Les aliens ne portent pas de cravate - Charlie Blaise - E-Book

Les aliens ne portent pas de cravate E-Book

Charlie Blaise

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Beschreibung

Paul avait des rêves simples pour sa soirée avec Julie : un dîner romantique au restaurant, une promenade main dans la main sous la lueur de la lune, peut-être même une barbe à papa à la fête foraine, suivie de baisers échangés sous un réverbère. Mais le destin en décide autrement. Julie se retrouve piégée dans une cave, forcée à des actes désespérés pour de l’argent, tandis que Paul se trouve face à une mort certaine, sur le point d’être enseveli sous une chape de béton. Dans ce récit où plusieurs destinées s’entrelacent, Paul se métamorphose d’un doux agneau en un redoutable loup, emporté par la convergence impitoyable des circonstances.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Charlie Blaise s’est engagé dans la narration de l’histoire de sa cousine, installée en France depuis l’âge de quatre ans. Avec subtilité, il tisse un récit riche, où se mêlent romance et suspense.

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Charlie Blaise

Les aliens

ne portent pas de cravate

Roman

© Lys Bleu Éditions – Charlie Blaise

ISBN : 979-10-422-3548-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

L’accident

Une palette, encore une autre… Je suis au volant de mon Fenwick et je dois dire que c’est une expérience extraordinaire ! J’ai quand même eu la coupe du meilleur pilote de Fenwick du 93. Cet après-midi, je conduis mon bolide et je range des dizaines de palettes. Parfois à plus de 5 m de hauteur ! J’adore mon métier. Je suis le Beltoise de l’Oise. Je travaille dans cet entrepôt EDS depuis 9 mois. J’espère continuer, car je m’y plais bien même si je rencontre quelques petits problèmes. C’est vrai, de temps en temps dans les vestiaires. Mais je me suis habitué. Et les coups, je sais les encaisser.

Cet après-midi du 15 septembre 2042, j’étais en train de ranger des palettes de pneus dans l’aile nord du magasin quand un klaxon se fit entendre. Comme on dit souvent, c’est la voix de son maître. J’entendis une voix qui disait : Paul Saillant au bureau de la direction !

Avec une rapide marche arrière, je garai mon bolide dans l’espace jaune réservé. Je descendis de ma machine et à petits pas me dirigeai vers le bureau de la direction. Julie, la jolie secrétaire blonde, me regarda passer avec un petit sourire qui en disait long.

Depuis le temps que j’essaie de l’inviter à la cantine pour déjeuner…Peut-être demain.

Je gravis les marches quatre à quatre et arrivai dans le bureau de Monsieur Saïd. Je frappai et attendis qu’on me dise d’entrer. Monsieur Saïd me fit signe d’avancer. En pénétrant dans ce luxueux bureau, je vis cette magnifique étagère avec toutes les coupes des « Fenwick cup » alignées sur le côté gauche de l’immense meuble en bois exotique. Dans ma tête, je rêvais d’avoir la mienne, alignée avec les autres, et je me disais que peut-être l’année prochaine je serais le gagnant du trophée. Monsieur Saïd me fit asseoir devant lui et posa ses lunettes :

— Tu sais Paul, l’entreprise traverse une période difficile et il va y avoir une compression de personnel. La direction me demande de mettre fin au contrat des derniers arrivés. Malheureusement, nous ne pouvons pas te garder dans nos effectifs. Je suis au regret de t’annoncer que tu recevras dans quelques jours une lettre recommandée pour te signifier la fin de ta mission.

Au début, je ne compris pas trop tout ce qu’il venait de me dire. Moi qui espérais une longue carrière de driver dans cette boîte, je saisis enfin que tout était fini. La seule chose qui me traversa l’esprit fut de lui répondre :

— Merci, monsieur, et au revoir.

Je me levai de ma chaise tristement, et me dirigeai vers les vestiaires, où je repris les quelques petites affaires que je laissais dans cette maison, la considérant comme la mienne. J’attrapai un cabas pour les courses dans lequel je mis ma bouteille de coca, un pull, un petit couteau et la gamelle que j’utilisais tous les midis. Il ne me restait qu’une chose à faire. Affronter le regard de Julie et lui annoncer que nous ne mangerions pas à la cantine ensemble, car pour moi ce job de pilote était terminé. Je pris mon sac et comme tous les jours me dirigeai vers la sortie. Mais cette fois pour la dernière fois.

Au moment de franchir la porte, j’aperçus Julie. Elle m’attendait avec son petit regard d’ange.

— Demain, c’est moi qui t’invite. Nous irons au Mac Donald’s et tu pourras commander ce que tu veux. Ça me fait plaisir.

Je la contemplai tendrement et lui annonçai qu’il n’y aurait pas de « demain », car mon poste était supprimé.

— Mince, me dit-elle, j’imagine que Saïd a fait rentrer son cousin. Ça fait plusieurs semaines que Rachid vient le voir et j’ai bien compris qu’il se passait quelque chose.

— Non, lui répondis-je. Il y a une compression de personnel et l’entreprise doit se séparer des derniers arrivés.

Julie me regarda d’un air consterné. Elle devait me prendre pour un vrai naïf.

— Je ne crois pas non ! On a signé un énorme contrat pour Citroën et nous allons embaucher cinq caristes supplémentaires. Mais tu sais, dans cette entreprise, la préférence nationale est importante donc nous les Français n’avons qu’à bien nous tenir.

Je raccompagnai Julie jusqu’au métro et la rassurai :

— Ce n’est pas grave, je trouverai bien une place. Et c’est moi qui te débaucherai pour que tu viennes dans mon entreprise et là je pourrai t’offrir le déjeuner.

Nous étions dans la grande avenue qui mène au métro de La Courneuve et la nuit tombait. Il faisait beau. Nous marchions au son de nos projets.

En passant devant l’immeuble du 48, quelques individus assis sur les marches commencèrent à siffler Julie et à lui demander son numéro de téléphone, accompagné de quelques mots que je préfère ne pas citer. J’accélérai un peu, suivi de Julie. La bande des quatre nous emboîta le pas. Bloqués par le feu rouge, il nous fallut attendre. Arrivé à notre hauteur, le plus costaud se posta derrière moi. Je me sentis aussitôt entouré, sans aucune possibilité de fuite. Celui qui semblait être le chef de bande entreprit de mettre sa main sur la poitrine de Julie. Elle le repoussa violemment. Je tentai de m’interposer, mais je reçus un coup de pied dans le dos qui me propulsa sur la route, au moment où un coursier passait. Il me percuta. Le rétroviseur me cassa deux côtes. Je m’effondrai de douleur sur la chaussée. Le scooter noir tomba également, entraînant son conducteur. Nous nous retrouvâmes tous les deux sur l’avenue, complètement KO. Le jeune en deux-roues avait l’arcade en sang, ce qui était très impressionnant. Quant à moi, j’avais horriblement mal aux côtes. Mais une seule chose m’importait alors. Julie. Je regardai sur le côté et la vis en pleurs avec son téléphone en train d’appeler les secours. Les quatre racailles s’étaient volatilisées. Bien sûr dans ma chute j’avais cassé mon téléphone. Ma main était tout endolorie par le choc, le poignet droit certainement cassé. Très rapidement, la police protégea le carrefour.

Quelques minutes plus tard, le SAMU me ramassait ainsi que le conducteur du scooter et nous finissions tous les deux accompagnés de Julie à l’hôpital de La Courneuve. J’étais quand même soulagé de voir que Julie n’avait rien. La police vint prendre notre déposition, je dus raconter la scène, mais le conducteur du scooter, Jérémy, ne put certifier que j’avais été poussé. Les agents me regardaient comme si c’était moi qui avais renversé le deux-roues et c’est tout juste si l’on ne me mit pas en examen pour tentative de vol.

