La petite Lili et autres nouvelles - Sylvie Ollivier - E-Book

La petite Lili et autres nouvelles E-Book

Sylvie Ollivier

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Beschreibung

"La petite Lili et autres nouvelles" vous entraîne dans un tourbillon d’émotions à travers des personnages fascinants et des situations tantôt emblématiques, tantôt inattendues. Qu’il s’agisse d’une jeune femme revisitant un souvenir d’enfance ou d’un homme dont l’assurance lui ouvre toutes les portes, chaque récit offre un voyage où l’humour, la mélancolie, l’amour et le surnaturel se côtoient avec finesse. Les dénouements, toujours surprenants et empreints de sens, laissent une trace durable, impossible à ignorer.

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Sylvie Ollivier

La petite Lili

et autres nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Sylvie Ollivier

ISBN : 979-10-422-4668-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

La vérité est dans l’imaginaire.

Eugène Ionesco

Le train de février

Ce matin, un épais brouillard envahit la ville. On distingue à peine deux silhouettes sur le quai de la gare. On entend le train au loin. Il entre en gare. Mais il ne s’arrête pas. Ce sont deux femmes qui attendent sur le quai. Elles sont évidemment étonnées, hébétées, embêtées puis contrariées.

— Oh non ! Ce n’est pas possible, ça recommence ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! crie la première dame d’un certain âge.

— Qu’est-ce qui recommence ? demande l’autre dame, plus jeune, à côté d’elle.

— Eh bien, vous n’avez pas vu ? Le train vient de passer et il ne s’est pas arrêté. Ce n’est pas possible, ça continue !

— Mais enfin, Madame, excusez-moi, qu’est-ce qui recommence, qu’est-ce qui continue ?

— Ah, vous n’êtes pas d’ici, vous ?

— Non, pourquoi ? Vous pouvez m’expliquer ce qui se passe ?

— Eh bien, Madame, c’est une longue histoire. Vous attendiez quelqu’un qui était dans ce train, ou vous vouliez le prendre ?

— Je voulais juste le prendre pour rentrer chez moi à la montagne. J’ai passé quelques jours chez ma sœur pour mon anniversaire, mais demain il faut absolument que je travaille.

— Bon, c’est mieux comme ça. Ouf ! Car avec ce que je vais vous raconter, je préfère. Si vous attendiez quelqu’un, là ce serait différent. Ça aurait été plus délicat.

— Ça ne me rassure qu’à moitié ce que vous me dites.

— Attendez. Vous n’allez pas en croire vos oreilles, c’est moi qui vous le dis.

La dame âgée commençait à se détendre un peu. Elle la connaissait par cœur, cette histoire, c’était son histoire. Et elle prenait, à chaque fois qu’elle la racontait, sans le vouloir, un certain plaisir.

— Eh bien voilà : toutes les années bissextiles, seulement une fois, en février, le train ne s’arrête pas en gare. C’est curieux, non ?

La première fois, c’était en 1956. Il faisait très froid en hiver 56, vous vous souvenez, l’Abbé Pierre, etc. Enfin, je passe, on n’est pas là pour ça. Un train, rempli de jeunes enfants qui venaient de Lyon, pour aller en colonies pendant les vacances de Mardi Gras, ne s’arrêta pas dans cette gare, comme aujourd’hui, au mois de février, comme aujourd’hui. À cette époque-là, il n’y avait presque pas de voitures. On entreprit des recherches, en suivant la voie de chemin de fer, et on retrouva les pauvres petits tout congelés dans leurs compartiments, abandonnés en pleine campagne.

— Et le conducteur du train, comment a-t-il expliqué ça ?

— Eh bien, Madame, le conducteur du train avait disparu. On n’a plus jamais entendu parler de lui. Pschitt ! Disparu !

— En effet, c’est troublant. Et les autres fois, que s’est-il passé ?

— Il y a eu plein d’autres fois, seize fois exactement. Ça sera la dix-septième aujourd’hui. Jamais la même histoire, mais toujours en février et tous les quatre ans régulièrement. Nous sommes le 29 février aujourd’hui, et j’espérais qu’il ne se passerait plus rien, que ça finirait par s’arrêter enfin. On dirait que le train a une âme et qu’il pousse les conducteurs à ne pas s’arrêter en gare, qu’il décide à leur place, ou que les passagers sont possédés par une force plus forte qu’eux.

