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"Les 12 travaux de Bob la Chkoumoun" nous dévoile l’épopée de Bob, un rêveur insatiable défiant les contraintes de son monde professionnel. À travers une série d’épreuves bouleversantes, Bob découvre que son esprit libre et créatif se heurte à la dure réalité de son environnement. Cherchant désespérément la fraternité et un sens à sa vie, il décide de s’évader vers des mondes imaginaires où il peut enfin s’épanouir pleinement. Ce récit vibrant, peuplé de personnages ingénieux, artistes et créateurs, nous transporte vers une redécouverte de l’innocence et des rêves de notre enfance, nous rappelant la pureté et la sincérité d’un idéal perdu.
À PROPOS DE L'AUTEUR
P. Marin puise son inspiration dans son quotidien, sa vie professionnelle et ses relations avec ses proches, partageant avec humour des anecdotes savoureuses de son existence.
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P. Marin
Les 12 travaux
de Bob la Chkoumoun
© Lys Bleu Éditions – P. Marin
ISBN : 979-10-422-3866-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mon père qui m’a toujours gardé sa confiance,
et à tous mes intrépides ou imprudents patrons
que je loue d’avoir osé m’embaucher
À tous mes proches et collègues
qui n’ont pas toujours craqué à mes côtés
Bonjour,
Je m’appelle Bob.
Je voudrais vous raconter quelques anecdotes sur ma vie quotidienne invariablement trépidante.
Selon certains de mes proches, l’expression « travail à la Bob » signifierait travail mal fait, bâclé, ou branlant.
Expression synonyme prônée par ma petite maman : « Ni fait, ni à faire. »
J’entreprends donc ce recueil comme une démarche de thérapie.
L’un des aspects handicapants d’être tête en l’air est qu’on ne se souvient pas de ce que l’on a fait, mais pas non plus de ce que l’on n’a pas fait : quand il y a une bêtise de faite, il est difficile de se disculper, parce qu’il y a toujours plus de probabilité pour qu’on soit coupable. On est donc un bouc émissaire idéal.
Il m’est ainsi arrivé de me faire accuser d’avoir perdu un disque dur de données précieuses ou une paire de ciseaux retrouvés quelques mois plus tard sans que je n’y sois pour rien.
Tout a commencé à l’école primaire, ou peut-être avant, mais je ne m’en souviens pas.
J’avais appris une chansonnette à réciter à la maison.
Je suis rentré à la maison très fier de réciter ma chansonnette. Elle commençait par « La pluie ».
Je ne me souvenais plus de la suite.
Quand la maîtresse nous montrait le globe terrestre, je lui expliquais que ma mère avait visité la Nouvelle-Calédonie à l’autre bout du monde avant ma naissance. J’avais donc poussé la tête en bas, et j’ai dû y perdre un morceau.
Si certaines maîtresses y trouvaient une tendresse enfantine, d’autres étaient exaspérées.
Lors de jeux interclasses, je participais à une course de relais.
Quelle ne fut pas la consternation de mon équipe quand ils me virent partir en sens inverse !
En 1987, nous avons déménagé.
Nous sommes partis de la petite maison de Sainte Martine en Ré, pour emménager de l’autre côté du village à La Roue.
Je rentrais à pied de l’école.
Quand je trouvai ma maison fermée, il m’a fallu un moment avant de me rappeler que nous avions déménagé. Je suis rentré assez tard dans notre nouvelle maison. De toute façon, je n’arrivais pas à me rappeler du chemin, ni de laquelle il s’agissait.
Souvent, j’arrivais à l’école, et je me rendais compte que j’avais oublié mon cartable à la maison.
Souvent, je rentrais à la maison, et je me rendais compte que j’avais oublié mon cartable à l’école.
Il me fallait parfois plus d’une heure pour me rendre de la maison à la boulangerie au bout de la rue.
Où avait bien pu tomber le billet que maman m’avait donné ?
