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"La douloureuse traversée – Perspective d’une Afrique débarrassée du néocolonialisme" raconte les péripéties de l’auteur. Après avoir enduré de multiples déboires pour ses convictions politiques dans son pays, la Guinée, il est contraint de s’exiler en France. Le récit relate son voyage périlleux à travers le Sahara, la méditerranée jusqu’à Paris où il milite désormais pour une Afrique libre du joug néocolonial.
À PROPOS DE L'AUTEUR
El Hadj Bowédjo Diallo saisit sa plume afin de témoigner de ses propres méandres. Ses écrits sont empreints d’un style intime et naturel qu’il partage au monde en vue de susciter un regard différent sur l’Afrique.
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El Hadj Bowédjo Diallo
La douloureuse traversée
Perspective d’une Afrique débarrassée du néocolonialisme
© Lys Bleu Éditions – El Hadj Bowédjo Diallo
ISBN : 979-10-422-1872-0
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À feu la reine qui m’est inconnue
et pourtant qui ne quitte jamais mes pensées,
ma chère mère Aissatou bobo (paix à son âme).
À mon idole, l’autodidacte mon père, Mamadou Hady
qui a fait de moi tout ce que suis devenu aujourd’hui
grâce à son immense sacrifice.
À mes sœurs, frères et amis pour leurs amours,
leurs soutiens inestimables et inconditionnels.
Merci beaucoup (On diarama bouyi) !
À Aylan Kurdi
et à toutes les personnes qui ont perdu la vie
en tentant cette douloureuse traversée.
J’ai eu l’infortune, la tribulation, bref le malheur de figurer dans la longue, dure et douloureuse épreuve de prendre ce que les spécialistes de l’épineuse question « migratoire » appellent (les routes de l’enfer).
De se sauver de la terre de ses ancêtres, de fuir sa patrie, son pays et laisser derrière soi parents et amis. Patrie pour laquelle ses aïeux ont versé larmes, sueurs et sang jusqu’à y laisser pour la plupart leur vie pour la défendre, défendre son intégrité, défendre sa dignité, défendre son honneur. Pour tout simplement éviter à sa descendance le malheur, l’affliction d’être ce que l’éminent Frantz Fanon décrit très brillamment dans son best-seller Les damnés de la terre.
Mais en réalité la question qu’il faille être posée : est-ce que nous ne nous sommes pas devenus ce que le très célèbre acteur culte Morgan Freeman appelle dans le cultissime film les (Évadés) des « institutionnalisés ? » c’est-à-dire comme le vieux libraire Brooks Washere et Morgan Freeman lui-même. Après avoir passé près d’un demi-siècle en prison, à leurs libérations, leurs vies n’avaient plus de sens dehors. Le vieux Brooks tua d’abord son patron et ensuite se suicida. Quant à Morgan, il eut la folle idée de refaire un autre crime avant de se raviser en se rappelant de cette belle et profonde phrase et de son compagnon d’infortune Andy Dufresne Dépêche-toi de vivre ou dépêche-toi de mourir, crime qui allait le ramener au bagne où selon lui sa vie avait un sens, à force d’y demeurer pendant très longtemps. Pour être congru, il y a pas un exemple plus précis, plus intelligible, bref plus éloquent comme l’a brillamment décrit l’éminent auteur du chef-d’œuvre Nations nègres et culture le Pr Cheikh Anta Diop : Le colonisé ou l’ex-colonisé ressemble un peu comme cet esclave du XIXe siècle qui, libéré va jusqu’au pas de la porte puis revient, parce qu’il ne sait plus où aller. Depuis le temps qu’il a perdu la liberté, depuis le temps qu’il a acquis les réflexes de subordinations, depuis le temps qu’il a appris à penser par son maître, depuis le temps qu’il a intégré le larbinisme, l’assujettissement, l’aliénation intellectuelle, culturelle et civilisationnelle.
