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La gauche décoloniale, sous couvert d’antiracisme et d’anticapitalisme, apparaît comme une extension culturelle du système de production actuel. "Le racisme, c’est cool !" démontre comment, en dépit de son discours subversif, elle délégitime les dernières résistances intellectuelles au capitalisme incarnées par les gens ordinaires. Rodolphe Aguilar y propose une analyse lucide et rigoureuse de cette mouvance de la gauche décoloniale, qu’il qualifie « d’idiote utile du capitalisme », faisant ainsi le jeu de l’extrême droite et son obsession raciale.
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Rodolphe Aguilar
Le racisme, c’est cool !
Essai
© Lys Bleu Éditions – Rodolphe Aguilar
ISBN : 979-10-422-4264-0
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Mon point de départ est toujours un besoin de prendre parti, un sentiment d’injustice. Quand je m’installe pour écrire un livre, je ne me dis pas : « Je vais créer une œuvre d’art ». J’écris ce livre parce que je voudrais dénoncer un mensonge, je voudrais attirer l’attention sur un problème, et mon premier souci est de me faire entendre.
George Orwell, Pourquoi j’écris
L’on peut entendre dire que nous avons une dette intellectuelle envers la Grèce antique. Dans le même ordre d’idée, je dois avouer ma propre dette intellectuelle envers Jean-Claude Michéa. Si Kant disait que Hume l’avait sorti de son sommeil dogmatique, je peux dire que la découverte des livres de Michéa m’a sorti de mon sommeil spectaculaire1. Jusque-là, comme tout spectateur, j’étais pris dans la fausse alternative médiatique gauche-droite. Alternative qui est avant tout une posture à avoir, l’une étant l’ennemie de l’autre, il ne faut rien lui concéder. Ainsi, vivant en banlieue parisienne et étant descendant d’immigré, je fus affecté au gang de la gauche médiatique. Le problème étant que les valeurs de la gauche (le relativisme culturel par exemple) étaient en inadéquation avec un jeune homme de ma catégorie. Il faut se l’avouer, la vue d’un Vincent Mc Doom était difficile pour un jeune de banlieue, les Arabes se moquaient de nous en disant « il n’y a pas de ça chez nous2 ». Aujourd’hui, par exemple, la présence médiatique de personnages de la communauté LGBTQ est considérée par certaines personnes issues de l’immigration, et pas que, comme étant une promotion, regrettable, faite à cette communauté.
Dès lors, il y a cette allégeance ambivalente à l’égard de cette gauche médiatique à laquelle nous devons nous rallier, mais avec laquelle nous ne partageons pas les valeurs (ce dont elle est parfaitement consciente prouvant par-là que son discours n’est qu’une parade électorale). De fait, la raison de notre attachement à cette gauche médiatique est qu’elle tient un discours dans lequel elle défend l’immigration et se présente comme antiraciste. Le principal (et presque seul) enjeu de ralliement politique est de ne pas se positionner dans le mauvais camp, celui des racistes. Le racisme est le critère déterminant. C’est surtout un critère qui est à côté de la plaque. Nous le verrons, si la société française souffre bien d’un mal, ce n’est pas celui du prétendu racisme culturel, ou étatique, ou systémique ou tout ce que l’on voudra, qui régnerait en France. Et pourtant, c’est à partir de cette grille de lecture (le racisme) qu’on nous explique la société et le monde occidental.
Dès lors, le problème se pose aussi avec le discours qui se trouve à droite de l’échiquier. Car c’est de ce côté que nous pouvions trouver un discours sur les valeurs de la société dans lequel nous nous reconnaissions un tant soit peu. Le souci c’est qu’ils ont un problème avec notre présence et qu’ils nous tapent sur la tête pour des raisons politiciennes. Mais c’est aussi, et surtout, le camp du mal. Dire qu’un Le Pen, Zemmour ont raison sur un point est déjà un crime de pensée3. Voici donc l’impasse dans laquelle, avec d’autres, je me trouvais.
On nous a ensuite présenté l’alliance médiatique Dieudonné-Soral à laquelle nous avons, à des degrés différents, adhéré – « gauche du travail droite des valeurs », disaient-ils. Ils ont su exploiter les impasses dans lesquelles nous amenaient la gauche et la droite. Ils tenaient un discours de droite, mais sans taper sur les Noirs et les Arabes de banlieue. Nous fûmes un bon nombre à nous laisser séduire. Je pense aussi que ce duo nous a aspirés dans leur querelle contre le système médiatique, sans cesse surenchérie par leur ressentiment (et le nôtre), leur ego et leur paranoïa (tout est un complot fomenté par le duo judéomaçonnique – croque-mitaine traditionnel de l’extrême droite). Ils ont plus parlé à notre aigreur qu’essayé de nous donner de véritables clefs intellectuelles. Nous étions donc dans la position d’être dans une société dont nous ne pouvions poser dessus les mots adéquats, car nous n’avions pas la capacité de la comprendre.
