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En une semaine la vierge guerrière, inspirée par le saint amour de la patrie, a vaincu les Anglais, triomphants depuis la bataille de Poitiers! En une semaine la vaillante fille du peuple accomplit ce que navaient pu accomplir, depuis plus dun demi-siècle, tant de nobles et illustres capitaines! Voici, jour par jour, le récit de la SEMAINE DE JEANNE DARC.
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Soirée Du Vendredi 29 Avril 1429
Journée Du Samedi 30 Avril 1429
Journée Du Dimanche 1er MAI 1429
Journée Du Lundi 2 Mai 1429
Journée Du Mardi 3 Mai 1429
Journée Du Mercredi 4 Mai 1429
Journée Du Jeudi 5 Mai 1429
Journée Du Vendredi 6 Mai 1429
Journée Du Samedi 7 Mai 1429
En une semaine la vierge guerrière, inspirée par le saint amour de la patrie, a vaincu les Anglais, triomphants depuis la bataille de Poitiers ! En une semaine la vaillante fille du peuple accomplit ce que n’avaient pu accomplir, depuis plus d’un demi-siècle, tant de nobles et illustres capitaines ! Voici, jour par jour, le récit de la SEMAINE DE JEANNE DARC.
La nuit est venue, tiède nuit printanière, mais l’on se croirait en plein jour dans la rue qui conduit à la porte Banier, l’une des portes d’Orléans. Toutes les fenêtres, où se pressent les habitants, sont garnies de lumières ; à ces vives clartés se joignent les lueurs des torches dont se sont munis un grand nombre de bourgeois et d’artisans armés, formant une double haie dans toute la longueur de la voie publique, afin de contenir la foule. Le courage de ces soldats citadins a été rudement éprouvé par les périls du siège, que, seuls pendant longtemps, ils ont soutenu, se refusant à admettre dans leur cité les compagnies des chefs de guerre, composées de soudards insolents, voleurs et féroces ; mais la bourgeoisie d’Orléans, après maints efforts de bravoure, voyant son nombre diminuer de jour en jour sous les coups des assiégeants, s’était vue forcée d’accepter et de solder le concours des bandes mercenaires des Lahire, des Dunois, des Xaintrailles et autres capitaines de métier qui se louaient à beaux deniers comptants, eux et leurs hommes, à qui les payait. Dangereux auxiliaires, traînant toujours à leur suite une troupe de femmes de mauvaise vie et non moins pillards que les Anglais. Aussi, plusieurs fois, les échevins d’Orléans, citoyens résolus, qui conduisaient vaillamment leur milice sur les remparts, lors des assauts, ou hors la ville, lors des sorties, avaient eu de vives altercations avec les capitaines à propos des excès de leurs gens ou de leur mollesse à la bataille. Ces hommes d’armes de métier, n’ayant pas comme les habitants à défendre leur famille, leurs biens, leur foyer, se souciaient peu de la prompte levée du siège, hébergés, soldés qu’ils étaient par la cité. Les Orléanais attendaient donc avec une impatience inexprimable la venue de Jeanne Darc ; ils espéraient, grâce à elle, chasser les Anglais de leurs redoutes et pouvoir se délivrer de l’onéreux concours des capitaines français. Une foule compacte d’hommes, de femmes, d’enfants, contenus par la haie des militaires, occupent les deux côtés de la rue, à l’extrémité de laquelle est située la demeure de maître Jacques Boucher, trésorier, maison encore plus brillamment illuminée que les autres. Le bourdonnement de la multitude est dominé, tantôt par le tintement précipité du beffroi de l’hôtel de ville, sonnant à toute volée, tantôt par les détonations des bombardes d’artillerie annonçant l’arrivée de la Pucelle ; les figures des citadins, naguère assombries ou abattues, respirent la joie, l’espérance ; chacun répète que la vierge lorraine vient secourir Orléans ; elle est belle à éblouir et inspirée de Dieu, elle est vaillante et douée d’un instinct militaire dont Dunois, Lahire, Xaintrailles, capitaines de renom, défenseurs soldés de la ville, ont été eux-mêmes frappés la veille lors de leur entrevue à Blois avec la guerrière. Deux de leurs écuyers, arrivés durant le jour à Orléans, ont annoncé pour le soir même l’entrée de Jeanne Darc. Partout sur son passage, depuis Chinon jusqu’à Blois, ont ajouté les écuyers, sa marche a été une ovation continuelle, saluée par les cris d’allégresse des populations rustiques, exposées depuis si longtemps aux ravages de l’ennemi, et acclamant leur ange sauveur envoyé de par Dieu ! Ces récits et d’autres encore font, comme par enchantement, renaître à la confiance les habitants de la