Voici exactement le syndrome qui arrive à l’homme dominé, il s’est tellement aliéné, accommodé, intériorisé la domination, l’avilissement, la subordination, la soumission qu’il devient difficile, voire incapable de se libérer du joug de la domination. Puisque le mot « liberté » est devenu son cauchemar, sa hantise, sa peur, bref sa psychose. Puisqu’il ne sait plus quoi en faire…
Car oui ces dangereuses routes déshumanisent, avilissent, déshonorent, désorientent, déstabilisent, désocialisent, mais en dépit de tout, elles sont devenues l’une des causes de mortalité de la couche la plus importante, la plus indispensable, la plus utile, la plus précieuse celle qui devrait être la relève du continent africain. Et sans évoquer la perte colossale qu’elles engendrent, les bras valides et la fuite de cerveaux en masse, qui n’a rien de comparable aux maigres capitaux qu’elles renvoient, la plupart acquis dans une exploitation ou du moins osons le mot dans « l’esclavage moderne » et son corollaire de manque de respect, de considération, de reconnaissance, d’expressions dévalorisantes, bref d’indignité totale.
La question de l’immigration clandestine est devenue le sujet central ces dernières décennies. Cette lancinante question clive, divise, tribalise dans l’hémisphère nord. Au point d’en être un sujet de campagne de premier plan pour l’extrême droite et ses acolytes qui, pour leurs esprits étriqués, sectaires, narcissiques l’étranger c’est l’ennemi pour paraphraser Primo Levi. Dans son célébrissime roman Si c’est un homme. Cependant dans le Sud, l’élite politique irresponsable, inconséquente, illégitime, bref inféodée au bon vouloir de leurs supposés bienfaiteurs maîtres, et non celui de leur peuple martyr, brille par son absence et se morfond dans un silence lâche et coupable pendant qu’elle perd la pierre angulaire pour la construction de l’édifice Afrique.
M. Thierno Monénembo qui avait accepté volontiers de préfacer ce livre, mais par souci de délai de la publication n’a pas pu, et que je remercie de passage très chaleureusement. Dans son chef-d’œuvre (Crapaud-brousse) nous brosse le visage typique de celles et ceux que j’appelle l’élite la plus égoïste du monde dont seuls les visages et les années qui changent, mais pas les pratiques éhontées, déshonorantes qui demeurent intactes : Eux qui auraient dû être la solution. C’était plutôt eux, le problème, à la lumière de la vérité. Bercés par le miroitement des privilèges, ils se laissaient envelopper par la brume de la corruption ; malades de cécité, ils ne pouvaient plus se regarder. Ni voir la douleur de l’Afrique. Disons-le, sans embase, sans détour, l’Afrique est malade de la compromission, de la lâcheté, de l’inconséquence, de l’inaction, de l’incompétence notoire de son élite politique.
Enfin j’en suis conscient et le lecteur le comprendra du défaut de structure de ce livre, c’est-à-dire l’absence de chronologie de succession des événements, et quelques répétitions, si certains lecteurs le voient comme une sorte de digression, je m’excuse d’ores et déjà auprès d’eux, mais ne dit-on pas que la répétition est pédagogique ? En revanche je me suis efforcé plus ou moins que chaque chapitre reflète le contenu de son titre.
Ce livre n’a pas été écrit dans le but de faire le procès de la migration ni de jeter l’anathème sur un sujet aussi brûlant pour les uns et esquisser voir mépriser par lâcheté par les autres qui, pourtant reste très préoccupant quant à sa gestion très calamiteuse de deux côtés. Mais par le souci de partager, de témoigner une expérience unique qui m’a profondément marqué. Mais aussi de pouvoir proposer une solution ou du moins une autre alternative vers laquelle le monde en général et l’Afrique en particulier sera sauvé de la déchéance, de la décrépitude morale et civilisationnelle dans lesquelles elle est engluée, et qu’elle peine à s’en tirer la tête de la boue. Le corps du petit Aylan Kurdi (paix à son âme) échoué, gisant sur les côtes est une honte pour notre humanité, notre conscience collective et il n’est qu’exemple du drame humain parmi des milliers d’autres…
Espérons que ce livre sonne le glas et surtout donne le las vers un monde meilleur, où la question migratoire est traitée non pas par les extrêmes qui patauge dans une condescendance, un mépris, un dédain pour les migrants, les déplacés, les réfugiés qui, rappelons-le ne fuient pas leurs pays, leurs continents, du cocon familial, l’amour des siens par gaieté de cœur, mais à cause des conditions d’instabilités politiques, économiques et sociales, de réchauffement climatique, de pillage des ressources, des guerres, des épidémies très souvent instaurées et entretenues par la main invisible, mais nuisible de deux répugnantes complices élites politiques.