Slavoj Zizek résume parfaitement cette situation dans son livre Le désert du réel :
« C’est une vieille blague qui circulait dans la défunte RDA à propos d’un travailleur allemand qui trouve du travail en Sibérie ; conscient du fait que tout son courrier sera lu par les censeurs, il explique à ses amis : “Établissons un code : si vous recevez de moi une lettre écrite à l’encre ordinaire, bleue, je dis la vérité ; si elle est écrite à l’encre rouge, je mens.” Un mois plus tard, ses amis reçoivent la première lettre, écrite à l’encre bleue : “Tout est parfait ici, les magasins sont approvisionnés, la nourriture est abondante, les logements spacieux et bien chauffés, au cinéma on donne des films de l’Ouest, les filles sont nombreuses et peu farouches – la seule chose qui manque, c’est de l’encre rouge.” (…) cet exemple ne nous offre-t-il pas la matrice d’une critique efficace de l’idéologie – et non seulement dans les conditions “totalitaires” de censure, mais bien plus, peut-être, dans les conditions plus raffinées de la censure libérale ? (…) on se sent “libre” pour la simple et bonne raison que nous manque le langage même pouvant articuler notre absence de liberté. Transposée à l’époque contemporaine, l’absence d’encre rouge signifie que les principales dénominations utilisées pour désigner les conflits présents – “la guerre contre le terrorisme”, “la démocratie et la liberté”, “les droits de l’homme”, etc., sont erronées. Elles déforment notre perception de la situation au lieu de nous permettre de la penser. »
Cette langue qui crée une distance entre notre perception et le réel, qui agit comme un miroir déformant, c’est ce que George Orwell appelle la novlangue. C’est-à-dire la substitution d’un langage émancipateur par un langage déformé et corrompu qui empêche l’élaboration d’une pensée adéquate et, pourquoi pas, un tant soit peu subversive. De sorte que les différentes propositions qui nous sont sélectionnées par le pouvoir médiatique/spectaculaire ne font que nous refléter la manière dont celui-ci organise sa propre (fausse) contradiction ; en nous laissant à l’intérieur d’un champ, à partir duquel les termes ont été choisis par le pouvoir médiatique lui-même. Entendons la clique spectaculaire. Les différents experts, journalistes, intellectuels, politiques et autres membres du show-business autorisés qui circulent sur les écrans pour nous dire quoi penser.
C’est donc en entendant par hasard son nom que j’ai découvert Jean-Claude Michéa. Alors la boucle spectaculaire dans laquelle je me trouvais a volé en éclats. Avec ce philosophe, c’est tout un univers de pensées complexes, nuancées, diverses que l’on trouve. Que cela soit la philosophie de ce qu’il appelle le socialisme originel, la common decency de George Orwell, la revue Mauss, Marcel Mauss, la décroissance, la logique libérale, etc. Voilà, il me fallait faire une mise au point, car l’on retrouvera dans mon analyse des éléments que je reprends de Michéa. Il faut rendre à César ce qui appartient à César.
C’est par mon expérience personnelle que je suis venu à m’interroger sur le mensonge organisé dénonçant le racisme systémique en France. En effet, on entend aujourd’hui un peu partout que le corps issu de l’immigration (les Noirs et les Arabes4) subirait dans sa chair un traitement différent. On peut aussi entendre certains dire qu’ils ont découvert qu’ils étaient Noirs (par la même occasion, ils ont découvert le racisme) à tel âge. De là mon étonnement, ma chair n’ayant jamais été maltraitée à cause de ma couleur de peau et, contrairement à un esclave noir des États-Unis qui comprend très vite ce qu’est le racisme, c’est dans le monde imaginaire de la télévision que je découvris que la France était raciste. Ce qui démontre qu’à mon avis le racisme français est plus un discours qui s’installe de plus en plus plutôt qu’une réalité. Voyons le film d’humour Case départ. Je ne suis pas sûr que ce film puisse sortir aujourd’hui sans que cela provoque une indignation médiatique.
Je pense, en effet, qu’un État raciste saute aux yeux. Les chaînes de l’esclave, arraché à sa terre et emmené de l’autre côté de l’atlantique, sont bien visibles. Les trente ans de prison de Nelson Mandela sont quelque chose de très concret, tout autant que la persécution nazie. Le racisme n’est pas quelque chose d’insidieux dont on devrait s’en rendre compte. Le fait que justement, des gens aujourd’hui se rendent compte que « la France est raciste » figure simplement l’expansion à la sphère médiatique d’un discours qui jusque-là était marginal. Finalement, les gens disent que la France est raciste non pas à partir de leur expérience, mais parce qu’ils l’ont entendu dire derrière un écran. Toute la question est pourquoi ce mensonge qui fait fantasmer des gens a acquis une telle puissance d’intimidation.