— Ah ! Oui, c’est bizarre !

— Je ne vais pas pouvoir vous raconter toutes les histoires, il y en a trop, seize exactement. Mais je me souviens, par exemple, de celle qui s’est passée en 1976. Ce jour-là, le train arrivait de Lyon également. Il faisait le même temps qu’aujourd’hui, froid et brumeux. Le train est arrivé en gare, il a ralenti, puis il ne s’est pas arrêté non plus encore une fois. Et là, vous ne devinerez jamais.

— Oui, en effet, je ne vois pas. Encore des enfants ?

— Non, pas du tout. Un fou furieux, qui était recherché par la police, a pris le conducteur du train en otage et l’a obligé à ne pas s’arrêter car il y avait des policiers qui l’attendaient sur le quai.

— Et comment ça s’est terminé ?

— Eh bien là, c’est le preneur d’otage qui a disparu en descendant du train un peu plus loin, et on ne l’a plus jamais revu. Le conducteur était très choqué quand il a été retrouvé. Il avait eu la peur de sa vie.

— Et les autres fois ?

— Je me souviens aussi de 1988. Là, encore c’était autre chose. Le conducteur du train était amoureux d’une fille qui travaillait à la gare. Un jour où il conduisait le train venant de Lyon, il l’aperçut dans les bras d’un collègue, sur le quai, en train de se faire langoureusement embrasser. Fou de rage, il ne s’est pas arrêté. Il a été retrouvé en pleurs aux commandes de son train, au terminus, ne pouvant expliquer son coup de folie ni son geste exagéré.

— Ça, ça peut se comprendre pourtant. Je ne sais pas comment je réagirais si je voyais mon ami avec une autre femme. Et vous vous souvenez encore d’autres fois, que s’est-il passé ?

— Il y en a tellement eu ! Ah si, c’est ça, je me souviens, en 1996, fin février. C’est ça. Et ça, c’est une histoire qui finit très bien pour une fois ! Il ne faisait ni très froid, ni brumeux comme aujourd’hui, mais un très beau temps ensoleillé d’hiver. Je m’en souviens très très bien, car j’étais là ! Dans le train, une femme enceinte a subitement eu de fortes douleurs et a perdu les eaux. Averti par le contrôleur, le conducteur du train a décidé de ne pas s’arrêter, d’alerter la gare pour qu’ils organisent tout, et d’emmener directement la future mère dans la ville la plus proche où se trouvait la maternité. Ainsi, la maman et le bébé ont été pris en charge, dans le train, à la gare de Moutiers où les attendait tout un service hospitalier. La maman a pu accoucher presque comme à l’hôpital. La maman et le bébé, une petite fille, je crois, s’en sont sorties en excellente santé.

Mais vous êtes toute pâle ! Avec toutes mes histoires, vous êtes en train d’attraper froid. Nous allons aller nous asseoir dans la gare, si vous voulez, et nous en profiterons pour avoir des renseignements sur ce qui se passe aujourd’hui, ce n’est peut-être pas très grave.

— Oui merci, je veux bien, excellente idée.

— En attendant, puisque nous sommes toutes les deux, je peux vous faire une confidence ? Les enfants de 1956, j’en faisais partie. J’avais six ans à l’époque. Je ne me souviens pas de grand-chose de ce qui s’est passé, mais ce dont je me souviens très bien, par contre, c’est que j’avais très peur et que j’étais transie de froid dans le wagon, quand les secours sont arrivés. Ensuite, adulte, je suis devenue la Maire de cette ville pendant plusieurs mandats, donc pas mal d’années. J’ai toujours été très intéressée par l’énigme du train de février. J’ai cherché des explications partout durant des années, sans rien trouver. Ça reste un grand mystère. Maintenant, vous savez tout, ou presque !

— Moi aussi j’ai une confidence à vous faire, car vous m’êtes très sympathique. Je suis née le 27 février 1996. La petite fille née dans le train, c’était moi.

Drôles de noms

Je m’appelle Jonathan, Jonathan Quetoit. Ça vous fait rire, n’est-ce pas ? Ça vous fait au moins sourire ? Et c’est comme ça à chaque fois ! Et pourtant, ça aurait pu être encore plus ridicule. J’aurais pu m’appeler Harry Cover ou Jean Bonneau.

