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Le glyphe juridico-numérique de la couverture de l’ouvrage en dit long sur l’état de transformation numérique du droit aujourd’hui. Les initiatives sont nombreuses en la matière et ont des conséquences tentaculaires, raison pour laquelle un ouvrage de synthèse s’impose à la communauté des juristes en France comme ailleurs.
Le phénomène économique de l’influence du numérique sur le monde du droit y est analysé de manière pragmatique et structurée. S’inspirant de son travail de thèse de doctorat, l’auteur complète l’ouvrage d’une photographie des différents grands enjeux des LegalTech et les inspirations qu’elles suscitent en droit : la gouvernance des données et les régimes juridiques s’y appliquant, les perspectives relatives à la centralisation et le rôle central des interfaces de programmation (API), ce qui induit, plus généralement, des interrogations sur le partage des données entre opérateurs économiques.
L’approche de l’auteur est originale dans le sens où elle relève tant d’une démarche socio-économique que d’une analyse plus strictement juridique quant à l’encadrement des différents acteurs de l’univers juridico-numérique. Dans ce contexte, l’ouvrage propose d’ailleurs un langage commun, une codification numérique de l’ensemble des normes juridiques qui clarifie incontestablement le sujet pour les praticiens du droit et opérationnalise les opportunités à saisir.
Ce langage commun en perpétuel développement sera amené à évoluer et faire l’objet - comme le présent ouvrage - de nouvelles éditions régulières.
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Seitenzahl: 707
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© Lefebvre Sarrut Belgium SA, 2021
Éditions Bruylant
Rue Haute, 139/6 - 1000 Bruxelles
Tous droits réservés pour tous pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
978-2-8027-7118-0
Bruno Deffains
Professeur à l’Université Paris II, Panthéon-Assas
Il m’est particulièrement agréable, en raison des qualités de son travail, de présenter l’ouvrage de Bertrand Cassar consacré à la transformation numérique du monde du droit.
Dans un monde de plus en plus « digitalisé », et à l’heure où la quantité de données collectées et traitées est phénoménale, il paraît indispensable de s’interroger sur les rapports qu’entretiennent univers du droit et univers du numérique. La compréhension des relations entre ces deux univers peut se décliner de plusieurs manières selon la finalité recherchée dans le dialogue interdisciplinaire. On doit notamment distinguer les interactions visant à mesurer le droit et/ou ses performances (dans une perspective éventuellement normative) de celles qui ambitionnent une utilisation plus approfondie des outils numériques au service du travail des juristes. Il est, à cet égard, notable que la transformation numérique qui impacte aujourd’hui le fonctionnement de la justice renforce un peu plus encore cette nécessité d’un dialogue interdisciplinaire afin de mieux cerner les enjeux pour le service public de la justice. La mise en œuvre des technologies numériques a d’ores et déjà rendu possible le développement de start-up (LegalTech) actives dans le domaine judiciaire qui proposent une gamme très large de nouveaux services juridiques. Une partie de ces acteurs s’inscrit précisément dans une démarche revendiquée de « jurimétrie ». Parallèlement, elle a également permis le développement de méthodes de justice innovantes, regroupées sous la dénomination de « Cyberjustice » ou d’« e-Justice », appliquées au traitement voire au jugement des demandes en justice.
La conjonction de la désectorisation des prestations juridiques avec les transformations techniques et financières de l’offre et de la demande sur les divers marchés du droit laisse entrevoir des évolutions brutales et profondes de ces marchés. L’utilité du travail de Bertrand Cassar est avant tout de proposer des clefs de lecture pour appréhender ces bouleversements dans la fabrique et l’application du droit. Non seulement il nous offre un panorama des mutations en cours, mais il propose une grille d’analyse complète pour comprendre les effets qu’elles produisent sur les structures et les comportements des acteurs du droit.
S’il est vrai que le numérique offre un formidable potentiel pour l’accès à la justice comme nous l’avons déjà souligné, il risque également de créer de nouveaux conflits de normativité. En effet, la transformation numérique modifie le rapport au droit en proposant une nouvelle manière de produire du sens, à l’image de celui que confèrent les techniques d’aide à la décision basées, par exemple, sur des algorithmes de « justice prédictive ».
Il convient donc de s’interroger sur les conditions dans lesquelles le numérique peut être intégré efficacement au monde du droit et de la justice. C’est précisément à ce niveau que se situent les enjeux d’un dialogue interdisciplinaire tel que l’envisage le travail de Bertrand Cassar. Les deux univers ne doivent pas être opposés dans la mesure où il est possible d’identifier les conditions d’une coopération bénéfique entre l’univers du droit et celui du numérique. Si le potentiel qu’offrent les outils numériques est considérable, il est évident qu’ils sont, à eux seuls, insuffisants pour définir précisément les attentes des justiciables qui sont précisément au cœur du sujet de la transformation numérique du droit. Il s’agit moins de s’interroger sur la création de valeurs pour les acteurs de cette transformation que sur la véritable valeur sociale qu’elle représente pour les citoyens.
C’est précisément ces lacunes que tentent de combler des techniques d’investigation innovantes fondées en partie sur le dialogue interdisciplinaire entre droit et sciences des données. Ces techniques révèlent de nouvelles approches telles que l’analyse prédictive, le traitement du langage naturel ou, plus généralement, les outils développés par l’intelligence artificielle, qui visent à faire collaborer étroitement les juristes et les data scientists dans la construction et la mise en œuvre de nouveaux outils.
Aujourd’hui, ces différentes évolutions techniques comme en apportent les LegalTech et les innovations juridiques du législateur invitent à réhabiliter le recours à l’économie, en surmontant l’association héritée du passé entre l’économie du droit et un libéralisme parfois décrié. Il convient pour cela de reconstruire une grille de lecture économique du droit, réaliser une analyse des dispositifs juridiques afin de mieux appréhender la question de l’efficacité économique dans l’élaboration et la mise en œuvre des règles de droit. La demande sociale pour une plus grande interdisciplinarité entre droit et économie est présente à tous les niveaux. Un apport important de l’analyse économique à la connaissance du droit concerne l’évaluation et la mesure des systèmes juridiques grâce à l’utilisation des outils statistiques, économétriques ou expérimentaux. C’est aussi sur ces questionnements que débouche l’analyse de Bertrand Cassar.
L’arrivée du numérique dans le champ du droit et de la justice est en effet une parfaite illustration des enjeux de cette coopération entre droit et économie dans la mesure où il s’agit d’un mouvement profond dont les effets n’ont pas encore été totalement mesurés par les décideurs publics. Un phénomène irréversible aussi, une nouvelle étape dans la longue histoire de nos institutions, qui demande un investissement à la hauteur et une planification de la transformation numérique. À l’instar d’autres systèmes judiciaires, le service public français doit réunir les conditions du succès de son avenir numérique, notamment du point de vue de l’accès au droit et à la justice au risque d’un abandon de démocratie. Ceci passe par un renforcement du dialogue interdisciplinaire. Il faut donc savoir gré à Bertrand Cassar d’ouvrir le débat sur la transformation numérique et le rôle des LegalTech pour aller dans cette direction.
Le présent ouvrage se veut un panorama complet de l’influence du numérique sur le monde du droit et apporte des pistes de réflexion pour d’autres secteurs de notre économie contemporaine. Ce manuel a, ainsi, été conçu pour constituer un véritable guide, tant pour les juristes que pour les LegalTech.
Cette version synthétique – issue des travaux menés dans le cadre de la préparation du doctorat – a été entièrement refondue pour rassembler les éléments similaires ensemble afin d’en faciliter la lecture. Elle a, en outre, été actualisée et complétée par quatre nouvelles thématiques : la description du phénomène économique de la transformation numérique, la présentation des différents types de données et la gouvernance y afférente, les enjeux de centralisation notamment par l’usage d’interfaces de programmation, ainsi que le partage de données entre acteurs privés.
Le présent sujet s’intéresse, dès lors, à l’ensemble des types de données, aux différentes techniques actuelles ou en devenir, eu égard aux professions judiciaires, juridiques, celles que nous avons qualifiées d’assimilées et du justiciable : au phénomène de la transformation numérique du monde du droit dans son intégralité.
