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Qui n’a jamais ressenti l’envie irrésistible de découvrir la fin d’un ouvrage avant de l’avoir lu ? Pour satisfaire cette tentation, chaque nouvelle de ce recueil commence et se termine par la même phrase, tout en gardant intact le mystère de la chute. Cette œuvre de 11 nouvelles aborde des thèmes variés, allant des meurtres et trahisons à une haletante histoire autour du 11 septembre 2001, en passant par les aides inattendues, les élixirs mystérieux, les sardines en boîte, sans rien dire des obsessions et des tracas d’adolescentes.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Comédienne et metteuse en scène depuis une quinzaine d’années,
Claire Girard aime explorer un personnage, un caractère, une émotion ou une couleur, et créer une histoire autour, qu’elle soit imaginaire ou réelle, drôle ou tendre, ou même un mélange des deux. Elle a remporté le premier prix du concours de nouvelles de la ville de Mably, notamment avec "Des oliviers dans le jardin", que vous découvrirez dans ce recueil.
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Claire Girard
La fin du début
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Claire Girard
ISBN : 979-10-422-4324-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Chloé et Émilie,
mon moi, mon tout
Il y a comme un air de fête ce soir au jardin. La douceur de ce début d’été est enfin revenue après le terrible orage d’il y a deux jours, et nous permet d’être encore dehors à cette heure tardive. Les coupes de champagne sont pleines. Toutes les huiles de la ville sont venues, même M. le Maire. Je regarde mon mari : il est radieux. J’ai travaillé d’arrache-pied depuis quatre jours pour lui préparer cette surprise, et malgré les imprévus, j’ai réussi mon coup.
Il vient vers moi, m’enlace :
— Comment vais-je pouvoir te remercier pour ce soir ? me demande-t-il.
— Profite, c’est tout ce qui compte pour le moment. Tu as tellement travaillé pour en arriver là. Tu la mérites cette soirée en ton honneur. Ton livre est une vraie réussite. Tu es doué, tu sais ? Mais si tu tiens vraiment à me remercier, je ne serai pas contre un deuxième best-seller.
— Ne t’inquiète pas, il est déjà en route. Je t’aime mon amour, ne l’oublie jamais, me dit-il en m’embrassant.
C’est à ce moment-là que son éditeur nous tombe dessus :
— Vous vous bécoterez une autre fois les amoureux. Charles, on le signe cet avenant ?
Ce soir, Charles donne son accord pour que son livre soit traduit d’abord dans quinze langues, puis vingt de plus si tout se déroule comme prévu. Il a enfin réussi. Son livre remporte un véritable succès. Je suis tellement fière de lui.
— Je suis à toi immédiatement, lui répond-il avant de se retourner vers moi. Un endroit tranquille pour signer ?
— Là, lui dis-je en lui désignant les arbres. Je viens de finir de tout installer.
Il regarde le carré de jardin où trois oliviers entourent une petite table de jardin et deux chaises. Son stylo fétiche est posé au centre d’un plateau, ainsi que deux flûtes à champagne et une bouteille restée au frais dans un seau à glace.
— Tu es incroyable, ajoute-t-il. Tu es la reine du détail. Une mention spéciale pour les oliviers. Je rêvais d’en avoir un. Tu en as planté trois. Tu es parfaite.
— Je voulais juste te créer un lieu particulier pour ce soir. Qui sait, cet endroit deviendra peut-être une source d’inspiration pendant les beaux jours, lui dis-je avant qu’il ne rejoigne son éditeur.
Je réunis tout le monde autour des arbres fraîchement plantés, remplis les verres pendant qu’ils signent. Nous trinquons tous à un succès bien mérité.
Dire que cette soirée a failli ne jamais avoir lieu.
Charles s’était absenté depuis un peu plus d’une semaine pour faire une mini tournée de dédicaces dans le nord de la France. Je l’avais accompagné les trois premiers jours et étais rentrée pour lui préparer cette soirée surprise. Autour de vingt et une heures avant-hier soir, on a sonné à la porte. Les gens n’ont pas l’habitude de venir chez nous si tard et j’avoue que je suis allée ouvrir avec une petite appréhension. Une femme se tenait devant moi. Elle était complètement trempée, et visiblement très énervée :
— Où est-il ? m’a-t-elle demandé avant que j’aie pu prononcer un seul mot. Il faut que je lui parle.
Je ne l’avais jamais vue et ma première réaction a été de me demander si elle ne se trompait pas de maison.
— Excusez-moi, mais vous parlez de qui ?
— De Charles bien sûr ! Il est où ? Il faut que je lui parle sans attendre.
— Il n’est pas là, mais je peux peut-être vous aider ? Qui êtes-vous exactement ?