On dit qu’écrire c’est non seulement partir à la rencontre de l’autre, mais aussi c’est aller à la rencontre de soi, de son soi intérieur bref écrire c’est se dévoiler.
Il est évident que je n’ai pas vécu ce que les esclaves africains n’ont pas vécu pendant près de six siècles, ce que les palestiniens n’ont pas vécu, ce que les juifs n’ont pas vécu, ce que les Amérindiens n’ont pas vécu, ce que les prisonniers du goulag n’ont pas vécu, ce que les Aborigènes n’ont pas vécu, ce que les Ouïghours n’ont pas vécu, ce que tous les réfugiés, migrants et aventuriers du monde entier n’ont pas vécus, etc…
Mais à mon entendement toute histoire, toute expérience, tout vécu mérite d’être raconté, partagé pour servir de leçon à la génération actuelle et future. Comme le stipule l’adage « la parole s’envole, mais l’écrit demeure ».
Dans ce livre j’ai voulu partager avec les lecteurs ma modeste expérience vécue, un récit narratif de mon histoire, de mon pays la Guinée jusqu’en France :les rencontres, les brimades, les joies, les peines, et les tracasseries. J’exprime certaines de mes convictions, quelques fois mes sentiments les plus profonds. J’ai voulu être le plus authentique possible en occultant presque rien, mes humeurs par endroit, ma position sur certains sujets et aspects sociaux de la vie, et les rapports, entre races, entre genres, et dans une large mesure entre pays et continents, ma vision du monde, ce qui pour moi devrait être un monde idéal où l’égalité, l’équité, la solidarité, l’amour, l’entente, la considération, le respect mutuel ne sont pas que de vains mots, mais une réalité.
Ce livre composé de 16 chapitres raconte mon histoire, mon périple, mon vécu, mes rencontres, et se termine par ma vision pour un tiers monde en général et une Afrique en particulier débarrassée du lourd et répugnant poids du néocolonialisme.
Ce livre s’adresse dans un premier temps :
À toute personne qui, un jour un matin, a pris la lourde décision de quitter le cocon familial, l’amour des siens, la terre de ses ancêtres et c’est quels que soit la raison, le motif et de s’engager dans une aventure, un périple, une douloureuse traversée. À mes yeux vous incarnez le mot « courage », vous êtes des héros invisibles.
Ce livre s’adresse aussi « à ceux à qui on a appris à haïr la couleur de leurs peaux au point de se blanchir, à qui on a appris à détester la forme de leurs nez et lèvres, à haïr la texture de leurs cheveux, à haïr leur nature, à haïr la terre de leurs ancêtres, à haïr la race laquelle ils appartiennent à tel point qu’ils ne veulent pas être à côté des uns et des autres. » Pour paraphraser l’icône des droits civiques (Malcolm X).
L’Africain doit piétiner le mythe de l’homme blanc providentiel complètement mis en lambeau lors des deux guerres mondiales.
Frantz Fanon dans ce passage évocateur nous rappelle très éloquemment :
« Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » Cette lourde mission nous revient et nous avons l’obligation de la remplir.
Notre véritable mission est de changer le paradigme, le narratif africain. Mais il ne s’agira pas ici de calquer le modèle occidental, mais de se réinventer à sa manière et qui respecte nos cultures et valeurs. Car comme le dit la sagesse africaine « Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur. »
Cependant cette mission s’avère ardue, épineuse, voire délicate, mais avec la détermination, la volonté, l’engagement sans relâche, elle n’est pas impossible…
Et pour cela, je m’adresse à toi Africain.