Heureusement, Julie était là et les caméras de surveillance de la station-service d’à côté racontèrent mieux que moi la scène. La police fut contrainte, non pas de me faire des excuses, mais de me relâcher.

Il était presque minuit quand je sortis du commissariat et que je rentrai chez moi la main bandée et les côtes terriblement endolories.

La soirée avec Julie

J’habite dans un petit pavillon vers La Courneuve, tout près du parc départemental Georges Valbon. C’est assez tranquille cette petite rue, parfois un peu trop à mon goût ; il m’arrive le soir, quand je rentre tard, d’être obligé d’acquitter une taxe. Oui, c’est comme ça dans ma rue, si l’on ne veut pas d’ennuis on donne un billet de 10 €. Bon, je suis habitué. Je paie ma tranquillité.

Ce soir-là, vers 1 h du matin, au dernier métro, je rejoignais mon domicile. Comme d’habitude, il y avait en bas de l’immeuble trois individus qui me regardaient passer. Je fis mine de ne pas les voir, mais l’un d’eux m’interpella et me dit :

— Eh, toi face de craie t’as pas payé !

Oui, c’est le petit nom sympa qu’on me donne dans le quartier, car je suis le seul blanc. D’autant que j’ai une peau très blanche, car je suis roux. Entre le roux et le châtain, c’est pour ça que j’ai ce petit nom sympathique de face de craie.

Je me retournai vers eux, étonné. Je regardai ce grand homme africain très baraqué et lui dis d’un air désolé :

— Oh ! excuse-moi, j’ai oublié.

Je fouillai mes poches, je sais c’est moche, comme dit la chanson, mais ce soir-là il ne me restait plus du tout d’argent. Oui, effectivement, j’avais dû payer l’hôpital pour les soins dont je venais de bénéficier. Je demandai poliment à l’individu, que je ne connaissais pas d’ailleurs, s’il était nouveau dans le quartier, et s’il était possible de payer le lendemain mon droit de passage. Ce dernier, très conciliant, me répondit d’un air entendu :

— C’est OK. Mais demain, ça sera le double.

Et il me laissa partir.

J’étais soulagé de pouvoir rentrer pour dormir. La journée avait été très éprouvante. Je sortis la clé de ma poche pour ouvrir la porte du minuscule jardin. J’entrai dans ma petite maison en meulière de 64 m². Un petit chez moi que j’avais bien mérité. C’est une maison de famille dont j’ai hérité. Dans le quartier, ce n’est pas du tout bien vu d’habiter une maison particulière. Il ne faut pas s’en vanter. Je dis toujours quand on me demande où j’habite que je viens de la cité des 4000 comme ça je ne suis pas embêté. Je n’ai de comptes à rendre à personne.

En entrant, je découvris un carreau cassé. Bon, ce n’est pas grave, les enfants du quartier s’amusent. J’avais tout le nécessaire à la cave pour le changer. J’étais devenu spécialiste. J’avais du verre, un diamant et du mastic pour réparer mes carreaux moi-même. Je ferais ça demain.

J’étais épuisé. J’allais simplement envoyer un message à Julie pour lui souhaiter une bonne nuit. J’espérais qu’elle était rentrée sans encombre. Je posai mon téléphone sur la table de nuit connectée. Au moment d’éteindre, je reçus une réponse. Elle était bien arrivée, tout allait bien. Je pouvais m’endormir en toute quiétude. Mes yeux se fermaient. Au loin, des tirs de mortier retentissaient. Cela me rassurait de les entendre aussi loin. Les sirènes de police se firent de plus en plus sourdes. Un peu comme l’orage quand il passe. On se sent mieux lorsqu’il s’éloigne…

Je me glisse entre deux palettes, un coup de volant, l’arrière de mon Fenwick rouge se rabat entre les deux pylônes et j’attaque la grande ligne droite de chaque côté des étagères de cinq mètres. Je n’ai qu’un mètre de chaque côté avant d’entamer le passage étroit. J’accélère. Arrivé à deux mètres du passage délicat, je freine et mon Fenwick s’engage dans l’entonnoir à 17 km/h. J’attrape le colis sur l’étagère numéro 2 puis le pose sur l’avant du capot et redémarre à toute vitesse pour rejoindre le quai numéro 12. À ce moment-là, la cloche se met à sonner et j’entends dans les haut-parleurs que Paul Saillant est bien le détenteur du meilleur score des caristes du 93.

Dring, dring, dring…

Une sonnerie me réveilla. En regardant devant moi, je me rendis compte que tout n’était qu’une illusion. J’étais en plein rêve. Je n’aurais pas la coupe et en plus je n’avais plus de travail. J’étais dans mon lit, il était 7 h. Mon réveil était resté programmé, mais je n’avais plus de raison de me lever, car aujourd’hui je me retrouvais comme quinze millions de personnes en France. En quête de travail.

Au ralenti, je descendis les escaliers pour rejoindre la cuisine. Il faisait gris dehors. Ce ne serait pas une belle journée. Comme tous les matins, je préparai mon chocolat chaud, ma confiture à l’abricot, mon beurre tendre, tout en regardant des vidéos sur YouTube. Je déjeunai tranquillement.

Quel allait être mon programme ? C’était la grande question. Déjà, je savais qu’il fallait que je m’inscrive à cet organisme extraordinaire qui s’appelle « l’emploi de demain ». C’est vraiment très bien fait, on pose sa candidature et ce sont les entreprises qui cherchent dans les profils. Ce n’est pas nous qui allons les rencontrer. Demain, j’irais déposer ma fiche comme expert en conduite de Fenwick. Pour commencer, je devais la fabriquer et je n’avais pas les outils pour le faire. Peut-être que Julie pourrait m’aider. Et en plus, cela me ferait l’occasion de passer un moment avec elle, si elle accepte bien sûr.

10 h.

La standardiste décrocha rapidement.

— EDS bonjour !

— Bonjour madame. Je souhaite parler à Julie du service export.

Elle me répondit d’un air très pressé, je sentais que je n’étais pas un bon client.

— Ne quittez pas.

— Allô Julie ? Bonjour, c’est Paul.

Sa voix douce et ensoleillée me ravit.

— Ah oui.

Cela en disait long sur ce qu’elle pensait de moi. Je lui demandai s’il serait possible qu’elle m’aide à travailler sur ma recherche d’emploi et en particulier sur le graphisme de la fiche.

— Bien sûr, tu peux m’inviter à dîner ce soir. Nous pourrons discuter.

J’étais fou de joie.

— À ce soir ! Je viendrai te chercher à la sortie de ton travail.

Je raccrochai et vaquai à mes occupations.

Comme je vous l’ai dit, je suis un fan de Fenwick. C’est mon métier et j’adore virevolter entre les palettes dans une usine. Mais j’ai une deuxième passion. C’est encore du pilotage, mais cette fois-ci en 3 D. Les drones.

J’ai commencé avec des drones de taille réduite. Mon premier n’était pas plus grand que ma main. Je me suis tout de suite pris au jeu du pilotage en trois espaces. Ensuite, j’en ai acheté un qui mesurait 40 cm de diamètre. Il était beaucoup plus stable et c’est à ce moment que j’ai compris qu’il y avait quelque chose à en faire. J’ai investi par la suite dans un modèle professionnel qui peut emporter de grosses caméras pour les tournages de films.