Elle a paru déstabilisée, m’a fixée un instant avant de reprendre d’une voix plus forte :
— Ça ne vous regarde pas ! Laissez-moi le voir un point c’est tout !
— Écoutez, ai-je dit en commençant à fermer la porte, il sera là la semaine prochaine. Revenez à ce moment-là.
Il n’était pas question qu’elle gâche la fête du surlendemain. Mais au lieu de la calmer, j’ai obtenu le résultat inverse. La voilà qui s’agitait et parlait très fort, limite hystérique :
— J’exige de lui parler, vous entendez ? Maintenant ! Et je ne partirai pas tant que je ne l’aurai pas vu.
J’ai réfléchi rapidement, mais si elle s’énervait plus, malgré le bruit que faisait la pluie, elle allait m’attirer l’attention des voisins. J’ai senti qu’il ne valait mieux pas.
— Entrez un moment si vous voulez. Charles n’est pas là, mais moi oui. On va discuter un peu toutes les deux et surtout, vous allez vous sécher.
Je l’ai fait entrer. En voyant à quel point elle était mouillée, je lui ai proposé un pantalon de jogging et un sweat. Pendant qu’elle se changeait, j’ai mis ses vêtements au sèche-linge et j’ai fait du thé. Une fois installée au salon, nos mugs en main, je lui ai posé quelques questions pour l’aider à retrouver son calme :
— Je ne me suis pas présentée et je m’en excuse. Je suis Sarah, la femme de Charles.
— Je m’appelle Margaret.
— Vous venez d’où comme ça ? Vous étiez vraiment trempée.
— J’habite de l’autre côté de la ville. Je suis venue à pied.
Le thé l’avait réchauffé un peu. Sa voix était plus posée et elle était bien moins agitée qu’en arrivant.
— Ça fait un bon bout de chemin. Votre mari ou votre compagnon n’a pas pu vous emmener en voiture ? lui ai-je demandé dans le but d’en savoir un peu plus sur elle.
— Je vis seule et je n’ai pas de voiture. Je ne sors pas beaucoup de chez moi, ou en tout cas jamais très loin, mais ce soir, je le devais.
Après un moment, elle a ajouté doucement :
— Merci pour le thé. C’est très agréable.
— Je vous en prie. C’est la moindre des choses. Quant à Charles, vous avez bien vu, il n’est pas là. Vous le connaissez depuis longtemps ?
— Oui, un peu. Enfin non, je ne le connais pas vraiment en fait.
— Vous vouliez lui parler de quoi ? Je peux vous aider peut-être ?
— Non, vous ne pouvez pas. Je n’aurais pas dû venir. Je vais reprendre mes affaires et rentrer chez moi, dit-elle en se levant déjà. Ne lui dites pas que je suis passée s’il vous plaît.
Sans pouvoir l’exprimer clairement, quelque chose m’a alerté chez cette femme. Je ne parvenais à savoir si c’était elle ou son attitude. Je ne savais pas ce qu’elle était venue dire à Charles, mais elle représentait un danger, j’en étais certaine.
— D’accord, je ne lui dirai rien. Je vais voir si le linge est sec.
Je me suis levée pour ramener le thé à la cuisine quand elle a voulu m’aider. En entrant dans la pièce, je me suis immédiatement excusée pour le bazar qui y régnait :
— Désolée, j’étais en train de cuisiner à votre arrivée.
— Pas de souci. C’est une sacrée fête qui se prépare a priori.
Et dans ma fierté, j’ai répondu sans réfléchir :
— Il va être traduit. Le livre de Charles j’entends. En quinze langues d’abord et après, ce sera en fonction du succès. Je suis tellement fière de lui.
Le visage de Margaret a brusquement changé. Elle est devenue rouge écarlate. Mrs Hyde était de retour.
— Ah parce qu’en plus il va être traduit ce salopard de traître de menteur ? s’est-elle mise à crier.
Elle lâcha sa tasse qui se brisa au sol. Elle était très agitée.
— Qu’est-ce qui se passe Margaret ? dis-je en la prenant par les épaules. Pourquoi vous l’insultez ?
Elle a commencé à pleurer et était secouée par des tremblements incontrôlables.
— Quel salaud ! Je lui faisais confiance, moi ! Quelle ordure ! Il va être traduit en plus !
Je l’ai prise par les épaules et l’ai doucement ramenée au salon. J’ai ajouté :
— Venez vous asseoir sur le canapé. Vous allez m’expliquer ce qu’il se passe réellement, mais calmez-vous d’abord. Je vais juste nous servir quelque chose d’un peu plus fort.
Je nous ai rempli deux verres de rhum vieux que Charles gardait pour les grandes occasions. J’ai tout de suite su que celle-ci en était une. Margaret a avalé le sien cul sec.