Dans ce cadre, ledit ouvrage a été construit pour répondre aux enjeux de la pratique, présenter les informations nécessaires aux entrepreneurs et proposer des réflexions quant aux stratégies à mettre en œuvre. Il comprend aussi un état de l’art, un historique et une évolution pressentie des professions judiciaires et juridiques à l’aune du numérique ; il s’inscrit dans une controverse toujours d’actualité. Enfin, au-delà de l’analyse de textes juridiques parcellaires, ledit manuel propose également des évolutions législatives.
Pour approfondir vos recherches ou pour accéder à l’ensemble des annexes, vous pouvez également consulter la thèse intitulée La transformation numérique du monde du droit,soutenue le 4 décembre 2020 à l’Université de Strasbourg et diffusée sur TEL. Vous y accéderez via le Code QR, ci-dessous :
Préface
Avant-propos
Liste des abréviations
Recommandations
Introduction
Chapitre 1. L’acquisition de l’habileté numérique par le juriste
Chapitre 2. Le phénomène économique de la transformation numérique
Chapitre 3. L’automatisation offerte par des services fondés sur de l’intelligence artificielle
Chapitre 4. Les chaînes de blocs ou de l’interopérabilité des registres, des parapheurs et des signatures électroniques
Chapitre 5. La transformation numérique de l’administration et les effets de la transition juridique sur le numérique
Chapitre 6. L’innovation légale et de l’apparition des LegalTech
Chapitre 7. La LegalTech, au service du rayonnement du droit
Chapitre 8. La transformation numérique de la Justice et l’influence sur les professions judiciaires
Chapitre 9. La transformation numérique des professions juridiques
Chapitre 10. Le recours au numérique par le justiciable
Chapitre 11. La gouvernance des données et les enjeux pour le monde du droit
Chapitre 12. Une évolution technique inévitable, l’APIsation des données et des enjeux de centralisation
Chapitre 13. Une révolution économique inestimable, la mutualisation des données
Conclusion générale
Annexes
Glossaire
Index
Table des matières
A.
Arrêté
AAED
Acte authentique électronique à distance
ADELE
Plan administration électronique
AI
Artificial intelligence, voy. IA
AIFE
Agence pour l’informatique financière de l’État
AJ
Actualité juridique
API
Application Programming Interface ou interface de programmation
BIM
Building information modeling ou modélisation électronique des données du bâtiment
BRIC
Brésil, Russie, Inde, Chine
BRICS
Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud
C. civ.
Code civil
C. com.
Code de commerce
C. pén.
Code pénal
C. trav.
Code du travail
CA
cour d’appel
CAC
Commissaire aux comptes
CADA
Commission d’accès aux documents administratifs
Cah. just.
Les Cahiers de la justice
Cass.
Cour de cassation
Cassiopée
Chaîne applicative supportant le système d’information orienté procédure pénale et enfants
CCP
Code de la commande publique
CE
Conseil d’État
Cour EDH
Cour européenne des droits de l’homme
CEPEJ
Commission européenne pour l’efficacité de la justice
CGCT
Code général des collectivités territoriales
CGE
Conseil général de l’économie
CGI
Code général des impôts
Circ.
Circulaire
CJA
Code de justice administrative
CJUE
Cour de justice de l’Union européenne
CMF
Code monétaire et financier
CMS
Customer Management System ou système de gestion de contenu
CNAJMJ
Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires
CNB
Conseil national des barreaux
CNBF
Caisse nationale des barreaux français
CNCC
Compagnie nationale des commissaires aux comptes
CNCEJ
Conseil national des compagnies d’experts de justice
CNCJ
Chambre nationale des commissaires de justice
CNCPI
Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle
CNCPJ
Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires
CNGTC
Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce
CNHJ
Chambre nationale des huissiers de justice
CNI
Carte nationale d’identité
CNID
Commission national d’inscription et de discipline
CNIe
Carte nationale d’identité électronique
CNIL
Commission nationale de l’informatique et des libertés
CNNum
Conseil national du numérique
COEPIA
Conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative
CoFrAc
Comité français d’accréditation
COJ
Code de l’organisation judiciaire
COMEDEC
Communication électronique des données de l’état civil
Comm.
Communication
Cons. const.
Conseil constitutionnel
Const.
Constitution
CPC
Code de procédure civile
CPC exéc.
Code des procédures civiles d’exécution
CPI
Code de la propriété intellectuelle
CRM
Customer Relationship Management ou gestion de la relation client
CPP
Code de procédure pénale
CRPA
Code des relations entre le public et l’administration
CSE
Certificat de signature électronique
CSN
Conseil supérieur du notariat
CSOEC
Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables
CSPLA
Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique
Décr.
Décret
D.
Recueil Dalloz
DACS
Direction des affaires civiles et du Sceau
DAJ
Direction des affaires juridiques (des ministères économique et financier)
DDHC
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
Déc.
Décision
DEEP
Dispositif d’enregistrement électronique partagé
Délib.
Délibération
DESI
Digital Economy and Society Index ou indice de l’économie numérique et de la société
DG Trésor
Direction générale du Trésor
DGE
Direction générale des entreprises
DILA
Direction de l’information légale et administrative
DINSIC
Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État
DINUM
Direction interministérielle du numérique
Dir.
Directive
DISIC
Direction interministériel des systèmes d’information et de communication
DLPAJ
Direction des libertés publiques et des affaires juridiques
DNS
Domaine Name Server ou nom de domaine
Doct.
Doctrine
DOT
Dossier d’orientation de transfert de la personne détenue
DPN
Dossier pénal numérique
DPO
Data Protection Officer ou délégué à la protection des données
DSI
Directeur des systèmes d’information
DSJ
Direction des services judiciaires
ECLI
European Case Law Identifier ou identifiant européen de la jurisprudence
EFB
École de formation professionnelle des barreaux
eIDAS
Voy. règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014
ELI
European Legislation Identifier ou identifiant européen de la législation
ERP
Enterprise Resource Planning ou progiciel de gestion intégré
ESN
Entreprise de services du numérique
ESSOC
Loi pour un État au service d’une société de confiance
Fasc.
fascicule
FCDDV
Fichier central des dispositions de dernières volontés
GAFA
Google, Amazon, Facebook, Apple
GAFAM
Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
GDPR
General Data Protection Regulation, voy. RGPD
GIE Infogreffe
Groupement d’intérêt économique Infogreffe
HBR
Harvard Business Review
IA
Intelligence artificielle
ICO
Initial Coin Offerings ou offre publique de jetons
IDN
Identité numérique
IET
Institut européen d’innovation et de technologie
INPI
Institut national de la propriété intellectuelle
INSEAD
Institut européen d’administration des affaires
INSEE
Institut national de la statistique et des études économiques
IoT
Internet of Things
J. prox.
Juge de proximité
JA
Juris associations (Dalloz)
J.-Cl.
Jurisclasseur
JCP A
Semaine juridique, édition Administration et collectivités territoriales
JCP G
Semaine juridique, édition Générale
JCP N
Semaine juridique, édition Notariale
JO Sénat
Journal officiel du Sénat
JOAN
Journal officiel de l’Assemblée nationale
JOEL
Journal officiel électronique
JORF
Journal officiel de la République française
KM
Knowledge Manager ou gestion de connaissance ou documentaliste juridique
L.
Loi
L. org.
Loi organique
LGDJ
Librairie générale de droit et de jurisprudence
LJA
La lettre des juristes d’affaires
LPA
Les petites affiches
MARC
Modes alternatifs de règlements des conflits
MARD
Mode alternatif de règlements des différends
MARL
Modes alternatifs de règlements des litiges
MICEN
Minutier central électronique des notaires
ML
Machine Learning ou apprentissage automatique
MOOC
Massive Open Online Course ou formation en ligne ouverte à tous
NED
Numérique en détention
NFC
Near Field Communication ou communication sans contact
NIS
Voy. directive n° 2016/1148 du 6 juillet 2016
NTIC
Nouvelles technologies de l’information et de la communication
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
OGP
Open Government Partnership ou partenariat pour un gouvernement ouvert
OMPI
Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
Ord.