Je crois que je vivais dans un monde parallèle. Je pouvais passer des heures sur une balançoire à imaginer que je pilotais un vaisseau spatial.
Alors en Nouvelle-Calédonie, ma sœur avait apprivoisé un jeune poulain appelé Sandy.
Chaque fois que je le montais, il m’envoyait valser comme dans un rodéo !
Il m’arrivait de réaliser de superbes sauts périlleux à atterrissages dorsaux.
Lors d’une course à cru dans un pré, je me retrouvai accroché sous son encolure.
Le football est un sport de combat en Nouvelle-Calédonie !
Alors que les kanaks accomplissaient de superbes retournées, j’étais plus doué pour me prendre le ballon dans la joue, où il laissait son quadrillage, ou pour tirer contre mon camp !
Plus tard, au collège, j’avais toujours du mal à retrouver ma classe qui changeait régulièrement de salle.
En classe de sport, je trébuchais inopinément, devant toute la classe. Personne ne riait.
Pour une fois, je me dis que mes camarades n’étaient pas si bêtes pour se moquer de moi.
Peu après, la déléguée vint me voir gentiment en me disant qu’elle avait donné la consigne aux autres élèves de ne pas rire.
J’avais en effet pris l’habitude d’être traité comme un bouffon. Ce qui donnait l’avantage de participer à l’animation.
En sport d’équipe, j’étais toujours le dernier à être choisi dans une équipe, même féminine.
Malgré une bonne condition physique, je devais exercer un manque patent de coordination.
Mon frère me demandait de temps en temps où avait bien pu passer le vélo que nous utilisions d’habitude ?
Quelques mois plus tard, il l’a retrouvé au garage à vélo du collège.
Je ne me souvenais plus qu’un jour j’étais parti à vélo, alors que ce soir-là, j’étais rentré en bus.
Un soir, j’avais pris le train avec mon petit frère et ma petite sœur pour retrouver nos parents dans les Vosges où se trouve notre maison secondaire : « La Birakeim ».
La gare d’arrivée était dans la ville de Remiremont.
Quand nous avons passé la frontière allemande, j’ai compris que j’avais manqué la bonne gare.
Mon petit frère et ma petite sœur sont rapidement devenus plus responsables.
Peu à peu, j’ai pris l’habitude de me rendre aux objets trouvés, de faire connaissance avec les policiers ou les éboueurs, de faire appel aux contrôleurs de trains pour me rapporter des livres lors de leur prochain passage, de retrouver les commerçants chez qui j’étais passé, et où j’avais pu laisser ma carte bleue, et mes proches ne sont plus surpris lorsque des inconnus les appellent pour leur dire qu’ils ont trouvé un téléphone sur un banc.
Ils savent aussi que 24 heures de retard ne sont pas anormales pour moi.
Je m’appuie encore sur mes neveux et nièces pour m’aider à retrouver ma route…
Je ne me doutais pas alors que mes mésaventures quotidiennes allaient me poser quelques contrariétés dans mes différentes expériences professionnelles.
Lorsque j’arrivai sur le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle dans les Pyrénées basques, la nuit tombait et la neige volait en tempête.
En m’arrêtant, je me suis rendu compte qu’il me manquait deux choses : mon sac de couchage, et ma carte bancaire.
Je trouvai refuge dans une grange où je cassai le robinet d’eau en essayant de l’ouvrir.
Les propriétaires alertés par le bruit me demandèrent ce que je faisais là.
Je leur dis que je cherchais à rejoindre le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Ils éclatèrent de rire et m’apprirent que j’avais dû me perdre !
Alors que je me demandais comment j’allais pouvoir dormir par le froid, je vis deux jeunes filles m’apporter une couverture et un bol de soupe chaude !
Depuis ce jour j’ai compris que malgré mes déboires, une bonne étoile veillait sur moi.
