Lâcher prise, c'est vivre - Solène Revol - E-Book

Lâcher prise, c'est vivre E-Book

Solène Revol

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Beschreibung

Qu'est-ce que l'anorexie et comment comprendre cette maladie ?

Anorexie. Ce mot est souvent utilisé, entendu à la télévision, lu dans les magazines, mais très peu expliqué... Nous en connaissons les conséquences mais pas les causes. La maladie touche de nombreuses jeunes filles mais aussi des garçons.
Que se passe-t-il dans leur tête ? Pourquoi veulent-ils être de plus en plus maigre alors que leur vie est menacée ? Il s’agit d’un vrai problème de société.
Solène Revol témoigne de son long parcours contre ses troubles du comportement alimentaire. Aujourd’hui en phase de « reconstruction », elle nous explique ce qu’est l’anorexie, comment elle en est arrivée là, et nous livre son combat pour en sortir.

L'auteure nous livre un témoignage poignant sur l'anorexie et sa volonté de sortir de cette maladie.

EXTRAIT

Début février 2015, une phrase catégorique mais ô combien indispensable de notre généraliste – que nous remercions infiniment – ébranle subitement la douce harmonie de notre famille : « votre fille souffre d’anorexie mentale. »
Il y aura désormais certainement pour toujours, et probablement comme dans toutes les familles qui découvrent la maladie grave d’un de leurs membres, un avant et un après cette annonce.
Un immense sentiment de culpabilité nous envahit alors. Comme tous les parents, nous avons toujours voulu préserver nos enfants des difficultés et il nous semble, à ce moment-là, avoir lamentablement échoué. Comment n’avoir rien vu venir ? Qu’avons-nous fait ou pas fait dans l’éducation de nos deux enfants pour que notre fille soit touchée par cette grave affection psychiatrique, dont nous ne connaissons jusqu’alors pas grand-chose ?
Nous ne cessons de nous demander pourquoi, et nous n’arrivons pas à y croire. C’est impossible ! Notre fille ne peut pas être anorexique, elle qui ne nous a jamais posé aucun problème : gentille, sociable, extrêmement sensible, brillante à l’école et réussissant à peu près tout ce qu’elle entreprend. Non, c’est une fille parfaite, mais justement, trop parfaite…

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SolèneRevol

Lâcher prise,c’estvivre

Préface

Début février 2015, une phrase catégorique mais ô combien indispensable de notre généraliste – que nous remercions infiniment – ébranle subitement la douce harmonie de notre famille : « votre fille souffre d’anorexie mentale. »

Il y aura désormais certainement pour toujours, et probablement comme dans toutes les familles qui découvrent la maladie grave d’un de leurs membres, un avant et un après cette annonce.

Un immense sentiment de culpabilité nous envahit alors. Comme tous les parents, nous avons toujours voulu préserver nos enfants des difficultés et il nous semble, à ce moment-là, avoir lamentablement échoué. Comment n’avoir rien vu venir ? Qu’avons-nous fait ou pas fait dans l’éducation de nos deux enfants pour que notre fille soit touchée par cette grave affection psychiatrique, dont nous ne connaissons jusqu’alors pas grand-chose ?

Nous ne cessons de nous demander pourquoi, et nous n’arrivons pas à y croire. C’est impossible ! Notre fille ne peut pas être anorexique, elle qui ne nous a jamais posé aucun problème : gentille, sociable, extrêmement sensible, brillante à l’école et réussissant à peu près tout ce qu’elle entreprend. Non, c’est une fille parfaite, mais justement, trop parfaite…

Très vite, en nous renseignant sur Internet mais surtout grâce aux explications des spécialistes des troubles du comportement alimentaire, nous apprenons que cette maladie touche essentiellement des jeunes filles qui ont un profil assez similaire à celui de Solène.

Ce sont des adolescentes qui, en dépit des apparences, ont très peu confiance en elles et supportent difficilement l’échec, et ce, dans quelque domaine que ce soit. Leur quête de la perfection va alors s’appliquer aussi, à un moment donné, à leur propre corps, à l’image qu’elles renvoient aux autres. Et cela va bien au-delà de la simple volonté de maigrir, encouragée en partie il est vrai par la pression sociétale, médiatique, qui les amène tout doucement et inexorablement à se brûler les ailes.

