Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
En quête de vérité sur une affaire potentiellement criminelle, un détective privé entreprend une mission qui le mène d’Agadir à Genève. Tout au long de son enquête, il fait la connaissance de personnages aussi étonnants qu’attachants. Ce héros réactionnaire et misogyne, au cœur d’une aventure autobiographique et quelque peu romancée, partage ouvertement ses réflexions, captivant au passage certains lecteurs tout en en irritant d’autres. Incontestablement, il ne vous laissera pas indifférent.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Philippe Nizremak, fervent amateur des mots, a exploré divers univers avant de se tourner vers l’écriture. Dans ses œuvres, il brille par sa capacité à imaginer des personnages excentriques qu’il anime avec une plume résolument sarcastique.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 106
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Philippe Nizremak
Le serpent vert
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Philippe Nizremak
ISBN : 979-10-422-3294-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les enfants venaient de découvrir une voiture, un 4X4 partiellement calciné, stationnée sur un petit terre-plein à plusieurs centaines de mètres de la route reliant Agadir à Imouzzer, modeste village de montagne perché à mille trois cents mètres d’altitude sur les contreforts de l’Atlas marocain. Habillés de hardes, pieds nus pour certains, ils arpentaient bruyamment le maquis de leur campagne natale à la recherche de thym sauvage qu’ils escomptaient vendre, sur le bord de la route, en arrêtant les voitures des quelques touristes revenus en petit nombre dans la région depuis la réouverture des frontières.
En cette fin de juillet 2022, les strictes restrictions dues à la crise Covid étant presque oubliées, les enfants pensaient que certains de ces touristes désireraient certainement visiter le voile de la mariée, chute d’eau bien connue dans la région et située au fond de la vallée. Cette chute, le plus souvent asséchée par le manque d’eau résultant du stress hydrique touchant le sud du pays depuis plusieurs années, laissait apparaître un rocher imposant, poli et blanchi par l’érosion, qui effectivement ressemblait étrangement à une robe de mariée avec son voile.
Par curiosité, les enfants s’approchèrent de l’épave de la voiture et s’aperçurent qu’un corps, carbonisé lui aussi, gisait sur le siège du conducteur. Paniqués, ils se précipitèrent au bord de la route afin de prévenir les autorités grâce, ils l’espéraient, à un téléphone portable qu’un éventuel touriste ne manquerait pas de posséder. Ils attendirent patiemment plus d’une heure avant de voir arriver, à la sortie d’un virage sinueux, deux voitures qui se suivaient et qu’ils stoppèrent à la faveur de grands signes agités.
Après maintes palabres entre les turbulents enfants qui ne parlaient pas français, et les occupants des voitures, touristes belges dont aucun ne comprenait le berbère, l’alerte put enfin être lancée. Ayant de la suite dans les idées et ne voulant pas perdre la piètre récolte de leur journée, les enfants réussirent tout de même à échanger quelques maigres bouquets de thym contre une poignée de dirhams.
Arrivé au Maroc à l’automne 2013, je m’étais installé à Agadir, où, après quelques mois de vie en dilettante et de franches rigolades dans tous les lieux interlopes de la ville, j’avais entamé une réflexion sur le moyen de gagner ma vie. Ce fut alors que, rattrapé par les héros romancés et télévisés de mon enfance tels que Philip Marlowe, Hercule Poirot, Nick Carter ou autre Nestor Burma, je m’étais décidé à créer une agence de détective privé. J’avais longuement réfléchi au nom que je pourrais donner à cette entreprise, et m’étais dit que Le serpent vert serait une idée assez percutante. Ce nom ne m’avait pas été inspiré par le célèbre conte écrit au XVIIIe siècle par Johann Wolfgang Von Goethe, mais par une jeune femme congolaise que j’avais connue au hasard d’une rencontre et qui, justement, m’avait raconté avec ferveur une croyance de son pays qui était basée sur les surprenants agissements d’un serpent vert. J’avais souvent repensé à cette femme follement désirable, et, sans qu’elle n’en sache rien, lui avais dédié le nom de mon agence.
Au fil du temps, je m’étais mis à louer mes services à des clients privés pour enquêter sur des affaires plus ou moins intéressantes, concernant le plus souvent des demandes de preuves d’infidélité conjugale ou de dissimulation de patrimoine en vue de prochains et inéluctables divorces. Pour ma part, ayant compris dès mon plus jeune âge que la principale cause de divorce était le mariage, je me demandais toujours ce qui poussait tant d’hommes et de femmes, et maintenant d’autres catégories pas toujours définissables, à vouloir absolument se marier. Mais, ne voulant surtout pas cracher dans la soupe, je gardais mes réflexions pour moi et percevais avec satisfaction mes confortables honoraires.