Ordonnance
PACTE
Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises
PAGSI
Programme d’action gouvernemental pour la société de l’information
PE
Parlement européen
PGO
Partenariat pour un gouvernement ouvert
PIB
Produit intérieur brut
PISTE
Plateforme d’intermédiation des services pour la transformation de l’État
PLEX
Plateforme d‘échanges externe
PLINE
Plateforme d’échanges interne État
PME
Petite ou moyenne entreprise
PPN
Procédure pénale numérique, devenu dossier pénal numérique
PSI
Public Sector Information, voy. directives nos 2003/98/CE et 2019/1024
PUF
Presse universitaire de France
R&D
Recherche et développement
Rapp.
Rapport
Rapp. CE
Rapport annuel du Conseil d’État
RCS
Registre du commerce et des sociétés
RD bancaire et fin.
Revue de droit bancaire et financier
RDC
Revue des contrats
RDP
Revue de Droit public
Recomm.
Recommandation
Règl.
Règlement
Rép. min.
Réponse ministérielle
Req.
Requêtes
Rés.
Résolution
RDLF
Revue des droits et libertés fondamentaux
RFAP
Revue française d’administration publique
RFDC
Revue française de droit constitutionnel
RGPD
Règlement général sur la protection des données, voy. règlement n° 2016/679
RGS
Référentiel général de sécurité
RIDC
Revue internationale de droit comparé
RIN
Règlement intérieur national de la profession d’avocat
RLDI
Revue Lamy droit de l’immatériel
RNCS
Registre national du commerce et des sociétés
RPSH
Réseau privé sécurisé des huissiers de Justice
RPVA
Réseau privé virtuel avocats
RPVJ
Réseau privé virtuel justice
RTD civ.
Revue trimestrielle de droit civil
RTD com.
Revue trimestrielle de droit commercial
s.
suivant(s)
SAFARI
Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus
SAUJ
Service d’accueil unique du justiciable
SGG
Secrétariat général du Gouvernement
SNE
Syndicat national de l’édition
SOLON
Système d’organisation en ligne des opérations normatives
SOLON-EPG
Espace des procédures gouvernementales de SOLON
SOLON-EPP
Espace des procédures parlementaires de SOLON
SSL
Semaine sociale Lamy
STILA
Solution de traitement de l’information légale et administrative
T.
Tome
TAL
Traitement automatique du langage naturel
T. com.
Tribunal de commerce
T. corr.
Tribunal correctionnel
TGI
Tribunal de grande instance
TI
Tribunal d’instance
TIC
Technologies de l’information et de la communication
TJ
Tribunal judiciaire
TPE
Très petite entreprise
Trib.
Tribunal
UE
Union européenne
URI
Uniform Resource Identifier ou identifiant uniforme de ressource
UX
User eXperience ou expérience utilisateur
vol.
Volume
VPN
Virtual private network ou réseau privé virtuel
1. Codifier et traduire dans plusieurs langues les textes relatifs aux professionnels du droit et à leurs structures d’exercice, afin de renforcer leur visibilité à l’international ;
2. Poursuivre le mouvement d’ouverture des bases de données publiques et juridiques, afin de permettre la diversification des offres proposées par les LegalTech ;
3. Accroître les échanges de données par des interfaces de programmation (API), pour favoriser l’usage des données dynamiques ainsi que l’innovation légale ;
4. Créer une législation plateforme dédiée aux collectivités territoriales, afin de dématérialiser, de publier et de transmettre les données issues des registres des actes administratifs et ainsi favoriser l’émergence d’initiatives privées et locales ;
5. Inciter les États membres de l’Union européenne à concevoir des référentiels ou des standards communs, en ce qui concerne les données publiques et juridiques ;
6. Développer une plateforme de mutualisation des données des acteurs privés, comprenant tant les professionnels du droit que les LegalTech, afin de pouvoir faire émerger des communs vernaculaires et des services numériques dédiés ;
7. Modifier le régime juridique applicable aux professions juridiques, afin de permettre le capital-investissement de ces acteurs auprès des LegalTech ;
8. Favoriser le financement des jeunes pousses pour soutenir leur passage à l’échelle ;
9. Soutenir les LegalTech spécialisées dans le droit des affaires et le commerce international, afin de favoriser le rayonnement du droit français à l’étranger ;
10. Incorporer dans la formation des étudiants en droit, des cours portant sur les usages numériques relatifs au monde du droit ;
11. Définir et utiliser les termes relatifs au vocabulaire de l’informatique et du droit ;
12. Encourager le rayonnement du droit français, tant par le régime juridique applicable aux professionnels du droit, qu’en soutenant le développement des LegalTech et l’efficience engendrée par la transformation numérique du monde du droit.
1. Lien entre le monde du droit et le numérique. À l’instar du droit, le numérique s’immisce dans l’ensemble de la vie quotidienne ; ses effets modifient les mœurs et génèrent de nouvelles pratiques. Le professeur Pierre Catala précisait, en ce sens, que « [l]’informatique, comme le droit, infiltre tous les capillaires de la vie sociale. Mais leurs réseaux de diffusion ne sont pas séparés comme ceux de la lymphe et du sang. Bien au contraire, l’informatique et le droit se mêlent chaque jour davantage dans des canaux communs. La première paraît désormais vouée à susciter de nouvelles règles dans toutes les branches du second […] » (1).
Depuis une trentaine d’années, la démocratisation de l’informatique et le développement du réseau Internet ont influencé considérablement nos mœurs. L’économie s’est ainsi progressivement enrichie de nouvelles possibilités, telles que la vente en ligne, la mise en relation, la prestation de service, la publicité, etc. Avec l’apparition de ces nouveaux usages, le droit s’adapte en permanence, afin de renforcer la sécurité juridique. Le phénomène de la transformation numérique a, dès lors, des répercussions sur l’ensemble de notre société et ses effets – tant techniques que juridiques – influencent également les professions judiciaires, juridiques, ainsi que l’environnement du justiciable.
2. De la donnée à l’émergence de services. Le recours à des services numériques destinés tant aux professionnels du droit qu’aux justiciables tend à modifier leur pratique du droit. Ces solutions sont d’ailleurs généralement conçues à partir de données publiques. En effet, la politique d’ouverture des données mise en œuvre par l’État repose sur de nombreux fondements, tels que la transparence de l’action publique, l’amélioration des services administratifs ou bien encore l’évaluation des politiques publiques. Surtout, la mise à disposition de ressources (in)exploitées par l’administration est un levier d’innovation, en permettant à des tiers de les réutiliser librement (2). L’Open Data favorise ainsi « l’innovation par la multitude » (3).
Certains services – créés à partir de données publiques ou privées – sont spécifiquement dédiés au monde du droit et proposent de manière non-exhaustive : l’automatisation des contrats et le suivi des obligations y afférentes, la documentation juridique enrichie et interconnectée, la gestion des litiges par le truchement de modes alternatifs de règlement des différends, ainsi que des analyses statistiques, telles que la « justice prédictive ».
Néanmoins, le phénomène de transformation numérique donne lieu à de nombreuses spéculations, comme la disparition de certaines professions au profit de « machines ». Avec le développement de l’informatique, il apparaît de nouvelles influences sur les méthodes de travail des professionnels. À l’inverse, le monde du droit encadre ces usages numériques par des normes, effectuant ainsi une véritable transition juridique sur les progrès techniques et les opérateurs économiques concernés.
3. La naissance du droit est corrélée à l’émergence d’une civilisation. Le droit est une science humaine et sociale, qui relève à la fois de l’individu et de la société ; son application est intrinsèquement liée aux mœurs des Hommes et à leur histoire. Cette discipline s’entend comme « […] un ensemble de règles visant à organiser la conduite de l’homme en société et dont le respect est assuré par la puissance publique » (4). Ainsi et comme l’écrivait le professeur Ripert, « [c]haque peuple a le droit qu’il se donne, donc le droit qu’il mérite » (5).