M’est ensuite venue l’idée de fabriquer un drone que je piloterai depuis mon garage. J’ai récupéré un karting que j’ai désossé puis je me suis procuré des moteurs extrêmement puissants. J’en ai mis huit que j’ai connectés avec une super batterie. Et voilà. J’en suis maintenant à câbler le tableau de commande que j’ai créé tout simplement avec un tableau de simulateur de vol. Je suis en train d’adapter la conduite du drone à mon simulateur. Je dois reconnaître que je ne suis pas mécontent. Mes premiers essais sont assez concluants.

J’étais installé dans le jardin derrière la maison, à l’abri des regards, car je savais très bien que le jour où je voudrais décoller, il me faudrait de multiples autorisations. Le jardin était entouré d’un grand mur qui dissimulait bien mon invention. Je pouvais ainsi bricoler tranquillement.

Enfin, pas si tranquillement que ça, mes côtes me faisaient mal quand je me penchais et ma main était toujours douloureuse.

Aujourd’hui, j’avais l’intention de faire un test sur les axes des moteurs. Oui, car les moteurs sont tous bidirectionnels. Il est là le secret de ma conception. Je peux aussi me déplacer dans l’axe XY, voire Z.

Ce jour-là donc, vers 12 h 30, j’enclenchai les huit moteurs et actionnai la manette vers l’avant. Doucement, mon drone, lesté d’un sac de sable de 50 kg, décolla d’environ 1 cm. Je le reposai, stoppai moteur par moteur et criai de joie. Mon invention commençait à prendre forme.

Je ne pris même pas le temps de déjeuner. Il était déjà 16 h. J’avais promis à Julie d’être à la sortie de son travail. Je filai rapidement sous la douche, me préparai pour cette soirée que j’attendais avec grande impatience. Je m’habillai un peu chic et sortis de mon pavillon, gai comme un pinson, pour rejoindre ma bien-aimée. Enfin, je l’espérais.

Dans ma rue, il faut faire attention. Il y a souvent des jets de pierre, des machines à laver qui tombent des étages, peut-être une balle un jour qui pourrait se perdre. J’étais sur le qui-vive pour ne pas me faire estropier. Je marchai jusqu’à l’arrêt du bus, tout était calme et tout se passa bien. J’avais toujours un peu la peur au ventre d’attendre le bus.

Heureusement, il arriva.

La porte s’ouvrit, je montai, payai mon ticket et allai m’asseoir. Trois individus entrèrent à leur tour. Le chauffeur leur réclama un titre de transport. Le plus grand d’entre eux lui cracha dessus. Je ne fis pas trop attention et regardai par la fenêtre. Je ne voulais pas m’attirer de problèmes. Le conducteur ne dit rien, les laissa s’installer et démarra.

Les trois jeunes hommes traversèrent le bus en faisant des réflexions à ces braves gens qui ne demandaient rien à personne. Ils allumèrent quelques cigarettes à l’odeur suspecte.

À l’arrêt suivant, quelques personnes, incommodées par l’odeur, descendirent. L’un des trois leur lança d’un ton joyeux « allez-vous faire enculer, bande de bâtards » et le bus repartit.

C’est alors que tout aurait pu se compliquer. La police était en embuscade pour tenter d’appréhender les trois personnes. Malheureusement, n’étant pas venus en assez grand nombre et voyant ces trois racailles armées de Colt et d’une bouteille d’alcool à brûler genre cocktail Molotov prêtes à mettre le feu, les policiers préférèrent ne pas faire de vague et remontèrent dans leur véhicule.

Le bus poursuivit son trajet. Je continuais à regarder par la fenêtre comme si de rien n’était. J’avais tellement hâte d’arriver sans être poignardé ou autre, au pire de me prendre une balle dans le dos.

Après vingt minutes, le bus s’arrêta. Je descendis rapidement sans me retourner. Les trois individus m’interpellèrent.

— Fils de pute ! Bâtard ! Va te faire enculer !

Je ne réagis pas, pour ne pas envenimer la situation. Ma priorité était d’inviter Julie au restaurant et de passer une bonne soirée. Il ne me restait plus que quelques centaines de mètres à parcourir pour arriver devant l’entrée de la société.

Julie était là, belle comme un cœur. Une jolie petite blonde de 1 m 65, avec des yeux bleu océan, habillée comme une poupée Barbie avec un sac rose et un petit nœud dans les cheveux. Je m’approchai et lui fis un signe de la main, car nous étions toujours dans la période de Covid – 19. Il était préférable de respecter les gestes barrière. Julie me rendit mon salut.

— C’est cool tu es à l’heure. Où est-ce que tu m’emmènes ?

— C’est une surprise.

Nous allions à Paris. Dans ma tête, aller à Paris à 19 h c’était plutôt cool, il y a du monde dans les métros. En revanche, revenir à minuit me paraissait beaucoup plus dangereux. Nous ne choisirions pas cette solution, nous appellerions plutôt un taxi.

Nous voilà donc tous les deux avec mon amoureuse en train de marcher vers le métro.

Julie portait une robe rose et vert d’eau qui s’arrêtait en haut des genoux. Je n’osai lui faire la remarque que cela pouvait être dangereux. Je ne voulais pas l’inquiéter et devenir son chevalier, non pas servant, mais sécurisant.

Julie était non seulement ravissante, mais joyeuse. Elle me raconta sa journée, pleine de péripéties à cause d’un camion qui avait perdu une palette en roulant.

La mienne avait également failli tourner au cauchemar à cause du moteur qui se désaxait. Chacun ses soucis.

Il faisait presque nuit et très froid. Nous étions bien emmitouflés dans nos blousons, et nous descendîmes dans le métro quatre à quatre où il faisait plus chaud même si l’odeur n’était pas agréable. Il y avait un jeune accordéoniste qui interprétait L’amant de Saint-Jean. Il ne jouait pas merveilleusement bien, mais Julie insista pour lui donner une pièce.

— Le pauvre, quand même.

J’aime beaucoup son côté « bon samaritain ». C’est vraiment une gentille personne, qui se soucie des autres.

Le métro arriva juste quand nous étions sur le quai. Coup de chance. Les portes s’ouvrirent et nous nous engouffrâmes dans la rame devant nous. Il restait quelques places assises.

— Direction Paris, que l’aventure commence ! lui dis-je en riant.

À ma grande surprise, elle prit ma main et la serra, avec un sourire angélique. Les lumières défilaient de chaque côté. Nous regardions, hypnotisés par ce défilé de lucioles. Je ne savais pas trop quoi raconter à Julie tellement j’étais heureux d’être avec elle. Le métro ralentit en arrivant à la station suivante. Aussitôt, les portes s’ouvrirent et quatre jeunes hommes entrèrent dans le wagon. L’un d’eux s’assit en virant un homme qui lisait son journal. Ce dernier ne fit pas de scandale et s’installa plus loin pour continuer à lire. Pour détendre l’atmosphère, je racontai à Julie un de mes secrets de fabrication de mon prototype. Je lui décrivis les gyroscopes que j’avais installés sur chaque côté de mon engin, et qui contribuaient largement à en augmenter la stabilité. Elle me fit un petit signe du genre « je comprends », mais c’était surtout pour me faire plaisir, je pense.

À la station suivante, les choses se dégradèrent. En effet, un des jeunes, que j’appellerai « Gucci », car il portait une sacoche de cette marque, se leva et demanda une cigarette à une jeune femme deux sièges devant nous ; celle-ci répondit qu’elle ne fumait pas. De dépit, il lui balança une gifle. Dans le wagon, tout le monde était tétanisé, personne n’osait bouger.

