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"Les hurlements des silencieux – De la métropole à Mayotte" relate le parcours d’une professeur de français des Arcs à Mayotte. Il évoque les joies et les succès pédagogiques, mais aussi les épreuves partagées avec ses élèves au fil des ans. La souffrance et la violence de ces expériences résonnent en
Françoise Boronat Marchand, qui doit pourtant faire face à la difficulté de ne pas se laisser submerger par l’émotion.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Durant de nombreuses années,
Françoise Boronat Marchand a exercé en tant qu’enseignante dans un centre d’apprentissage. Une opportunité à Mayotte l’a conduite, avec sa famille, à quitter la Métropole pour intégrer le collège de Koungou, où elle a vécu quatre années enrichissantes. De retour en France, l’écriture est devenue pour elle un besoin, une forme de libération.
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Françoise Boronat Marchand
Les hurlements des silencieux
De la métropole à Mayotte
© Lys Bleu Éditions – Françoise Boronat Marchand
ISBN : 979-10-422-3640-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
J’ai commencé ma vie d’adulte en rencontrant Alain qui était sous-marinier à Saint-Mandrier. Lors d’une soirée organisée par mes élèves de l’époque, nous tombons amoureux dès le premier soir et depuis nous ne nous sommes plus quittés. Nous nous sommes mariés deux ans après, il quittera la marine ensuite pour rentrer à l’EDF où il fera carrière. Nous aurons deux magnifiques filles qui deviendront rapidement nos raisons de vivre. Nous achetons assez vite une maison que nous modernisons. Nous y passerons la majorité de notre vie. Nous y serons très heureux tous les quatre, mais également lorsque la famille et les amis viendront nous rendre visite.
Par chance, mais aussi grâce à nos choix, notre vie se déroule plutôt pas mal et dès que le prêt de la maison a été payé, nous décidons de partir, tous les deux ans, en voyage autour du monde, tous les quatre. Nous y construisons peu à peu nos meilleurs souvenirs et avons fait de nos filles, deux voyageuses, aventurières, mais prudentes, à l’esprit ouvert sur les rencontres et les découvertes.
Nos destinations sont multiples et toutes différentes : Le Maroc, la Tunisie, différents pays du sud de l’Afrique, le Sri Lanka, les départements des Caraïbes, la Guyane, l’Italie, l’Espagne… Dans chaque lieu, nous créons des liens solides avec nos hôtes et nos guides. Les voyages ce sont surtout des rencontres : les habitants de tous ces lieux nous apportent tous, quelque chose de précieux qui nous construit.
L’Afrique reste pour tous les quatre le voyage de notre vie ; grâce aux paysages d’abord, tous différents en fonction du pays, mais qui nous offrent l’impression toujours de nous retrouver à l’origine de l’humanité. Nous admirerons les villes et villages dans lesquels nous ne faisons que passer pour nous ravitailler.
Nous allons à la rencontre des animaux mythiques de la savane qui vont nous époustoufler : les girafes majestueuses, les troupeaux de zèbres et d’antilopes, sans parler bien sûr des éléphants que l’on peut regarder jouer des heures au parc Chobé ou que l’on aperçoit suivre nos canoës sur les rives du Zambèze. Nous admirons les crocodiles, les rhinocéros, ou encore les hippopotames qui tous nous impressionnent, mais que nous cherchons sans cesse à découvrir. Nos préférés sont les léopards, magnifiques félins, joueurs, mais si agiles. Nous adorons les lions bien sûr, nous les verrons chasser ou encore se reposer sous le soleil, traqueurs élégants et parfois tellement paresseux.
La population que nous rencontrons dans chaque pays traversé va nous toucher. Par ses sourires, son évidente gentillesse. Ils nous impressionnent petits et grands par leur capacité de marcher sur des kilomètres sans sembler être fatigués. Leur dénuement nous émeut également et sera peut-être à l’origine du besoin d’aider les autres qui fera que Lisa deviendra infirmière.
Nous garderons dans le cœur l’ambiance créée dans ce groupe constitué de personnes de plusieurs nationalités, guidé par Ed. Il sera notre pilote du camion équipé dans lequel nous ferons les 5000 km de la corne du sud du continent. Il sera notre super cuisinier aussi, et organisera les soirées autour du feu en préparant de super repas. Nous passerons des heures à admirer les couchers et levers du soleil. Les étoiles plus visibles dans cette véritable obscurité. Nous aimerons même les nuits parfois très froides dans les tentes que nous montons et démontons chaque jour. Une véritable aventure que nous vivons pleinement tous les quatre, mais aussi en compagnie et en harmonie avec les autres voyageurs.