Dans un premier temps, la perte de poids procure aux anorexiques une immense satisfaction, un bien-être euphorisant avec l’impression d’enfin maîtriser quelque chose.

Mais tout doucement, l’addiction s’installe, ne laissant plus aucune liberté, plus aucun choix. « Pour être bien psychologiquement, il faut bouger toujours plus et surtout manger toujours moins », leur dicte cette petite voix qui prend de plus en plus de place dans leur tête. Le plaisir de manger, la sensation de faim et de satiété disparaissent complètement. La culpabilité ressentie pour le peu qui a pu être mangé mais aussi celle liée au fait de devoir mentir, cacher des choses à leur entourage, ne fait qu’empirer. Le mal-être psychologique est intense et le corps s’épuise avec toutes ces privations.

En ce qui concerne Solène, elle est descendue au poids de 33 kilos, ce qui correspond vu sa taille à un indice de masse corporelle de treize, assimilable à un état de dénutrition sévère justifiant une prise en charge hospitalière. Solène n’étant plus alors, fort heureusement, dans le déni de sa pathologie, a intégré, dès qu’une place a été disponible, l’unité spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire de notre département. Cela a été réellement une chance pour nous qu’elle accepte de se faire soigner. Nous nous sommes souvent demandé ce que nous aurions fait si elle n’avait pas coopéré. Le dilemme aurait été cruel : la garder à la maison et la voir s’enfoncer de plus en plus dans la maladie, peut-être même au péril de sa vie, ou l’hospitaliser sous la contrainte – ce qui était tout à fait possible étant donné qu’elle était mineure – en s’attirant inévitablement ses foudres, tout au moins dans un premier temps.

Nous avons eu la chance que Solène soit accueillie par une équipe médicale très professionnelle, très compétente. Nous ne pouvons que remercier ces soignants et leur tirer notre chapeau, notamment pour la grande patience dont ils doivent faire preuve au quotidien.

Nous n’oublierons jamais les propos bienveillants tenus par l’infirmière qui nous a raccompagnés le jour où, la mort dans l’âme, nous avons laissé Solène à l’hôpital sans savoir quand nous la reverrions : « Laisser votre fille ici pour qu’elle se soigne n’est pas un abandon, c’est un acte d’amour très fort. Soyez persuadés qu’elle vous en sera reconnaissante. »

Le protocole de soins utilisé dans la plupart des établissements qui prennent en charge l’anorexie exige dans un premier temps une coupure totale de l’adolescente avec son environnement, ce qui est bien évidemment très dur à supporter, mais qui, à notre sens ou tout au moins dans notre cas personnel, s’est avéré indispensable. L’absence totale de visites, la suppression du téléphone et du courrier, sont une véritable torture pour tout le monde, alors qu’il n’y a pas si longtemps nos enfants dépendaient entièrement de nous. Quel déchirement de devoir se contenter d’un joli mais triste visage aperçu derrière sa fenêtre depuis le parking de l’hôpital lorsque nous venions lui apporter du linge propre !

Même les coups de fil quotidiens aux infirmiers, alors que ces derniers font sans doute tout leur possible pour nous ménager, sont éprouvants. On ne sait jamais ce qu’on va nous annoncer et bien évidemment, les progrès dans ce type de pathologie ne sont pas au rendez-vous au rythme que nous aimerions !

Nous avons rencontré aussi bien à l’hôpital qu’à l’extérieur d’autres familles touchées par l’anorexie avec lesquelles une compréhension immédiate s’est installée. Cela a été très réconfortant et déculpabilisant… De belles rencontres se font parfois dans de mauvaises conditions.

Heureusement, nous avions à nos côtés notre fils Lucas. Il a tout encaissé dignement, sans jamais se plaindre alors que tout tournait autour de sa sœur. Il a toujours cherché à positiver, nous ne pouvons qu’être fiers de lui et lui en être très reconnaissants.

Le récit qui suit est véritablement celui de Solène, qu’elle a entièrement écrit lors de son séjour à l’hôpital. Elle revient sur les mois qui précèdent l’hospitalisation et raconte son parcours de soins jusqu’au moment où, miracle, elle a enfin eu le déclic, la volonté farouche de se libérer des chaînes qui l’entravaient.