Deux autres du groupe s’étaient levés avec un cutter et le dernier tenait une matraque télescopique.

— Bande de bâtards s’il y en a un qui bouge, je le tue ! vociférait-il.

Ce qui je dois le dire est assez dissuasif pour rester assis sur sa banquette.

La pauvre jeune femme pleurait en sanglotant.

Du regard, Julie m’implora de ne pas tenter quoi que ce soit. Cela devait lui sembler risqué, du haut de mon mètre soixante-huit et mes 62 kg. J’étais quand même ceinture jaune de judo, mais je ne faisais pas le poids face à ces quatre athlètes entraînés à la bagarre de rue. « Gucci » donc, retourna vers la jeune femme, l’attrapa par les cheveux et lui intima d’arrêter de chialer.

— Tu fais trop de bruit, salope, j’entends pas ma musique.

À ce moment-là, je pris mon courage à deux mains et me levai.

— Lâche-la sinon…

Je ne pus terminer ma phrase. Le métro entrait dans la station suivante, les portes s’ouvrirent sur trois hommes de la brigade anticriminalité, forts comme des dinosaures, armés comme le Clémenceau et vifs comme le guépard. Ils s’approchèrent des quatre racailles. L’un d’eux me regarda et me balança :

— Toi, bâtard t’es mort.

Mais il se prit très vite une giclée de bombe lacrymogène et un coup de matraque. Il tomba au sol et fut menotté immédiatement. Pendant ce temps, les trois autres partaient en courant. Celui qui était à terre hurlait. Le capitaine lui maintenait la tête clouée au sol avec son genou. Il me demanda :

— Monsieur, est-ce que vous souhaitez déposer plainte ?

— Ben je sais pas ! mais la jeune dame que vous voyez là a été agressée et frappée. S’il le faut, je peux témoigner.

Comment peut-il me demander de porter plainte face à un mec qui m’écoute, me regarde, et qui de plus, veut me tuer !

Je restais assez mitigé pour le coup, mais le policier me dit cette phrase fatidique :

— Sinon ça sert à rien que je l’arrête, autant le relâcher de suite !

« Gucci », qui était à terre, grogna.

— Fais ta prière sale bâtard.

Julie était totalement apeurée, mais me contemplait comme un chevalier des temps modernes. Le capitaine me demanda ma carte d’identité pour me convoquer plus tard au commissariat. L’homme à terre ne pouvait me regarder et j’espérais vivement qu’il oublie mon visage. Pendant que le capitaine le maintenait bloqué au sol avec son genou sur son cou, les mains accrochées dans le dos avec des serflex, les deux agents des forces de l’ordre relevaient les identités des autres voyageurs pour une éventuelle déposition.

Une fois la question des papiers réglée, nous descendîmes de la rame et sortirent du métro. Julie se blottit contre moi et je la rassurai.

— Ne t’inquiète pas, nous allons continuer en bus.

Il restait quelques stations avant d’arriver dans la capitale. Je dois dire que cet incident nous avait quelque peu refroidis, mais je parlais à Julie et essayais de la faire rire pour détendre l’atmosphère.

Au coin de la rue, je découvris un restaurant avec des bougies sur les tables. Le menu était à notre goût et le prix me paraissait tout à fait raisonnable pour un jeune chômeur comme moi. Nous nous installâmes sur une table tranquille. Nous étions tous les deux comme La Belle et le Clochard. L’incident était clos. Je regardais Julie dans les yeux et j’écoutais toutes ses petites misères.

Au moment du dessert, je mis ma main sur la sienne, qu’elle retourna pour prendre la mienne. Elle s’approcha et me déposa un baiser sur la bouche. J’en serais tombé de ma chaise. Je lui bafouillai un « merci ». Quel imbécile je suis ! Mais c’était ma princesse.

— Tu sais Julie, mon rêve serait de partir sur un grand voilier, en Grèce, où il fait toujours beau, et de vivre de pêche, d’amour et de coca light.

Elle éclata de rire.

Dans l’après-midi, j’avais acheté un collier. Une petite roue de voiture en or avec au centre un diamant. Enfin, un zircon. C’était une création du bijoutier, qui m’avait assuré que cette roue était unique au monde, tout en me précisant que c’était un superbe cadeau.

C’était le bon moment. Je décidai de me lancer et de le lui offrir.

Je lui tendis la boîte en velours noir. Elle me regarda avec surprise. Ses yeux brillaient. De suite, elle le mit à son cou.

— Avec ça, je suis sûre d’avoir mon permis du premier coup. J’en ferai mon porte-bonheur.

Ensuite, après avoir dégusté notre île flottante, je la rassurai en lui disant que j’allais appeler un taxi pour la raccompagner chez elle.

En quelques secondes, grâce à cette magnifique application, un taxi se présentait. Nous nous engouffrâmes dedans et je lui donnai une adresse à La Courneuve.

À peine avions-nous parcouru quelques kilomètres que l’on découvrait sur la gauche une immense roue et un grand parc d’attractions. Julie le regardait avec les yeux pleins de bonheur.

— Paul, j’adore faire du manège, tu ne veux pas qu’on y aille ?

Moi qui ai horreur de ça je m’entendis lui répondre :

— J’en rêvais.

Alors je demandai au chauffeur de nous déposer ici.

— Combien je vous dois ?

Le chauffeur faisait un peu la gueule, car effectivement il n’y avait que 8 € à son compteur. Je lui donnai 20 € pour sa peine en me disant que je mangerais des pommes de terre dans les jours à venir.

Nous sortîmes du taxi et nous dirigeâmes presque en courant vers cette féerie de lumières. À peine arrivée, Julie prit une barbe à papa.

— Viens ! on va faire la pieuvre !

— Chouette, balbutiai-je.

Julie m’entraîna dans la file d’attente puis elle sauta dans le premier wagon disponible. Je m’arrêtai avec un petit temps de réflexion, mais elle me prit la main et me projeta à l’intérieur de cet engin, finalement assez proche du mien. Sauf que là, c’est quelqu’un d’autre qui pilote. Je me calai au fond du siège et Julie vint se blottir contre moi. Les lumières clignotaient et tournaient dans tous les sens. La musique vrombissait de plus en plus fort avec des basses à en faire vibrer le kiosque de notre engin. Tous les gens étaient bien installés et surexcités. Moi pas du tout. J’étais plutôt tétanisé à l’idée de me retrouver secoué comme une salade dans son panier. D’autant qu’après l’agression de la veille, mes côtes et mon poignet me faisaient souffrir, même si je me gardais bien d’en parler à Julie.

Tout doucement, le manège s’ébranla puis rapidement il se déplaça sur son axe en X. Là, je me sentis partir dans une inversion des sens. Nous repartîmes dans le sens Y à une vitesse supérieure. Mon cœur se serra. Julie criait et semblait adorer ça. Moi je devais être blanc comme un linge, et je dus me concentrer pour ne pas m’évanouir. J’ai horreur de cette sensation. Puis l’engin se déplaça en Z. Nous montions vers les cieux. C’était encore pire. J’essayais de faire bonne figure et je me cramponnais en me disant qu’il ne restait plus que trois minutes à tenir. Nous étions bringuebalés dans tous les sens à une vitesse folle. Les lumières nous aveuglaient, la fumée nous déstabilisait dans l’espace et c’était une vraie appréhension pour moi. La musique rugissait de plus en plus fort et j’eus même l’impression que le rythme s’accélérait. Je m’agrippai à mon siège. Je ressentis alors comme une piqûre sur le front. Je posai ma main et m’aperçus que je saignais. Mais comme j’étais obnubilé par le déplacement de l’attraction, je ne fis pas trop attention. Puis cela me piqua à nouveau sur la joue.