Toi Africain débarrasse-toi des préjugés raciaux et comportementaux qu’on t’a injectés, infusés, inoculés depuis des siècles pour maintenir ton état d’esprit dans la dépendance. N’est-ce pas dit-on que l’objectif de tout dominant, de tout colonisateur, et c’est quelle que soit l’époque, de procéder d’abord à la liquidation des cultures locales, leurs histoires, leurs mémoires, leurs langues, leurs religions et ensuite leur inventer une histoire moyenne glorieuse, les assimiler à sa culture, leur imposer sa langue, leur imposer jusqu’au moindre détail ses codes, ses tics, ses manières.
Toi, Africain, lutte. Seule la lutte libère. Aucun messie ni prophète ne viendra te sauver ou sauver ton continent. Lutte contre la ségrégation, le rejet, l’injustice, le racisme ambiant, la haine dont tu es victime et c’est depuis des siècles durant.
Toi Africain, comme le sage Stéphane Hessel dans son célèbre essai (Indignez-nous) indigne-toi de l’exploitation indigne de tes frères et sœurs partout dans le monde, indigne-toi de la dilapidation des ressources minières et minéralières, halieutiques, de la destruction de l’environnement et la biodiversité de ton beau continent, de la désacralisation de tes croyances, ta culture et mœurs.
Toi Africain, le développement social, économique et culturel de ton continent est ton devoir, et non celui d’aucune autre race ni puissance étrangère. Et c’est là, seulement là que réside ton salut, ton honneur, ton respect, ton estime, ta fierté, ton épanouissement, ton indépendance, bref ta liberté incontestée incontestable.
Toi, Africain, arme-toi du savoir de la connaissance, sois curieux : « L’éducation étant l’arme la plus puissante pour changer le monde », disait l’un des derniers sages du XXIe siècle en l’occurrence l’icône de la paix Madiba. Et de renchérir l’icône du rap français, Kery James : « Si le savoir est une arme, soyons armés, car sans lui nous sommes désarmés » et qui est désarmé reste vulnérable, et la vulnérabilité mène à la soumission, l’assujettissement, à la dépendance.
Sois audacieux, car disait G.J. Danton « Pour vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », sois fier de tes origines, de ta culture, de ton continent. L’éminent Cheikh Anta Diop nous rappelle très brillamment que « La facilité avec laquelle nous renonçons, souvent, à notre culture ne s’explique que par notre ignorance de celle-ci, et non par une attitude progressiste adoptée en connaissance de cause. » Reste digne et fier, car de tes entrailles, de ta matrice, de ton sang apparemment impur est sorti les icônes des étoiles incontestées et incontestables dont l’histoire de l’humanité n’a jamais engendré : Nelson Mandela, Martin Luther King, Pelé, Malcom X, Mohamed Ali, Desmond Tutu, Mike Tyson, Michael Jackson, Bob Marley, 2pac Shakur, Morgan Freeman, Thomas Sankara, Lumumba, Michael Jordan, Usain Bolt, George Weah, Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire, Senghor, Rosa Parks, la reine Pokou, les Amazones, Cléopâtre, Néfertiti, Miriam Makeba, Wangari Maathai, Michelle et Barack Obama, Kamala Harris, Ellen Johnson Sirleaf, Toni Morrison, Oprah Winfrey, Denzel Washington, Diallo Teli, Thierno Samba Mombeya, Thierno Sadou Mo Dalein, Almamy Boubacar Biro, El hadj Oumar Tall, Mansa Moussa, Soundiata Keita, Koli Tenguella Bâ, Nen Diariou Karamoko Alpha Mo Labé, Alpha Ibrahima Sambégou, Kunta Kinte, etc…
Cultive-toi et protège ta culture, tes mœurs et us, car « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », disait Albert Camus. Sois décomplexé, mais pas vaniteux face à n’importe quelle autre race, le complexe d’infériorité, le manque de confiance en soi restent ton talon d’Achille. L’Afrique s’en sortira tôt ou tard. Et ton devoir c’est d’en être un acteur et non un spectateur.
