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Mapindi, orpheline de mère dès sa naissance, est recueillie par une sœur religieuse. Son départ chez sa tante est source d’espoir pour elle qui souhaite recevoir une meilleure éducation. Pourtant, ce rêve se transforme rapidement en cauchemar lorsqu’elle devient la victime des viols répétés de son oncle par alliance. Ce dernier la réduit au silence en menaçant de la tuer avec son arme. Sa seule issue est la fugue. Alors qu’elle cherche à échapper à cet enfer, peut-elle vraiment trouver la liberté et la justice dans un monde où les violences faites aux femmes sont trop souvent ignorées ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur des ouvrages "Le Piège des Temps Nouveaux" publié en 2016 et "Le Prostitué Politique" en 2021,
Jean-Marie Mbailao signe son troisième roman. S’inspirant d’une histoire vraie, il explore des thèmes poignants tels que la violence faite aux femmes, l’indifférence de l’entourage et l’impunité des bourreaux.
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Seitenzahl: 258
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Jean-Marie Mbailao
Le cruel destin de Mapindi
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Marie Mbailao
ISBN : 979-10-422-4624-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce roman a été inspiré par la pitoyable vie d’une femme dans un couple du voisinage quand j’étais jeune. Chaque soir, cette femme était battue par son mari. Le mari revenait de sa beuverie quotidienne et s’adonnait à ce plaisir, comme un animal, avant de se coucher. La pauvre femme s’est habituée à cette torture et se laissait maltraiter ainsi chaque soir. L’entourage aussi trouvait cela normal. Les cris de la pauvre dame n’émouvaient personne dans cet entourage. Quand les enfants voyaient leur père rentrer le soir, ils fuyaient comme des proies apeurées par un prédateur.
Un dimanche après-midi bien arrosé, le tortionnaire s’adonnait à son plaisir quotidien quand la dame s’est saisi d’une hache et a l’assommé. On a appris le lendemain la mort du voisin tortionnaire. Mapindi, elle, a été arrêtée et incarcérée.
Il faisait légèrement froid ce matin-là. Le lac Léré a déjà commencé à se retirer depuis quelques jours, laissant une berge boueuse d’un limon argileux. Cette boue a pris au piège les tortues moyennes. Cette période était justement propice à la chasse aux tortues très prisées et qui faisaient les délices des Lérois. Les hommes prenaient d’assaut les bords du lac, armés chacun d’une sorte de long piquet en bois. Ils marchaient avec un calme déconcertant, dans une sorte de rituel que leur imposait cette chasse particulière. Alignés et laissant un espace d’environ un mètre entre eux, ils marchaient tout en piquant régulièrement leur instrument de chasse dans la boue. En général, le piquet ne trouvait pas de résistance. À voir pendant un temps, cela ressemblait à une marche de personnes entraînées, en train d’exécuter une parade. Il arrivait brusquement qu’un obstacle se présentât sous un piquet. Le chasseur vérifiait cet obstacle et le plus souvent trouvait à cet endroit une tortue moyenne enfouie dans la boue. Il dégageait alors délicatement la bête dont la tête et les pieds sont rétractés dans sa protection naturelle, la carapace. Qu’elle soit bien grosse, moyenne ou petite, l’heureux chasseur montrait fièrement sa capture à ses compères.
Ces chasseurs avaient aussi un autre rituel qui consistait à cuire sur place et pour tout le monde les trois premières tortues retirées de la boue. Cet animal particulier qui traîne son logis offrait sans le savoir la casserole qui servait à sa cuisson. Les chasseurs allumaient un doux feu de bois entre trois grosses pierres et l’activaient en attendant les premières captures. Une fois le gibier sorti de la boue, ils le retournaient tout simplement, se servant de la carapace où il s’est replié, qu’ils posaient délicatement sur le feu, sur les trois pierres. Au fur et à mesure la température montait, l’animal finissait par sortir la tête et les pattes. Le cuisinier devait maintenir, avec une grosse pierre, l’animal qui se débattait alors pour échapper à ce supplice de la chaleur. Le cuisinier désigné du jour, avec une habileté que seuls connaissent ces chasseurs, dégageait la partie plate avec un couteau et assaisonnait la chair blanche avec les condiments qui étaient préparés d’avance. Il laissait mijoter ce menu spécial pendant que continuait la chasse. Le délicieux fumet qui se dégageait de cette chair spéciale chatouillait les narines. Certains chasseurs avalaient leur salive alors qu’ils n’avaient encore rien goûté.