Selon la théorie du Léviathan, telle qu’exposée par Hobbes, le droit est l’élément à l’origine de la formation d’une communauté organisée par les hommes. Le fait que chaque individu renonce à son pouvoir de coercition et à ses libertés pour les transmettre à une nouvelle entité constitue ainsi un Léviathan, une métaphore représentant la société et son organisation autour d’un gouvernement. D’après Hobbes, l’État se façonna lorsque « […] les hommes décidèrent, par leur faculté propre de vouloir et de penser, de se doter d’une loi commune, artificielle, qu’un individu ou une assemblée aura pour tâche d’élaborer et de mettre en œuvre » (6). À partir du moment où chacun abandonne son pouvoir de coercition au profit de sa communauté, des règles générales émergent ainsi que la notion de rendre justice, les prémices d’un droit et d’une société.
4. La théorie générale du droit a, quant à elle, « […] pour objet de saisir le phénomène [de transition juridique] par l’étude de la raison d’être, de ses finalités, de ses concepts fondamentaux, de sa mise en œuvre, de ses instruments, de sa méthode » (7). Ainsi, « [l]’analyse des forces créatrices du droit explique seule la législation d’une époque » (8), le droit évoluant sous l’influence de phénomènes extérieurs, tels que ceux relatifs aux enjeux politiques, économiques, sociologiques ou bien encore propres à la religion. La règle de droit n’a donc pas de caractère permanent, chaque norme étant le reflet de pratiques provisoires (9).
Dans une conception globale de la transition juridique, il peut être considéré que « […] l’évolution du droit […] est presque toujours décrite […] comme fatale et continue […alors que] c’est surtout la transformation de l’économie qui […] paraît l’imposer » (10). Dans la continuité des réflexions du professeur Ripert, nous considérons d’ailleurs que le droit est un consensus de paix sociale issu d’une lutte entre différentes opinions et dont la finalité est de maintenir l’ordre public.
5. L’intermédiation du monde du droit. Entre, d’un point de vue macroscopique, le droit dogmatique régissant notre société ainsi que, d’un point de vue microscopique, la vie quotidienne d’un individu et la réalisation de certains faits pouvant avoir des conséquences sur le plan juridique, il existe un niveau mésoscopique faisant le lien entre ces deux univers, le monde du droit.
Sociologiquement, la notion de monde désigne un ensemble d’acteurs se réunissant régulièrement autour d’un ou de plusieurs intérêts communs ou étant amené à interagir entre eux par des phénomènes extérieurs afin de réaliser ou de participer à la réalisation d’un objectif. À terme, ces acteurs développent un sentiment d’appartenance à un même groupement, pouvant mener à l’apparition d’un langage propre à leurs activités communes (11). Nous entendons alors par monde du droit, l’ensemble des acteurs au service du droit et dont les interactions se décomposent entre six catégories que sont l’élaboration, la diffusion, l’application, l’exercice, l’exécution et l’enseignement (12).
Le monde du droit est d’autant plus essentiel à notre société qu’il est le lien entre le citoyen et l’État. Au travers de la fiction juridique de l’adage « nemo censetur ignorare legem » – signifiant littéralement, nul n’est censé ignorer la loi – les professionnels du droit sont censés éclairer le justiciable sur la portée des textes et l’état de leurs obligations. Paradoxalement, de nombreuses enquêtes démontrent que, dans notre société actuelle, l’intermédiation apportée par les professionnels du droit, entre l’État et le justiciable semble ne pas « bénéficier d’une image très positive auprès de l’opinion publique », notamment en ce qui concerne les avocats (13). À l’ère de la transformation numérique et des avantages portés par des solutions innovantes, se pose la question de savoir, si des services informatiques ne pourraient pas venir consolider le lien entre l’État, le monde du droit et le justiciable.
6. Les catégories du droit. Nous considérons que le droit doit s’entendre et se scinder en six catégories distinctes. Chacun de ces éléments répond à une exigence relative au fonctionnement de notre société. Elles sont strictement indépendantes les unes des autres, tout en étant intimement liées entre elles. En conséquence, tout métier appartenant au monde du droit est essentiel dans la relation entre l’État et le justiciable, dès lors que leurs missions sont intrinsèquement liées à une catégorie du droit, à savoir l’élaboration, la diffusion, l’application, l’exercice, l’exécution, voire l’enseignement de ladite matière (14).
Chaque professionnel du droit est rattaché à l’une de ces catégories et possède un régime juridique spécifiquement adapté. Ainsi, le monde du droit est généralement composé de fonctionnaires en ce qui concerne l’élaboration et l’enseignement du droit, de professions judiciaires eu égard à l’application du droit et de professions juridiques comprenant les métiers en charge de l’exercice et de l’exécution. Ces dernières sont variées et nous considérons que les métiers suivants relèvent de cette qualification : les avocats (réunissant les feux avoués, conseils juridiques et les agréés près les tribunaux de commerce), les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires ainsi que la nouvelle profession des commissaires de justice, les mandataires ou les administrateurs judiciaires, les experts judiciaires ainsi que les traducteurs ou interprètes assermentés.
Enfin, nous qualifions de professions assimilées, certains métiers dont l’activité principale est relative à d’autres secteurs – tels que l’immobilier, les assurances ou les banques – et pouvant exercer le droit à titre accessoire, dans les conditions prévues par la loi. Comme le prévoit la loi du 31 décembre 1971 (15), il existe des cas où quelques professions peuvent rédiger des consultations juridiques et des actes sous seing privé. Sans que cette liste soit exhaustive, nous estimons que dépendent notamment de cette qualification, les architectes, les agents généraux d’assurances, les courtiers, les employés et les cadres du secteur bancaire, les agents immobiliers, les administrateurs de biens, les experts agricoles et fonciers, les experts forestiers et les géomètres-experts, les ingénieurs-conseils, les cabinets d’audit, les experts immobiliers (16), etc.
7. L’élaboration du droit. Le législateur excelle dans l’élaboration du droit en répondant à des normes précises : la légistique (17). Stricto sensu, ce terme désigne l’organe relevant du Parlement et compétent pour adopter la loi. Lato sensu, cette profession désigne également les organes relatifs au pouvoir réglementaire ou ayant été habilités à légiférer (18). Une personne physique ne peut, en tant que telle, être législateur, mais travaille au nom et pour le compte d’un organe institutionnel.
8. La diffusion du droit. L’administration est en charge de la diffusion du droit. La Direction de l’information légale et administrative (DILA) alimente ainsi chaque jour le Journal officiel de la République française (JORF) ainsi que les sites legifrance.gouv.fr et service-public.fr. Elle veille aussi au respect des règles de légistique, avant toute publication, par le biais du Secrétariat général du gouvernement (SGG). Les éditeurs juridiques privés participent également à la diffusion de la loi et à son enrichissement, notamment par la publication de revues juridiques et de la doctrine.
9. L’application du droit. Les métiers en charge de résoudre les litiges appartiennent à la catégorie des professions judiciaires. Le magistrat, stricto sensu, s’entend des juges appartenant à l’ordre judiciaire. Lato sensu, le terme désigne également les magistrats relevant des juridictions administratives. L’art d’écrire la jurisprudence s’appelle la juristique (19) et est défini, en fonction de l’ordre judiciaire ou administratif, par la Cour de cassation ou le Conseil d’État. Ce terme s’oppose cependant à la notion avancée par Henri Lévy-Bruhl dans son approche de la sociologie du droit (20).
10. L’exercice du droit. En ce qui concerne l’exercice du droit, le terme est défini comme étant une : « activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé pour autrui exercée de manière habituelle et rémunérée » (21). La loi du 31 décembre 1971, au cœur de la distinction entre la documentation juridique et la consultation juridique, précise la réglementation applicable à l’exercice du droit, ainsi que les différentes conditions permettant à certaines professions de pouvoir y recourir. Si certains corps de métier peuvent, dans les limites spécifiques prévues par la loi, donner des consultations, la profession d’avocat exerce cette activité à titre principal. De nombreux conflits avec les LegalTech sont ainsi pénalement fondés sur l’exercice illégal de la profession d’avocat, en considérant qu’un service numérique ne peut proposer une consultation juridique ou la rédaction d’actes, telles que définies aux articles 54 à 66-3 de la loi du 31 décembre 1971 (22).
