temps passer en votre compagnie, il ne nous reste plus qu’à prendre un café pour conclure ce repas. Ah ! Je vois la Présidente qui vient vers nous ou plutôt vers vous !
— Alors les amis, vous avez disparu ? Je vous ai regardés durant tout le repas, vous étiez loin de nous dans votre entretien, vous éprouviez beaucoup de choses à vous dire ! Vous semblez avoir passé une soirée délicieuse, un peu loin de l’Office de Tourisme, mais non moins sans intérêts.

L’assistance évacua la salle du restaurant, chacun mettait fin à sa conversation debout, jusqu’au vestiaire. Peu avaient obliqué vers nous, ce qui exprimait le désintérêt de notre présence. Je raccompagnais Madame la Comtesse jusqu’à son véhicule : une Mini Cooper, intérieur cuir. Nous nous serrions une longue poignée de mains qui laissait sous-entendre un lien d’affection.

Je rentrai chez moi et n’avais de cesse de penser à celle qui pour moi représentait une référence. Je gardais en mémoire la beauté de son visage et ses cheveux méchés.

Le lendemain matin, dès mon petit-déjeuner avalé, tel un homme pressé, avec des obligations quotidiennes à achever pour mon bureau d’études, je rassemblais quelques volumes de mes romans. Je préparais une douzaine d’exemplaires de mon petit dernier. La presse locale, le Courrier Picard, avait mentionné dans sa diffusion du jour un article avec photo pour annoncer ma venue à Roye.

Je restais concentré. Madame de Mont-Sorel n’était pas très loin dans mes pensées, mais je me devais d’être présent avec raison pour exposer mon stand à la Maison de la Presse. Je rassemblais quelques éléments d’illustration pour relater mon professionnalisme littéraire. Je n’étais pas certain que celle que j’avais rencontrée la veille à l’Office, suivi du restaurant, serait présente pour ma signature. Je me jugeais comme un « paillon » qui avait flambé une nouvelle fois, pour une rencontre que je ne reverrais plus. Qu’importe, me dis-je, j’ai passé une soirée délicieuse avec elle, ce fut une belle rencontre qui m’échappe de la banalité de mon quotidien.

À la Maison de la Presse, la patronne m’avait réservé un emplacement de choix bien en vue dès l’entrée de la boutique. J’y installais mon présentoir et m’apprêtais à accueillir mes premiers visiteurs dans les meilleures conditions. Pour chacun, je me devais de répondre à leur curiosité par les explications fournies qu’exigeait mon dernier roman. J’étais fier de cet entourage, je dégageais un semblant de notoriété. Je ne pensais plus à Madame de Mont-Sorel, elle s’était gommée de mon esprit qui avait été embrasé comme souvent dans mes débordements avec la gent féminine.

Onze heures trente sonnaient au campanile de l’Hôtel de Ville. J’avais signé sept livres, avec, pour chacun, une appréciation personnalisée. Puis, levant la tête vers l’entrée, là : ce ne fut pas la vierge qui m’apparût, mais Madame de Mont-Sorel en personne, encore plus belle qu’hier soir.

Elle était en pantalon avec une jolie veste de cuir. Un nouveau foulard d’une étoffe très colorée contrastait avec sa veste noire. Elle arborait de larges lunettes de soleil qui masquaient une partie de son visage. Je lâchais ma cliente pour aller vers elle avec empressement. À son approche, je lui tendis une main bien droite pour la saluer et aussitôt, elle releva ses lunettes dans ses cheveux, un immense sourire vint m’éblouir.

— Bonjour Monsieur Ménard ! Alors combien de signatures ce matin ?
— Bonjour Madame de Mont-Sorel ! J’étais parti pour une huitième, mais dès que je me suis dirigé vers vous, elle s’est éloignée.
— Que voulez-vous, vous l’avez trompée par le fait de notre rencontre ! Encore une prétendante qui fuit…
— Ce n’est pas mortel, une de perdue…
—