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Au sein d’un paysage, où se mêlent la tranquillité des champs verdoyants et la présence imposante des terrils, se déploie la saga de la famille Pichot. À travers La terre des chemins, parcourez l’histoire de cette famille qui, tiraillée entre les souvenirs du passé et les espoirs pour l’avenir, cherche à trouver sa place dans un monde en constante évolution. Il explore les méandres de la mémoire et des défis de l’adaptation, où chaque page dévoile une nouvelle facette de la destinée des Pichot.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Louis Pichot, à travers son œuvre littéraire, revisite les tréfonds de l’histoire familiale des Pichot, descendants de mineurs du 20ᵉ siècle contraints à l’exode depuis Sanvignes-les-Mines en Saône-et-Loire. Il s’immerge dans l’écriture afin de partager au plus grand nombre le récit de son propre vécu et celui de sa lignée.
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Louis Pichot
La terre des chemins
© Lys Bleu Éditions – Louis Pichot
ISBN : 979-10-422-3532-1
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À Abeline,
ma petite-fille
Je vois encore la maison où je suis né, il y a soixante-douze ans déjà. C’était dans un hameau, si l’on peut dire, appelé la « Terre des chemins ». Il y avait là un carrefour de routes, vers Montceau, vers Saint-Vallier, vers Sanvignes, vers Ciry le Noble et vers Montmaillot. Toutes ces routes étaient sillonnées par les tombereaux de la mine et des particuliers achetant le charbon directement. Cette maison était immense. Une trentaine de ménages occupaient le rez-de-chaussée et des personnes seules habitaient au premier et unique étage. Notre maison était la première près de la voie ferrée. On y accédait par une forte rampe, en haut de laquelle un bâtiment perpendiculaire aux habitations servait de caves. Au pignon de ces caves, un banc de bois, où ma mère et les voisines venaient bavarder en raccommodant le linge de la maisonnée.
La marmaille ne manquait pas. Et les jeudis étaient parfois agités. Nous allions, avec une espèce de petite charrette à bras, ramasser le crottin de cheval sur les routes pour fumer le jardin. Un jour, j’avais peut-être cinq ou six ans, nous avions ramené notre charrette pleine de crottin et nous l’avions grimpée péniblement en haut de la rampe. Chacun était parti chercher un morceau de pain, la laissant là. L’idée me vint de la tirer davantage, mais la charrette partit à descendre, m’entraînant avec elle. J’arrivais en bas en plein dans la barrière du chemin de fer, où mon père me ramassa avec une belle coupure à l’arcade sourcilière gauche dont j’ai encore la marque.
Quand nous n’allions pas au crottin, il n’était pas rare que les mineurs travaillant la nuit, excédés par nos cris, et ne pouvant dormir, se fâchent en nous gratifiant de quelques taloches, ou nous tirent les oreilles. Cela amenait le silence, mais pas pour longtemps. Les cris recommençaient suivant les jeux, mais nous étions sur nos gardes, et dès qu’une porte s’ouvrait, toute l’équipe disparaissait. Il y en avait un surtout que nous redoutions, le père Bernachot. Il était tout blanc, mais malheur à celui qui se laissait attraper. Il ne nos frappait pas, mais il enlevait notre culotte, et nous envoyait à la maison comme ça. Comme de bien entendu, à chaque coup, notre mère nous donnait une bonne raclée, que nous n’avions pas volée, je le reconnais maintenant que la raison m’est venue.
Il y avait, en haut du bâtiment, une boulangerie. Le jeudi, nous allions voir le mitron brasser sa pâte. Le torse nu, il nous cuisait des petits pains, mais nous devions brosser les pains sortant du four et nettoyer le fournil.
Le soir, on rentrait à la maison plus enfariné que le mitron et suivant l’humeur des mamans, c’était une raclée qui terminait la journée. Aujourd’hui, on prive les enfants de dessert, en ce temps-là, le dessert était inconnu.
Nous vivions modestement, le pain et les pommes de terre ne manquaient pas, beurre, fromage, viandes étaient des choses presque inconnues. La soupe était le plat de résistance, soupe dans laquelle on mettait un peu de graisse de lard fondu dans la poêle, elle était bonne. Chacun avait son bol de soupe, des assiettes, on en avait le dimanche. La semaine, c’était des pommes de terre écrasées, graissées avec toujours du lard fondu dans la poêle. On mangeait la soupe, et notre mère nous coupait une bonne tranche de pain, et mettait dessus une bonne couche de pommes de terre. On buvait de l’eau, chacun allait boire au godet accroché au seau. En rentrant de l’école, comme casse-croûte, un quignon de pain frotté avec une gousse d’ail, c’était bon quand même, parfois une pierre de sucre.