Les avocats – seuls aptes à assister ou à représenter une partie en justice, sous réserve de dispositions législatives contraires (23) – dispensent à titre principal des consultations juridiques et rédigent des actes sous seing privé. Ces hommes de loi cumulent les fonctions de conseil, de mandataire et de défenseurd’un plaideur. Auxiliaire de justice, ils peuvent plaider devant toutes les juridictions et conseils disciplinaires, à l’exception de la Cour de cassation et du Conseil d’État (24).Cette profession a connu de nombreuses réformes dans son régime, dont la fusion avec celle de conseil juridique en 1990 (25) et la fusion avec celle des avoués, par deux lois de 1971 et de 2011 (26).
Le métier de notaireest l’une des professions propres au système juridique relevant de la notion du droit de tradition civiliste, alias droit romano-germanique, droit continental autrement appelé civil law (27). Le notaire est un officier public et ministériel, délégataire de la puissance publique de l’État. Il a la charge de conférer l’authenticité aux actes instrumentaires et de conseiller les particuliers (28).
11. L’exécution du droit. Les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels, titulaires d’un office attribué par l’État. Ils sont chargés de la signification et de l’exécution forcée des actes publics, du recouvrement de toutes créances ainsi que du service d’audiences des tribunaux, désigné sous le terme d’huissier audiencier (29). À l’inverse, la fonction de commissaire-priseur judiciaire, officier ministériel, consiste à « procéder aux ventes judiciaires de meubles et effets mobiliers corporels aux enchères publiques, c’est-à-dire aux ventes prescrites par la loi ou par décision de justice » (30). À partir de juillet 2022, la fusion de ces deux professions donnera naissance à celle de commissaire de justice.Cette évolution a été instaurée par une ordonnance de 2016 et prise en application de l’article 61 de la loi dite Macron (31).
12. L’enseignement du droit. Les universitaires et plus exactement les professeurs en droit apportent leurs analyses sur des normes juridiques et forment leurs étudiants à ce vaste champ d’étude. Ils sont également des chercheurs, dont le fruit des réflexions peut accompagner le législateur dans l’adaptation des normes en vigueur. Nous pourrions d’ailleurs souligner qu’aux prémices des civilisations, l’enseignement et la diffusion du droit relevaient d’une seule et même profession (32). L’ensemble des opinions des théoriciens(universitaires) et des praticiens (juristes, avocats, notaires, huissiers, etc.) compose naturellement ce que les droits de tradition civiliste appellent la doctrine.
13. La morale et les professionnels du droit. À l’instar des nombreux dogmes autour de l’imbrication du droit dans la morale et de la morale au sein du droit (33), les professionnels du droit sont, soit soumis à une déontologie, soit ils peuvent adopter des valeurs éthiques. La morale a une relation étroite avec le droit, elle se manifeste par différents biais tels que l’éthique, la déontologie, jusqu’à l’usage d’une ancienne notion juridique permettant de renvoyer à la morale au sein d’une norme, le bon père de famille (bonus pater familias) auquel la loi renvoie sous le vocable de « raisonnablement » (34).
14. L’apparition de la transformation numérique. Depuis l’apparition des technologies de l’information et de la communication dans les années 1970 – à la suite notamment du développement de l’informatique et d’Internet – est apparue progressivement la notion de transformation numérique. Ainsi, de nombreuses réflexions ont été faites autour de la dématérialisation de l’administration et de ses services publics, comme en attestent le rapport Nora-Minc ou le rapport Lemoine I (35).
Ce n’est qu’à partir du rapport Lemoine II (36), que l’expression « transformation numérique » a été avancée, afin de désigner un phénomène selon lequel l’implémentation des techniques liées à l’informatique au sein de notre écosystème favoriserait l’économie moderne. D’après l’auteur, cette évolution consiste à rendre un procédé ou un outil plus efficient en automatisant les processus, en dématérialisant tant les informations que leurs transmissions et en changeant les intermédiations entre les acteurs traditionnels.
15. Les caractéristiques de la transformation numérique. Nous pensons que la transformation numérique est un phénomène qui se réalise par la mise en œuvre de trois caractéristiques, relevant du cadre de l’urbanisation des systèmes d’information. Ainsi et dans la continuité du rapport Lemoine II (37), l’automatisation et la dématérialisation sont deux éléments essentiels à la parfaite réalisation de cette transition. Toutefois, il nous semble nécessaire de considérer que la désintermédiation/ré-intermédiation, telle qu’exprimée au sein de ce rapport, est plutôt une conséquence qu’une caractéristique. Nous préférons remplacer ce terme par celui d’interopérabilité, dès lors qu’il désigne par là même, les réajustements nécessaires quant aux liens et interactions entre les différents acteurs.
Ces trois composantes essentielles et intrinsèques de la transformation numérique se définissent, pour l’automatisation, comme le fait de pouvoir convertir une tâche nécessitant l’intervention humaine à une tâche n’ayant plus besoin d’action extérieure pour se réaliser. La dématérialisation s’entend comme la transmutation d’une information ou d’un processus en une donnée ou un système numérique, par un phénomène dit de numérisation. Enfin, là où le rapport Lemoine II emploie les termes de désintermédiation/ré-intermédiation,nous préférerons celui de l’interopérabilité, qui désigne le fait qu’une donnée ou un système puisse interagir avec plusieurs autres données ou systèmes, en étant enrichie dans la qualité de ses informations soit par des standards, soit par un référentiel. Dans ces conditions, il en résulte naturellement une intermédiation différente de l’écosystème environnant.
16. Définition de la transformation numérique. À l’heure actuelle, il n’existe pas de définition juridique relative à l’expression transformation numérique. Ceci s’explique notamment par l’absence de répercussion sur les raisonnements juridiques. L’impact est davantage économique et sociologique.
L’adjectif numérique a été explicité, comme s’employant, « par opposition à « analogique », de la représentation discrète de données ou de grandeurs physiques au moyen de caractères (des chiffres généralement) [et] se dit aussi des systèmes, dispositifs ou procédés employant ce mode de représentation » (38). Le nom masculin numérique a été, quant à lui, défini par la commission d’enrichissement de la langue française comme étant « [l’]ensemble des disciplines scientifiques et techniques, des activités économiques et des pratiques sociétales fondées sur le traitement de données numériques » (39).
De surcroît, le terme digital, souvent usité en lieu et place de celui de numérique, est un anglicisme (40). Or, en français, le terme de digital désigne l’utilisation des doigts. Il ne doit pas être utilisé comme synonyme du numérique. De ce fait, employer l’expression de « transformation digitale » pour désigner le phénomène économique de transformation numérique n’a pas lieu d’être.
17. Approche européenne de la transformation numérique. Selon la Commission européenne, la transformation numérique est « caractérisée par la fusion, d’une part, de [techniques] avancée et, d’autre part, leur implémentation dans des systèmes physiques ou virtuels ». Cette évolution est « la prédominance de modèle d’affaire et procédé innovant » permettant la création de « produits et de services intelligents » (41).
La Commission européenne s’intéresse, en outre, à divers domaines liés à l’avancée de cette transformation numérique. Sont notamment mis en avant l’Open Data et le Big Data y afférents, les plateformes numériques, les influences du numérique sur la protection des données à caractère personnel, l’habileté numérique ainsi que les techniques émergentes, telles que l’intelligence artificielle, voire les chaînes de blocs (42).
18. Transformation numérique et société. La transformation numérique impacte l’ensemble de la société, qu’il s’agisse des ressortissants d’un État, des entreprises, des associations voire des administrations. L’amélioration du service public par la notion d’État plateforme est notamment l’un des enjeux de cette transformation (43). Depuis les prémices de l’informatique, l’expression « administration numérique »désigne le fait qu’une administration se modernise par l’implémentation de technologies de l’information et de la communication permettant de faciliter la transformation numérique des entreprises et des citoyens. La Commission européenne incite les États membres à parvenir à cette administration numérique dans le cadre du Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en ligne (44).