À la fin de mon pèlerinage, j’avais retrouvé mes compagnons croisés en chemin, avec qui nous avions formé un groupe international : québécois, américains, brésilienne…
Un Anglais avec qui nous avions fait une sieste dans un champ nous invita à partager des chambres à l’hôtel des Rois Catholiques, le palace de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Je le retrouvai par hasard après une excursion à la pointe ouest de l’Espagne, le cap Finistère, appelée aussi bout du monde par les anciens où j’avais brûlé mes vêtements de marche comme la tradition l’exigeait. Je me retrouvais en pyjama.
Je lui expliquai que ma sœur se trouvait aux îles Canaries en échange Erasmus pour ses études, et qu’elle m’avait proposé de la rejoindre, mais j’avais grillé mes dernières économies.
Il m’emmena dans une agence de voyages et me dit : je t’offre ton billet d’avion, à la condition que tu fasses de même quand tu en auras les moyens pour quelqu’un qui en aura besoin.
Mon ami Greg est brocanteur.
Il a toujours eu le sens des affaires !
Au collège, il avait investi une salle de jeux vidéo clandestine où il faisait payer ses copains !
Plus tard il bricolait des scooters à l’aide de pièces volées.
Parti en Martinique, il y importait des planches de surf !
Il me vendit d’ailleurs son ancienne : elle était à sa taille, et je restai donc le plus nul surfeur de l’île de Ré, en basculant à chaque fois que j’essayais de me lever quand par chance, une vague m’entraînait ! Elle était rafistolée au niveau du nez, bouché par un peu de wax !
À son retour, il n’avait pas les mains vides :
Il vendait des vêtements de contrefaçon sur la plage !
Après sa période teufeur, il s’orienta naturellement vers la brocante :
Il pouvait y retrouver son mode de vie !
Une lampe trouvée en déchetterie lui permit d’investir dans un camion !
Parfois, il me propose de l’accompagner.
En arrivant tôt sur le lieu de la brocante, je l’aide à décharger son camion.
Comme il a l’habitude de l’entasser lui-même, j’entends un bruit de vaisselle cassée après avoir retiré un objet.
Je ramasse une vieille sculpture en porcelaine.
Voyant sa tête, je m’excuse d’avoir cassé cet objet que j’imaginais bien venir de la commode de salon d’une dame âgée.
Il s’agissait de sa plus belle pièce.
Un peu plus tard, il me demande de garder son stand.
Un vieux client me propose d’acheter un petit cendrier 5 euros.
J’accepte en pensant que Greg me féliciterait d’avoir conclu une affaire en son absence.
Le vieil homme met le cendrier dans un sac plastique noir.
Greg revient et demande où est passé le cendrier en voyant le vieux monsieur resté devant le stand.
Je lui tends avec fierté les 5 euros.
Il les rend au monsieur et déchire doucement son sac poubelle pour récupérer le cendrier.
Le monsieur s’indigne sans conviction.
La petite signature dans le fond du cendrier lui accordait une valeur de plus de 150 euros.
Greg achetait et vendait aussi des objets sur E Bay.
Alors qu’il attendait les dernières secondes pour surenchérir un objet depuis plusieurs jours, il était en panne de connexion.
Je lui propose de venir chez moi plutôt qu’au cybercafé.
Il accepte, et je lui prête mon pc portable.
Je le laisse seul pour être sûr de ne pas le perturber.
Après quelques minutes, je reviens le voir.
Il a l’air d’avoir vu un fantôme.
N’ayant pas l’habitude des petits claviers, il a écrit des signes de ponctuation à la place de son chiffre d’offre finale. Il lui aurait fallu appuyer sur la touche majuscule.
Vinrent ensuite mes premières expériences en restauration.
L’été que nous passions dans les Mosges, à La Birhakeim, dans notre maison secondaire, ma mère, toujours très forte en relationnel, nous avait trouvé un hôtel-restaurant au col de La Choucroute, à la frontière alsacienne : Le Piolet. Ma sœur y avait brillamment travaillé l’année précédente comme femme de chambre. Elle avait laissé le meilleur souvenir à la patronne.