Le dimanche, il y avait un peu de superflu. Le matin, café au lait au lieu de soupe, puis on se toilettait et on allait à la messe. Quelquefois, on avait chacun un sou. Nous, les petiots, on achetait un sucre noir, les grands achetaient des cigarettes, ils en avaient trois pour un sou. Bien entendu, ils allaient les fumer en cachette. Les premières fois, il y avait des malades, mais ils inventaient toujours une histoire pour expliquer la maladie. Un coup, c’était parce qu’ils n’avaient pas digéré ou avaient vomi le café le long de la route, la pauvre mère disait que c’était parce que ça nous changeait de la soupe. Une autre fois, c’était parce qu’à l’église, on avait froid. On se mettait à table, il y avait des assiettes, mais le bol de soupe était là. On mangeait la soupe, après, un bon ragoût, oh ! ce n’était pas du ragoût de veau, non, du ragoût de courée, comme on disait, c’est-à-dire, du poumon de vache, tout simplement, n’empêche que c’était bien bon. Quelquefois, on avait un peu de vin, et l’été, on avait du raisin du jardin. Pour les grandes fêtes, un peu de café, mais on se cachait presque, et aussitôt après, ma mère faisait brûler un chiffon pour enlever l’odeur du café, il ne fallait pas que les patrons sachent qu’on pouvait boire du café, ils en auraient déduit que mon père était trop payé. Mon père lisait un journal, « Le Courrier de Lyon », mais il se cachait. Il n’aurait pas fait bon voir le journal sur la table, sous l’édredon c’était sa place.
Pour les vêtements, il n’y avait que les aînés (fille ou garçon) qui savaient ce que c’était des habits neufs.
Nous, les petiots, nous prenions la suite après quelques retouches et réparations. Les chaussures, c’était la même chose, mais nous en souffrions davantage. Parfois, les vieilles chaussures étaient déformées, tordues à droite ou à gauche, ou trop grandes ou trop courtes. Quels supplices j’ai parfois endurés avec les chaussures, heureux quand on pouvait avoir une paire de sabots. On attrapait bien des durillons, mais on était mieux quand même, et puis on pouvait les quitter en classe et quelquefois sur la route, car on marchait souvent pieds nus.
Devant la boulangerie, il y avait deux grands braseros* où le mitron mettait la braisette du four. Le soir, nous, les gosses, on se rassemblait pour se chauffer, car à la maison on gênait souvent. Les plus grands, de dix à douze ans, fumaient des mégots ou de la viorne* que nous, les petiots, on allait chercher dans les haies. Le patron boulanger avait, dans son jardin quelques pieds de tabac, on en chipait de temps en temps, mais malheur s’il s’en apercevait, c’était quinze jours sans braisettes dans les braseros.
Le jeudi, des fois, on allait garder les oies avec la Francine M. C’était une grande fille de dix-huit ans. Le mitron venait, il apportait un grand sac. La Francine se coulait dans le sac et le mitron aussi, et puis on fermait le sac. Et puis, ça gigotait là-dedans. On ne savait pas ce qui se passait, on était content, on criait, on dansait et des fois on tapait dessus avec un bâton. Et puis, la Francine sortait du sac tout ébouriffée et le mitron tout essoufflé, on rigolait bien.
Une autre fois, il y avait la Francine et trois ou quatre gamines de quinze à seize ans, mon frère Pierre était monté dans un chêne et leur criait de tendre leur tablier, qu’il allait leur envoyer quelque chose, mais il ne fallait pas que les filles regardent en l’air. Elles tendirent leur tablier, il tomba quelque chose dedans, mais pas ce qu’elles attendaient. Mais cette fois-là, les filles l’avaient dit à leur mère et ça avait bardé, mais on avait bien rigolé ce jour-là. Et depuis le chêne a toujours porté le nom du « chêne aux prunes ».
D’autres fois, le jeudi, on allait cueillir des fraises, il y en avait en quantité. On n’en faisait pas des bouquets pour ne pas perdre celles qui étaient encore vertes, on prenait celles qui étaient bien mûres et on les empilait sur un grand jonc très fin. C’était à celui qui en aurait le plus. Ma mère les mettait dans l’eau avec du sucre et nous en faisait des tartines.