Partant de ce postulat, nous pouvons émettre l’hypothèse suivante : si la transformation numérique impacte les us et coutumes d’une société et que le droit est le reflet de ces mœurs, alors, un tel phénomène se devra nécessairement d’impacter l’ensemble des professions du droit, dont les missions sont un liant nécessaire entre l’État et le citoyen. De surcroît, si cette première hypothèse s’avérait vraie, nous pourrions également en déduire que la réalisation de la transformation numérique du monde du droit aurait un impact auprès du législateur et de toutes les professions assimilées, favorisant ainsi sa propagation dans d’autres écosystèmes et domaines d’activité.
À l’instar de l’évolution permanente du droit, dans ses normes, sa diffusion, sa jurisprudence ou même dans sa pratique, les différents outils mis à disposition des professionnels du droit tendent à évoluer. Ainsi la transformation numérique influence tant l’individu en exercice, que ses outils et méthodes de travail.
19. La diffusion du droit par la technique. Si nul n’est censé ignorer la loi, alors il revient au législateur et, plus largement, à l’État et son administration, de diffuser le droit en vigueur à l’ensemble des ressortissants français. Toutefois, la même logique n’est pas similaire en ce qui concerne la diffusion des décisions de justice, étant rendues au nom et pour le peuple français, qui possède son propre régime juridique pour l’accès et la mise à disposition de ces informations.
De tout temps, les plus belles inventions ont été mises en œuvre au sein du monde du droit pour diffuser le droit au plus grand nombre et le plus rapidement possible. Il s’en dégage un besoin prééminent de pouvoir communiquer à l’ensemble des citoyens tout changement dans le corpus législatif, afin de conserver une stabilité juridique dans l’application de la loi. En outre, dans un droit de tradition civiliste, toutes les évolutions relatives aux techniques de l’écriture sont majeures quant à l’élaboration, la diffusion et l’application du droit. Àtitre d’exemples, en ce qui concerne le support de l’écrit, l’histoire du droit débute avec les Lois de Hammourabi apposées à même la pierre, en passant par des parchemins dont les Serments de Strasbourg et finalement sur un support papier à partir du XIVe siècle à la suite de la découverte de cette technique en Europe (45).
Le papier a fortement favorisé la diffusion du droit (46). Alors que le droit et son évolution se diffusaient à l’oral, M. Théophraste Renaudot prit l’initiative privée de compiler des informations relatives aux droits tant étrangers que français. Ainsi naquit, en 1631, la Gazette, premier périodique diffusant le droit et des informations liées à la politique étrangère (47). Ce n’est que cent ans plus tard que, La Gazette, prit un caractère officiel en étant rattachée au ministère des Affaires étrangères par décret royal, devenant La Gazette de France (48). À la Révolution française, ce périodique devint la Gazette nationale,puis le Moniteur universel et fut nommé l’unique journal à caractère officiel le 7 nivôse de l’An VIII (49). Le terme de Journal officiel apparu en 1868 (50) pour désigner un journal quotidien diffusant la publication des actes législatifs et réglementaires.
De nos jours, la diffusion du droit est administrée et gérée par la Direction de l’information légale et administrative (DILA), notamment en charge du Journal officiel de la République française (JORF) (51). Utilisant des inventions fondamentales comme l’imprimerie à caractères mobiles développée par Gutenberg ou la presse rotative jusqu’à récemment, cette direction métier est également pionnière dans la transformation numérique.
20. La diffusion du droit à l’ère du numérique. La diffusion du droit, depuis l’apparition des technologies de l’information et de la communication, a commencé dès les années 1980 avec le service minitel « 3615 JOEL », abréviation de Journal officiel électronique (52). À l’aube du XXIe siècle, un arrêté du 6 juillet 1999 (53) a instauré le site Internet legifrance.gouv.fr en tant que portail de diffusion du droit (54).
La dématérialisation, l’une des trois composantes de la transformation numérique consiste à posséder une information de façon numérique et non analogique. Autrement dit, de passer d’un support papier à des données. En ce sens, le Journal officiel de la République française n’est désormais accessible que par voie électronique depuis le 1er janvier 2016 (55) (à l’exception de certains actes).
Si la diffusion du droit a été profondément modifiée, tel est également le cas pour la création des textes législatifs et réglementaires. L’application Système d’organisation en ligne des opérations normatives (SOLON), développée en 2007 par le Secrétariat général du gouvernement, permet un meilleur suivi de l’élaboration des normes juridiques et englobe l’ensemble du processus normatif (56).
21. L’application du droit et le numérique. Quant à l’application du droit et des décisions rédigées par les magistrats, il existe depuis les années 2000 des logiciels permettant aux greffiers de faciliter la rédaction d’une décision de justice, tels que WinciTGI, Wineurs, Citi dans lesquels les tâches quotidiennes des greffiers de justice sont facilitées par des outils informatiques (57).
Au sein du monde judiciaire, le projet Portalis est également vu comme un programme global de modernisation et de simplification de la Justice (58). Axé autour de la dématérialisation des procédures et de la recentralisation de l’ensemble des téléservices, ce projet s’inscrit, en outre, dans la volonté de promouvoir la transformation numérique de la justice, avec notamment un vaste projet de réforme présenté en 2018 (59).
Les praticiens, qu’ils soient auxiliaires de justice ou non, ont également été profondément impactés par l’implémentation de nouvelles solutions. En ce qui concerne la transmission de données numériques, au début des années 2000, des réseaux tels que le réseau privé virtuel Justice (RPVJ), le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), les différents réseaux privés virtuels des notaires ou encore le réseau privé sécurisé des huissiers de Justice (RPSH) virent progressivement le jour (60). Ces réseaux permettent à ces différentes professions d’échanger des pièces entre elles. En outre, en 2018, la profession des avocats s’est vue doter d’une carte à puce professionnelle pour pouvoir entrer dans le nouveau tribunal de Paris (61).
22. La reconnaissance de la technique par le droit. Le droit est également vecteur de développement et de reconnaissance du numérique, avec notamment la loi pour une République numérique (62) et l’insertion de nouveaux dispositifs, tels que le recommandé électronique (63) et le coffre-fort électronique (64) ou bien les modalités d’usage de la signature électronique, issues de la loi du 13 mars 2000 (65) et le règlement dit eIDAS (66). Certains droits spéciaux prévoient, par ailleurs, l’usage d’autres types de dispositifs, à l’instar du parapheur électronique au sein de la commande publique (67).
Le droit du numérique valorise aussi la mise à disposition de données publiques appelée données ouvertes ou Open Data. L’accès à ces données a été considérablement accru avec l’entrée en vigueur de la loi République numérique (68). Stricto sensu, l’Open Data se définit comme étant la circulation et la réutilisation libres de données dites publiques, c’est-à-dire issues de celles détenues par l’administration (69). Cette politique permet d’avoir une meilleure transparence. Elle peut également servir au développement d’initiatives privées (70).
L’ouverture de ce type de données permet alors d’alimenter massivement certaines techniques fonctionnant, soit dans l’exploitation massive de données (Big Data), soit dans l’apprentissage à partir de données, comme le machine learning. Ainsi, toutes les techniques relatives à l’intelligence artificielle – telles que la justice prédictive, les ChatBot ou bien tous les logiciels permettant d’anonymiser ou de pseudonymiser des décisions de justice (71) – ou toutes autres données peuvent être améliorées. Il existe, en outre, d’autres techniques émergentes permettant de décentraliser des registres (par exemple la BlockChain) ou de pouvoir suivre et gérer les conditions et termes d’un contrat (Smart Contract).
23. L’apparition des LegalTech. C’est dans ce contexte de mise à disposition à titre gratuit de données dans un format électronique, qu’émergent de nouveaux acteurs, dont le modèle économique se fonde sur la réutilisation de ces informations, notamment les LegalTech. Anglicisme et abréviation de l’expression « legal technology », ce terme désigne, en réalité tous types de sociétés ou entités apportant une nouvelle technique au monde du droit.