Les patrons étaient adorables.
J’y exerçais à sa suite mon nouveau métier de plongeur.
Mon frère travaillait dans un 3 étoiles voisin.
Je lui rendais visite habillé de mes frusques de plongeur.
Il devait quant à lui se tenir à 4 épingles.
Le patron qu’il n’appréciait pas trop lui accorda de m’offrir un apéro.
Au milieu d’un gros service, Boris, le jeune cuisinier, adepte de produits locaux, dont certains champignons qui poussaient sur les hauteurs, me dépose un seau de pommes de terre.
Je le garde consciencieusement derrière ma plonge.
Il revient quelques dizaines de minutes plus tard pour me le demander.
En fait, il aurait apprécié que je pense à les éplucher…
Boris portait les attributs d’un punk des montagnes. Il était le seul punk d’un village de Skins !
Il m’avait fait découvrir le folklore vosgien où des jeunes au crâne rasé débarquaient brusquement dans des fêtes de village puis repartaient aussi promptement imaginant provoquer un effet de stupeur.
Son collègue Edouard Philipe nous avait fait découvrir un restaurant de nuit : La Chaudière.
On y voyait passer des gens en sous-vêtements pour rejoindre le club échangiste mitoyen.
Boris m’a aussi démontré qu’un Vosgien pouvait boire un pack de bière entier tous les soirs.
À la fin du service, lorsque j’avais fini le ménage de ma plonge, le chef la refaisait très gentiment derrière.
Je les revois toujours avec plaisir !
L’été suivant, je retournai dans les Mosges, où la saison avait déjà commencé.
Je m’orientai donc sur un nouveau restaurant, le Rest Room sur la place de Mauricemer.
La serveuse faisait des erreurs de caisse, alors la patronne m’avait proposé de la suppléer.
Le côté relationnel du métier de serveur me convenait beaucoup mieux, et je nouai rapidement des affinités avec les clients réguliers.
Les pourboires le confirmaient.
Je me souviens de deux militaires fêtant leurs retrouvailles de façon bien arrosée, dont la note rendait le sourire à la patronne.
Le patron jouait tard le soir dans un groupe folklorique avec l’un de mes amis, un artiste allemand qui sculptait des têtes de mort : Franky.
Le soir du 15 août, le restaurant était complet entre le rez-de-chaussée et l’étage et j’enchaînais les allers-retours. Des clients patientaient à l’extérieur dans l’espoir qu’une table se libère.
Croisant une cliente dans les escaliers, je me retournai avec dextérité, tenant le plateau à bout de bras au-dessus de la salle du bas.
Je vis alors au ralenti les bouteilles de Coca-cola chavirer lentement du plateau pour exploser au milieu de la table en contrebas.
Les convives copieusement arrosés ne tardèrent pas à se lever pour réclamer l’addition.
La patronne garda son calme, et ne me fit aucun reproche quand elle vit les clients de l’extérieur s’engouffrer à l’entrée pour récupérer la table tant convoitée.
Lors d’une pause d’après-midi, ma mère m’avait prêté une voiture Peugeot 306 récemment acquise au nom de ma sœur Véronique.
Je décidai de rendre visite à mon ami Marc Aurèle, videur du casino du sac.
Étant alors fan de hard Rock à haut volume, j’avais allumé l’autoradio.
Avant de traverser la rue qui conduisait au casino, je regardai patiemment les voitures passer sur ma droite, sur ma gauche comme on me l’avait enseigné à l’auto-école, puis enfin de nouveau à… je n’avais pas apprécié la distance que la voiture de droite avait largement eu le temps de parcourir pour me percuter sur le flan coupant net l’autoradio et déclenchant l’air bag.
Les deux véhicules emboutis étaient bons pour la casse.
Comme je n’avais plus de véhicule à disposition, mon ami Franky me laissa squatter la caravane de son jardin en compagnie d’un adepte de Michael Jackson.