Ça me saoulait et ça me faisait surtout très mal. Je touchai à nouveau et je sentis cette fois quelque chose de dur. Je venais de recevoir un plomb. Un diabolo comme il y en a dans les fêtes foraines. Très vite, je compris que l’on nous tirait dessus. Je protégeai mon visage et fis signe à Julie de faire de même. Nous étions l’objet d’un tir de fusil à plombs. L’expression de Julie changea. Elle prit conscience qu’il se passait quelque chose d’anormal. Nous étions des cibles mouvantes.

Notre soucoupe volante commença à revenir sur terre, à ralentir. Elle ne tournait plus sur elle-même ce qui me permit de regarder autour de nous. Mais dans cette foule, impossible de voir qui était le tireur.

Mon blouson était criblé de petits plombs.

— Partons vite, dis-je à Julie.

Elle me regarda, interrogative. Je lui montrais le plomb dans mes doigts et lui expliquais. Je la pris par la main et l’emmenai en direction de la sortie. Nous marchions rapidement parmi les stands et les manèges. Chaque œillade devint suspecte, mais impossible d’identifier le tireur. Une seule chose comptait alors. Nous mettre à l’abri. À la sortie du parc, je reconnus aussitôt les trois hommes montés dans le métro avec nous plus tôt dans la soirée. Nous nous retrouvâmes face à eux à 1 h du matin, dans une rue un peu déserte, livrés à notre destin…

L’un des individus extirpa une arme et j’identifiai un pistolet à plomb. C’était bien lui le tireur. Le plus grand d’entre eux s’approcha. Il portait des baskets blanches.

— Tu es loin de chez toi, on va te ramener. Et puis en passant par le commissariat tu vas retirer ta plainte contre mon pote et comme ça tout se passera bien. Sinon ta petite pute aura des problèmes.

À ce moment-là, une grosse voiture noire type Mercedes s’arrêta à notre hauteur. Une portière s’ouvrit et nous fûmes invités à monter.

— Pas de souci, je vais enlever ma plainte, lui répondis-je.

Je n’avais de toute façon pas le choix. Nous grimpâmes dans le véhicule.

Les portes de l’enfer venaient de se refermer.

Les caves de l’enfer

Nous sommes montés dans cette magnifique Mercedes, un peu contraints, mais nous nous sommes assis dans de gros fauteuils en cuir confortables, il faut le reconnaître. Le chauffeur, que j’appellerai « casquette blanche », ne disait rien. Celui qui était à côté de nous, « Gucci », nous surveillait. Les portes étaient verrouillées et il était impossible de fuir. Le chef, que j’appellerai « Louis », car il avait toute la panoplie Louis Vuitton sur lui, nous parlait gentiment, sans la moindre brutalité. Je dois dire que j’étais un peu confiant. Julie était blottie contre moi et me tenait la main. Elle ne se sentait absolument pas à l’aise. J’essayais de la rassurer avec mes mots, en lui disant que dans une demi-heure tout cela serait fini. Une fois ma plainte retirée, nous pourrions aller boire le champagne que j’avais préparé aux frais à la maison.

La voiture roulait sur l’autoroute A3 en direction de Bobigny. « Louis » m’expliqua ce qui était prévu.

— Nous allons aller au commissariat de Bobigny. Tu vas leur déclarer que finalement tu as mal vu et que ce ne sont pas eux qui vous ont agressé dans le bus. Puis après avoir signé les papiers, tu ressortiras avec, et mon chauffeur t’attendra devant avec la demoiselle pour vous ramener chez vous.

Le deal me parut correct.

— Oui pas de problème.

La nuit était fraîche, la lumière jaune de l’autoroute faisait un effet stroboscope sur les fausses lunettes Ray-Ban made in China de « Louis ». En arrivant sur le grand parking, la Mercedes fit demi-tour, prête à repartir. La porte s’ouvrit.

— Vas-y, c’est à toi de jouer on t’attend.

Je descendis de la Mercedes et me dirigeai vers le policier de garde. Celui-ci s’avança vers moi.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— Je viens retirer une plainte que j’ai déposée cet après-midi, car je me suis aperçu que les individus qui m’ont agressé dans le bus ne sont pas ceux que j’ai déclarés.

Le policier comprit le manège et appuya sur le bouton pour déverrouiller la porte et me faire entrer. À peine dans les locaux je vis la grosse Mercedes noire démarrer et repartir. Les plans avaient changé. Normalement, ils devaient m’attendre pour me ramener. Je ne m’inquiétais pas, car ils guettaient ce fameux document. Je patientais dans une pièce où chaque personne venait expliquer son cas. La première s’était fait voler sa moto, la deuxième, son portefeuille dans le métro, la troisième avait été victime d’un car-jacking, et les deux filles avaient été violentées à la sortie d’une boîte de nuit. Le train-train de la police.

Après 45 minutes d’attente, une jeune inspectrice très jolie me dit de l’accompagner au premier pour écouter ma seconde déposition. La jeune policière m’écouta attentivement, me sourit et me demanda :

— Monsieur, parlez-vous sous la contrainte ?

— Ma chérie est retenue dans leur voiture. Si je ne reviens pas avec le document, nous risquons de gros ennuis.

J’ajoutai :

— Ne cherchez pas à me convaincre. Ils ont été plus forts. Je leur donne leur papier et je rentre chez moi avec ma chérie finir mon champagne.

Puis je terminai d’un air amusé.

— Ne vous inquiétez pas, dès demain vous trouverez un autre motif pour les appréhender.

Résignée, elle me fit signer une décharge. Quatre feuilles, qui me rendaient ma liberté et surtout, celle de Julie, qui devait bien angoisser auprès d’eux dans la voiture.

Au moment de partir, je signalai quand même à la policière d’un ton ironique :

— Je vais les rejoindre, à la cité des Barbes, à La Courneuve. C’est ici qu’ils m’ont donné rendez-vous. Je vous préviens au cas où demain matin on me retrouverait dans le coffre d’une voiture, battu, torturé, et assassiné.

Mais la policière, tout à fait sérieusement, attrapa un registre. Le registre des mains courantes. Elle écrivit quelques lignes, signa, et me fit signer à mon tour. Moi qui disais ça en riant…

Je la saluai et partis de ce triste établissement. Je descendis les marches, passai devant cinq nouvelles personnes, qui attendaient leur tour, et me dirigeai vers le grand parking. Un scooter TMAX me guettait. Je m’approchai et le gars me donna un casque.

— Nous avons raccompagné ta copine, car elle pleurait. Donc pour qu’elle nous foute la paix on l’a déposée chez elle à Vincennes. Comme elle n’a plus de batterie, elle t’appellera plus tard après avoir mis son téléphone en charge.

Je t’emmène chez « Louis » pour que tu lui donnes le document en main propre.

J’étais assez content que tout se passe correctement. Finalement, ils étaient fiables. Je m’accrochai aux deux petites poignées à l’arrière et il démarra comme un fou au nez de la police. Je me tenais fermement, car les limitations étaient à peu près dépassées du double à chaque instant, et je commençai à me demander si nous allions arriver vivants. Au grand carrefour, le feu passa à l’orange. 300 m avant, mon chauffeur accéléra. Le feu vira au rouge et nous le franchîmes à 130 km/h au moment où les autres voitures étaient censées s’engager. Je me dis « c’est la fin » et là, coup de bol, aucun véhicule ne démarra. Deux conducteurs étaient en train de s’engueuler devant le capot de la voiture.