Toutefois, la perception de ces intermédiaires rencontre trois limites. Premièrement, l’emploi d’un acronyme anglais relève d’un phénomène temporaire, qui devrait amener à l’instauration d’un nouveau terme au sein de la langue française. Deuxièmement, ces sociétés sont souvent initiées selon un modèle économique dit de jeune pousse (72) et dont la longévité n’est pas nécessairement avérée sur le long terme. Enfin, troisièmement, les métiers du droit, à l’instar du corps humain, tendent à rejeter tout objet étranger, réaction parfois désignée à tort sous le terme d’« ubérisation ».
L’expression LegalTech a commencé à apparaître en France à partir de 2016 (73), remplaçant l’expression de « start-up du droit » (74) usuelle aux alentours de 2015, elle-même succédant à celle de « braconnier du droit » (75). Cette tournure largement péjorative avait été employée par l’ancienne bâtonnière du Barreau de Paris (76) pour qualifier toutes les jeunes entreprises venant empiéter sur les prérogatives relatives à l’exercice du droit, telles que définies au sein de la loi du 31 décembre 1971 (77). Néanmoins, la création de services numériques à destination des professionnels du droit existait déjà sous d’autres formes.
24. Les LegalTech, intermédiaire technique.Étroitement liée à la notion de start-up ou de jeune pousse, la LegalTech ne répond pas nécessairement à ce mouvement. Il faut sans doute privilégier l’expression de LegalTech à celle de start-up du droit, pour ne pas confondre ces deux visions. En effet, si les jeunes pousses ne sont pas juridiquement définies, il n’en demeure pas moins qu’elles ont fait l’objet d’une clarification au sein du Vocabulaire de l’Économie et des Finances comme étant des « jeunes entreprises innovantes et dynamiques, à croissance rapide » (78). Il est considéré que ces entreprises deviennent des Licornes, à partir du moment où leur valorisation dépasse un milliard et qu’elles ne sont pas cotées en Bourse (79).
Si une LegalTechpeut être une jeune pousse, cela n’est pour autant pas une condition sinequa non à cette qualification. La grande force de ce type d’acteurs réside dans le fait qu’il valorise un secteur particulier par le biais du numérique, ce qui est également le cas pour les FinTech, les RegTech, les GovTech ou bien encore les CivicTech.
Enfin, les LegalTech apparaissent afin de proposer des services numériques au monde du droit ; elles ont pour finalité la diffusion de techniques au sein des pratiques juridiques. Adoptant un rôle d’intermédiaire, ces entités paupérisent l’accès à des solutions informatiques complexes, telles que l’intelligence artificielle. Ces opérateurs économiques possèdent la singularité d’avoir conçu leurs offres uniquement à destination du monde du droit et du justiciable. Il nous semble, dès lors, crucial d’analyser tant du point de vue de ces entités, que des acteurs traditionnels, l’influence du numérique sur leurs activités.
25. Entre intermédiation et ubérisation. Univers émergent, ces jeunes pousses du droit viennent profondément altérer les usages pratiques au sein des professions juridiques. Le recours à l’expression « braconnier du droit » reflète notamment cette crainte, s’exprimant au travers de différentes notions dont celles de la disruption ou de l’ubérisation.
L’ubérisation désigne, au sens économique du terme, la substitution d’un acteur par une mise en relation directe et immédiate entre un professionnel et son client en recourant à un système informatique automatisé (80). Les données partagées par ces deux types d’usagers permettent, par une exploitation algorithmique, de répondre à une demande simple. Ainsi, toutes notions d’intermédiaires ou de liants humains tombent en désuétude, de par notamment la réactivité du système d’information. Dans le cadre du monde du droit, envisager l’ubérisation d’une profession judiciaire, juridique ou assimilée revient à supprimer l’intermédiation essentielle de ces métiers, qui résulte d’une forme de pacte social afin d’effectuer le lien entre l’État et les citoyens. Sans une intervention du législateur en ce sens, l’usage du terme d’ubérisation semble inapproprié dès lors que la loi impose le recours à ces professionnels du droit.
L’innovation de rupture, parfois appelée la disruption, ne doit pas être confondue avec la notion d’ubérisation. Si la première correspond à une « innovation qui modifie fondamentalement un produit ou un service, un procédé de production, une technique de commercialisation ou le mode d’organisation d’une entreprise » (81), la seconde consiste, quant à elle, à la substitution d’un acteur présent sur le marché.
26. LegalTech et diffusion de techniques. À l’instar des évolutions engendrées par le progrès technique, la transformation numérique – ayant commencé dès le début des années 1980 – impacte aujourd’hui plus profondément de nombreuses professions dont celles liées au monde du droit. Les entreprises dites de LegalTech viennent, en proposant leurs services numériques, apporter des outils ou des dispositifs qui remettent en cause des usages ancestraux en contrepartie d’une plus grande efficience.
Cependant, contrairement aux précédentes transitions, celle portée par les LegalTech a pour différence majeure de favoriser la diffusion de techniques et de renforcer l’habileté numérique au sein du monde du droit. En effet, là où une technique était destinée à l’ensemble d’une population ou de l’économie, les nouveaux services émergents se spécifient davantage à un secteur d’activité. Il est ainsi plus aisé de comprendre le fonctionnement d’un courriel, que la mise en œuvre d’un registre fondé sur la technique des chaînes de blocs.
L’incompréhension qui peut en résulter, amplifiée par la complexité technique, devient alors une crainte. Au-delà, la réorganisation des modes de fonctionnement dans les manières de travailler engendre aussi une inquiétude quant à l’hypothétique disparition d’une profession. De surcroît, l’exercice du droit, son élaboration et son application, sont des prérogatives inhérentes à certaines professions et définies par la loi. Néanmoins, certains services numériques sont parfois considérés comme empiétant sur ces prérogatives.
27. LegalTech et professionnels du droit. Les LegalTech ont été et sont encore parfois perçues comme « ubérisant » les professions juridiques. Cette crainte se manifeste d’autant plus chez les avocats (82), eu égard à la circonstance que ces nouveaux outils bouleversent davantage leurs modes de fonctionnement et que la profession « […] est confrontée aujourd’hui à la somme de tous les défis : morosité économique, paupérisation d’une partie de son effectif, concurrence mondialisée, intelligence artificielle, apparition d’une sous-traitance de plus en plus sophistiquée, transformation de certains de ses savoir-faire en commodités » (83).
Pourtant, véritable outil mis au service du monde du droit, les LegalTech participent à améliorer les conditions d’exercice de ces professions en leur apportant des moyens de se concentrer sur leur véritable plus-value et leur rapport à l’humain, l’intuitu personae, nécessaires à l’exercice de leurs activités.
Face à l’émergence de ces sociétés et des divers services qu’elles proposent, les professionnels du droit tendent à réagir en requérant d’une part, l’établissement d’une relation de confiance avec les LegalTech et, d’autre part, œuvrent pour que les professions juridiques s’adaptent aux changements tant économiques que numériques (84). Au-delà des services numériques, un enjeu fort persiste dans l’appréhension et l’usage de ressources numériques.
28. La confiance numérique, un enjeu pour les LegalTech. Le monde du droit a besoin de pouvoir accorder sa confiance auprès d’opérateurs économiques tels que les LegalTech. Dans une volonté de renforcer cette relation de confiance, une Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs (85) a été élaborée par l’association Open Law*, le droit ouvert (86) et l’Association pour le développement de l’informatique juridique (ADIJ). À l’instar de la déontologie de certaines professions du droit, les LegalTech tendent ainsi à acquérir une forme d’éthique, pour rassurer les acteurs traditionnels et établir une relation de confiance avec le monde du droit.
Élaborée à la suite d’une consultation publique, d’une part (87), et d’une large concertation des acteurs juridiques, d’autre part, cette Charte demande à ses signataires de se conforter tant à des valeurs morales qu’à des exigences de cybersécurité. À l’inverse de la déontologie, aucune sanction n’est imposée ou imposable et aucun organe ne peut venir effectuer un suivi ; cependant, il ressort des nombreuses signatures que les professions juridiques ainsi que les LegalTech souhaitent désormais favoriser la collaboration à la défiance (88).