— Margaret, regardez-moi et dites-moi ce qui se passe, ai-je repris en lui servant un deuxième verre.
Elle a froncé les sourcils, mâchoires serrées comme si elle se battait avec elle-même pour savoir si elle devait se confier ou non. Elle a bu à nouveau et a fini par lâcher :
— Vous avez été vraiment gentille avec moi et du coup j’avais décidé de vous épargner. Mais je pense qu’il faut que vous sachiez qu’il m’a tout volé.
Je suis restée un peu bloquée sur ces derniers mots :
— Comment ça tout volé ? ai-je demandé.
— Les idées, le livre, tout. Il m’a tout pris, a-t-elle repris en hoquetant toujours. Je me suis laissée avoir par ce salopard.
Après un temps, elle a ajouté :
— Désolée, Sarah, ce n’est pas ce que je voulais dire.
— Mais si, c’est exactement ce que vous vouliez dire. Ne vous excusez pas.
Elle a paru un peu rassurée que je ne lui hurle pas dessus en la mettant à la porte, et surtout que je puisse la croire.
— Je ne vous raconte pas d’histoire, vous savez. Son livre, tout son succès, c’est à moi. Il m’a tout pris.
Je ne comprenais rien à ce qu’elle me racontait.
— Margaret, vous allez reprendre un verre et tout me raconter s’il vous plaît.
Je devais impérativement savoir ce que Charles avait fait exactement, ou plutôt ce qu’il n’avait pas fait, et à quel point il m’avait menti.
— Charles a fait une master class d’écriture il y a un an environ.
Je m’en souvenais. Je la lui avais offerte pour qu’il arrive à se dépasser et qu’il ose aller plus loin dans l’écriture.
— J’ai fait la même. Le principe est de faire des exercices, de les poster sur la plateforme et tout le monde peut commenter. Au deuxième exercice, j’ai posté mon écrit et votre mari a fait un gentil commentaire. Après quelques échanges, nous avons préféré communiquer par mail. Nous parlions beaucoup d’écriture et petit à petit, je lui ai détaillé mon idée pour mon futur projet de roman policier. Il me posait plein de questions, mais je pensais qu’il était juste curieux. Et ce matin, en allant chez mon médecin, j’ai trouvé un magazine qui parlait de son livre. J’ai d’abord été très vexée qu’il ne m’ait pas dit qu’il avait été publié, mais quand j’ai lu le résumé, j’ai vite compris. Il m’a tout volé, les idées, les personnages, l’intrigue… Jamais il ne m’en a parlé. Jamais il ne m’a demandé la permission. Il a trompé tout le monde. Et dire que je lui ai donné quasiment tout ce qu’il fallait pour un deuxième livre !
Tout le long de son récit, elle a continué à boire si bien que sa langue se déliait de plus en plus facilement. Elle m’a raconté que Charles lui posait beaucoup de questions sur ses idées de romans en lui demandant chaque fois plus de détails. Il disait que c’était pour vérifier si son projet était bien ficelé ou pas. De son côté, elle avait remarqué que les idées de Charles manquaient de travail, d’approfondissement, que les énigmes n’étaient pas vraiment abouties.
J’ai rapidement compris que Margaret avait beaucoup d’idées, mais était incapable de les mettre sur papier par un manque de confiance en elle, quasi maladif. Charles, de son côté, était au contraire un bon écrivain qui manquait cruellement d’imagination.
Il ne lui a donc évidemment jamais dit qu’il écrivait un livre avec ses idées. Comme Margaret vivait en quasi-ermite, mon cher mari n’a pas imaginé une seule seconde qu’elle l’apprendrait un jour. C’est un crétin !
J’ai resservi Margaret le plus souvent possible. Il me fallait du temps pour réfléchir.
Charles me mentait donc, et depuis longtemps. Il ne m’avait pas parlé de la Master class plus que ça, à part qu’il y avait trouvé ce qu’il lui fallait pour avancer et écrire son premier roman à succès.
À ce moment-là, Margaret s’est levée en me demandant les toilettes. Elle semblait assez éméchée. Elle a trébuché sur la table basse et est tombée à la renverse en se cognant la tête sur le rebord de la table. Je me suis précipitée vers elle. Elle était sérieusement blessée. Beaucoup de sang s’était déjà répandu sur le tapis. Je devais appeler les secours le plus vite possible. J’ai attrapé mon portable et j’ai aussitôt arrêté mon geste.
Finalement, j’ai décidé de ne rien faire. J’ai reposé mon smartphone. Incapable de bouger, elle m’a fixé sans comprendre. Elle a agonisé en me suppliant du regard de l’aider. J’aurais dû téléphoner bien sûr, mais notre vie se serait arrêtée là, et il n’en était pas question.