À l’heure indiquée, tous les chasseurs se mettaient à l’ombre des palmiers doum et se délectaient de ces premiers fruits de la chasse du jour. Chacun sortait alors de sa gibecière qu’il portait sur le dos soit de la boule, une sorte de pâte cuite à base de farine de sorgho moulée dans une forme ronde, soit simplement du pain rond et rassis acheté probablement depuis la veille. Ils se remplissaient la panse de la chair de ces tortues et ajoutaient par-dessus le contenu des gourdes qu’ils sortaient chacun, de sa cachette. Ces gourdes contenaient le yimi ou bière de sorgho, parfois aussi l’argui, un alcool fort, produit de la distillation locale. Après ce repas auquel ils ne dérogeaient jamais, à moins que la chasse du jour ait été totalement bredouille, ces hommes généralement redoublaient d’ardeur, revigorés par la chair de ce quadrupède nageur et surtout par le yimi ou l’argui. Certains, passablement grisés, entonnaient un chant que les autres reprenaient en chœur. Le tonus venant de cette ripaille et encouragés par les chansons, ils redoublaient d’ardeur jusqu’à la tombée de la nuit. Chacun emballait alors ses prises dans un vieux sac de jute et regagnait sa chaumière. À la maison, les femmes attendaient, prêtes à cuir cette chair blanche que les hommes mangeaient accompagnée de la boule. Les femmes et les filles n’ont jamais goûté à cette chair de tortue, car selon la croyance des Lérois, elle déclenchait des menstrues infinies, même chez une femme ménopausée et rendait stériles les filles et les femmes en âge de procréer. En réalité, cette croyance était une trouvaille des hommes pour empêcher la gent féminine de manger cette chair délicieuse. Certaines vieilles femmes seules ont bien goûté à cette chair et n’ont jamais rien observé d’anormal. Elles se sont bien gardées d’en parler de peur de déclencher la colère des hommes.
Ce matin-là donc, Zaki s’adonnait, avec les autres, à cette chasse spéciale aux tortues. Ils étaient en train de déguster les premières prises quand arriva Zeubet le petit frère de Zaki, tout essoufflé et couvert de sueur. À sa vue, tous savaient qu’il était porteur d’une mauvaise nouvelle. Tous se redressèrent, abandonnant les carapaces retournées qui servaient en même temps de casseroles et d’assiettes. Zaki était le plus inquiet, car Zeubet était son frère cadet. Il s’empressa de s’enquérir de la raison de cette arrivée inopinée.
La sœur Gabrielle était la religieuse responsable du centre de santé « Saint Emmanuel » de Léré.
Le repas abandonné, Zaki tenta de regagner le village au pas de course, suivi par Zeubet et deux cousins chasseurs comme lui. L’inquiétude se lisait sur le visage de ce quadragénaire bâti comme un champion de lutte traditionnelle.
La sœur Gabrielle l’attendait sur le pas de la porte de ce petit centre de santé construit et tenu par ces religieuses et qui servait aussi bien d’infirmerie que de maternité.
Zaki, son frère cadet et leurs deux cousins se retirèrent et attendirent, anxieux, assis sur des blocs de pierre. À Léré comme dans beaucoup de contrées, l’accouchement est l’affaire de femmes. Les hommes doivent attendre à l’écart l’arrivée du bébé. Si la femme éprouve de douleurs à l’accouchement, le mari, lui, vit un stress intense tant que l’enfant n’est pas né. Les naissances entraînaient souvent la mort du bébé ou parfois même les deux, l’enfant et la mère.
Un peu plus d’une heure plus tard, ils entendirent le cri strident d’un bébé. Zaki poussa un ouf de soulagement. L’enfant est né. La sœur Gabrielle réapparut quelque temps après et fit signe à Zaki.
Zaki appela à la hâte son frère et ses cousins et leur donna les deux nouvelles. On appela Pambro l’infirmier-laborantin qui s’activa à la prise de sang pour déterminer le groupe sanguin de chacun. Pambro conseilla aussi aux sœurs de Maralet, qui l’avaient accompagnée, d’attendre le prélèvement de leur sang pour la même détermination.