Son rêve était de tout mettre en œuvre pour en devenir le jardinier à Neverland.
À la fin de mon travail au Rest Room, mon ami Arnold vint me rejoindre à la Birhakeim pour partir visiter l’Europe de l’Est en train inter rail.
Nous étions arrivés à Berlin dans l’après-midi, mais nous ne savions pas où dormir.
Alors nous décidâmes de monter dans un train au hasard pour y passer la nuit.
À notre réveil, le train ne roulait plus. Alors nous sommes sortis pour découvrir notre nouvelle gare.
Il s’agissait en fait d’un ferry où le train était entré pour Copenhague au Danemark.
J’avais gardé mon passeport dans la poche avant de ma veste.
Arrivé sur le pont, je me penchai en avant pour contempler les rives du bastingage.
C’est alors que mon passeport m’abandonna pour un plongeon spontané.
Fort de mes deux expériences en restauration, je me trouvai dans la nécessité d’y retourner de longues années plus tard.
Je postulai d’abord dans un restaurant à la mode sur le port de Saint Marcien où les serveurs confirmés avaient l’habitude de retirer les nappes en papier avant les verres. La Stare.
Ils tiraient d’un coup sec sans rien renverser ! Les stars de La Stare !
Des clients indulgents m’avaient bien recommandé.
Je retournais avec mon plateau chargé de verres en cuisine.
À l’arrêt, je vis doucement basculer un petit verre qui s’écrasa brutalement au pied du patron.
Ma période d’essai s’est limitée au service du midi.
À l’approche de l’été suivant, je rendis visite à un rasta que j’avais rencontré récemment au restaurant où il faisait la plonge sur le port de Saint Marcien en Ré : Le Darling’s.
La patronne s’appelait Zazie et avait un style de motarde : elle avait exposé une Harley-Davidson à l’entrée du bar.
Quand je demandai à la patronne s’il se trouvait là, elle me demanda si je n’avais rien à faire.
Il venait de quitter son travail, et il fallait le remplacer.
C’est ainsi que je découvris un métier à ma portée : plongeur.
Nous étions effectivement tous bien entraînés à la vaisselle de famille nombreuse.
Je l’exerçai pendant deux semaines, mais le chef préférant bénéficier d’une pause l’après-midi venait régulièrement me remplacer en fin de service.
Il écoutait avec indulgence son second lui raconter ses nuits en club échangiste.
Après avoir discuté avec lui des problèmes de stupéfiants dans la restauration, une serveuse vint me menacer en cas de délation… je n’étais d’ailleurs au courant de rien sur d’éventuels trafics.
Seul son collègue aurait pu me mettre la puce à l’oreille avec son piercing en forme de pastille sur la langue. C’est peut-être ce qui l’a aidé à gagner la course des garçons de café.
À la fin de mon essai, le chef me demanda de lui réclamer son échelle à monter les Œufs dans le restaurant d’à côté.
Ce même restaurant m’envoya au suivant, puis de fil en aiguille, je frappai aux cuisines de tous les restaurants du port… pour finir par comprendre qu’il s’agissait d’un bizutage.
Finalement, le restaurant l’Estrade sur la place de la Roue, au bout de ma rue, recherchait un plongeur.
Je passai 10 jours à écouter les histoires de lit du cuisinier, Jeanlain.
Il se mettait en crise dès que la salle dépassait 30 couverts, ou que le plongeur laissait de l’eau dans le fond des casseroles. Casseroles qu’il était d’ailleurs très doué pour catapulter en soucoupes volantes.
Il profitait aussi de quelques salaires impayés pour insulter allègrement le patron depuis la cuisine, à travers la cour, jusqu’à la salle.
Pour le calmer, je faisais preuve de psychologie : « Jeanlain, tu es un grand chef. Tu n’as plus rien à prouver. »
« Mais préserve tes nerfs, sinon tu risques un accident. »
Francis, le serveur oubliait parfois de se vêtir sous son tablier.