Dans la vie, on ne choisit pas son nom ; il vous est donné à la naissance. Le mien, c’est ma mère qui me l’a choisi. Vous allez penser qu’elle était folle, ou que je lui ai fait tellement de souffrances à la naissance qu’elle s’est vengée, ou tout simplement qu’elle a un humour très spécial ? Eh bien non ! Ma mère n’a rien fait de tout cela, elle m’a appelé Jonathan avec tout son amour de jeune maman qui vient d’avoir un joli bébé.

Elle n’était pas encore mariée et son nom de jeune fille, accolé à mon prénom, ne faisait pas sourire spécialement, puisqu’elle s’appelait Leblanc. Jonathan Leblanc, c’est plutôt joli, ça rime bien et c’est même élégant.

Mais voilà, la vie est blagueuse, elle nous réserve souvent des surprises auxquelles on ne s’attend pas. C’est ainsi que, peu après ma naissance, elle fit la rencontre d’un jeune homme charmant, dont elle tomba follement amoureuse, et qui n’hésita pas un seul instant à me reconnaître comme son enfant, à m’élever et à me chérir. Je ne peux pas lui en vouloir ; il pensait bien faire, et mon vrai père, c’est bien lui, Monsieur Quetoit.

Aujourd’hui, j’ai trouvé un subterfuge : je me fais appeler John par mes amis, mes collègues et mes élèves. John Quetoit, ça passe très bien, surtout que je suis professeur d’anglais. Vous imaginez Jonathan Quetoit devant des élèves ? Impossible d’avoir une autorité quelconque dès le début de l’année. Il n’y a plus que ma mère qui m’appelle Jonathan, et encore, le plus souvent elle m’appelle mon garçon, si bien que personne ne connaît mon véritable prénom.

John Quetoit, c’est un peu mon nom d’artiste ; c’est le nom que je me suis choisi, celui qui me représente. J’en ai tellement souffert durant mon enfance. Mes camarades de classe se moquaient de moi et les adultes souriaient avec plus ou moins de discrétion. C’était un vrai cauchemar.

Ma vie d’adulte se passe très bien, merci, en compagnie de John, et Jonathan ne me manque pas du tout. Je sors avec Emma, la plus jolie prof de français que je connaisse. Nous nous sommes rencontrés à la rentrée scolaire et nous avons sympathisé tout de suite. Elle est tellement jolie qu’elle fait fantasmer tous les hommes : les professeurs, les élèves et également les pères d’élèves. On n’a jamais vu autant de pères s’intéresser au cours de français de leurs enfants.

C’est une fille très simple et très discrète, et elle ne se rend même pas compte des dégâts qu’elle fait auprès de la gent masculine.

Bref, je suis un privilégié, un veinard, un chanceux, et j’en suis conscient. Hier soir, je lui ai fait ma demande en mariage et elle l’a acceptée. Emmanuelle Quetoit, ce sera très chic, plus qu’Emmanuelle Toulemonde. Je vais peut-être un peu vite, car nous ne sortons ensemble que depuis six mois, mais c’est très bien comme ça.

Je m’appelle Emmanuelle, Emmanuelle Toulemonde. Mais tout le monde m’appelle Emma. En fait, ce n’est pas mon vrai prénom, car je m’appelle Dominique. Seulement, Dominique Toulemonde, ce n’est pas possible pour un professeur, car je suis professeur de français au collège Montaigne. Il n’y a que le Principal du collège qui soit au courant. C’est très sympathique de sa part de garder ce petit secret pour lui, et aucun professeur n’est au courant. Même John, mon petit ami, ne le sait pas. Depuis que nous sortons ensemble, je n’ai encore osé lui avouer mon vrai prénom. Je ne sais pas s’il me comprendrait. Lui, il a de la chance, il s’appelle John Quetoit ; c’est très facile à porter, ça ne pose aucun problème.

Nous nous sommes rencontrés à la rentrée scolaire et nous avons tout de suite bien sympathisé. Il est tellement gentil, tellement gai, tellement sûr de lui. Il a l’air de n’avoir aucun problème ; il est très bien dans sa peau et c’est très rassurant pour moi.

En quelques mois, nous nous sommes très vite attachés l’un à l’autre et nous n’avons plus aucun secret l’un pour l’autre, enfin presque. C’est pour ça que je n’arrive pas à lui avouer mon secret ; je crains qu’il soit déçu. Lui qui est si franc, si direct, comment va-t-il le prendre ?