Incontournable, un site internet vantait les qualités de l’agence LeSerpent Vert en énumérant, entre autres, ses multiples compétences, ses résultats obtenus et la satisfaction de sa clientèle. Petit à petit, cette publicité m’avait permis de développer mes activités à travers le pays et, secondé par d’efficaces observateurs indépendants judicieusement implantés dans différents milieux, j’avais réussi à résoudre quelques belles affaires, non seulement à Agadir, mais aussi dans les régions de Marrakech, Casablanca, Rabat ou encore Tanger. M’étant peu à peu diversifié, je travaillais également pour des sociétés qui se tournaient vers moi afin que je mène des enquêtes plus importantes concernant des collaborateurs indélicats ou autres problèmes d’espionnage industriel.
Je ne fus alors guère surpris, lorsqu’un matin d’avril 2023 je découvris, en ouvrant ma boîte mail, un message en provenance d’une grande compagnie d’assurances basée à Genève et qui, apparemment, était prête à s’offrir mes services pour enquêter sur le décès tragique, et peut-être suspect, de l’un de ses assurés survenu au Maroc quelques mois plus tôt. Aucune précision n’était donnée sur l’affaire, si ce n’est qu’elle concernait une police d’assurance décès et que la compagnie voulait se protéger de toutes malversations avant de payer les importantes prestations assurées.
L’expéditeur du message, Monsieur Alfred Roduit, se présentait comme le chef du service juridique de la compagnie Generalassurance. Il m’informait qu’il faisait appel à moi pour cette affaire, conformément au choix de sa hiérarchie, aux motifs que l’implantation géographique de mon agence dans la région du sinistre concerné l’intéressait beaucoup et que, par ailleurs, ma bonne connaissance du tissu économique et social du pays serait à l’évidence un atout considérable pour mener à bien cette enquête. De surcroît, après avoir consulté mon profil sur le réseau professionnel LinkedIn, il avait constaté que, avant mon départ pour le Maroc, j’avais œuvré de nombreuses années en Suisse dans le domaine des assurances en tant que courtier indépendant. En cas d’intérêt de ma part pour cette affaire, Monsieur Roduit m’expliquait que nous devrions nous entendre sur les conditions de collaboration et que, si accord en découlait, la compagnie tenait à ma disposition le dossier complet du sinistre.
D’expérience je savais que les compagnies d’assurances suisses rechignaient à payer d’importantes prestations lorsque, comme dans ce cas précis, le sinistre survenait à l’étranger. Ce genre d’affaires paraissait toujours suspect, et je compris rapidement qu’en cas de collaboration je serais soumis à une pression importante. J’étais malgré tout intéressé et, après mûre réflexion, répondis favorablement à ce message. Après plusieurs jours d’échanges de courriers électroniques, j’avais accepté la mission, non sans en avoir âprement négocié les conditions, et c’est ainsi que j’allais me lancer dans ma première enquête internationale entre le Maroc et la Suisse.
J’avais installé depuis peu mes nouveaux bureaux dans des locaux plus fonctionnels, au centre du quartier moderne d’Agadir Bay et, en y arrivant ce matin du 14 juin 2023, j’eus la bonne surprise de constater que Karima, ma fidèle secrétaire, était déjà affairée derrière le desk de la réception se trouvant dans le hall d’entrée.
— Bonjour Monsieur Philippe, m’accueillit-elle avec bonne humeur.
Outre le tutoiement après deux phrases échangées, l’une des particularités du langage populaire marocain était d’appeler les gens par leur prénom en le précédant de son titre Monsieur ou Madame. Pour ma part, bannissant toute déférence, je la saluai avec moins d’élégance.
— Bonjour ma belle, quoi de neuf ce matin ?
— Le courrier vient d’arriver, je vais finir de le trier et vous l’apporterai dans un instant. Voulez-vous également que je vous porte un café ?
— Avec plaisir, merci.