Ce récit est authentique, conforme à la réalité et ne dissimule rien. Il décrit le basculement progressif dans la maladie avec cette petite voix, exprimée en gras dans le texte, qui dicte sa loi, vous oblige à vous cacher, à mentir à vos proches.

Raconter son histoire lui a permis d’occuper ses longues journées d’hôpital mais a aussi été un exutoire à son mal-être. Coucher tout cela sur papier permet d’identifier ce qui ne va pas et de trouver des solutions pour aller mieux. C’est enfin une façon d’aider d’autres personnes confrontées à l’anorexie en leur donnant de l’espoir, ou d’encourager celles qui ont le sentiment de basculer tout doucement dans cet état pathologique d’oser demander de l’aide…

Après neuf mois passés à l’hôpital, dont les derniers avec des permissions hebdomadaires de plus en plus longues pour préparer la sortie définitive dans les meilleures conditions possibles, une reconstruction lente et progressive est en cours. Il ne faut pas brûler les étapes, nous devons rester vigilants car tout n’est pas gagné. Mais nous sommes confiants.

Durant l’absence de Solène, notre regard n’arrêtait pas de se poser sur les photos anciennes exposées dans la maison, sur lesquelles Solène a son joli sourire de petite fille heureuse. Le temps a passé, la petite fille n’est plus, mais nous retrouvons à présent, après les épreuves endurées, une jeune fille mature, une jeune fille qui recommence à sourire, qui recommence à être heureuse…

Notre « petit oiseau » a réussi à s’échapper de la cage dans laquelle l’avait enfermée l’anorexie et finira par voler de ses propres ailes librement.

Une maman et un papa pleins d’espoir.

1

Pendant la pause de midi auself.

–Elsa : Sérieusement les filles, faut faire un truc pour M. Riter ! Solène, t’en as parlé au conseil de classe ?

–Solène : Bien sûr, j’ai essayé… mais tu sais comment ilest !

M. Riter, l’un de nos professeurs, n’est pas très apprécié des élèves. En fait, c’est le genre de prof avec qui on ne s’ennuie pas en cours car tout le monde rigole, mais il veut faire « son méchant ».

Il fait souvent des remarques désobligeantes et si on les prend au premier degré, cela peut faire mal. Par exemple, il a l’habitude de dire que l’on ne réussira pas en S si on ne se met pas la pression. Et puis avec lui, avoir plus de quinze de moyenne dans sa matière, ce n’est pas possible ! C’est un très bon prof mais il est exigeant et les contrôles sont difficiles.

Toute la classe s’en plaint et en tant que déléguée, je dois parler de ses fameuses remarques au conseil de classe.

Ce n’est pas vraiment un problème pour moi. J’ai toujours été déléguée depuis la sixième donc j’en ai l’habitude. On m’avait même élue « déléguée du collège » en troisième. Donc bien entendu, je m’en suis occupée, mais cela n’a rien changé. Impossible de faire changer un prof, c’est bien connu.

Malgré tout, j’ai accepté d’en parler, je ne voulais pas décevoir mes camarades de classe. Et puis je ne craignais rien, sachant que j’ai toujours eu des bonnes notes.

Je suis une bonne élève, même très bonne. Depuis toute petite, j’ai le titre de « première de la classe » mais je n’ai jamais été rejetée. Cette place me va bien, du coup chaque année je fais en sorte que cela se reproduise.

J’aime bien qu’on me prenne comme référence pour les contrôles ou les devoirs. Souvent mes camarades disent : « Ah ben, Solène n’a eu que seize, donc c’est normal que j’aie foiré ! », ou alors : « Solène, tu peux m’aider, toi qui as bien compris ? »

Tout cela me donne l’impression d’être bien vue. D’ailleurs je n’ai jamais supporté que l’on ne m’aime pas, que l’on me critique. Alors déjà, avec les enseignants, c’est réglé, je ne déçois personne.

Après ma réponse, j’ai senti l’agacement d’Elsa, malheureusement je ne pouvais rien faire de mieux. Inès a dit pour détendre l’atmosphère qu’il n’y a rien de grave car il ne nous reste pas énormément de temps avec lui, juste notre dernier trimestre de seconde.

