La Haine - Yann Sartor - E-Book

La Haine E-Book

Yann Sartor

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Beschreibung

Découvrez les dernières heures de la vie de Jean Moulin, héros de la Résistance arrêté et torturé par la Gestapo.

Le jour où, au Fort Montluc à Lyon, après l’avoir fait torturer, l’agent de la Gestapo lui tend de quoi écrire puisqu’il ne peut plus parler, Jean Moulin dessine la caricature de son bourreau. Pour la terrible suite, écoutons seulement les mots si simples de sa sœur : « Son rôle est joué, et son calvaire commence. Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous »
André Malraux

Après avoir été trahi, Jean Moulin est enfermé au siège de la Gestapo : les dernières heures sonnent pour le chef de la résistance. La Haine met en scène ce jour ultime, gorgé de doutes, de peur, mais aussi d’espoir. La pièce, écrite dans les règles classiques, interroge la violence, la vie, le rapport à la mort, à l'héroïsme. Enfin, cette poésie tragique veut offrir des lettres nobles, s’il en fallait encore, à l’un des plus grands héros de notre temps.

Une tragédie historique qui met en scène l'héroïsme extraordinaire d'un homme.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Engagé pour la paix, Yann Sartor publie ici à sa première pièce. Passionné de géopolitique, il s’essaie aussi aux romans, à la philosophie et la poésie.

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Yann SARTOR

La haine

PIÈCE EN CINQ ACTES

à Paul

PERSONNAGES

JEAN MOULIN, du Conseil National de la Résistance.

KLAUS BARBIE, Chef de la section IV (Gestapo) du KDS de Lyon.

HESPÉRIS, l’heure du soir

HADÈS, le bourreau

REINHOLD, Chef de division

HERRMANN, GUNTER, THÉOPHILE, JOHANNES : sbires.

L’OMBRE

L’ENFANT

LE GREFFIER

La pièce se déroule dans un cachot. Deux portes, surmontées de marches, se font face. La scène est remplie de caissons de bois. On ne distingue pas le fond, mais une petite lucarne donne une vue sur le bas d’une rue. La lumière est axée sur les personnages.

PRÉLUDE

L’heure monte au-devant de la scène. Derrière elle, le rideau n’est pas encore levé. Le visage calme et sérieux, elle reste impassible mais esquisse un sourire. Elle est vêtue d’une tunique romaine, simple mais majestueuse.

HESPERIS

Bonsoir et bienvenue, Hespéris est mon nom.

Les légendes d’anciens, me donnent le renom,

D’être l’heure du soir, gouvernant l’univers,

D’avoir onze autres sœurs, dont je suis la dernière.

Je règne sur la paix, sur les portes du ciel,

Les saisons, la justice, et sur tous les mortels.

Un temps.

Ce n’est pas ma légende, que je vais conter :

Mais celle d’un homme, ou plutôt d’un héros,

Qui sut battre un titan, en dépit de ses maux :

Il avait pour arme, sa seule humanité.

Cette histoire est aussi, le procès du bourreau,

L’indignation des dieux au milieu du chaos.

Un temps.

Son regard se lève, et, tendant les bras en avant, elle clame d’une voix puissante.

C’est ici en ces lieux, la trame de sa mort,

Et pour vous aujourd’hui, je retourne le sort !

Elle abaisse ses bras. Puis, redevenue sereine.

Mais sachez à présent, que le temps est compté,

Pour affronter le Diable, il lui reste une journée.

Elle laisse place à la scène, où le rideau s’élève.

Tambours, tempo largo.

ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

Des soldats jouent aux cartes, sans grande attention. Ils sont assis sur des caissons de bois. Reinhold est le plus gradé des trois. Johannes, exaspéré, se lève.

JOHANNES, soupirant.

Pour nous autres gradés, ce cachot est bien frustre !

L’ennui se fait sentir...

Un temps.

... Qu’attendons-nous au juste ?

REINHOLD

La patience à défaut, la colère te prend ?

Tempère ton humeur : je reprends calmement.

Il nous est demandé, par le Maître d’ici,

D’accueillir un paria, que le sort a maudit.

Jean Moulin résistant, fut longtemps le second.

Et même le premier, dans les termes du front.

THÉOPHILE, sceptique.

C’est étrange pourtant : car sur un échiquier,

Il est rare que le roi tombe le premier. (Il abat ses cartes.)

REINHOLD, rectifiant.

Mais, il n’est pas tombé...

Un temps.Un temps. Il regarde fixement ses cartes.

... non : disons plutôt pris :

Un traître parmi eux nous a donné sa vie.

Il abat lui aussi ses cartes.

JOHANNES, moqueur

Des échecs ou la vie, c’est le même destin :

Une pièce est un pion et cet homme est un chien.

THÉOPHILE, irrité par le ton supérieur qu’emploie Johannes :

Ne parle pas si fort ! (Chuchotant.) Tu pourrais te tenir !

REINHOLD, les ignorant.

Un autre court encore d’après les rumeurs :

Cet anarchiste fou, n’en a plus pour des heures.

JOHANNES, frissonnant, et ignorant Théophile

Il est temps, je l’espère ! Car selon les dires,

C’est chaque nuit qu’ici, venu pour nous haïr,

Une ombre sur ces murs, y hantent les soldats !

THÉOPHILE, encore plus agacé.