Enfin ce livre s’adresse à la société occidentale enfermée dans sa bulle du sentiment de supériorité nombriliste, égocentrique, narcissique. Jacques Rousseau avait vu juste « le plus fort n’est jamais assez fort pour être le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir ». L’occident doit descendre de son piédestal pour être à l’écoute, traiter les autres d’égal à égal, voir le reste du monde comme des égaux et non comme des sous-hommes comme des inférieurs, comme il l’a fait et c’est depuis des siècles durant que son nombrilisme représente son talon d’Achille, dans un monde multipolaire et non unipolaire, dans un monde où la science, la technique et la technologie sont devenues universelles. Toute superpuissance est éphémère, la chute des grands empires des grandes civilisations des grandes dynasties en témoigne. Il est connu que les gagnants ont la mémoire très courte, car rappelons-le c’est l’échec de Pearl Harbour, le succès du débarquement de Normandie et l’apport inestimable des anciennes colonies, à l’échelle ouest-africaine de la bataille de Talansan, celle de Kirina et de Tourban qui changèrent le cours de l’histoire.
Qu’il se le rappelle il peut y avoir d’autres (Diên Biên Phu, la baie des cochons, la chute du faucon noir, la guerre de l’Algérie, le 28 septembre 58 [Guinée], l’attaque du 07 octobre 2023 [Israël], etc…) La tornade de l’éveil de conscience qui souffle fort dans le Sahel risque de se propager comme une traînée de poudre sur le continent.
L’Afrique n’est plus ce gâteau, comme elle le fut à son insu, à Berlin en 1884. Elle n’est ni le pré carré, ni la propriété privée d’aucune puissance, ni à s’accaparer, ni à saigner monétairement, ni à piller financièrement encore moins à dilapider ses richesses, ni à occuper militairement, ni à détenir son veto ou être son garant devant aucune institution.
Dans ce monde moderne de l’interdépendance, aucun pays ne peut demeurer dans sa tour d’ivoire et espérer s’en sortir.
Je clôturerai par ce beau message du sage de Bandiagara Amadou Hampâté Bâ (paix à son âme) : (Lettre à la jeunesse africaine).
« Certes, qu’il s’agisse des individus, des nations, des races ou des cultures, nous sommes tous différents les uns les autres ; mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi, et c’est cela qu’il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l’autre et dialoguer avec lui. Alors, nos différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentaires et sources d’enrichissement mutuel. De même que la beauté d’un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. Combien ennuyeux et monotone serait un monde uniforme où tous les hommes, calqués sur un même modèle, penseraient et vivraient de la même façon ! N’ayant plus rien à découvrir chez les autres, comment s’enrichirait-on soi-même ?
À notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l’accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu’ils ont de commun, dans le respect de l’identité de chacun. La rencontre et l’écoute de l’autre sont toujours plus enrichissantes, même pour l’épanouissement de sa propre identité, que les conflits. »
Ce passage plus qu’éloquent doit interpeller la société occidentale pour la sortir de son arrogance, de son racisme, de son mépris des peuples du tiers monde.
La société occidentale devrait avoir comme ennemi « la haine et le rejet de l’autre, l’égotisme, le sentiment de supériorité » pour paraphraser l’un des derniers sages de la sphère occidentale, Edgar Morin.
Cependant il ne faut pas faire l’amalgame, ce message s’adresse plus spécifiquement à l’élite politique occidentale et aux extrêmes. En lisant ce livre, le lecteur verra les rapports de fraternité, d’amitié, de solidarité et d’amour que j’ai partagés avec celles et ceux que je considère comme ma deuxième famille, la majorité de la population occidentale est victime de son élite nombriliste et les extrêmes.