Et puis un beau jour, ma mère me dit : « voilà que tu vas avoir sept ans, à la rentrée, tu iras à l’école avec ta sœur. » C’est ainsi que j’allais à l’école des Frères au Magny, car Sanvignes était trop loin. Mais pour le Magny, il y avait quand même quatre kilomètres qu’il fallait faire à pied et par tous les temps. C’était chaque matin, le rassemblement à la barrière. Nous étions là une vingtaine de garçons et autant de filles. Nous partions bien sagement, sous les yeux des parents. Mais le long de la route, il y avait souvent des bagarres, soit entre filles et gars, ou entre gars, ou aussi entre les filles, c’était encore les pires, mais les gars jouaient au caillou. Heureusement, on avait tous une coiffure, car sinon il y aurait eu des coupures sur le crâne. Le retour, le soir, était bien pire. Il y avait des punis. On se menaçait les uns les autres de le dire aux parents, alors ça se bagarrait jusqu’à l’approche du village où l’escouade arrivait bien sagement, s’il y avait un éclopé, personne n’avait fait le coup.
Un hiver, je me rappelle, il y avait une ancienne carrière pleine d’eau, très profonde. Elle était gelée. Et après la messe, moi et mon frère Eugène, on se mettait à gambader sur la glace. Soudain, ça craquait. Je dis à mon petit frère qui avait peur « sauve-toi ». Il regagna la terre tandis que je continuais à glisser. Soudain, « plouf », voilà la glace qui cède, et chaque fois que je m’accrochais à la glace, elle se rompait. J’ai bien cru que j’allais y rester. Eugène criait et moi aussi. Ce qui attira l’attention d’un ouvrier qui se saisit d’une échelle, la fit glisser sur la glace et me dit : « accroche-toi à l’échelle. » Et il me sortit comme ça. Mais nous étions mouillés et il gelait. On suivait la voie ferrée pour rentrer. Une brave femme, madame Boyer, qui nous vit, nous emmena chez elle pour nous donner des habits. C’était des gens encore plus pauvres que nous. Tout était rapiécé, la chemise, la culotte pièces aux genoux, au fond, la veste piécée devant, au coude, toutes ces pièces cousues n’importe comment. Nous étions au sec, mais nous qui étions partis un peu endimanchés, on ressemblait à des Arlequins. On n’était pas fier pour arriver à la maison. Mais nous avions passé tellement près de la mort que ma mère n’eut pas le courage de nous donner une fessée tellement elle était heureuse de nous avoir encore près d’elle.
J’allais à cette école pendant trois ans.
Après, mon père nous mit à l’école laïque à Sanvignes. Il y avait de bons maîtres aussi. À cette époque déjà (c’était en 1897), il y avait la guerre entre laïcs et religieux. Et parfois le soir, les gars de la laïque rencontraient les gars des Frères, et c’était une bataille rangée où il y avait souvent des éclopés, mais en général les parents restaient neutres.
Les hivers sont très durs dans cette région, à cheval sur le Morvan et le Charollais. Aussi mon père avait construit avec de vieux bouts de rails, une grande grille dans la cheminée. Et le soir, avec des schistes barrés de charbon, on faisait de bons feux. Et souvent, les voisins venaient faire la veillée à la maison. Je revois le père Frémy avec sa grande barbe noire, notre plaisir était de lui envoyer des haricots blancs dans sa barbe. Ma mère rouspétait bien un peu, mais riait, elle aussi, de notre amusement.
Le dimanche, mon père organisait un petit théâtre Guignol qui nous amusait bien, tous les voisins venaient, eux aussi, et nous passions une bonne soirée.
Nous vivions là, mes parents, mes frères et sœurs, bien tranquillement, mais un événement imprévu allait bouleverser notre vie à tous. J’étais dans ma douzième année, et nous étions en février 1900.
Un jour, un télégramme est arrivé, annonçant la mort de ma grand-mère et de son mari, Monsieur Gallois, morts tous les deux, à une heure d’intervalle. Ils habitaient Grand-Croix dans la Loire. Mon père en était parti vingt ans avant, pour se fixer à Sanvignes. Mon père avait un emploi de garde-barrière, qui lui avait été octroyé après une blessure au travail. La société des Mines de Blanzy n’avait pas donné de pension, mais s’était engagée verbalement à donner l’emploi et le logement à vie durant, à mon père qui, confiant, accepta sans aucun titre à l’appui. Mon père avait bien reçu le télégramme, mais mal libellé, il qui avait été remis avec quarante-huit heures de retard, ce que personne n’avait remarqué. Ce retard allait avoir, comme vous le verrez par la suite, des conséquences singulièrement importantes.
Monsieur Gallois était un militant mutualiste et un libre penseur convaincu, président de plusieurs associations.
Il n’avait, du fait de sa mort brutale et de celle de sa femme, laissé aucune instruction pour ses obsèques.