Nous roulâmes une quinzaine de minutes avant d’arriver dans la grande cité. Le scooter commença à respecter les vitesses. Il ouvrit son casque et me dit :

— Oui, ici il y a des règles. Il y a de jeunes enfants qui jouent, même la nuit ; je ne voudrais pas qu’il y ait un accident.

Le TMAX noir se gara devant un grand bâtiment de dix-sept étages. Le Bâtiment G.

— Suis-moi.

On se serait cru dans un western. Quand la cavalerie rentre dans un canyon et que tous les Indiens font des signes de tous genres pour alerter la population. Ici, c’était pareil. Des sifflets, des cris d’oiseaux, des SMS, tout était fait pour prévenir l’arrivée, soit du chef, soit de la police. Je suivis tranquillement Momo. Puisqu’il s’appelait ainsi. Sous la vigilance de ses compagnons d’armes, assis en faction un peu partout autour de l’entrée, des garages, et moi le suivant, tête basse pour ne pas recevoir d’insultes ou être caillassé.

Nous descendîmes la rampe avant d’arriver dans une grande allée distribuant, des portes de garage d’un côté, et de l’autre des portes de cave. C’était une sorte de ville souterraine où des individus jouaient, buvaient, fumaient et même baisaient. À la porte n° 6, il y avait la queue comme à la Sécurité sociale. Les gens attendaient patiemment leur tour pour je ne sais quoi.

Momo me fit entrer dans une cave, où il y avait une table avec trois mecs assis qui parlaient en arabe. Un flingue était posé sur la table, parmi des paquets de chips et beaucoup d’argent empilé. Je compris que là, on réglait de multiples affaires a priori non autorisées par notre Code civil. Ils me firent signe de m’asseoir, et c’est là que le ton changea. Je demandai où était Julie.

— T’inquiète, elle va bien. Elle commence à payer sa dette.

Surpris, je demandai :

— Comment ça « à payer sa dette » ?

L’un d’entre eux se lança dans une grande explication.

— Déjà, tu nous fais perdre notre temps, tu nous dénonces à la police, on se retrouve en garde à vue, tout cela a un coût. Et on considère que vous nous devez 52 000 €. C’est pour ça qu’on a mis Julie au travail. Elle commence à rembourser, 20 € par passe. Je sais que ça va prendre du temps…

D’un bond je me levai et l’attrapai par le col de sa djellaba.

— Si tu touches à ma femme, je t’explose la gueule.

Direct je reçus un coup de crosse à travers la figure qui me mit KO. Je me retrouvai dans un trou noir, une sorte de coma.

Je me réveillai dans un local sombre avec une cagoule noire à l’odeur nauséabonde, qui me donna envie de vomir. J’entendais des rires, des cris, des coups de feu. On ne peut imaginer ça à quelques pas de nos maisons. Je restai ainsi un long moment quand tout à coup la porte s’ouvrit. Ils m’attrapèrent. J’avais les mains attachées dans le dos. On me sortit de ma cage pour rejoindre la pièce où les gens faisaient la queue. La fameuse salle n° 6 entraperçue plus tôt. Une pauvre fille était ligotée sur une table, sur le ventre, les mains liées devant, les chevilles attachées à chaque pied de la table, sa robe soulevée, la culotte baissée à hauteur des genoux. Chacun leur tour, ils venaient prendre la pauvre femme quelques minutes. Elle ne bougeait plus, ne pleurait pas, ni ne parlait, ni ne criait. Elle restait totalement inerte. Je fis un malaise quand je compris qu’il s’agissait de Julie, dans cette tenue, sur cette table, ravagée par ces monstres. Chacun donnait son billet de 20 €. Et celle qui tenait la caisse précisait bien « on ne rend pas la monnaie ».

J’étais encore sonné et n’eus pas la force d’essayer de la libérer. Djamel commença sa thèse de mathématiques.

— Elle fait une passe de cinq minutes pour 20 € donc 52 000 € divisé par vingt, ça fait 2 600 passes ; à raison de cinq minutes par passe, ça devrait faire à peu près dix jours. Et dans dix jours, comme elle ne sera plus bonne à rien, on la donnera aux chiens. Oui, nous avons des chiens de combat, et la chair humaine les rend très agressifs. Et on peut encore gagner beaucoup de sous sur les combats. Nous aussi on est dans le recyclable, on préserve la planète. Tu vois, vous payez votre dette et nous sommes quittes.

Des larmes roulaient sur mes joues, et je ne pouvais rien faire, si ce n’est le regarder dans les yeux, et lui promettre que je reviendrais tous les buter.

Ce à quoi il répondit dans un sourire :

— On ne laissera aucune trace. Toi demain, tu vas être coulé dans la tour BNP à La Défense à 6 h. Tout est prévu pour toi. On ne te retrouvera jamais et si tu es coopératif d’ici là, tu as une balle avant d’être enseveli dans le béton. Sinon il n’y aura pas de balle.

J’entendais l’espèce de saloperie qui disait « allez au suivant, on ne rend pas la monnaie » et qui prenait les 20 € à chaque fois. J’agonisais de douleur face à mon impuissance.

Ensuite, ils m’emmenèrent dans le coffre d’une grosse BMW garée au cinquième sous-sol de leur immeuble et j’entendis un des hommes suggérer « mets-lui un coup de taser, ça le fera dormir, car il va rester là tout le week-end. On ne l’emmènera que lundi matin pour se faire couler. On va quand même pas faire des heures sup ! »

Au moment où le taser me touchait, je sentis mon cerveau se déconnecter de moi. J’étais comme en déréalisation. Hors de mon corps. Ma tête heurta le coffre de la BMW, et je m’écroulai avec l’impression que mon cœur s’arrêtait. J’eus la sensation de partir, c’était la fin.

Ma dernière pensée fut pour Julie que je ne pourrais pas venger. Mon corps s’enroula comme celui d’un fœtus, j’étais dans le noir total, avec peu d’oxygène, aucun bruit.

Ma lente descente vers la mort commençait ici.

Salle de contrôle du cerveau S2C

Je suis dans le comfortably numb, un doux état comateux, dans lequel je me sens bien. Je suis comme dans un toboggan de lumière tout blanc qui descend en tourbillons, et je me laisse aller, tellement je suis bien. Comme après avoir bu quatre bières. Je descends, et plus je descends, plus la lumière devient blanche et aveuglante. Je glisse sur le dos, mais sans aucun frottement. Je suis aspiré vers le fond, me sens tout léger. Les tourbillons n’en finissent pas. Puis je suis soudainement freiné et je me vois tomber au ralenti. Sans me faire mal, je tombe sur ce parterre blanc, moelleux comme du coton. J’ouvre les yeux et force est de constater que la mort est bien étrange. Je me retrouve dans une immense salle, emplie de gens sans visage qui sont sur des consoles, avec des voyants partout. Je ne sais pas s’il s’agit du paradis ou de l’enfer, et personne ne me prête attention. Moi qui viens d’arriver par un énorme tuyau blanc, je me relève doucement et regarde ce qui m’entoure, émerveillé par toute cette blancheur, par tous ces gens qui travaillent dans un silence de mort. Tout est immaculé, tout est beau, lumineux.

Ces créatures sont surprenantes. Elles ont la forme humaine, mais pas de visage, ou alors un même masque blanc.

Un homme se dirige vers moi. Difficile de me rendre compte s’il est hostile ou pas. Je lui souris, un peu hébété, et lui demande :

— Mais où suis-je ?