ville. La foule se presse surtout aux abords de la maison de Jacques Boucher, où l’héroïne est attendue. Neuf heures sonnent à la tour de l’église de Sainte-Croix. Presque au même instant l’on entend résonner au loin des clairons ; ce bruit se rapproche de plus en plus, bientôt l’on voit, à la lueur ardente des torches, apparaître une chevauchée. Le petit page Imerguet et l’écuyer Daulon marchent des premiers, portant l’un le pennon, l’autre le blanc étendard de la guerrière, où sont peints deux anges au ciel d’azur, tenant à leur main des rameaux de lis fleuris ; Jeanne Darc vient ensuite, montée sur un cheval blanc caparaçonné de bleu, revêtue d’une légère armure de fer étamé, pareil à de l’argent mat, armure complète, jambards, cuissards et cotte de mailles, brassards et cuirasse bombée, protégeant le sein virginal de la jeune fille ; la visière de son casque, entièrement relevée, découvre son doux et beau visage, encadré de cheveux noirs, coupés en rond à la naissance du cou. Profondément émue des acclamations dont les bonnes gens d’Orléans la saluent et dont elle fait honneur à ses saintes, une larme roule dans ses yeux noirs et double leur éclat. Déjà familiarisée avec le maniement du cheval, elle guide gracieusement sa monture d’une main, et de l’autre tient un mince bâton blanc, seule arme dont elle veut, dans son horreur du sang, se servir pour conduire les soldats au combat. Près d’elle chevauche Dunois, couvert d’une brillante armure rehaussée d’ornements dorés ; puis s’avancent, mêlés aux échevins d’Orléans, le maréchal de Retz, Lahire, Xaintrailles et autres capitaines, parmi lesquels se trouve le sire de Gaucourt amenant à Orléans un renfort de troupes royales, et chargé du commandement de la ville ; le regard sinistre, la haine et l’envie au cœur, il médite ses ténébreux projets. Des écuyers, des bourgeois d’Orléans armés, ferment la marche du cortège, bientôt confondu dans une foule si compacte que, pendant un moment, le cheval de Jeanne Darc ne peut faire un pas. Des hommes, des femmes, des enfants, ravis de sa beauté, de son maintien à la fois modeste et guerrier, la contemplent avec ivresse, la comblent de bénédictions ; quelques-uns même, dans leur enthousiasme, veulent baiser ses bottines éperonnées, à demi recouvertes par les écailles de ses jambards. Aussi touchée que confuse de cet accueil, elle dit naïvement à Dunois en se tournant vers lui :
— En vérité, je ne saurais avoir le courage de me défendre de ces empressements, si Dieu ne m’en défend pas lui-même.
En ce moment un milicien, porteur d’une torche, s’approche si près de la Pucelle pour mieux la voir, qu’il met involontairement le feu à l’extrémité de l’étendard que portait l’écuyer Daulon ; Jeanne, craignant qu’il ne courût quelque danger, pousse un cri d’effroi, attaque de l’éperon son cheval, devant qui la foule reflue, et se rapprochant ainsi d’un seul bond de l’écuyer, elle saisit la bannière enflammée ; puis, après avoir étouffé le feu entre ses gantelets, elle la fait gracieusement flotter en l’agitant au-dessus de son casque, comme si elle eût voulu rassurer les gens d’Orléans sur un accident qui pouvait leur paraître de mauvais augure. Jeanne, en cette circonstance, témoigna tant de présence d’esprit et d’aisance cavalière, que la foule charmée redouble ses acclamations. Les soldats des compagnies eux-mêmes qui, n’étant pas cette nuit-là de garde aux remparts, avaient pu se joindre à la foule, croyant voir dans la Pucelle l’ange de la guerre, se sentaient réconfortés ; il leur semblait, ainsi qu’aux archers de Vaucouleurs, que, menés hardiment à la bataille par un si gentil capitaine, ils devaient vaincre l’ennemi et venger leurs défaites. Dunois, Lahire, Xaintrailles, le maréchal de Retz, capitaines expérimentés, remarquaient l’exaltation de leurs soudards, la veille encore si découragés. Le sire de Gaucourt, observant l’influence exercée par la Pucelle, non seulement sur les miliciens d’Orléans, mais encore sur une soldatesque farouche, devenait de plus en plus sombre et secrètement courroucé. Jeanne continuait de s’avancer lentement vers la maison de Jacques Boucher à travers une foule idolâtre, lorsque le cortège fut un moment arrêté par un détachement d’hommes d’armes, sortant des rues latérales à la voie de la porte Banier ; ils conduisaient deux prisonniers anglais et marchaient de compagnie avec un grand et gros homme d’une figure aussi joviale que résolue ; Lorrain de