Tu crois en ces choses ? Quel enfant fais-tu là !

Rappelle-toi qu’ici, nous avons un titan :

Qui est aussi réel, qu’il en est effrayant !

REINHOLD

Surveille ton langage, en parlant du Major :

Si Klaus est irrité, je prierai pour ton sort !

Un temps. Il soupire.Des bruits de pas se font entendre derrière la porte de droite.

Si c’est lui à la porte, je peux te dire adieu !

JOHANNES, écoutant.

Je crois que c’est Hadès, notre divin piteux.

C’est l’aimable bourreau, appâté par la vie :

Qui sauve sa famille en tuant ses amis !

C’est un monstre pour nous : c’est pour Klaus un outil :

Insiste en chuchotant :

Pour ne pas s’y salir, il a donc investi.

On entend, cette fois à gauche, des bruits de pas et de voix.

REINHOLD

Qui que cela puisse être nous serons bien prêts :

Il écoute.

C’est Hermann et Günther, nous rapportant les faits.

SCÈNE II

Hermann et Günther entrent, puis jettent violemment Jean sur le sol. Le prisonnier ne semble pas réagir aux agressions et reste calme tout au long de la scène.

GUNTHER

Prenez garde et tenez, car voici la vermine,

Qui vous romprait le corps, en feintes assassines !

HERMANN

Plus d’une, mais en vain, il tenta la sortie :

Il est fort et véloce, ce rebut recueilli !

Mais les poings et les coups, que nous administrons,

Ont gagné cette lutte, en battant sa raison !

Ils rient grossièrement. Un temps.

Et cela fait deux heures, que sans aucun essor,

Le chacal irrité, est muet comme un mort !

GUNTHER, en s’approchant de Jean,

Mais il ne tient qu’à lui, avec cette défiance,

De parler sous la roue, en feignant la vaillance !

En effet…

REINHOLD

Il suffit ! (Un temps.) Vous pouvez disposer.

Allez à d’autres hommes les brutaliser.

Rappelez-vous vos rangs, et le reste d’honneur :

Qui vous suffit sans doute et qui me fait horreur !

Hermann et Günther sortent de la scène par la porte de gauche, en maugréant.

SCÈNE III

Tout au long de la scène, Jean reste à terre, impassible.

JOHANNES, étonné et presque indigné, à Reinold :

Eh ! À parler ainsi as-tu changé de camp ?

Tu défends l’accusé : c’est nouveau, maintenant !

THÉOPHILE, s’emportant et prenant la défense de Reinhold.

Et que puis-je savoir, du droit que tu détiens,

Parlant ainsi aux grades, plus élevés que le tien ?

De cette remarque, tu pouvais t’abstenir :

L’expression a ses droits, mais elle doit s’y tenir !

Un temps.Il s’éloigne en soupirant.

Mais pourquoi suis-je ici ? C’est un ordre insensé !

Notre aversion commune, l’aurait dû différer !

JOHANNES, ne se retenant plus.

Permets, camarade, d’arrêter ton propos :

Tu sèmes le conflit : c’est toi qui es de trop !

REINHOLD, irrité au plus haut point

Assez ! Cessez enfin, pour ces futilités,

De jouer aux enfants, et de vous quereller !

Si d’autres le torturent, quel est le plaisir,

Ou bien même l’emploi, qu’on pourra s’en servir ?

Il faut laisser à Klaus, ce qui est au boucher :

C’eût été un gâchis, s’ils l’avaient achevé !

Gardons-nous d’oublier, le précieux témoignage :

Le maître sait mieux faire parler les otages !

JOHANNES,signifiant à Reinhold qu’il comprend le plan.

Oh ! Je vois bien ton jeu : c’est pour mieux le détruire !

Nous pouvons le briser, mais pas l’anéantir.

THÉOPHILE,toujours outré par le plaisir que prend Johannes à la violence.

On ne joue pas à la guerre : c’est un fléau ! (Il soupire.)

Seriez-vous moins cruels, sans être déloyaux !

Un temps.

La fleur ne choisit pas, les racines et son lieu…

JOHANNES, à vif

Mais un homme choisi, ses amis et son dieu !

THÉOPHILE, de même

Le destin, corrompu, nous a faits ennemis :

Mais d’autres circonstances nous auraient unis !

Du ciel et des anges ne crains-tu pas les lois ?

Devant ta cruauté, tu peux trembler d’effroi !

Si je suis un soldat, c’est pour vivre et sauver !

J’agis pour ne pas perdre face à l’iniquité !

JOHANNES

Tu cries la justice d’une innocente voix :

Mais tu sembles ignorer, que cet homme tua !

Futile compassion quand il s’agit de haine :

Et s’il a pris des vies nous lui prendrons la sienne !

THÉOPHILE

Le tuer en ces mots, ne vaut aucune estime :

Tu voudrais le juger ? Voilà que tu le mimes !

Un temps.

JOHANNES

Mais songe donc aux hommes, femmes et aux enfants

Qu’il a pris sans tarder, et sans penser autant !

Des millions de familles, et le bien de ces murs,

Condamnent ses actions, appelant la torture !

THÉOPHILE

Il subira ce sort : à moins que dès demain,

Il révèle son clan et ses projets ! – Enfin –

Il lui reste la nuit, la mort ou la prison :

Il peut se repentir et entendre raison !