Il s’est trouvé malheureusement qu’après l’analyse de Pambro, tous les hommes étaient d’un groupe sanguin différent du groupe de Maralet. Il fallait donc procéder très rapidement au prélèvement du sang des sœurs. Pendant ce temps, la pauvre mère Maralet continuait à perdre du sang malgré les sutures faites. La sœur Gabrielle était de plus en plus inquiète, car la tension de Maralet aussi n’était pas normale, elle continuait à baisser. Elle est tombée à moins de huit. C’était la panique.
Zaki ne savait à quel saint se vouer. Il ne comprenait pas qu’en donnant la vie, sa femme allait se retrouver dans cet état critique. Célibataire passablement endurci, Zaki ne s’est marié qu’à trente-six ans bien sonnés. Il a dérogé à la pratique courante des Lérois qui se construisaient un foyer dès l’âge adulte atteint. Et l’âge adulte dans cette contrée se situait entre seize et dix-huit ans selon la croissance du garçon. Lui, Zaki, a trouvé qu’il fallait profiter de sa jeunesse. Il volait de fiançailles en fiançailles, mais ne s’était jamais décidé à franchir le pas de mariage. Il trouvait en général les filles de Léré pas très à son goût. Piqué par le goût de l’aventure, il a disparu plus d’une décennie pour réapparaître tel qu’il est parti. Pour seul bagage qu’il trouva précieux, il a rapporté de cette aventure un tourne-disque qu’il transportait de village en village pour faire danser les jeunes gens de son âge. Il est devenu le créateur d’ambiance des villages environnants. Pour lui, Léré et les villages environnants manquaient d’ambiance. Ils étaient jeunes donc ils devaient croquer la vie à belles dents. Il fallait faire régulièrement la fête. Lorsqu’il arrivait dans un village, il était accueilli par les jeunes gens avec tous les honneurs. Il était logé, nourri et blanchi par ses hôtes. On ne lui refusait rien de peur qu’il s’en allât avec son précieux appareil. Il poussait parfois l’audace jusqu’à faire des yeux doux à certaines amies de ceux-ci. Cela se savait, mais en général ces jeunes, laissaient faire ce donneur de joie et qui était du reste passager. Il faisait aussi louer cet appareil pour les jours de jouissance organisés par certains groupes.
Ce comportement a fini par irriter le père de Zaki qui lui a remonté les bretelles un matin. Ce jour-là, en effet très tôt, Zaki fut réveillé par son géniteur pour une explication.
Le père commença en ces termes.
Quelques jours après cette mise au point entre père et fils, Zaki jeta son dévolu sur Maralet, une amie d’avant sa disparition pour l’aventure. Il a toujours aimé Maralet qui était bien à son goût, mais il avait pensé en son temps qu’il n’était pas mûr pour fonder un foyer. Le goût de l’aventure bouillonnait aussi en lui. Il n’avait donc pas pris une décision. À son retour de l’aventure, Maralet était toujours là, sans mari. On lui expliqua qu’elle a bien été mariée, mais a été répudiée au bout de cinq ans. La cause, semblerait-il, était due à l’infécondité de cette dernière. À Léré en effet, on se mariait pour assurer la progéniture. Les femmes infécondes étaient répudiées et cela était admis de tous. Maralet était, semblait-il, dans cette situation. Lui Zaki, s’est dit, inféconde ou pas, il devait fonder un foyer avec celle-là qui était seule à son goût. Qu’importait, fut-elle féconde ou pas.
Les femmes répudiées pour infécondité étaient soumises à une sorte de stigmatisation. Cette stigmatisation était mal vécue par les victimes qui vivaient le reste de leur vie toutes malheureuses. Les hommes jouissaient d’une autorité et d’une ingratitude incontestées. Ils n’avaient jamais tort. Pour eux, le mal ne venait jamais d’eux. Si un couple n’avait pas de progéniture, c’était la faute de la femme. C’était comme si un enfant n’était pas le fruit de la contribution des deux conjoints. Ils ne se posaient jamais des questions sur leur propre fertilité. L’homme n’avait jamais de défauts. Comment pouvait-il en avoir un puisque c’est lui le commandeur.