J’ai toujours apprécié qu’Inès ne se prenne pas la tête avec les cours, contrairement à Elsa qui stresse tout le temps. C’est drôle de la voir dans tous ses états pour un petit contrôle. Des fois j’aimerais lui dire qu’elle angoisse pour rien mais je ne veux pas la blesser.

Pendant le repas qui suit au self, une chose me perturbe : Inès ne mange pas son pain et touche à peine au plat. Je lui en fais la remarque mais elle ne me répond pas. Je connais son envie d’être plus fine et elle me répète sans arrêt qu’elle a de grosses cuisses. Pourtant, moi je la trouve magnifique, elle n’est ni trop grande, ni trop petite, ni trop grosse, ni trop mince et sa posture lui donne un charmefou.

C’est la première fois que je remarque qu’elle ne mange pas son plateau mais quelque chose me tracasse, pourtant cela arrive de ne pas avoirfaim.

Elle est plus mince que toi, regarde ce que tu manges.

2

La semaine s’est bien passée. Ce week-end, j’ai vu Inès conformément à nos habitudes. Cette fois-ci, c’est ma famille qui est allée boire la tisane chez elle. Souvent les samedis soir, au dernier moment, nos parents respectifs qui sont très amis s’appellent pour passer ensemble la fin de soirée et papoter. Nous habitons le même village et le trajet en voiture est vite fait. À chaque fois, Inès et moi, nous nous isolons dans la chambre de l’une ou de l’autre et nous parlons du lycée, des différents potins. Nous sommes proches depuis la primaire, et malgré quelques accrochages au collège, je l’ai toujours considérée comme ma meilleure amie, bien qu’on ait toutes les deux horreur de ce terme.

Aujourd’hui, c’est lundi, une journée assez chargée mais ce qui est bien, c’est qu’on déjeune à 11 heures, donc pas besoin d’attendre dans le rang du self. Elsa mange avec son copain. C’est marrant, ils ont défini des jours ensemble et donc, avec Inès, on sait que le lundi et le vendredi, on ne mangera pas avecelle.

Étrangement, je suis paniquée à l’idée de manger seule avec Inès, j’ai une seule chose en tête : savoir si elle va manger correctement… On passe la porte et on prend nos plateaux. Inès me parle mais je n’écoute pas vraiment, j’ai les mains moites et j’observe le menu. Il y a des lentilles avec du jambon, en dessert différentes choses : du crumble aux pommes, des muffins aux pépites de chocolat et des fruits.

Nous nous asseyons à table et je décroche mon regard du plateau : le self est presque vide. Inès commence à me parler d’Enzo. Ce n’est pas son copain mais ils se tournent autour depuis six mois. Avec Elsa, on fait tout pour qu’elle se lance mais le problème, c’est qu’aucun des deux ne veut faire le premier pas. J’ai toujours admiré la façon qu’a Inès de patienter avant une relation. Pour les histoires de cœur, nous sommes complètement différentes. Moi j’ai toujours envie de m’engager très vite, je me dis : « pourquoi attendre ? », c’est d’ailleurs pour cela que j’ai eu beaucoup plus de petits amis qu’elle. Je ne sais pas si c’est mieux car au final, cela ne dure que très peu de temps, je vais sûrement tropvite.

Inès a rencontré Enzo à une soirée, enfin ils ont juste échangé un regard et le soir même, il lui envoyait un message sur Facebook. Enzo est un de ces garçons populaires que toutes les filles trouvent beaux mais perçoivent comme inaccessibles. Inès a été très troublée après ce message. J’ai immédiatement compris qu’il lui plaisait. Depuis ce jour, six mois ont passé et ils sont encore dans la phase « on se cherche ». Aujourd’hui elle me raconte qu’ils devaient se voir mais qu’il a tout annulé au dernier moment.