Hier soir, il m’a demandé en mariage et j’ai accepté. Maintenant, je ne peux plus reculer. Dominique Quetoit, ce sera plus facile que Dominique Toulemonde. J’étais très étonnée, mais j’ai dit « oui » tout de suite. Ça va peut-être un peu vite, car nous ne sortons ensemble que depuis six mois, mais c’est très bien comme ça.

Ce soir, nous allons fêter notre prochain mariage avec le Principal, en lui apportant une bouteille de champagne.

Je m’appelle Alain, Alain Dupont. Je suis le Principal du collège Montaigne. Comment ? Ne me dites pas que je suis le premier Dupont que vous rencontrez ! On me dit ça à chaque fois ! Pourtant, je me suis renseigné, nous sommes plus de 50 000 en France à porter le nom de Dupont avec un T, sans compter ceux dont l’orthographe s’écrit avec un D mais qui sont un peu moins nombreux. Mais alors, où sont passés les autres Dupont ? En tout cas, j’assume totalement mon nom.

Ce n’est pas le cas de deux de mes professeurs qui sont complexés par leurs prénoms, ou plutôt par la signification que représente leur prénom attaché à leur nom. Je les comprends, ce n’est pas facile, surtout quand on est professeur au collège. Les adolescents sont souvent moqueurs ou indélicats, et parfois même d’une grande méchanceté. Il est déjà assez difficile d’avoir de l’autorité dans une classe ; voilà pourquoi je ne leur gâcherai pas leur vocation. Ils sont très appréciés tous les deux en tant que professeurs, et ça m’arrange bien, un souci de moins.

Ce qui est drôle, c’est qu’ils sortent ensemble depuis plusieurs mois, mais je n’ai pas l’impression qu’ils se sont révélé leurs secrets respectifs. Je suis le seul, pour l’instant, à connaître leurs vraies identités. Et je resterai muet comme une tombe, ou plutôt comme une carpe ; comptez sur moi !

Emma est la plus jolie et la plus gentille fille que je connaisse. Je suis si bien avec elle. Nous allons nous marier rapidement car je tiens tellement à elle que je ne peux plus me passer d’elle, et je veux qu’elle le sache. Ce soir, je lui avouerai mon vrai prénom, et j’espère qu’elle ne m’en voudra pas de lui avoir caché ce petit secret.

John est adorable. Je le regardais hier soir corriger ses copies ; il y mettait beaucoup de cœur. C’est un passionné et il me donne beaucoup de bonheur, tant dans la vie sentimentale que dans la vie professionnelle. Son assurance est contagieuse. Ce soir, en présence d’Alain, j’en profiterai pour lui avouer mon vrai prénom.

Enfin, dans quelques jours, les vacances de février ! Je me sens plus fatigué que les autres années ; c’est sans doute parce que c’est ma dernière année que je suis un peu moins motivé. J’ai tellement de choses à faire, d’envies que je n’ai jamais eu le temps de réaliser, que j’ai hâte d’être en retraite. Ce sera une retraite bien méritée, je trouve. J’en aurai vu des enfants passer dans mon école, des parents et des professeurs ! Et ces derniers sont parfois les plus difficiles à gérer !

Pour ça, John et Emma me laisseront un bon souvenir. Ces deux jeunes sont vraiment très bien. J’espère qu’ils ne changeront pas avec le temps. Je suis content qu’ils se marient. Ils forment un si joli couple qu’ils donneront naissance à de beaux et intelligents futurs élèves, j’en suis sûr.

Emma et John arrivèrent ensemble chez le Principal. Bien décidés à dévoiler leurs secrets respectifs, ils se lancèrent tous les deux courageusement, presque simultanément, pour expliquer la raison de leur omission sous le regard amusé et paternaliste d’Alain.

Tout se passa très bien, même si John eut l’air plus surpris qu’Emma. Emma, en fait, était soulagée. Cela faisait des mois qu’elle essayait de trouver le bon moment pour parler à John sans jamais y arriver. Et puis, John ou Jonathan, c’était un peu la même chose, un peu comme un diminutif.

Quant à John, il avait du mal à se dire que sa future femme s’appelait Dominique ; le prénom Emma, il s’y était habitué et il lui allait si bien qu’il continuerait peut-être à l’appeler ainsi.