Les premiers rapprochements de Zaki à l’endroit de Maralet se sont faits avec une certaine prudence. Maralet, elle-même, n’y croyait pas beaucoup. Elle, cette femme dont l’infécondité est connue de tout Léré ne pouvait être acceptée par aucune famille sérieuse qui se respectait. Zaki voulait-il simplement profiter d’elle comme objet de jouissance et la laisser tomber ? Elle a donc repoussé les avances de cet ancien prétendant qui est revenu à la charge après tant d’années. Elle qui n’avait plus aucun espoir d’enfanter et qui était désormais au ban de cette société de Léré, ne croyait pas aux paroles mielleuses de cet aventurier.
Elle acceptait bien de discuter avec Zaki, mais elle le faisait juste par politesse. C’était une amitié sans lendemain pour elle, même si enfin quelqu’un semblait s’intéresser à elle. Lui par contre y croyait et y tenait. Son cœur ne battait que pour Maralet, non pour une autre fille ou femme.
Un matin, il alla voir son père et lui révéla l’identité de l’élue de son cœur.
Sur ces entrefaites arriva la mère, mettant fin à la discussion. Le mariage est une question d’hommes, le père et le fils se sont séparés, chacun campant sur sa position. La mère a pourtant écouté toute la discussion qu’il y a eu entre Zaki et son père. Décidément, son fils a perdu la tête. Non content d’être resté jusqu’à cet âge célibataire, il n’a pas trouvé mieux que celle que tout le monde savait inféconde.
Seulement les mères sont plus tolérantes que les pères.
Le dimanche, après la messe, la mère de Zaki demanda à parler à la sœur Gabrielle. Elle a l’habitude de demander conseil à la sœur Gabrielle qui est devenue presque une confidente pour elle.
Une fois retirées, les deux femmes discutèrent.
Quelques jours plus tard, le père Sergent, qui a été informé de la situation, demanda à rencontrer le père de Zaki. Les religieux se croyaient non seulement investis d’apporter la bonne nouvelle aux pauvres, mais également de régler les différents problèmes du quotidien chez ces peuples aux mœurs non conformes aux prescriptions divines. Ce dernier fut bien surpris lorsqu’il apprit que le père Sergent voulut le rencontrer. En général, ces gens-là se mêlaient de ce qui ne les concernait pas. On n’avait pas le droit de donner une petite correction à sa femme, de faire de remontrances à ses enfants fautifs ou encore de tituber dans les ruelles lorsque l’on a un peu poussé dans la consommation de yimi ou de argui. Ils étaient au courant de tout et se voyaient obligés de ramener le fautif à la raison. Ramener les errants sur le droit chemin, au sens propre ou au figuré, était aussi leur mission. Que lui voulait encore ce prêtre objecteur de conscience ? Et pourtant il s’est préparé ce jeudi à la ripaille avec ses congénères. Ripaille qui est généralement bien arrosée de bière de sorgho. Il a réfléchi plusieurs fois et n’a rien trouvé à se reprocher ces dernières semaines. Peut-être a-t-il un petit travail rémunéré à lui proposer ? Il fallait y aller avant de rejoindre les autres pour le yaman jeudi (bombance du jeudi). Il devait y aller, car de temps en temps, le père Sergent lui offrait un verre de son délicieux vin. Oui, seulement un verre de ce vin quand il était de bonne humeur. À chaque fois, il s’est demandé comment un homme peut être si radin, servir juste un verre de vin et ranger soigneusement le reste.
Le père de Zaki arriva en remuant dans sa tête dont les cheveux ne sont plus qu’un lointain souvenir de jeunesse, tous ces questionnements.
Le père Sergent l’accueillit avec enthousiasme. Et comme le père de Zaki s’y attendait, il sortit une bouteille de vin rouge qu’il servit généreusement dans deux verres plus volumineux que d’habitude. Il posa le reste sur la table. Ce qui était un bon signe. En général, il rangeait soigneusement le reste après avoir rempli les verres.
Le père de Zaki quitta le père Sergent tout pensif. Il a espéré avoir un deuxième verre de vin après cette discussion, mais le père Sergent l’a fait saliver pour rien. Il a rangé le reste de la bouteille dans son armoire garde-manger. Comment peut-on se satisfaire d’un seul verre de vin ? Quand on ouvre une bouteille, on doit finir le contenu.