Sa respiration était de plus en plus faible. J’ai pensé un moment l’aider à mourir avec un coussin ou autre, mais je n’étais pas une meurtrière.
Charles avait travaillé à droite à gauche et n’avait jamais gardé de boulots très longtemps. Il était persuadé d’être écrivain et n’en démordait pas. Mais le succès n’était pas au rendez-vous. Ses écrits ne le méritaient d’ailleurs pas. Les énigmes étaient loufoques et la plupart du temps irréalistes. Une grosse dépression avait failli nous coûter notre couple. De mon côté, j’étais ouvrière en bonneterie. Il y a quelque temps, voulant changer de vie, je m’étais lancée dans du coaching sportif, cependant personne ne voulait d’une ancienne couturière. Nous vivions avec de très petits moyens et aucun de nos projets n’aboutissait. La réussite de Charles avait tout changé. Tout le monde s’arrachait mes services, et particulièrement le gratin de la ville. Quant à lui, il serait bientôt mondialement connu et toutes les portes s’ouvriraient devant nous.
J’ai donc attendu. Elle a mis un plus moins de quinze minutes à mourir. J’aurais pu avoir des remords, mais d’abord je n’avais tué personne, et ensuite, elle aurait détruit nos vies avec ses révélations. Je n’ai fait que nous préserver en la laissant mourir.
Qu’allais-je faire du corps et comment expliquer sa disparition ? J’adore les romans policiers alors j’ai cogité pour trouver la solution idéale. Elle n’avait qu’un téléphone à clapet : impossible de la géolocaliser. Clés en main, je suis allée chez elle. Au vu de la tempête dehors j’étais seule au monde. Sa maison était tellement isolée que personne ne m’avait vue. J’ai volé son ordinateur et tout ce qui se rattachait à l’écriture. J’ai récupéré son sac à main, ses bijoux et son passeport. La police penserait juste à une disparition volontaire. Je suis rentrée chez moi. Le lendemain, j’ai téléphoné à la jardinerie pour qu’ils me livrent trois oliviers au lieu d’un seul prévu au départ. Cette femme n’avait pas d’amis et personne ne s’inquiéterait de sa disparition. Son téléphone n’a pas révélé de numéro récurrent et les contacts de papa ou maman y étaient absents. Sa messagerie n’a révélé que des mails de mon mari et un peu de publicité. La terre était assez humide pour creuser facilement. J’ai ensuite tranquillement terminé les préparatifs de la soirée.
La fête bat son plein. J’entre dans la cuisine avec une pile d’assiettes vides. En me retournant, j’aperçois Charles derrière moi avec un air triste :
— Tu sais, commence-t-il, il faut quand même que tu saches que toutes ces idées pour le roman n’ont pas forcément été simples à trouver, et…
— Les idées ? dis-je en le coupant rapidement, on se fout de savoir d’où elles viennent. Elles ont forcément été prises dans plein d’endroits différents. Et puis les idées, ça ne fait pas tout. C’est l’écrivain qui prime. C’est lui qui écrit. Le reste n’est pas important.
Il me regarde tendrement, presque soulagé. Il allait donc tout me dire, m’avouer la vérité. Je ne l’ai jamais autant aimé. Je réalise que je ne pourrais pas être plus heureuse. Je l’embrasse et l’entraîne dans le jardin.
Mon mari vient de signer son avenant au contrat, le deuxième roman est en route, et après les premières fouilles dans l’ordinateur et les notes de Margaret, j’ai tout ce qu’il faut pour qu’il puisse en écrire encore un grand nombre. Cette Margaret avait vraiment une imagination débordante. J’ai envoyé ce matin même un mail à Charles de sa part. Les trois oliviers vont pousser admirablement bien avec l’engrais que j’ai mis à leur pied. Et nous allons être heureux encore longtemps, Charles et moi.
Il y a comme un air de fête ce soir au jardin.
Plus que quelques heures avant de le retrouver. J’ai hâte. Je vais le recevoir avec toutes les attentions et les honneurs qu’il mérite.
Pour cette occasion, j’ai rendez-vous chez mon esthéticienne ce matin, pour la totale : ongles et épilation. Comme je suis enceinte de trois mois et demi seulement, mon ventre a à peine pris quelques rondeurs. J’en ai profité pour acheter de la lingerie sexy. J’ai trouvé un body rouge avec porte-jarretelles que monsieur devrait apprécier. La boisson est au frais : champagne pour lui et jus de tomates pour moi. Je lui ai mitonné un plat de lasagnes, ma spécialité. J’ai acheté des bougies parfumées, des foulards pour tamiser les lampes et j’ai changé les draps. La soirée s’annonce vraiment bien.