La bouteille de champagne fut bue si rapidement dans l’excitation de la discussion qu’Alain dut sortir une deuxième bouteille, qu’il avait pris soin de mettre au frais pour l’occasion.

— Alors, parlons sérieusement, vous avez choisi de vous marier à quelle date, les deux tourtereaux ? Et dans quelle commune ? Est-ce que ça se passera dans notre belle petite ville ? demanda Alain en faisant sauter le bouchon de la deuxième bouteille de champagne.

— Oui, bien sûr, pourquoi ? répondit Emma.

— Vous connaissez le nom du maire qui va vous marier ?

— Lemaire, je crois. Un nom prédestiné pour la fonction, ajouta Emma avec un sourire.

— C’est pas vrai ! Encore un drôle de nom ! pouffa John.

— On va pouvoir organiser un concours, si ça continue ! s’écria Emma en éclatant de rire.

— Et vous connaissez son prénom à Madame Lemaire ? demanda Alain.

— Non, répondirent en chœur Emma et John.

— Marie, Madame Lemaire Marie !

À ce moment précis, et le champagne aidant, ce drôle de nom déclencha un fou rire général.

Hop Hop Hop

Deux amis discutaient à la terrasse d’un café, chacun buvant une bière. L’un était plutôt triste et morose, c’était Vincent. L’autre, plein d’allant, parlait en gesticulant sur sa chaise, et se prénommait Eric.

— Tu sais, expliquait Eric, moi, j’ai un truc infaillible pour réussir tout ce que j’entreprends, et ça marche à tous les coups ! Il suffit d’être confiant, et les autres ont confiance en toi. Et ça marche dans tous les domaines !

— Ce n’est pas suffisant, il y a le facteur chance et la compétence aussi ! lui rétorqua Vincent.

— Bien sûr, mais le plus efficace, c’est mon truc. Je l’emploie depuis deux ans, et depuis deux ans, comme tu vois, tout fonctionne à merveille.

— C’est quoi ton truc, comme tu dis ?

— C’est très simple. Je pense à quelque chose que je souhaite, je dis à voix haute « Hop Hop Hop » et ça marche !

— Quoi ? Tu te fiches de moi ! lui répondit Vincent avec un petit sourire moqueur.

— Mais non ! Par exemple, je cherche une place de parking. Je pense très fort « je veux une place de parking » et « Hop Hop Hop », une place se libère juste devant moi. Je sors en discothèque et je vois une fille qui me plaît, je me dis « toi, ma belle, tu ne rentreras pas toute seule ce soir, mais avec moi » et « Hop Hop Hop » et je me retrouve avec la fille dans mon lit le soir même. Incroyable, mais ça marche. Je n’en reviens pas moi-même ! Mais surtout, il faut bien penser à ce que tu veux, puis dire à voix haute les trois mots magiques, c’est important.

— Écoute, je vais essayer ton truc dès demain matin, car j’ai un entretien pour un poste qui m’intéresse vraiment, et je te dirai si ça a marché.

Les deux hommes se quittèrent sur ces paroles. Vincent se sentait mieux, il avait retrouvé le sourire. Ça lui avait fait du bien de parler avec son ami, il était si positif. Et son truc, il allait l’employer dès demain matin, pourquoi pas, il n’avait rien à perdre.

Le lendemain, Vincent partit à son rendez-vous professionnel en voiture. Il y avait beaucoup de monde sur la route, comme d’habitude. Après être passé par l’autoroute A13, le tunnel de St Cloud, le Pont de St Cloud, il arriva enfin à Boulogne, et s’engagea dans la grande Route de la Reine, toujours encombrée à cette heure matinale.

Il avait commencé à se servir du truc de son ami. À chaque ralentissement, chaque feu rouge « Hop Hop Hop » et il se tirait d’affaire rapidement, comme par magie, sa voie avançait mieux, le feu passait au vert, etc.

Enfin, en suivant les indications de son GPS, il arriva devant l’immeuble où il avait son entretien professionnel. Il pensa fortement qu’il aimerait bien trouver une place de parking et « Hop Hop Hop », une jeune femme, qui arrivait à pied sur le trottoir, fit cliqueter les warnings de sa petite Fiat, au moment même où il arrivait à sa hauteur. Elle monta dans sa voiture et la démarra rapidement, lui laissant la place, juste à quelques pas du numéro de la rue où il se rendait pour son rendez-vous.