Je la laissai à ses activités et, contournant le desk, me dirigeai vers la pièce qui me faisait office de bureau afin de passer quelques coups de téléphone plus ou moins urgents. Quelques minutes plus tard, j’étais justement en ligne quand Karima frappa à ma porte, entra discrètement et déposa sur le coin de mon bureau plusieurs enveloppes et un plateau. Celui-ci était garni d’une tasse de café fumant et de quelques petits gâteaux sucrés. Lorsqu’elle fût ressortie, j’achevai ma communication, raccrochai le téléphone et tirai vers moi la plus épaisse des enveloppes. Elle avait été livrée par UPS et provenait de la société Generalassurance à Genève. Je l’ouvris, en sortis le contenu, et lus le premier document qui se trouvait être l’accord contractuel liant la compagnie d’assurance et l’agence Le Serpent Vert. Les clauses qui y figuraient correspondaient en tous points à ce que Monsieur Roduit et moi-même avions convenu, notamment en termes de rémunération.
Satisfait, je décidai de sortir sur le balcon jouxtant mon bureau pour y boire mon café et, activité qui m’était fortement déconseillée depuis le grave infarctus que j’avais subi trois ans auparavant, apprécier une bonne cigarette. Après cette petite pose, je rentrai à nouveau pour étudier la suite de la missive et m’installai confortablement dans mon fauteuil afin de prendre connaissance des autres documents. Je lus le rapport rendu par la police judiciaire d’Agadir qui avait enquêté sur le décès de l’assuré, les conclusions du médecin légiste qui avait autopsié le corps du malheureux, et m’attardai, ensuite, sur l’exposé de synthèse rédigé par un juriste du service des sinistres de la compagnie d’assurance. Ce résumé reprenait de façons générales les constatations faites par les différentes autorités marocaines et me fournissait, en supplément, des informations qui serviraient à orienter le début de mon enquête. La teneur en était la suivante :
Assuré auprès de la compagnie Generalassurance, Monsieur Alex Terrieur était détenteur d’un contrat garantissant un capital important en cas de décès. Il semblerait que Monsieur Terrieur se soit donné la mort par inhalation de monoxyde de carbone en date du 27 juillet 2022. Lui-même et son véhicule, un 4X4 Dacia Duster, avaient été retrouvés par des enfants non loin du petit village de Tagherat Anekrim, à mi-chemin entre Aourir et Imouzzer, à environ cinquante kilomètres au nord-est d’Agadir. L’épave de la voiture et son macabre chargement étaient partiellement calcinés et un tuyau flexible avait été fixé entre le pot d’échappement et l’habitacle. Après les constatations d’usage, la police avait fait transférer le corps à l’institut médico-légal de Casablanca où une autopsie avait confirmé la cause du décès. Quant à lui, le véhicule avait été emmené à la fourrière communale d’Agadir. Ensuite, avant même que la compagnie d’assurance ne soit informée du sinistre, le frère du défunt avait fait rapatrier son corps en Suisse, où lui-même résidait, et muni d’un acte de décès en bonne et due forme, l’avait fait incinérer au centre funéraire de Saint-Georges à Genève.
Suivaient des précisions concernant l’historique de l’assuré. Ce dernier était né de parents français le 14 octobre 1978 à Oujda, ville proche de la frontière algérienne dans le nord-est du Maroc, et était, de vingt minutes, le cadet d’un frère jumeau prénommé Alain. Leurs parents, qui exploitaient une pharmacie dans la banlieue d’Oujda, étaient décédés simultanément dans un accident de la circulation au début des années 2000. La pharmacie avait alors été vendue et les deux enfants, âgés à ce moment-là de 24 ans, étaient partis vivre en Suisse, plus précisément à Genève. Tous deux étaient restés célibataires, et c’est en 2015 qu’Alex, alors âgé de 37 ans, était revenu s’installer au Maroc où il avait développé une affaire touristique aux abords du port de pêche d’Imsouane, à 80 kilomètres au nord d’Agadir. Il y avait fait construire Le Paradis Des Sables, un hôtel qu’il gérait lui-même et dans lequel il possédait également son logement. Il y était toujours établi au moment de son apparent suicide.
Après lecture de ces différents rapports, je pris un temps de réflexion avant de griffonner sur un papier les quelques faits et mots clés spécifiques à cette affaire, mais qui pouvaient paraître suspects dans tout type de dossier, à savoir : suicide, décès à l’étranger, frères jumeaux, crémation…
Suite à cela je jetai un œil sur le dernier document qui se trouvait être la copie de la police d’assurance. Lors de ma carrière en Suisse j’avais eu, à maintes reprises, l’occasion d’étudier ce genre de contrat, ce qui me permit de le parcourir rapidement jusqu’aux renseignements qui m’intéressaient vraiment. Je voulais surtout connaître le montant de l’assurance et les informations concernant les bénéficiaires. Voici l’une des pages importantes de ce contrat :
Generalassurance
Numéro de police