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Véritable plaidoyer pour la laïcité et l'anticléricalisme, "Le Parti noir" d'Anatole France est une préface éloquente rédigée pour le recueil des discours d'Émile Combes, président du Conseil. Publiée en 1904, cette oeuvre politique et littéraire se situe au coeur des débats qui agitent la IIIe République française. Anatole France y dénonce avec vigueur le "Parti noir", terme désignant les forces cléricales et réactionnaires qui s'opposent à la séparation de l'Église et de l'État. Il soutient la politique de Combes, qui vise à éliminer l'influence de l'Église catholique dans les affaires publiques et à établir une société laïque et démocratique. Avec une ironie mordante et une élégance de style qui lui sont caractéristiques, France critique les abus de pouvoir et les hypocrisies de la hiérarchie ecclésiastique. Il défend l'idée que la liberté de conscience et la neutralité de l'État sont essentielles pour garantir l'égalité et la justice sociale. Plus qu'un simple texte politique, "Le Parti noir" est une réflexion profonde sur les rapports entre religion et politique, et sur la nécessité de séparer ces deux domaines pour préserver les libertés individuelles. Une oeuvre qui reste d'une brûlante actualité dans les débats contemporains sur la laïcité et la place de la religion dans la société.
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Seitenzahl: 64
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M. Anatole France a bien voulu nous autoriser à publier sous ce titre « Le Parti Noir » la préface qu'il a écrite pour le recueil des discours de M. É. Combes, président du Conseil. (Une Campagne laïque. Simonis Empis, éditeur).
(ne fait pas partie de l’ouvrage original)
ANNEXES :
Annexe I
Annexe II
Annexe III
Annexe IV
En 1897, une affaire, qui touchait l’armée dans ses bureaux et ses conseils de guerre, émut le pays. Pour l’ardeur des passions qu’elle souleva, elle ne peut être comparée qu’à celle de la bulle Unigenitus, survenue cent soixante-quatorze ans auparavant et qui fut aussi, j’ai plaisir à le dire, une querelle des Français sur le juste et l’injuste. L’affaire de 1897, sortie d’un jugement secret, avait cela de dangereux, que le mystère dont elle était environnée favorisait le mensonge. À son origine, on trouve les antisémites, qui travaillaient depuis quelque temps la France paisible. Et, qu’il se soit rencontré, par des temps calmes, chez un peuple aimable et tolérant, des hommes pour réveiller les vieilles haines de races et fomenter des guerres de religion, ce serait un sujet d’étonnement, si l’on ne savait d’où venaient ces hommes et si l’on ne reconnaissait en eux des missionnaires de l’Église Romaine. Aux antisémites se joignit bientôt un parti nombreux, le parti noir, qui, dans les salons, dans les faubourgs, dans les campagnes, semait des bruits sinistres, soufflait des nouvelles alarmantes, parlait de complot et de trahison, inquiétait le peuple dans son patriotisme, le troublait dans sa sécurité, l’imbibait longuement de colère et de peur. Il ne se montrait pas encore au grand jour et formait dans l’ombre une masse immense et confuse, où l’on devinait comme une ressemblance avec les frocs cuirassés des moines de la Ligue. Mais, quand il eut rallié toutes les forces de la contre-révolution, attiré les innombrables mécontents de la République, soulevé enfin devant lui tout ce qu’un coup de vent de l’opinion peut emporter de poussière humaine, il dressa son front immense et bigarré, et prit le nom brillant de nationalisme.
La crédulité des foules est infinie. Séduit et furieux, le peuple, par masses énormes, se précipitait dans le piège des antisémites. Et les chefs de l’opinion républicaine, en trop grand nombre, l’y suivaient tristement. La législature s’achevait avec une sourde inquiétude, dans le silence d’un gouvernement dupe ou complice du parti noir et parmi lequel les nationalistes avaient pris des otages. Les élections générales approchant, les moines se découvrirent. Non qu’ils perdissent patience. La patience n’échappe jamais aux religieux. Mais ils rejetèrent toute prudence comme un bagage embarrassant et se lancèrent furieusement dans la lutte politique. Toute la milice romaine donna. Les congrégations non autorisées, se sentant les plus libres, agirent le plus audacieusement. Leur action était préparée de longue main. On retrouve dans toutes les choses ecclésiastiques la constance et la suite. Pour conquérir la domination temporelle en France, l’Église préférait, depuis quelques années, les corps francs, les congrégations non reconnues. Et la multitude de celles-ci augmentait sans cesse dans la France envahie.