Aussi les dirigeants de ses associations ne voyant arriver personne de la famille, décidèrent un enterrement civil. Mon père arriva une heure avant les obsèques. Il n’était guère possible de changer quoi que ce soit, et la cérémonie civile eut lieu comme prévu. Une foule nombreuse y assistait. Quelle affaire et quelles conséquences ?
La personnalité de Monsieur Gallois fit que la presse régionale signala ce cas rare de deux vieux époux morts à une heure d’intervalle et donna quelques détails sur la cérémonie civile et sur la famille. Cet article de presse n’échappa pas aux dirigeants des Mines de Blanzy où, à cette époque, le clergé régnait en maître. Un enterrement civil, mais c’était presque un crime. Ce fut pour notre famille, le commencement de beaucoup de misères, de soucis, de brimades et d’injustices.
C’est ainsi qu’au mois de mars, mon frère Auguste, mon frère Pierre et mon beau-frère Edmé Borey, furent congédiés sans motif et malgré de nombreuses démarches inutiles et humiliantes. Ils ne purent connaître la raison de leur licenciement, renvoyés d’un bureau à l’autre. Ils durent se rendre à l’évidence, il n’y avait rien à faire et seuls, les obsèques civiles en étaient la cause. Le cléricalisme qui régnait en haut lieu ne permettait aucun espoir de réembauche. Ils cherchèrent partout, il y avait crise et au surplus, toutes les entreprises dépendaient plus ou moins de la Mine, partout ils eurent un refus. Entre-temps, mon père lui-même (malgré l’engagement pris par la compagnie lui garantissant son emploi et son logement) fut, lui aussi, congédié. Il fit des démarches, mais l’avocat auquel il s’adressa, lui dit que les engagements verbaux, sans témoins, c’était rien et qu’au surplus, il y avait prescription donc rien à tenter en justice, l’accident datant de plus de dix-huit ans.
Après tous ces échecs, il fallait faire quelque chose, il fut décidé que mes frères et mon beau-frère partiraient aux Mines de Drocourt (Pas de Calais) où Monsieur François Chavot, un ami de mon père, installé là-bas depuis plusieurs années, se chargerait de leur embauchage et de leur logement. Mon père devait quitter fin avril, il décida que nous partirions le vingt-huit. Il fit des démarches à la Préfecture et obtint un bon de transport gratuit pour toute la famille.
Au milieu des préparatifs, le 28 avril arriva. Mes parents étaient soucieux, mais nous, les jeunes, avec l’insouciance de notre âge, ne cachions pas notre joie, nous allions voyager en chemin de fer, voir Paris et bien plus loin. Ce jour-là a laissé dans ma mémoire, un souvenir triste, très triste, trop jeune pour me rendre compte, je sentais quand même que quelque chose d’important se passait. Le fermier de la Sartot vient avec sa carriole nous conduire à la gare. Notre train partait à 9 heures du matin. Il faisait un froid sec, comme il en fait souvent à cette saison sur ces hauts plateaux. Nous avions froid aux oreilles et au bout du nez, mais bientôt le soleil rayonnerait et il ferait beau vers le milieu du jour. En route, nous rencontrons le vieux curé de Sanvignes qui s’arrêta pour nous souhaiter bon voyage. Il nous dit que nous allions dans un pays où on aimait beaucoup le Bon Dieu.
— Le Bon Dieu est peut-être plus juste là-bas qu’ici, dit mon père.
— Pourquoi dites-vous ça, le bon dieu est toujours juste.
— Oui, mais pas ici, car vous le voyez, on nous chasse comme des malfaiteurs. Pourquoi ? Parce que mon beau-père, que je ne connaissais même pas, a été enterré civilement, dit mon père.
— Voyons, voyons monsieur Pichot, ce que vous me dites -là, c’est injuste, chacun répondra devant dieu, de ses actes seulement, dit le vieux curé.
— Oui, monsieur le curé, mais vous le voyez, je suis obligé de partir avec tous mes enfants. J’ai une blessure, on m’avait assuré travail et logement pour ma vie, on a tout renié. Voilà, monsieur le curé, pensez-en ce que vous voudrez.
— Mais c’est injuste, il faut réagir.
— Non, il n’y a rien à faire, qu’à partir pour oublier.
Et là se termina le colloque, car l’heure tournait, et le cheval de la carriole commençait à piétiner. Notre carriole reprit la route et nous arrivions à la gare une demi-heure avant le train. Mon père et ma mère étaient tristes. Nous-mêmes, les jeunes, une espèce d’angoisse nous étreignait. Entourés de quelques amis, mes parents étaient soucieux. On sentait que pour eux, c’était un crève-cœur de quitter ce pays où ils avaient passé leur jeunesse et la moitié de leur vie. Nous étions là, tous tremblants, presque des condamnés. Le train entrait en gare.