Afin d’accroître la confiance dans les LegalTech, les professionnels du droit adoptent également différentes formes de contrôle, en intégrant par exemple l’un d’entre eux au sein d’une de ces entités. Allant bien au-delà de la simple éthique, sans pour autant rejoindre directement l’approche d’une déontologie – étant donné que seul le professionnel exerçant le droit y est soumis – ce mode de fonctionnement se veut une forme de labellisation.
29. Angle d’étude. Dès lors, afin d’examiner le monde du droit, il sera fondamental d’étudier les éléments le composant, ainsi que les actions et les mouvements entre ces différents acteurs. Pour ce faire, deux phénomènes distincts seront pris en considération, d’une part, la transition juridique consistant à l’adaptation du droit positif aux mœurs d’une société et, d’autre part, la transformation numérique des activités professionnelles et de ses enjeux économiques pour le monde du droit.
En définitive et pour reprendre l’ensemble de notre propos, le monde du droit est un écosystème dans lequel ses acteurs et leurs interactions ont une place prépondérante. Le droit et les professionnels au service de son élaboration, sa diffusion, son application, son exercice, son exécution et son enseignement, ont su s’adapter à de nombreuses révolutions tant techniques que juridiques.
Il importe, dès lors, de caractériser quels sont les liens qu’entretiennent et qu’entretiendront les professionnels du droit et les LegalTech, afin d’améliorer, d’une part, la relation envers le justiciable et, d’autre part, d’accroître le rayonnement du droit français à l’étranger par l’accompagnement des entités proposant des services dédiés au monde du droit, s’inscrivant dans le phénomène de la transformation numérique.
30. Plan. Nous aborderons, de manière successive, l’enjeu de la formation du juriste aux usages du numérique (chapitre 1) ainsi que les principales techniques émergentes qui modifient actuellement les pratiques (chapitre 3 et 4). Une telle approche suppose également de définir le phénomène économique de la transformation numérique (chapitre 2) et son influence auprès de l’administration (chapitre 5), des professions judiciaires (chapitre 8), des professions juridiques (chapitre 9) et du justiciable (chapitre 10).
En parallèle, une forme de service intermédiaire émerge et se renforce par l’innovation légale (chapitre 6) afin de favoriser la diffusion de techniques auprès du monde du droit (chapitre 7). Leur marché économique pourrait d’autant être renforcé par la compréhension des différents enjeux autour des données (chapitre 11), par l’intégration et le déploiement d’API (chapitre 12) et par la mise en commun de données (chapitre 13).
(1)Catala P., Le droit à l’épreuve du numérique, Jus Ex Machina, coll. Droit éthique société, Paris, PUF, 1998.
(2)Bothorel E., Pour une politique publique de la donnée, rapport remis au Premier ministre, Paris, La documentation française, 2020, disponible à l’adresse : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/277879.pdf.
(3)Verdier H. et Colin N., L’âge de la multitude, 2e éd., Paris, Armand Colin, 2015.
(4) Guinchard S. et Debard Th., Lexique des termes juridiques, 28e éd., Paris, Dalloz, 2017, v° « Droit ».
(5)Ripert G., Les forces créatrices du droit, 2e éd., Paris, LGDJ, 1955, p. 71.
(6)Hobbes Th., Léviathan, 1651.
(7)Bergel J.-L., Théorie générale du droit, 5e éd., Paris, Dalloz, 1985.
(8)Ripert G., Les forces créatrices du droit, op. cit., p. 83.
(9)Roubier P., Théorie générale du droit : histoire des doctrines juridiques et philosophie des valeurs sociales, Paris, Sirey, 1946 ; Bonneau Th., La Cour de cassation et l’application de la loi dans le temps, thèse, dir. Gobert M., 1987.
(10)Ripert G., Les forces créatrices du droit, op. cit., p. 73.
(11) Voy. Dollo Ch., Alpe Y., Lambert J.-R. et Paraye S., Lexique de sociologie, 5e éd., Paris, Dalloz, 2017, v° « Acteurs sociaux » et « Monde vécu ».
(12) Voy. Annexe I.
(13) Conclusion issue d’une enquête de satisfaction effectuée par la Chancellerie auprès des usagers de la justice : rapp. n° 345, Quels métiers pour quelle justice ?, rapport d’information fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale par la mission d’information sur l’évolution des métiers de la justice par M. Christian Cointat, sénateur, Sénat, 3 juillet 2002, disponible à l’adresse : https://www.senat.fr/rap/r01-345/r01-3451.pdf (consulté le 6 août 2021).
(14) Voy. Annexe I.
(15) L.n° 71-1130,31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 59 et 60.
(16) « Vade-mecum de l’exercice du droit », Conseil national des Barreaux, disponible à l’adresse : https://www.cnb.avocat.fr/sites/default/files/documents/cnb-2017-peri-vademecum-exercice-du-droit.pdf (consulté le 6 août 2021).
(17) SGG et CE, Guide de légistique, 3e éd., Paris, La documentation française, 2017 ; Bergeal C., Manuel de légistique, 8e éd., Boulogne-Billancourt, Berger-Levrault, 2018.
(18)Guinchard S. et Debard Th., Lexique des termes juridiques, op. cit., v° « Législateur ».
(19)Cottin S., Gestion de la documentation juridique, Paris, LGDJ, 2011.
(20)Lévy-Bruhl H., Sociologie du droit, 6e éd., Paris, PUF, 1981, n° 951, p. 86.
(21)Guinchard S. et Debard Th., Lexique des termes juridiques, op. cit., v° « Exercice du droit ».
(22) L.n° 71-1130,31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
(23) L. n° 71-1130, préc., art. 4.
(24) Voy. Guinchard S. et Debard Th., Lexique des termes juridiques, op. cit., v° « Avocat ».
(25) L. n° 90-1259, 31 décembre 1990, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, NOR : JUSX9000027L.
(26) L. n° 71-1130, 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; L. n° 2011-94, 25 janvier 2011, ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2011/1/25/JUSC0909345L/jo/texte.
(27) Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Les droits de tradition civiliste en question : À propos des Rapports Doing Business de la Banque Mondiale, t. 1, Paris, Société de Législation Comparée, 2006, disponible à l’adresse : http://www.henricapitant.org/storage/app/media/pdfs/rapports_doing_business/Les_droits_de_tradition_civiliste_en_question.pdf.
(28) Voy. Guinchard S. et Debard Th., Lexique des termes juridiques, op. cit., v° « Notaire ».
(29)Ibid.
(30) Voy. ibid., v° « Commissaire-priseur judiciaire ».
(31) L.n° 2015-990,6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2015/8 juin/EINX1426821L/jo/texte ; ord. n° 2016-727, 3 juin 2016, ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2016/6/2/JUSC1608887R/jo/texte.
(32)Cassar B., « Le rôle des professionnels du droit dans la transformation numérique des entreprises », Dalloz IP/IT, 2021, p. 393.
(33) Not. l’œuvre initialement publiée en 1926 : Ripert G., La règle morale dans les obligations civiles, coll. Anthologie du droit, Paris, LGDJ, 2013 ; voy. égal. Krynen J., Le droit saisi par la morale, Travaux de l’IFR « Mutation des normes juridiques », Toulouse, Éd. de l’Université Toulouse I, 2005 ; Terre D., Les questions morales du droit, Paris, PUF, 2007.
(34) L. n° 2014-873, 4 août 2014, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2014/8/4/FVJX1313602L/jo/article_26, art. 26.
(35)Nora S. et Minc A., L’informatisation de la société, rapport au Président de la République, Paris, La documentation française, 1978, disponible à l’adresse : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/154000252.pdf ; Lemoine Ph., Les technologies de l’information enjeu stratégique pour la modernisation économique et sociale, rapport au Premier ministre, Paris, La documentation française, 1983.
(36)Lemoine Ph., La nouvelle grammaire du succès : la transformation numérique de l’économie française, rapport au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, au ministre de la décentralisation et de la fonction publique et au secrétaire d’État au numérique, Paris, La documentation française, 2014, disponible à l’adresse :https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/rapport_TNEF.pdf.
(37)Ibid.
(38)Répertoire terminologique (révision des listes antérieurement publiées) (édition 2000)