Je me gare. Pile à l’heure ! En entrant, l’esthéticienne m’installe d’abord pour la manucure. Elle est jeune, mais a l’air compétente. Tant mieux ! Je ne voudrais pas qu’elle se rate. La patronne installe une autre cliente à une table juste à côté de la mienne. J’aime bien cette convivialité. Ses clientes doivent sûrement discuter entre elles. Si je suis satisfaite de mes soins, je reviendrai certainement. Rien de tel pour nouer de nouveaux liens.
J’ai tout quitté pour le suivre et pouvoir vivre près de lui alors j’espère très vite pouvoir me faire des amies parce que sinon, les journées risquent d’être longues. J’ai tellement hâte d’être à ce soir.
Il est marié. On ne se voit donc pas tous les jours. Je suis celle qu’il retrouve pour faire l’amour, pour le plaisir. Il m’a tout de suite prévenue qu’il ne quitterait pas sa femme. Je lui ai toujours dit que cela me convenait parfaitement et que je ne voulais pas plus.
— D’accord, tu ne seras pas avec moi au quotidien, mais je n’aurai pas ton linge sale à laver ni tes chemises à repasser. Je garderai mon espace et ma liberté que j’adore. Je n’aurai pas à subir tes humeurs, ni toi les miennes. Nous ne nous verrons que pour passer de bons moments. J’aime être ta maîtresse. Je ne veux rien de plus.
Jusqu’à aujourd’hui, mes mots reflétaient mes sentiments. J’ai un autre plan en tête depuis quelques temps.
C’est Valentine qui s’occupe de moi et nous sommes tellement absorbées par le choix de la couleur de mon vernis à ongles que je ne remarque pas tout de suite ma voisine, qui a les yeux rougis par les pleurs. Elle parle doucement avec son esthéticienne et je ne distingue pas tout ce qu’elles disent. En plus, Valentine me parle et je dois lui répondre pour ne pas paraître grossière. Je parviens enfin à comprendre :
— Mais qu’est-ce qu’il se passe ? lui demande la patronne. Il est arrivé quelque chose de grave ?
L’autre a du mal à répondre.
— Tu veux que je t’installe dans une cabine au calme ? demande-t-elle encore avec des coups d’œil dans ma direction.
Oh non pas ça ! Très rapidement, je fais semblant d’être très absorbée par ma conversation avec Valentine. Je suis d’une curiosité maladive. J’ai toujours envie de tout savoir, et principalement quand cela ne me regarde pas. J’aime savoir, être au courant de tous les potins, connaître la vie des autres. Je suis secrétaire médicale. J’ai l’habitude d’être au téléphone, d’encaisser le règlement d’un patient ou encore de taper les comptes-rendus tout en écoutant régulièrement ce qu’il se dit dans la salle d’attente.
Mes parents me surnomment « Radio Lulu » parce que je m’appelle Lucie. Je ne peux pas m’en empêcher. C’est comme ça ! J’ai besoin de fourrer mon nez partout. Beaucoup me critiquent et me traitent de fouineuse, mais ils adorent quand je leur raconte les derniers cancans. Les gens n’ont qu’à parler moins fort et se tenir à l’écart s’ils ne veulent pas que les autres soient au courant de leur vie.
J’arrive donc, avec des réponses suffisamment longues pour ne pas paraître trop impolie, à discuter avec Valentine et à rester concentrée sur ce qu’il se passe à côté.
La cliente fait non de la tête :
— Non, ne t’inquiète pas, dit-elle. Ça va aller. À un moment, je n’aurai plus de larmes de toute façon !
Elle s’essuie les yeux, se mouche avant d’ajouter doucement :
— Figure-toi que mon mari me trompe et qu’il me quitte.
C’est bien ma veine de tomber à côté d’une épouse trompée ! Ma position de maîtresse n’est pas très louable, mais je préfère toutefois être à ma place. Au moins, ce n’est pas une surprise pour moi : je sais qu’il couche avec sa femme.
— Et ce n’est pas tout, ajoute-t-elle après s’être à nouveau mouchée, il paraît qu’elle est enceinte !
Céline, la patronne, a l’air très étonnée.
— Mais je croyais qu’il ne voulait pas d’enfant ! lui dit-elle.
La cliente repart dans un sanglot :
— Tu te rends compte qu’il a toujours refusé d’en avoir avec moi, me disant qu’on était trop bien tous les deux, et que…
— Alors quel rouge fait-on ? me demande Valentine.
Zut ! Pas pu écouter la fin ! Finalement j’expédie le choix de la couleur assez rapidement. Un jour, ma curiosité va finir par me jouer de sales tours, mais tant pis !