naissance, mais depuis longtemps citoyen d’Orléans, il se nommait maître Jean, et passait, à bon droit, pour le meilleur canonnier-coulevrinier de la ville. Ses deux énormes bombardes, baptisées par lui Riflard et Montargis, placées au-dedans des piliers du pont, sur la redoute de Belle-Croix, et qu’il pointait sans jamais manquer son coup, causaient de nombreux dommages aux Anglais ; ils le redoutaient et l’abhorraient. Notre gai coulevrinier n’ignorait pas cette haine, car ses canons servaient toujours de point de mire aux archers anglais ; aussi parfois s’amusait-il à feindre d’être tué ; soudain il s’affaissait à côté de l’une de ses bombardes. Les canonniers, citadins comme lui, le relevaient, l’emportaient, en poussant des gémissements lamentables ; les Anglais triomphaient de ce deuil ; mais le lendemain ils revoyaient maître Jean, plus joyeux, plus dispos que jamais1, pointer encore contre eux, et à leur grand désastre, Riflard et Montargis. Quelques jours après, il contrefaisait de nouveau le mort et ressuscitait à miracle. Donc maître Jean marchait de compagnie avec les soudards qui amenaient deux prisonniers anglais ; à la vue de la guerrière, il s’approcha d’elle, la contempla pendant un moment, ému de respect et d’admiration ; puis il lui tendit sa large main en disant, non sans une sorte d’orgueil :
— Vaillante Pucelle, voyez en moi un pays ! je suis, comme vous, né en Lorraine… et à votre service, ainsi que Riflard et Montargis, mes deux gros canons.
Dunois, se penchant vers Jeanne, lui dit à demi-voix :
— Ce brave homme est maître Jean… le meilleur et le plus hardi coulevrinier qui soit ici ; il est de plus très expert en ce qui touche le siège d’une ville.
— Je suis contente de rencontrer ici un pays… répondit la Pucelle en souriant et tendant cordialement son gantelet au canonnier. J’irai voir demain matin manœuvrer Riflard et Montargis ; nous examinerons ensemble les retranchements de l’ennemi, vous serez mon maître en artillerie, et nous chasserons les Anglais à coups de canon… Dieu aidant !
— Payse ! s’écria maître Jean transporté d’aise, rien qu’à vous voir, mes bombardes partiraient toutes seules et leur boulet irait droit au but…
Le coulevrinier prononçait ces mots, lorsque Jeanne entendit un cri douloureux, et du haut de son cheval vit l’un des deux prisonniers anglais emmenés par les soldats tomber soudain à la renverse, sanglant, le crâne ouvert par un coup de manche de pique, que l’un de ces soudards venait de lui asséner sur la tête en s’écriant :
— Regarde bien Jeanne la Pucelle… chien de goddon ! aussi vrai que je t’assomme, elle vous boutera tous hors de France !
La guerrière, à l’aspect du sang, dont elle avait horreur, pâlit, et par un mouvement plus prompt que la pensée, sauta en bas de son cheval, navrée de la brutalité du soldat, courut à l’Anglais, s’agenouilla près de lui, et, soulevant la tête ensanglantée de ce malheureux, s’écria les larmes aux yeux en s’adressant à ceux qui l’entouraient :
— Prenez-le à merci, il est désarmé… venez à son secours.
À cet appel miséricordieux, quelques femmes, émues de pitié, entourèrent le blessé, déchirèrent leurs mouchoirs et bandèrent sa plaie, tandis que la guerrière, toujours agenouillée, soutenait la tête de l’Anglais. Il reprit ses sens, et à l’aspect du beau visage de la jeune fille, empreint de compassion, il joignit les mains avec adoration et pleura…
— Va, pauvre soldat ! ne crains rien, l’on ne te fera plus de mal ! lui dit Jeanne en se relevant ; et elle mit le pied à l’étrier, que lui présentait son petit page Imerguet.
— Fille de Dieu, vous êtes une sainte ! s’écria une jeune femme exaltée par l’acte si charitable dont elle venait d’être témoin ; et, se jetant à genoux devant la guerrière au moment où elle allait enfourcher sa monture : Par grâce, daignez toucher mon anneau (et elle élevait sa main vers Jeanne). Ainsi bénie par vous, je conserverai cette bague comme une pieuse relique.
— Je ne suis pas une sainte, répondit la guerrière avec un sourire ingénu. Vous êtes sans doute bonne et digne femme, vous valez autant que moi.
Ce disant, Jeanne, remontant à cheval, fut saluée des nouvelles acclamations de la foule. Charmés de tant de modestie, les soldats les plus endurcis furent touchés des sentiments de commisération dont elle venait de faire preuve en faveur d’un ennemi désarmé. Loin de la taxer de faiblesse, ils admiraient malgré eux sa générosité.
Maître Jean acclamait sa payse