— Vous êtes dans votre conscience. Vous savez, vous avez de la chance. Personne ne peut venir ici. Vous avez été pris par erreur. Plusieurs facteurs réunis font que vous avez pu prendre le tunnel de lumière. L’électricité du taser, le choc de la voiture contre votre tête, le manque d’oxygène. Votre conscience vous a ouvert la porte du 3C (Centre du Contrôle du Cerveau). Alors, dites-vous bien que vous n’êtes pas mort. Là-haut, vous êtes dans le coma. Irrécupérable. Mort cérébrale. En réalité, vos circuits sont déconnectés des machines. Imaginez un PC qui contrôle une usine. Quand on veut faire la maintenance dans l’usine, on arrête le PC. Eh bien, vous, vous êtes en maintenance. Sauf que le PC marche très bien. On va donc en profiter pour refaire le BIOS. Enfin, votre conscience, le réglage de votre âme. Disons vos facultés cérébrales. Mais ici, vous allez très bien. Pas d’inquiétude. Je ne dis pas que vous n’aurez pas mal à la tête en revenant chez les conscients. Nous pourrons vous faire revenir à la vie terrestre dans quelques heures, mais pour l’instant, vous devez absorber le choc et vous reposer. Prenez une place confortable et détendez-vous.

Tellement surpris, je demande à cet homme :

— Puis-je vous poser une question ?

— Oui.

— Que font tous ces gens dans cette pièce ?

— Ce n’est pas une pièce, vous êtes dans l’hémisphère nord, côté sud, 3e district, session 4 de votre cerveau. C’est ici que l’on contrôle le corps. Je vois que vous êtes intéressé, si vous voulez, je vous fais une visite guidée des lieux. Alors, par où commencer ? Sur la gauche, nous nous occupons de la mémoire. L’être humain possède cinq types de mémoire : la mémoire de travail, la mémoire sémantique, épisodique, procédurale, et perceptive. Ici, nous pouvons régler les niveaux. Un individu normal est à 3. Il y a ceux qui apprennent des pages de Bottin pour s’entraîner et monter à 5. Les graduations vont pour le maxi à 30. Mais même les joueurs d’échecs comme Kasparov ne sont qu’à 7. Pourtant, leur mémoire est déjà très développée. En termes d’informatique, cela représente du deux gigabits de mémoire, là où les gens dits « normaux » possèdent l’équivalent de 128 mégabits. Pour faire une analogie avec des choses que vous connaissez certainement.

Combien souhaitez-vous ? 10 ? Pas de problème.

Il fait signe à l’opérateur de régler le niveau Memory à 10.

— Ici, vous avez des manomètres et nous ajustons l’intelligence propre à chaque individu, reprend-il. Vous êtes réglé à 5. Comme une grande partie de la population. Nous avons eu quelques personnes qui atteignaient 8 ou 9, comme Monsieur Einstein, ou Jésus Christ, mais c’est très rare.

Très surpris, je lui demande :

— Mais pourriez-vous pousser le curseur jusqu’à 20 ? J’ai en projet l’invention d’une machine volante, et plusieurs points me posent souci. Comme les batteries, les gyroscopes, les hélices. Il faut que j’améliore leur performance. Bon, ce ne sont que des plans, j’ai tout en tête, mais rien n’a encore été développé.

— Bien sûr ! Votre intelligence peut être comprise entre 0 et 32. Vous imaginez bien qu’à 32, vous auriez des facultés que vous ne soupçonnez même pas !

— Vous savez, je suis considéré comme mort et ma petite amie est certainement morte aussi à l’heure qu’il est, je veux bien faire l’expérience. Je n’ai plus rien à perdre. Réglez-moi sur 20 si c’est possible.

— Pas de problème.

Par un moyen télépathique, il fait signe à son ouvrier des neurones de mettre mon curseur à 20. Sur la partie droite de la pièce, c’est le réglage de tout ce qui est musculaire. Je lui demande à combien je suis. L’homme en blanc se penche vers la console, blanche également, et se retourne.

— Vous êtes à 3. Et vous savez, l’être humain le plus fort de la terre doit être à 6. Le genre de personne qui arrive à tirer des camions avec une corde.

Mes yeux brillaient d’impatience à l’idée d’avoir la force de faire tout ce dont j’ai envie.

L’homme reprend.

— Vous avez déjà entendu parler de ces femmes capables de soulever un camion pour sauver leur enfant ? Eh bien c’est réel. Dans un instant T, le cerveau envoie une impulsion de commande tellement puissante que ces femmes multiplient leur énergie. C’est très rare, mais cela peut arriver. Vous avez l’avantage, puisque vous venez ici, de pouvoir me dire à combien vous voulez que je le place.

— Eh bien mettez-le à 15.

— Pas de problème mon petit monsieur. Mais attention, vous devrez surveiller votre puissance. Une poignée de main pourrait broyer une batte de baseball en fer, vous imaginez ?

— Je comprends. Ne vous inquiétez pas, je ferai attention. Mais comme j’ai quelques petits comptes à régler dès ma sortie de coma, je préfère être en forme, lui dis-je avec un sourire amusé.

Cette expérience est vraiment extraordinaire. Je pense à Julie dans les mains de ces voyous, de ces monstres qui vont certainement la tuer.

L’homme blanc continue la visite et je lui donne mes instructions :

– Vision nocturne 25,
– Agilité 28,
– Détente musculaire jambe 25 (la puce saute 1 000 fois sa taille et elle a 30),
– Force pour soulever 25,
– Force pour taper 30,
– Endurance 30.

Devant la machine indiquant la performance sexuelle, je lui demande de régler sur 25. « Ça ne mange pas de pain… » Nous rions ensemble.

Après avoir changé une multitude de paramètres, je me sens apte à affronter ces monstres.

Pour l’instant, je suis toujours inanimé dans le coffre de la voiture et il ne reste plus que huit heures avant que l’on ne m’envoie me faire couler dans le béton.

Alors que la lumière me semble de plus en plus éblouissante, je passe dans le couloir de la raison. Du moins, c’est ce qui est indiqué sur la porte. J’entre dans cette pièce où trois femmes, ou homme, je dois dire que ce n’est pas facile à deviner, règlent les paramètres de ma conscience.

— Alors, que faites-vous ici ?

Sans se retourner, la chef du service me répond.

— Nous on s’occupe de votre raisonnement, de votre intelligence, de votre pitié, de votre indulgence, de votre façon d’aimer. J’ai envie de vous dire, de votre âme.

— Pour ce qui est de la pitié, vous pouvez la mettre à 0, mais pour le reste j’ai beaucoup de projets si je m’en sors, alors mettez le maxi.

Enfin, je pénètre dans une salle où se trouve un lit, blanc comme les murs, sans autre mobilier. Je m’allonge et m’endors aussitôt.

Sortie de coma

Le noir, le silence. Je dois être mort. Ce doit être ça la mort. Je ne vois rien, ça sent l’essence. Ma tête me fait mal, et je suis tout engourdi. Les souvenirs commencent à revenir. Ma Julie sur la table, qui ne bouge plus, et qui ne crie même pas. Le manège, les plombs, le métro… Puis le coffre de la voiture. J’ai les pieds et mains liés par des colliers de serrage. On en avait à l’usine pour attacher des palettes quand elles étaient cassées. C’est infrangible ce genre de plastique.

Il règne un silence de mort. Le visage de Julie, en pleurs, me revient sans cesse en mémoire.

Je suis là, comme dans un cercueil, il faut que je sorte. Mais comment ouvrir ce capot ?