Le repas se termine et soudain, je recommence à regarder les plateaux. Inès a laissé beaucoup de son plat et le crumble ne lui a pas plu. Je suis certaine que le week-end, c’est pareil. Je ne sais pas ce qu’il lui prend de vouloir faire l’anorexique, elle devrait faire un peu de sport au lieu de ne pas manger. Encore une fois, j’ai décroché de la conversation. Pourquoi ce que mange ma meilleure amie m’obsède autant ? Cette fois-ci je ne fais aucune remarque, j’ai peur de me fâcher, de l’énerver et j’ai horreur des conflits.

3

–Maman, il rentre quand Papa ?

–Il sera sûrement en retard mais tu peux mettre le couvert en attendant.

Il m’agace en ce moment à rentrer plus tard. Je cache mon mécontentement et je mets la table. Je n’ai aucune raison de lui en vouloir, il n’a pas vraiment le choix. Il exerce une profession médicale et comme les praticiens en milieu rural sont en nombre insuffisant, ils sont tous saturés. Ils font des journées extrêmement longues d’autant plus que c’est le soir forcément que les patients sont les plus disponibles.

Tu es moins importante que ses patients.

Je m’installe à table, comme à chaque fois ma mère crie pour que mon frère vienne. C’est normal, à son âge, il est tellement absorbé par ses jeux vidéo que quitter directement la partie lui est impossible. On a peut-être trois ans d’écart mais je me suis toujours bien entendue avec lui. Petits, on jouait ensemble, je faisais la maîtresse et lui l’élève, ou alors on préparait des spectacles pour les parents. Il y a eu quelques chamailleries mais en tout cas jamais plus d’une heure. Je me souviens que l’on a dormi ensemble jusqu’à mon entrée au collège. Encore maintenant, il m’arrive parfois de lui proposer de dormir avec moi après avoir regardé un film ou écouté de la musique. On a pas mal de points communs. Lui aussi a d’excellentes notes au collège, mais contrairement à moi, il ne passe pas des heures sur ses devoirs : lui, c’est du rapide et avec l’iPad à côté ! Il a vraiment des facilités et je trouve cela génial pour lui. Ma mère a souvent tendance à nous comparer. Elle dit quotidiennement à Lucas de prendre exemple sur moi, de passer un peu plus de temps sur ses leçons. Malheureusement pour elle, il est têtu et refuse de travailler plus longuement et plus sérieusement.

–On mange quoi, M’man ?

–J’ai fait une salade composée, et sinon il reste du melon et des pâtes, vous mangerez ce que vous voudrez.

Quelques minutes plus tard, j’entends le bruit des graviers de la cour, je reconnais la voiture de Papa. Il arrive en s’excusant de son retard. Je comprends immédiatement qu’il est énervé, cela se voit dans ses yeux. Le bruit des informations à la télé comble un peu le silence et Maman demande :

–Alors ?

–C’est toujours pareil, ça ne s’arrange pas du tout !

Après que tu sois partie du cabinet, j’ai eu encore trois personnes très énervées au téléphone qui cherchaient désespérément un praticien.

Ma mère qui travaille avec lui sait bien de quoi il parle. C’est elle qui gère la prise des rendez-vous et elle doit jongler en permanence entre l’insistance des patients et le stress de mon père quand il y a trop de monde ! Ce n’est pas facile pour elle !

À part me perturber, c’est tout ce que ça fait, mais je ne peux pas le dire à mon père, ce serait affreusement cruel et égoïste.

La fin du repas se termine dans la bonne humeur avec nos petits rituels du soir. Ma mère demande notamment ce qu’on a mangé à la cantine, les notes qu’on a eues… et on finit généralement en débutant le programme télé du soir. C’est souvent qu’on regarde une émission ou un film en famille. J’adore ces soirées-là.

4

Je passe prendre Inès à 19 h 45. La plupart du temps elle traîne un peu ou alors ce sont nos parents qui traînent, donc on part souvent à 20 heures. Ce n’est pas très grave, nous allons seulement assister aux matchs de basket de l’équipe numéro un de notre petite ville.