En cette occasion, on revit ces vieux ennemis des puissances séculières, ces Petits Pères partout supprimés et partout répandus, les jésuites, dont l’avocat Pasquier disait, au temps d’Henri IV, qu’ils ne tendaient qu’à la désolation de l’État, les jésuites, « premiers boute-feux » de nos troubles. Qu’ils aient dirigé les entreprises des antisémites, au début de l’Affaire, ce n’est guère douteux. On les surprend ensuite nouant des intrigues dans les bureaux de la guerre pour sauver ces désespérés, qui suaient le sang à étouffer la vérité. Aussi bien les jésuites y avaient-ils un intérêt sacré. Ils comptaient sur l’Affaire pour réparer le crime de l’Assemblée constituante, et fondaient cette espérance sur la trahison d’un juif qu’elle déterminerait la France indignée et épouvantée à retirer les droits civils aux juifs et aux protestants et à rétablir ainsi dans ses lois l’unité d’obédience au profit des catholiques romains. Il semble qu’ils aient pris moins de soin qu’à l’ordinaire de se cacher. C’est peut-être que le Père Du Lac se montra peu capable de dissimulation, ou bien qu’ils se croyaient trop sûrs de réussir, ayant, pour cette fois, dans leurs intérêts leurs ennemis eux-mêmes, une foule de libres-penseurs et de républicains.
L’ordre de saint Dominique, institué pour combattre l’hérésie, se retrouva fidèle à sa mission première. Ses prédicateurs tonnèrent avec un éclat formidable, et non toutefois sans précaution. Ils commençaient à être contents de la République et ils attendaient de grands biens du ministère Méline : Un frère prêcheur, le Père Maumus, le dit expressément dans son livre sur Les Catholiques et les Libertés politiques : « La politique du cabinet sera, si elle triomphe, infiniment plus avantageuse à l’Église que ne le serait un retour à l'anden régime. »
Cependant, d’un plus robuste effort que le Gésu et que les Frères prêcheurs, les Assomptionnistes travaillaient à la révolution sainte. C’était un ordre nouveau fondé vers 1850. Ils étaient, dans leurs façons, rudes et grossiers, d’allure paysanne. Ils se disaient pauvres, très pauvres, et, comme les oiseaux du ciel, attendant chaque jour la becquée. Et ils possédaient quatorze maisons avec un fonds de roulement d’un million et plus. On trouvera sur eux des renseignements précis dans le compte rendu du procès qui leur fut intenté[1]. Ils s’étaient enrichis à vendre les miracles de Saint Antoine. On sait ce que la basse dévotion moderne a fait de ce franciscain rempli de courage et de pitié, qui, dans un siècle dur et sombre, consacra sa vie à défendre les pauvres contre l’avarice des évêques et la cruauté des princes. Maintenant, par l’intermédiaire des Assomptionnistes, il retrouve, moyennant un honnête salaire, les objets perdus, et non pas seulement l’argent, les bijoux et les clés. Je sais, à Bordeaux, un propriétaire à qui il a fait retrouver un locataire et une dame à qui il a fait retrouver un attachement. Pour exploiter l'Affaire, ils lancèrent leur journal La Croix, rédigé dans le style du Père Duchesne et qui portait pour vignette, au lieu du marchand de fourneaux, Jésus crucifié ; et ce symbole donnait, pour l’égarement des simples, l'onction d’un texte édifiant et la majesté des formes liturgiques à leurs sales injures et à leurs abominables calomnies. Bientôt des Croix parurent dans tous les départements, qui répandirent par les campagnes, avec l’image du Christ, le mensonge et l’outrage. De leur imprimerie, « La Maison de la Bonne Presse », sortaient une multitude de revues, d’almanachs, de brochures de propagande religieuse et politique. Ils abondèrent en œuvres, fondèrent des confréries pour favoriser les commerçants catholiques et ramener par la famine les petits boutiquiers à la piété ; ils fondèrent des associations de chevaliers qui prêtaient en leurs mains serment d’obéissance et recevaient un diplôme signé sur l’autel ; ils fondèrent l’œuvre électorale catholique qui, par la suite, prit le nom de Comité Justice-Égalité, et qui se donnait pour objet d’intervenir directement dans toutes les élections municipales, cantonales, législatives, présidentielles, et de triompher ainsi des mécréants comme les croisés du moyen-âge triomphèrent des musulmans. « Ils avaient, dit M. Waldeck-Rousseau, pour tenir le compte-courant des élections, une agence et un agent dans chaque commune. » Ils recueillaient « l’obole des nonnes pour la guerre sainte. » Les quatre vingt-seize cercles catholiques, l’œuvre de Notre-Dame des Armées, qui disposait d’un budget montant à un million et demi de francs, se réunirent à ces religieux.
Les républicains parlementaires qui n’avaient pas su se porter à temps entre leurs électeurs et les nationalistes et avaient laissé l’antisémitisme envahir l’opinion à l’aide des mensonges qu’ils avaient craint de combattre, regardaient, surpris, inquiets, cette entrée en campagne de l’armée noire. M. Léon Bourgeois, dans un discours prononcé à la