Je me mis à quatre pattes, et en poussant sur mes genoux de tout mon dos, la serrure du coffre s’arracha et il s’ouvrit. Simplement. En poussant. Je me dis que cette Mercedes ne valait pas grand-chose.

Je ne voyais rien, mais une lampe de sécurité me laissa penser que nous étions dans un garage. Certainement dans la cité des dingues. Mes liens me coupaient les poignets. Alors j’écartai un peu les bras et hop ils cassèrent. Je me rendis compte que ma force était décuplée, ou peut-être que les Rilsan étaient usés, ou encore que ces liens avaient un défaut de fabrication.

Bizarre, comme le coffre de la Mercedes !

Je réussis à m’extirper du coffre malgré l’ankylose. Je me sentais bien. Je me sentais même très bien. Ce qui semblait étrange au regard de tout ce que je venais de traverser. Comme invincible.

Il faisait nuit et la petite lueur de la lampe de sécurité m’aida à trouver la sortie. Ma vision avait elle aussi changé. Ma vision nocturne s’était améliorée.

Il n’y avait personne.

Le silence régnait au cinquième sous-sol de l’immeuble. Je cherchais mon chemin pour quitter ce lieu malsain et retrouver un peu d’air frais. Sur ma gauche, j’aperçus une issue. Sans faire de bruit, je tirai la porte, qui grinça un peu, et empruntai l’escalier qui montait vers la liberté. Je grimpai les étages quatre à quatre, mais en douceur, comme un chat.

Passé la dernière porte, j’atterris au milieu d’un square entouré de gigantesques barres d’immeubles. Ma montre était cassée. Impossible de connaître l’heure. L’endroit était désert. Je marchai naturellement le long de l’immeuble. C’est à ce moment que je reconnus l’entrée du parking. Il y avait un guetteur, avec un pistolet. Je ne sais pas ce qui me prit, je décidai de lui piquer son jogging, sa cagoule et son flingue. Je m’approchai de lui. Il me regarda, méfiant, et pointa son arme vers moi. Arrivé près de lui, je lui demandai à la façon de Schwarzenegger :

— Je veux ton survêt, ta cagoule et ton pistolet.

Il jeta son mégot devant moi, l’écrasa avec sa basket Vuitton.

— Dégage ou je t’écrase toi aussi.

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, que mon poing s’enfonçait dans sa cage thoracique. Je sentis quelque chose d’humide et m’aperçus que mon poing avait traversé non seulement son jogging, mais aussi sa peau et sa cage thoracique. Je pris alors conscience qu’il fallait vraiment que je mesure ma force. Le gars tomba raide mort à mes pieds. Je récupérai quand même le vêtement, la cagoule et le pistolet avant de rejoindre tête baissée l’endroit où les gens faisaient toujours la queue. Je m’insérai dans la file et attendis, comme les autres, prêt à dégainer mon arme. Julie était toujours là, inerte. Il restait deux hommes devant moi, qui patientaient pour la baiser. L’espèce de pouffiasse continuait son monologue « je ne rends pas la monnaie ». Quand vint mon tour, je compris de suite qu’il ne s’agissait pas de Julie, car en haut des fesses de la fille il y avait un tatouage. Peu importe, je pris mon arme et tirai sur la pouffiasse. Le guetteur dégaina lui aussi son pistolet. Je lui plantai une cartouche entre les deux yeux. Trois autres hommes arrivèrent entre-temps. Je me cachai derrière la table et leur logeai chacun une balle dans le genou. Ma vitesse fut si rapide qu’on entendit comme une rafale. Une fois les trois à terre, je sortis. Je jetai un œil pour voir si j’apercevais Julie, mais il n’y avait plus personne. Tous ceux qui restaient étaient allongés par terre, ne bougeant plus ou tremblant de peur. Je n’étais pas identifiable avec ma cagoule alors je sortis tranquillement.

Ensuite, je tournai à droite, dans la grande rue. Les halls d’immeubles étaient éclairés et devant la deuxième entrée, se tenaient des hommes cagoulés qui discutaient en fumant du shit. Je m’approchai d’eux comme si de rien n’était, et les saluai pour leur montrer que j’étais de leur clan. Malheureusement, cela ne suffit pas et l’un d’entre eux me demanda avec son accent bien à lui « Eh ! T’es qui toi ? »

Je préférai ne pas répondre et accélérai le pas puis me mis à courir.

Je me fis peur tout seul, car la vitesse à laquelle je courais frôlait celle des mobylettes trafiquées avec gicleurs de 6, soit environ 90 km/h. Après une minute de course, j’étais déjà loin. Je m’arrêtai, sans être essoufflé ni avoir mal aux jambes. Je repris une marche tranquille. Pour avoir repéré le quartier dans lequel nous étions, je savais être à vingt minutes à pied de chez moi. Je n’avais aucune envie de prendre les transports. Je préférai rentrer discrètement à la maison et me faire oublier un temps. En marchant, je pensai continuellement à Julie.

Qu’est-elle devenue ?

Est-ce qu’ils l’ont tuée ?

Est-ce qu’il y a encore une chance de la sauver ?

Ces prochains jours seraient très importants dans ma recherche, et surtout dans ma quête de vengeance.

Il était 6 h du matin et enfin, je rentrai chez moi.

Je vis seul dans cette maison dont j’ai hérité il y a deux ans. C’est un pavillon de banlieue en meulière. Quelques marches pour arriver dans l’entrée, à gauche une petite cuisine, à droite mon salon. À l’étage, ma chambre et en face un bureau. Tout meublé chez Ikea avec des murs peints en blanc.

Je me fis un chocolat chaud et mangeai un brownie, puis je m’écroulai sur mon lit et dormis presque vingt-quatre heures.

Un rayon de soleil emplit la pièce et vint me chatouiller l’œil gauche. Comme je ne supporte pas la lumière au réveil, je fus contraint de me lever.

Je passai devant mon bureau, où les plans du karting que je suis en train de mettre au point attendaient. Une illumination affleura mon esprit : ce n’est pas un karting que je vais fabriquer, mais un Airkart. J’avais la base et mon cerveau analysa en quelques secondes les modifications à apporter pour qu’il devienne un karting volant.

Je pensais toujours à Julie. Que j’espérais encore vivante.

Cela me motiva pour me mettre au travail rapidement. Je m’installai à mon bureau et commençai à faire évoluer mon karting. Mon esprit travaillait à cent à l’heure et je ne compris pas comment toutes ces idées me venaient.

Les quatre roues de mon Airkart permuteront à l’horizontale et viendront pour chacun des rotors et je les monterai une à l’endroit et l’autre à l’envers ce qui me fera huit pales. Pour un décollage vertical, les gaz du moteur rentreront dans le turbocompresseur, ce qui donnera une poussée avant pour atteindre des vitesses vertigineuses, le tout enfermé dans du carbone en nid d’abeille multicouche avec refroidissement par huile de ricin. C’est ce qui me donnera une norme absolument silencieuse.

Il ne me fallut pas moins d’une heure pour faire le schéma de mon engin volant. Les plans étaient sur la table, il ne me restait plus qu’à le mettre au point. J’attrapai mon ordinateur et allai sur Amazon commander les pièces dont j’aurais besoin pour le réaliser, pour être livré au plus vite.

Je refermai le PC et descendis dans le jardin. Sur la gauche, un garage, dans lequel mon karting reposait sur des tréteaux, prêt à être monté. Je le regardai et tout de suite, je l’imaginai. Mes yeux virent les pièces s’assembler comme dans un film d’images de synthèse en 3D. Dans ma tête, il se dessinait, tout noir, très design