Un samedi sur deux, on se retrouve avec toute notre bande de potes ici. Malgré tout, ce soir, je suis contrariée d’être en retard. J’ai horreur de ça le retard, quand tout est planifié c’est vraiment dérangeant. L’ambiance est toujours hyper sympa lors de ces matchs du samedi soir. Moi aussi je fais du basket, depuis sept ans. J’ai une super-équipe, je m’entends bien avec tout le monde. On se voit beaucoup car on a deux entraînements par semaine, un match le week-end et la plupart d’entre nous sommes aussi présents le samedi soir lors des matchs à domicile de l’équipe senior. Inès est bien acceptée et, comme toutes les deux on ne se lâche jamais, c’est un peu comme si elle faisait partie de l’équipe, toutes mes coéquipières la connaissent. En plus de cela, nos meilleurs amis garçons, avec lesquels on organise des soirées, on va au fast-food, on reste aussi au lycée… font eux aussi du basket et sont également présents les samedis soir. On retrouve donc tout le monde mais surtout on voit Coralie. Elle fait du basket avec moi et a fait de la danse avec Inès. Toutes les trois, nous formons un trio de choc. Vous voyez les Totally Spies ? Les trois amies inséparables ? Nous, c’est un peu pareil… Donc à chaque fois, on passe plus de temps à se raconter les potins, commenter tout ce qu’on voit qu’à regarder le match. J’avoue que, comme beaucoup d’adolescentes, on critique pas mal mais rien de bien méchant. Ce qui est certain, c’est que toutes les trois on se dit tout, et à chaque difficulté on peut compter les unes sur les autres.

Depuis quelques jours, je me dis que je dois parler à Coralie de mes inquiétudes par rapport à Inès. Lorsqu’Inès part un moment avec Jérémie, un de nos copains dont elle est proche, je saute sur l’occasion pour évoquer cette histoire qui me tracasse tant. En effet, comme Coralie a un an de plus que nous, un emploi du temps complètement différent du nôtre, elle mange rarement avec nous au lycée, elle n’a donc certainement rien remarqué.

–Tu sais qu’Inès est bizarre en ce moment… ?

–Ah bon ? Pourquoi ça ? Explique-moi tout, mon petit chat, me répond Coralie avec son air de « maman rassurante ».

Elle a l’habitude de m’appeler « mon chat », je trouve ce surnom trop attendrissant surtout quand on connaît son attachement pour ces boules de poils.

Je déclare timidement qu’Inès mange de moins en moins au self, qu’elle laisse presque tout dans son assiette. Coralie me regarde à la fois étonnée et agacée.

–Oh non, j’en ai marre de faire la diététicienne ! Mais si cela continue, tu me le dis, j’irai voir l’infirmière du lycée.

Je l’adore, elle a cette capacité à être franche en toutes circonstances, à ne pas avoir peur de parler dès lors qu’elle est sûre d’elle. Je comprends son agacement, vu que déjà deux de ses amies ont eu des problèmes alimentaires.

Nous rejoignons Inès et Jérémie en train de parler de leurs histoires d’amour respectives. J’entends qu’Inès prononce le prénom d’Enzo, ils discutent certainement de ce qu’elle m’a raconté tout à l’heure. Du coup, je me dirige vers mes copines de basket, pour changer un peu de sujet.

5

Elsa, Inès et moi sommes assises par terre au lycée. C’est dingue, ça peut paraître sale, mais à vrai dire on se pose où l’on peut dans ce lycée.

On a notre petit endroit près du radiateur, à côté de la salle d’histoire. L’hiver, on y passe pas mal de temps car il y fait chaud. Sinon l’été, comme maintenant, c’est plus pour papoter. Cet endroit est situé juste à une sortie d’escalier et il y a énormément de trafic, et commères comme nous sommes, c’est parfait !

Elsa est en train d’évoquer les souvenirs du collège. C’est vrai que notre histoire est assez drôle car cette année nous sommes toutes les trois dans la même classe. Or l’an passé, en troisième, Inès et moi nous détestions Elsa et c’était réciproque ! Elsa avait une « meilleure amie » assez convaincante qui l’avait persuadée que nous étions des pestes, et du coup nous pensions la même chose d’elles. Nous les avions même surnommées « les vilaines ». Quant à elles, dès qu’elles s’approchaient de nous, elles s’exclamaient : « Ah, ça pue ! », puis elles pouffaient de rire. C’était insupportable !

–Sérieusement, on était vraiment des gamines ! dit Inès en riant.

–Oui, je ne sais même pas pourquoi on se détestait autant, ajouteElsa.