Il avait été élevé par un père brutal, un rude marin pêcheur.
Quand il me racontait sa vie, je me demandais comment il n’avait pas fini en prison.
L’île de Ré était peut-être en son temps une petite Corse inaccessible aux forces de l’ordre.
J’avais la chance d’être arrivé après un autre plongeur qu’il avait agressé.
Il s’était alors repenti et m’épaulait en conséquence.
Après cet essai, je cédai volontiers la place à mon frère.
Le restaurant a mystérieusement brûlé quelques mois plus tard.
L’inconvénient d’être tête en l’air est que je dois sans cesse me trouver un nouvel emploi, ne pouvant postuler dans des entreprises connues.
En face de l’estrade qui avait brûlé depuis, se trouvait sur la même place des Tamaris, le restaurant Les Tamaris.
Je me suis dit que pour changer, je pourrais essayer le poste de pizzaïolo.
L’équipe était très sympathique, elle se composait de Michka, le chef, Myria et Nitro, les chefs de salle, Tabatha, la serveuse et Sim, le frère de Michka en cuisine.
Ma collègue Francine avait entrepris patiemment ma formation.
Au début, j’avais toujours beaucoup de mal à mettre les ingrédients dans le bon ordre.
Quand arrivèrent les vacances de Pâques, j’arrivais à envoyer un beau score de 80 pizzas dans la soirée.
Malheureusement, j’en laissais toujours cramer quand le rythme était moins soutenu et me laissait le temps de divaguer. Le chef Michka était aussi tête en l’air, et ne maîtrisait pas mieux la minuterie cérébrale.
Il m’arrivait aussi d’inverser les ingrédients. Un client me simplifiait la tâche en réclamant une pizza avec uniquement de la sauce tomate ! Il était allergique à tout le reste.
Pendant un service du soir, Nitro le serveur me dit de façon loufoque : Il y a une dame qui veut que tu gardes ses pizzas le temps d’emmener sa fille à la gare.
Je me suis alors rappelé que ma mère devait justement inviter ma petite sœur à dîner avant son départ.
Un soir où j’avais dû recommencer des pizzas, je les gardai pour grignoter.
Le chef Michka passa, et les mit dans la poubelle.
Alors qu’elles n’étaient que sur le dessus, je me dis que c’était dommage.
Je les en sortis donc pour poursuivre mon apéro dînatoire.
Myria, le serveur avait toujours faim.
Quand il vint chercher mes pizzas, il en profita pour se servir dans celles que je gardais.
Passa Michka :
« Mais ce sont les pizzas que je viens de jeter ? »
Myria se retint de vomir toute la nuit.
Tout le monde n’a pas un estomac en béton.
Un matin, en arrivant, le chef Michka remarqua que le four à pizzas était resté allumé toute la nuit.
Alors qu’il faisait des malaises cardiaques, je me dis qu’il ne fallait peut-être pas que je lui cause trop d’émotions.
Au bout de deux mois, le verdict tomba : « on dirait que tu es arrivé hier. »
Comme j’avais dépassé la période d’essai, le chef se demanda si j’accepterais de partir.
« Ne vous inquiétez pas, je suis là pour vous dépanner, pas pour vous mettre des bâtons dans les roues ! »
C’est alors que le responsable me proposa de passer à la plonge.
Ce que je déclinai poliment.
Après 6 mois de chômage à Tarmac, il me fallut retrouver un emploi saisonnier.
J’entrepris donc de postuler dans la brasserie la plus connue de la place Francis premier.
La place principale de Tarmac.
Les clients de Tarmac étaient bizarres. Il y avait un habitué à qui il manquait un bras qui ne souriait jamais, un nazi qui traitait ses voisins de pédophiles, et un fumeur de havanes plus sympathique.
Un cuisinier tatoué du nom de Kerwac allait devenir un futur collègue à La Smala.
Pourquoi faut-il toujours paraître parfait dans le monde du travail alors que les gens sont loin de l’être et cachent toujours des malformations mentales ?