Il a, par la suite, consulté un à un les frères et cousins concernés par le problème. Tous lui ont rétorqué que c’était lui le père et qu’il lui revenait de prendre la dernière décision.
Le père de Zaki décida alors de l’union de son fils et de Maralet. Le père Sergent aurait peut-être raison. Eux les hommes ne se posaient jamais de questions sur les causes de manque d’enfants dans les foyers. Au bout de deux à trois ans de vie conjugale, ils concluaient que la femme n’était pas féconde et qu’elle était bonne à la répudiation. La pauvre se retrouvait du jour au lendemain sans mari et sans enfants. Tous les hommes l’évitaient alors comme la peste. Aucun homme ne lui donnait une seconde chance. Elle devait ruminer son chagrin tout le reste de sa vie, recluse dans une vie qui ne valait plus la peine.
Maralet, elle, a eu une chance ultime grâce à l’intervention de la sœur Gabrielle et du père Sergent. Le père de Zaki a donné son accord à son fils de voler en noces avec elle. Les fiançailles n’ont pas duré, car il s’agissait d’une vieille amitié datant d’avant la disparition de Zaki. Une vieille amitié qui nécessitait d’être juste un peu réchauffée.
Les Lérois ont trouvé que cet enfant prodigue était décidément différent des autres. A-t-il perdu la raison lors de ses errements hors de Léré ? Comment son père pouvait-il permettre à cet enfant gâté de jouer ainsi avec leurs nerfs ? Peut-être que lors de sa disparition, il a découvert lui-même sa stérilité qu’il veut cacher en se mariant à Maralet ? En tout cas, père et fils ont décidé, par ce mariage, de mettre fin à leur lignée. Heureusement que le père a d’autres enfants qui eux sont bien féconds.
Le jour où Maralet a regagné le toit de son nouvel époux, rares étaient les Lérois qui ont pris part à la fête. Et pourtant des jarres de yimi étaient préparées pour la circonstance. Certains profiteurs ont tout de même pris part à la ripaille. Les absents, eux, ont argumenté ne pas vouloir cautionner cette comédie d’union sans lendemain. Les danses étaient timides. Des groupes se sont constitués pour manger et boire en silence. Chacun a cherché à disparaître dès que la nuit s’est signalée.
Et comme pour donner raison à cette rumeur, quatre ans après cette union, Zaki et Maralet n’eurent pas d’enfants. Ils ont fait le tour des guérisseurs les plus expérimentés, mais rien n’y fit. Tous les praticiens de ces sciences occultes qu’ils consultaient juraient en prenant à témoin tous les dieux que ce n’était qu’une pratique simple et routinière pour eux. Les jours passaient, le peu d’argent du couple aussi y passait, mais le miracle ne se produisit pas. Tout Léré se mit à jaser de nouveau. Ils n’ont récolté que le fruit de ce qu’ils ont semé, disaient certains. Ils devaient s’y attendre, sachant pertinemment qu’il y a eu un précédent, disaient d’autres. Zaki lui-même commençait à croire à l’infertilité de Maralet. Il se sentait lui aussi épié par les Lérois. En effet, ces derniers le doigtaient et se disaient tout bas : Ce con qui s’est jeté dans les bras d’une stérile.
C’était au moment où tous les Lérois pensaient avoir toute la confirmation de la stérilité de Maralet que celle-ci, pour la première fois, ne vit pas ses menstrues deux mois durant. Elle eut peur d’en parler à Zaki, pensant que c’était juste un dysfonctionnement temporaire. Elle alla se confier à la sœur Gabrielle qui après un examen simple d’urine lui confirma qu’elle était bien enceinte. Il fallait beaucoup prier pour que cette grossesse atteignît son terme.
Au quatrième mois, Maralet alla s’ouvrir à sa belle-mère sur son état. Celle-ci, en expérimentée de grossesses vécues, l’ausculta et se convainquit que le miracle s’était bien produit. Maralet était effectivement enceinte. Belle-mère et belle-fille ont tout de même gardé le secret. Il ne fallait pas trop vite crier victoire de peur de voir le miracle s’estomper.