Et moi qui suis enceinte ! Drôle de coïncidence ! La seule différence c’est qu’il ne quittera pas sa femme. Il a été toujours très clair sur ce point.
— J’aurais dû m’en douter ! Il était toujours par monts et par vaux, prétextant des visites de maisons ici, d’appartements là, les horaires compliqués des futurs acheteurs, des formations ou conférences à Pétaouchnock. Comme ses affaires marchent plutôt bien, j’ai pensé que c’était réellement à cause…
Mon Patrick est agent immobilier lui aussi. Est-ce que ça pourrait vraiment être sa femme ? Je ne sais pas à quoi elle ressemble. Je ne lui ai jamais demandé de photo. Pour moi, elle a toujours été l’autre, celle qu’il n’aime plus assez, celle qui ne le fait plus rêver. Je ne me la suis jamais représentée physiquement. J’avoue que je m’en foutais un peu. Mais d’un coup, l’idée que ma voisine de soins pourrait être la femme de Patrick me déroute. Je la détaille un peu. Elle n’est pas du tout laide, mais pas spécialement jolie non plus. Elle a de très beaux cheveux longs châtain clair, avec une mèche bien droite retombant sur son front, des yeux en amande, même si ceux-ci ne sont pas à son avantage avec toutes ces larmes versées, et un visage assez allongé. Il n’y a que son nez qui est un peu écrasé, mais qui donne cependant du caractère à son visage.
Il faudrait qu’elle prononce son prénom pour que je sois sûre. En tout cas, elle a à peu près son âge. J’en suis toute retournée parce que si jamais c’était sa femme, ça voudrait dire… qu’il compte vraiment la quitter pour moi ? Ce serait quand même génial. Non, non, non ! Je me connais, il ne faut pas que je m’emballe ! Je me fais des films et après, je suis toujours déçue. De toute façon, des agents immobiliers qui trompent leur femme, il doit y en avoir plein !
Je vois bien que Valentine fait tout ce qu’elle peut pour ne pas laisser de silence entre nous. Elle veut être certaine que je n’écoute pas ce qu’il se dit à la table voisine. Mais ce serait mal me connaître que de douter de moi. Je parviens parfaitement à suivre ce qu’il se dit à côté et à discuter chiffon avec Valentine.
Bon, la profession correspondrait, le mien n’a pas d’enfant non plus et je suis enceinte. Et puis, est-ce qu’elle va vraiment chez l’esthéticienne ? En pleine semaine et à 14 heures ? Elle ne travaille pas ? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres femmes d’agents immobiliers trompées, dans une ville de vingt mille habitants ? Cela ferait beaucoup de coïncidences quand même !
Avec Patrick, on s’est d’ailleurs rencontrés comme ça, une série de hasards. Je devais retrouver une copine dans un studio photo où elle avait une séance pour une pub pour une agence immobilière. Ensuite, nous devions passer la soirée ensemble. Dans le métro, j’étais assise en face de lui. Il m’a tout de suite tapé dans l’œil. Je n’ai pas dû le laisser indifférent parce qu’il a tenté d’engager la conversation, mais nous sommes arrivés assez vite à destination. En descendant, nous avons marché côte à côte jusqu’à la sortie en nous lançant mutuellement des regards en coin. Il me fallait un taxi pour arriver au studio photo. J’étais assez en retard. Il est arrivé avant moi devant le seul taxi en place. Voyant que je consultais ma montre souvent, il me l’a laissé, me disant qu’il pouvait attendre le suivant. Je l’ai grandement remercié en regrettant déjà de ne pas avoir pris son numéro. Arrivée au studio, c’était le branle-bas de combat. Nadège, ma copine s’était désistée au dernier moment, car elle était malade. Elle avait également oublié de me prévenir a priori. L’assistant du photographe ne parvenait pas à trouver une remplaçante : soit les filles ne répondaient pas, soit elles étaient indisponibles, ou pas sur place. Au moment où une autre candidate répondait qu’elle pouvait se libérer, le photographe avait demandé que l’on raccroche et s’était approché de moi en me demandant ce que je faisais là.
— Je venais rejoindre Nadège, mais si je comprends bien, elle est malade.
— Oui, et elle nous a bien plantés ! Du coup, vous n’avez rien de prévu dans l’heure qui suit ?
— Ben… euh…, je bredouillais, non… j’crois pas !
— Excellent ! Tu seras parfaite ! Tu vas prendre la place de Nadège. C’est une pub pour un petit magazine, pour le prochain salon de l’immobilier. Ne prends pas le melon tout de suite, c’est pas pour Stéphane Plazza. Il sera diffusé uniquement au niveau régional et ça ne fera pas de toi un mannequin, mais au moins, tu ne seras pas venue pour rien, tu seras payée !