Je découvris les méthodes des serveurs pour libérer les tables : débarrasser les verres devant les clients. Les clients se retrouvent alors obligés de recommander, ou un sentiment de vide les pousse discrètement au départ.
La serveuse star draguait les clientes, et le serveur master pro leur retirait les chaises, puis les tables pour les chasser !
Je ne fis rien tomber ! Ce qui était déjà un exploit.
Le soir du 21 juin, je pris le poste honorifique de la plonge du bar pour nettoyer les rangées de verres qui ne cessaient de s’accumuler.
Au bout de 7 jours d’essai, ce qui était plutôt bon signe, le patron m’invita à monter à l’étage :
« Je vais être direct, ça ne va pas le faire.
— Ah bon, pourquoi ?
— Peut-être un peu trop nonchalant.
— J’avais choisi de paraître détendu, pour me montrer à l’aise et ne pas risquer de faire des erreurs dues au stress. »
Il me restait 3 jours :
« Si je pars maintenant, ça vous ennuie ?
— Non, pourquoi ?
— Parce que si c’est pour jouer la comédie avec les collègues, ce n’est pas la peine !
— Tu peux finir le service quand même ?
— Oui, si ça vous arrange. »
N’ayant plus d’alternative pour la saison, je me décidai à frapper à la porte de la grande pizzeria de Tarmac, sur le quai au bord de la Charmente : La Smala.
Un petit blond ressemblant à Fantasio m’accueillit gentiment en me disant qu’ils faisaient une moyenne de 200 couverts en été, ce qui est considérable.
Je lui répondis que je n’étais pas une star, mais que j’apprécierais de travailler dans un état d’esprit de confiance et d’amitié.
Il me rappela dans la semaine pour faire un essai.
L’essai allait être prometteur !
Je devais livrer 3 grosses pintes de bière à 3 jeunes adultes qui célébraient un anniversaire !
Justement, l’heureux du jour s’est retrouvé copieusement baptisé de sa pinte basculée sur son pantalon !
À ma grande surprise, ils m’admirent dans l’équipe pour la saison, à la condition que je reste jusqu’au bout.
L’équipe se composait de Fantasio, le gérant.
Lunel était le second, un grand brun aux grands bras capable de débarrasser plusieurs tables en même temps !
Quand Lunel me reprochait de ne pas être assez rapide, je lui avouais qu’il était d’un niveau bien supérieur au mien. Il ne disait plus rien.
Célestin était un jeune blond.
En cuisine, il y avait le chef Kerwac, un grand tatoué.
Mo, le pizzaïolo, angolais d’origine.
Jerry le second.
Et enfin Lorian, le plongeur qui était un ancien militaire.
Au début, tout se passait plutôt bien.
Je trouvais l’équipe sympathique, et le restaurant plutôt agréable.
La décoration italienne baroque détonnait dans cette ancienne maison mitoyenne du château de Tarmac qui, paraît-il, avait servi de prison.
Les services étaient gérables et se terminaient souvent par un verre de fin de service.
Je rentrai chez moi le soir en me disant que j’avais enfin trouvé des collègues intelligents et appréciables.
Je m’entendais bien avec le jeune Célestin qui me surnommait Némo pour avoir perdu la mémoire comme lui. Il nous arrivait à chacun d’échanger des plats, alors nous avions convenu de nous épauler pour éviter ce genre d’écueil. Il faisait éclater de rire les clients en leur racontant des histoires débiles.
« Vous avez le choix entre le bon vin à 20 euros, et le vin du cubi à 10 ! »
« Ici, c’est la maison des fous, c’est pour ça que les serveurs sont un peu bizarres. »
Il faisait aussi rire le reste de l’équipe qui se moquait de plus en plus ouvertement de lui.
Un soir que nous discutions après le service, je lui adressai mon soutien à propos des brimades devenues flagrantes qu’il subissait.
Donc tout se passait bien, pour moi.