J’aimerais aussi évoquer le mouvement des droits civiques durant lequel des Noirs américains qui, objectivement, vivaient sous un État raciste ont choisi la voie du pacifisme et de la dignité tout en améliorant la condition des Noirs. Je ne peux m’empêcher de comparer avec le slogan Pas de justice pas de paix que l’on a pu voir ici ou là en signe de soutien pour les pillages à la suite de la mort de Nahel. Ce qu’il y a de remarquable c’est que les gens qui ont pu partager ce slogan sont des personnes qui n’ont aucun engagement politique ou militant, qui n’ont pas vécu la moitié des humiliations des Noirs pendant la ségrégation et qui pourtant, assis sur le canapé, les yeux rivés sur leur téléphone, soutiennent une violence qui n’a aucun intérêt politique. Ce n’était pas autre chose que de la violence. Le fait que certaines personnes aient pu jouir de ce spectacle montre à mon avis que les passions que suscite la question du racisme en France ne sont pas du tout d’ordre moral, mais relèvent principalement de la rage et du ressentiment.
Pour finir, dans la septième lettre des Provinciales de Pascal, il est question de la méthode appelée « diriger l’intention ». Celle-ci consiste à minimiser, voire autoriser, un acte habituellement interdit par la religion, comme le meurtre par vengeance par exemple, en dépouillant l’intention d’intention injustifiable. Il suffit donc de rediriger l’intention de se venger par l’intention de défendre son honneur ; alors on voit un seul et même acte, le meurtre, devenir licite par rapport à l’intention qu’on lui prête. Ce qui fait dire à Pascal que la vie humaine se trouve ainsi bien exposée. En effet, il suffit de dire qu’on a les meilleures intentions du monde pour justifier son acte. Au final, il y a quand même un cadavre.
De la même manière, nous pouvons retrouver cette méthode dans un antiracisme contemporain. Si interdire l’accès à une salle à quelqu’un parce qu’il n’aurait pas la bonne couleur de peau est légitimement considéré comme raciste, cette considération tombe lorsque des Noirs interdisent à des Blancs l’accès à leur réunion. Ils trouvent cela tout à fait normal et le justifient de diverses manières tout en n’acceptant pas que soit employé le mot « raciste » à leur pratique. C’est à mon avis se méprendre sur l’origine du mal. Si ce n’est Sade, le mal est toujours justifié selon de bonnes raisons. La guerre pour défendre la patrie, l’ingérence pour défendre les droits de l’homme, le terrorisme au nom de Dieu, la colonisation pour civiliser les peuples inférieurs. On pourrait ainsi sortir une liste interminable. La haine et la violence trouveront toujours un bon prétexte pour exploser.
Il y a des axiomes qui paraissent clairs, parce qu’ils sont courts. Les hommes rusés les jettent, comme pâture à la foule. Les sots s’en emparent et, parce qu’ils leur épargnent la peine de réfléchir, et ils les répètent pour se donner l’air de comprendre. Des propositions, dont l’absurdité nous étonne, quand elles sont analysées, se glissent ainsi dans mille têtes, sont redites par mille bouches, et l’on est réduit sans cesse à démontrer l’évidence.
Benjamin Constant, De l’esprit de conquête
Pour commencer, il me semble primordial de définir ce que j’entends par racisme d’État. Il s’agit d’abord de la pensée, d’une culture donnée, à prétention rationnelle qui identifie une autre population par la couleur de peau, un mode de vie, une religion ou une croyance et l’identifie par le mot race tout en l’excluant de l’humanité. Le discours « scientifique » vient justifier une hiérarchisation des races : l’une serait supérieure, l’autre inférieure. Toutefois, le racisme ne s’arrête pas à un discours, celui-ci vient s’infuser dans les domaines économiques et politiques. Nous pensons donc directement à des périodes historiques bien précises du monde occidental telles que l’Allemagne nazie, la France de Vichy, l’apartheid en Afrique du Sud, la ségrégation aux États-Unis, la situation des autochtones dans les colonies, et l’esclavage des Noirs.
Autant de périodes au sein desquelles juifs, Asiatiques, Noirs et musulmans se sont vus philosophiquement infériorisés, politiquement et socialement discriminés, ainsi économiquement exploités. De sorte que le signifiant racisme fait appel à des crimes bien précis et, semble-t-il, de l’histoire occidentale. Je pense cependant que le racisme, tel qu’énoncé, n’est pas quelque chose à prendre en soi (et qui serait l’apanage de l’époque moderne occidentale), mais une forme d’apparition morbide de ce que j’appellerai les limites du prochain, problème dont aucune culture n’est épargnée. En effet, chaque culture a à faire à l’autre. Le problème de l’autre c’est qu’il est gênant. Il ne pense pas pareil, il a d’autres coutumes. Une autre manière de manifester sa joie, sa colère ou encore sa tristesse. Bref, le problème du prochain c’est tout simplement qu’il est différent et sa différence peut remettre en cause ma dignité. Effectivement, si je trouve ma qualité d’humain, que je me trouve digne, par mon mode de vie, un autre mode de vie peut remettre en cause ma propre dignité ; ou encore si j’estime que l’humanité se trouve circonscrite au sein du cercle tracé par ma culture, l’autre qui se trouve à l’extérieur est de fait extérieur à l’humanité et je peux avoir toute légitimité à l’éliminer et/ou l’exploiter5