Ceci étant, je ne prétends aucunement détenir quelconque vérité. Comme l’a dit un auteur contemporain « Il ne faut pas s’installer dans sa vérité et vouloir l’asséner comme des certitudes », tout est abstrait. Mais c’est la sagesse du disciple de (Tierno Bokar), Hampâté Bâ qui le martèle très éloquemment « Il y a ma vérité et ta vérité qui ne se rencontreront jamais. La vérité se trouve au milieu, pour s’en approcher chacun doit se dégager un peu de sa vérité pour faire un pas vers l’autre ». Le fait pour moi de partager ce que je considère comme ma vérité ou du moins comme ma perception des choses ne veut aucunement dire qu’elle(vérité) est universelle.
Le métier de la vie est un combat rude, permanent et perpétuel, et qui demande une perpétuelle adaptation. Mais je crois, « car croire c’est vivre » en l’avenir d’un monde meilleur, un monde bâti sur l’égalité, l’équité, le respect mutuel, la solidarité, la fraternité entre ethnies, tribus, races, peuples, pays et continents.
Unis et solidaires vers un but commun.
Oui c’est possible.
Ça y est : je suis dans le bus qui me conduit vers la plus belle ville du monde ! J’en ai tellement rêvé, tellement entendu parler. Je l’ai vue dans tellement de films, de série. Cette ville connue dans le monde entier, qui attire tant de visiteurs, tant de convoitise, de désirs. Même si adolescents, nous rêvions plutôt à l’Amérique, la France reste une destination magique.
Après un périple cauchemardesque, je me sens rempli de joie. Rassuré. Apaisé. Je ne pense même plus au risque d’un contrôle de police. J’arrive à Paris, plus rien ne peut m’arriver de grave ! Je suis ébloui par les éclairages des grands boulevards. Il neige à certains endroits et c’est la première fois aussi que je vois de la neige de près. Que d’émotions en cet instant ! Le chauffeur annonce que nous entrons en région parisienne. Instantanément, je lève les yeux : je suis persuadé que de n’importe quel endroit on peut apercevoir la dame de fer. Las ! Ça ne sera pas encore pour maintenant.
Le chauffeur se gare à porte-Maillot. Je descends. Et aussitôt, je sors de mon état de béatitude pour réaliser que je n’ai aucun repère dans cette ville. Je me sens perdu. Il fait froid. Je rentre dans une grande tour pour me réchauffer. Je salue le vigile qui me répond dans ma langue maternelle. « Diarama » (salut) C’est un jeune Guinéen Diogo, un Diallo aussi, venu en France pour y suivre des études, comme des milliers de jeunes africains, attirés par les universités occidentales et leurs formations de qualité, plus adaptées au marché de l’emploi.
Je lui explique ma situation. Je ne connais personne sur Paris. Je veux demander l’asile en France, peut-il m’indiquer où se trouve le poste de police. Il me répond en souriant qu’ici ça n’est pas la police qui s’occupe de ça. Par contre, dit-il, je connais un lieu où se trouvent de nombreux tiers mondialistes. À la porte de la chapelle. Tu prendras le bus PC3, qui est direct. Il me paie le billet et me laisse son numéro de téléphone. Je suis extrêmement concentré sur les noms des stations pour ne pas rater mon arrêt. Tension inutile, car plus nous approchons de ma destination, plus je vois de subsahariens. Beaucoup ont leurs sacs sur le dos. Je descends du bus et demande à un jeune homme de m’indiquer la porte d’entrée. Là, il y a un vigile. Malien, je crois par l’accent.
— Bonjour. Je voudrais entrer pour demander l’asile.
— Tu es nouveau ?
— Oui.
— Tu vois ces grillages ?
— Oui.
— Tu viendras là-bas à 4 h du matin, au plus tard 5 h pour prendre ton tour dans la file d’attente. Essaye d’être devant, car ils ne prennent que peu de personnes, environ 40, maximum 50. Et pas tous les jours. C’est le seul moyen d’accéder au camp.
— Je ne sais pas où aller en attendant.
— Trouve-toi un endroit et déposes-y quelque chose pour marquer ta place.
— Merci !