Ce petit jeu l’avait amusé et mis de très bonne humeur. Le temps était passé très vite, et agréablement, et il arriva bien en avance à son rendez-vous.

Il sonna à l’interphone de l’immeuble et entra. Il y avait déjà cinq personnes qui attendaient dans le hall de l’immeuble, car c’était l’heure d’ouverture des bureaux. Encore un petit coup de « Hop Hop Hop » et il n’eut pas besoin d’attendre longtemps pour voir arriver l’ascenseur.

L’ascenseur s’ouvrit, et Vincent appuya sur le bouton numéro 7 en face du nom de la Société. Il commençait à être nerveux. Mais quand la porte de l’ascenseur s’ouvrit, il se détendit un peu en apercevant la décoration intérieure de l’étage.

L’entrée donnait sur un vaste hall, très lumineux, agrémenté de grandes plantes vertes tropicales. C’était moderne et très soft à la fois, dans des tons bleu lagon, blanc et gris clair, de très bon goût.

Il y avait tout d’abord, dans un style très contemporain, une sorte de bureau blanc très design, comme une sculpture, derrière lequel une jeune et jolie femme était assise dans un énorme fauteuil blanc lui aussi.

Ensuite, la pièce se prolongeait par une zone d’attente toute en longueur où trois jeunes hommes, d’environ son âge, attendaient assis sur des fauteuils transparents. Tous étaient vêtus de costumes et cravatés avec élégance pour l’occasion, comme lui-même. En quelque sorte, ils étaient frères jumeaux d’un jour. La concurrence allait encore être très rude, il allait falloir se battre, passer des tests et des entretiens pour avoir la chance d’obtenir cet emploi.

— Bonjour, je suis Vincent Martin, j’ai rendez-vous avec Monsieur Salomon à 9 h 30.

— Bonjour Monsieur, en effet. Mais je suis désolée, Monsieur Salomon ne pourra pas vous recevoir aujourd’hui, car il y a eu un empêchement de dernière minute. Ce sera directement Monsieur le Directeur qui vous recevra personnellement. Si vous voulez bien attendre avec les autres candidats, je vous appellerai d’ici quelques instants, lui répondit la jeune femme de l’accueil.

— Merci, dit Vincent en allant s’asseoir sur un des deux derniers fauteuils disponibles.

À ce moment précis, un homme grand, mince et brun, d’une cinquantaine d’années, sortit d’un bureau situé tout au fond de la salle où attendait Vincent. Il était vêtu d’un costume bleu et d’une chemise fantaisie coordonnée. Il y avait un homme à ses côtés, plus jeune, en costume gris avec une petite mallette noire en cuir. Ils se serrèrent la main et Vincent put entendre la fin de leur conversation.

— Merci encore d’être venu, ravi d’avoir fait votre connaissance, Monsieur Tarbes, je vous souhaite de trouver rapidement ce que vous recherchez.

Puis, l’homme au costume bleu se dirigea vers l’hôtesse d’accueil et se pencha vers elle pour lui parler discrètement.

Faites qu’il m’appelle maintenant, pensait Vincent.

« Hop Hop Hop », dit-il tout bas.

La jeune femme hocha la tête en réponse à l’homme en costume bleu.

— Monsieur Vincent Martin, Monsieur le Directeur va vous recevoir.

— Bonjour Monsieur Martin, si vous voulez bien me suivre dans mon bureau, lui dit l’homme en s’approchant de lui.

Je me présente, je suis Monsieur Hope, le Directeur, dit-il en lui serrant énergiquement la main. Je vous en prie, asseyez-vous, mettez-vous à l’aise, lui dit-il en entrant dans son bureau.

Il me faut ce job, il me faut absolument ce poste, pensa très fort Vincent.

« Hop Hop Hop », dit-il doucement à voix feutrée.

— Vous disiez ?

— Oh ! Désolé, je réfléchissais à voix haute. Je pensais que le nom Hope me disait quelque chose, dit-il un peu embarrassé.

— Ah ? Je ne vois pas… Je ne pense pas que nous nous connaissions ? Peut-être un homonyme ? Hope est un nom très commun dans certaines régions, vous savez.

— Ah ! C’est sans doute cela, répondit Vincent, un peu gêné.