Ils m’ont habillée, maquillée, et allaient me faire poser quand mon beau gosse du métro taxi est arrivé. Des gens lui ont foncé dessus en lui posant plein de questions et en me montrant du doigt. Il a acquiescé immédiatement en me souriant. J’ai bien compris que rien ne se ferait sans son accord et qu’il devait être le responsable de l’agence immobilière en question. Son sourire m’a rassuré et je me suis prise au jeu de la séance photo. C’était vraiment très amusant.
À la fin, il est venu me rejoindre en me disant :
— J’étais sûr que vous et moi, ce n’était que le début !
— Le début de quoi ? lui ai-je demandé.
— Le début d’une suite.
Et cette simple phrase complètement idiote a suffi à me faire craquer.
Le photographe s’est rapproché de nous et m’a dit :
— À une minute près, tu loupais le job ! Ça aurait été dommage. Tu t’en es très bien tirée en tout cas. Bravo !
Patrick m’a ensuite raconté que de son côté, il aurait dû être là plus tard, mais un de ses rendez-vous s’était annulé. Il était curieux de voir une séance photo. Nous n’aurions donc jamais dû nous croiser. Nous avons fait l’amour le soir même. Je pensais que de son côté ce serait juste un coup d’un soir, mais il m’a rappelée très vite. Nous avons pris le temps de faire connaissance, tout en continuant à faire l’amour, partout, tout le temps. Il n’était jamais rassasié et je l’y encourageais fortement.
— Non, mais tu te rends compte, dix-neuf ans de mariage et il me plaque pour une jeunette. Je me suis sacrifiée toutes ces années. J’ai tout accepté, par amour pour lui, tout, principalement de ne jamais avoir d’enfant et il me trahit comme ça !
— Et tu sais qui c’est cette nana ? lui demande Céline.
— Pas eu le courage d’en demander plus ! Dix-neuf ans de mariage qui partent en fumée pour une pétasse ! Mais tu te rends compte qu’il a quarante-six ans et qu’il va avoir un môme ? Quarante-six ans ! Il n’en voulait pas et là…
Encore une fois, je décroche. Trois semaines plus tôt, Patrick avait eu quarante-six ans. C’est de plus en plus dingue cette histoire ! Quelles étaient réellement les chances que je prenne rendez-vous dans le même salon que sa femme, exactement à la même heure ?
C’est vraiment fou ce truc. Plus j’y réfléchis, plus je me dis qu’il m’aurait prévenue avant de la quitter. Sauf si… sauf s’il avait décidé de me faire une surprise ce soir.
Et Valentine qui a pratiquement fini ! Si elles ne se dépêchent pas de lâcher un nom, je ne saurai pas, et je déteste ne pas savoir.
Dès notre premier échange de regards dans le métro, j’ai su que c’était lui. Je déteste les trentenaires. Ils sont arrogants, immatures et manquent d’expérience. Ce sont encore des adolescents dans leurs têtes. Ils sont incapables de m’apporter la stabilité dont j’ai besoin. J’aime les hommes plus âgés, plus mûrs et plus friqués aussi, je l’avoue. Patrick a toutes ces qualités. Au début de notre histoire, je ne savais même pas s’il aurait envie de construire une relation un peu durable. Il a demandé à me voir plus souvent. Je pensais que c’était de l’esbroufe, mais il ne plaisantait pas. Il a toujours été franc avec moi, me disant qu’il ne quitterait pas sa femme. Je lui ai toujours dit que j’acceptais cette condition, mais en même temps, j’ai tout fait pour qu’il s’attache. Plus le temps passait, plus il avait du mal à se passer de moi. Même les semaines où il ne devait pas venir, il finissait toujours par sonner à ma porte. J’ai finalement tenté le coup de poker. J’ai arrêté la pilule, sans rien lui dire bien entendu. Lorsque je suis tombée enceinte, je lui ai juré de pas lui avoir fait un enfant dans le dos, que je pouvais avorter s’il n’en voulait pas…
Il a pris quelques jours pour y réfléchir. Quatre-vingt-dix kilomètres nous séparaient et avoir un enfant à cette distance lui semblait inimaginable. Il m’a encore dit qu’il ne quitterait pas sa femme, mais me proposait une alternative : il m’avait trouvé un appartement à deux pas de son agence. Si j’étais d’accord pour tout quitter, il pourrait être là souvent, il voulait être présent pour nous deux. J’avais réussi cette première étape, celle de me rapprocher de lui. J’étais certaine qu’après la naissance de l’enfant, il ne pourrait plus se passer de nous et qu’il quitterait finalement sa femme. Mais de là à penser qu’il le ferait avant la naissance…
J’étais dans mes pensées quand j’ai entendu Valentine me demander :
— Alors, ça vous plaît ?
— C’est extra, dis-je. Exactement ce que je voulais.
— Tant mieux, c’est l’essentiel. Il ne me reste que le vernis de finition, un peu de crème et nous passerons en cabine pour la suite.
Je souris, mais intérieurement, je m’énerve parce qu’aucun prénom n’a été énoncé à haute voix. Il faut que je sache ! Au moment où Valentine reprend ma main pour le vernis final, Céline dit à sa cliente :
— Tu aurais pu me dire plein de trucs sur Patrick, mais jamais je n’aurais pensé qu’il te tromperait ! Il paraissait…
J’en ai le souffle coupé. C’est bien de mon Patrick qu’il s’agit. Je caresse mon ventre, avec tendresse. Le fœtus ne pèse pas plus de cent grammes, mais je l’aime déjà tant. Nous n’avions jamais parlé bébé et je ne savais pas du tout qu’il n’en voulait pas. Et avec ses quarante-six ans, il est vrai que je l’ai pensé trop vieux. Il a eu l’air décontenancé, mais après coup, il a paru très heureux.
S’il a vraiment décidé de quitter sa femme, nous allons pouvoir former une vraie famille. Je me mords la lèvre pour ne pas pleurer, car je sens les premières larmes arriver. Les hormones me jouent des tours en ce moment, mais ce serait de mauvais goût à côté de sa femme.
— Et tu vas faire quoi ? Rester dans ta maison ? La lui laisser ?
— Je n’en sais rien du tout, répond l’autre tristement.
D’un seul coup, elle me fait de la peine. Je n’ai jamais vraiment pensé à elle. Même aujourd’hui, tout le temps de la manucure, tout ce qui m’intéressait, c’est de savoir pourquoi elle pleurait, puis de savoir si elle parlait bien de mon Patrick. Quand je la regarde maintenant, je prends conscience du mal que nous faisons. Jusque-là, mon plaisir seul comptait. Je n’avais jamais vu sa femme comme un véritable être vivant avec des sentiments et une histoire aussi longue entre eux. Pour moi, elle n’était que l’Autre. L’impact que notre histoire va avoir sur sa vie n’est pas à négliger. Être avec un homme marié à des conséquences, lourdes visiblement. Mais l’idée de notre petite vie à trois se forge à nouveau. La culpabilité s’enfuit rapidement.
— On y va ? me demande Valentine.
Je regarde le résultat, je souris et me lève pour la suivre. Certes, nous lui faisons du mal, mais c’est moi qu’il a choisi. Mes ongles sont magnifiques, je suis magnifique et j’ai hâte d’être à ce soir pour qu’il m’annonce la nouvelle.
Pendant que je ramasse mes affaires, Céline demande :
— Il t’a dit quand l’accouchement était prévu ?
— Dans trois semaines ! Tu te rends compte ? Il a attendu qu’elle soit à trois semaines d’accoucher pour m’en parler ! dit-elle avec de nouveaux sanglots.
J’entre dans la cabine à la suite de Valentin. Je suis dans un brouillard complet. J’ai les jambes qui flageolent. J’ai mal compris ou c’est Patrick qui s’est mal exprimé ? C’est n’importe quoi ! Il a dit « enceinte de trois mois », mais sous le coup de l’émotion elle a compris « à trois semaines du terme ». Tout en imaginant la scène, je sais que je me mens à moi-même. Les larmes me montent aux yeux. Valentine s’inquiète :
— Vous allez bien ? Que se passe-t-il ? Il y a un problème ?
Je lui réponds machinalement :
— Ça va, ça va ! Un petit coup de mou, c’est tout.
Elle part me chercher un verre d’eau. Je la rassure. Je lui parle des soldes qui viennent de commencer et lui demande les meilleurs magasins où je dois me rendre pour faire de bonnes affaires, histoire de dévier la conversation. Je me mets ensuite dans ma bulle. Je suis en colère, triste, furieuse, vexée, blessée. Je me rends compte soudain que je ressemble trait pour trait à ma voisine de table de tout à l’heure. Je suis une femme trompée ! C’est frappant comme on n’a pas les mêmes sensations quand on se retrouve dans la peau de la cocufiée.
Pendant toute la durée de l’épilation, je refuse de m’effondrer. J’aurais le temps plus tard pour ça. Pour le moment, je dois impérativement finir mes préparatifs pour ma soirée.
En sortant de chez l’esthéticienne, je sais exactement ce que je vais faire. Tout est bouclé dans ma tête.
Plus que quelques heures avant de le retrouver. J’ai hâte. Je vais le recevoir avec toutes les attentions et les honneurs qu’il mérite.