Nos filles sont comme nous, toujours partantes pour faire le tour du monde. Nous leur avons transmis la volonté et la force d’être indépendantes et de vivre leurs rêves sans se faire envahir par des préjugés. Elles ont toujours bien voyagé, dans la bonne humeur. Notre mot d’ordre, profiter de chaque moment de ces excursions. Tous ces instants partagés, ces fous rires, ces émerveillements devant les chutes Victoria en Zambie ou bien lorsque les girafes traversent l’horizon écarlate. Mais ces doutes aussi quelquefois, les nuits froides en tente, sur une île du Zambèze entourés de buffles et d’éléphants ou cette autre fois, quand ces militaires en armes font descendre Alain du véhicule à la frontière entre le Malawi et le Mozambique. Tout ceci a créé des liens très forts entre nous et nos enfants. Chacun prend soin et s’inquiète des autres, tout en laissant à tous, la liberté de ses choix. Bien sûr, en tant que parents nous avons posé des règles à nos enfants pour qu’elles grandissent respectueuses des autres et d’elles-mêmes.
Je me suis longtemps posé une multitude de questions pour lesquelles je n’ai trouvé aucune réponse ou presque en fin de compte.
Comment comprendre la nature humaine si complexe ? Comment peut-il exister des êtres doux et généreux qui n’ont pas d’autres objectifs que de vivre heureux et de faire le bien autour d’eux ? et d’autres, si sombres, dont l’âme est emplie de perversions ou d’indifférence et qui propagent la souffrance ?
Mon existence m’a donné l’occasion de croiser le chemin de personnes qui m’ont aimée et protégée, mes parents d’abord ce sont mes piliers. Instituteurs tous les deux, remplis d’amour et d’empathie. Ils ont fait de mon enfance auprès d’eux et de mes deux sœurs, une période magique. Mon amoureux ensuite, avec qui je me sens toujours en harmonie depuis que nous vivons ensemble et bien entendu, il y aura d’autres personnes magnifiques faisant partie de la famille, ou du cercle de mes amis, qui éclaireront mon chemin de vie.
Mais malheureusement, j’ai rencontré également, depuis mon plus jeune âge, de bien mauvaises personnes qui ont obscurci et compliqué mon parcours.
Ce sont contre ces effrayantes expériences que j’ai toujours voulu protéger mes filles, parfois, je l’avoue, de façon un peu excessive. C’est pour cela, je ne leur ai jamais caché que les humains ne sont pas tous gentils et honnêtes et que faire confiance doit prendre forcément du temps.
Toutes les religions, pour expliquer cette dualité dans l’espèce humaine, évoquent les concepts du bien et du mal, des anges et des démons. Mais pour ma part, il y a bien longtemps que je suis persuadée que nul Dieu, s’il y en existait un, ne supporterait que les Hommes aient à supporter autant de douleur, de noirceur sur cette terre. Je pense, pour ma part, que les humains sont livrés à eux-mêmes et qu’ils sont les seuls à pouvoir agir sur le monde et le rendre meilleur, que l’éducation est primordiale. Mais pour cela, il faudrait que chacun revoie ses priorités : le pouvoir, l’argent et la sexualité ne devraient pas diriger nos esprits et nos vies. Et pourtant…
Tais-toi ! Tais-toi je te dis ! sa main maigre et osseuse serre mes lèvres, les pince, il me fait mal des larmes coulent sur mes joues, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je ne dirai rien, jamais. J’ai tellement peur de lui, de son regard glacial, de ses menaces. Je n’ai que 5 ans, que pouvais-je faire ? Pourquoi les plus grandes douleurs restent-elles silencieuses ? alors que les moments de fêtes et de joie sont souvent bruyants et exubérants ?
Lorsque nous avons décidé en 2019, non sans inquiétude, mais avec détermination de quitter notre zone de confort, ce fut une importante et folle décision, un véritable saut dans l’inconnu. Ce qui nous pousse à partir est multiple : une envie d’aventure et de découvertes encore et toujours. Un besoin de nous retrouver dans une nouvelle vie, de nous éloigner égoïstement, de ce qui nous pèse en métropole. En particulier pour moi, en plus de quelques soucis liés au travail, c’est la maladie d’Alzheimer de ma mère qui depuis peu la réduit à une coquille vide. Elle ne sait plus ni parler ni marcher, ses yeux autrefois si vifs sont totalement éteints. Il nous est aujourd’hui impossible de discuter, d’échanger, de nous reconnaître et de nous aimer. La voir ainsi, provoque chez moi une souffrance terrible qui me met souvent dans une rage incontrôlable. Je sais que cela est difficile à gérer pour toute la famille.
Nous laissons donc, nos repères, nos habitudes, nos lieux de travail, les amis, la famille pour partir vivre sur l’île de Mayotte située entre l’archipel des Comores, le Mozambique et l’immense île de Madagascar, dans l’océan Indien. Rien ne nous laissait présager de ce que nous allions découvrir dans ce dernier département français.
En effet, ce n’est pas le Département d’outre-mer le plus visité. Il n’est pas souvent une destination de vacances et d’ailleurs le territoire manque cruellement d’infrastructures touristiques. Il n’y a que peu d’informations ou de documentaires sur cet archipel formé de deux îles principales, petite et grande terre et de nombreux îlots.
Nous avons accepté cette aventure sans nous poser trop de questions. Nous avons toujours aimé nous confronter à différentes cultures, c’est certainement cet état d’esprit qui nous permettra de rester quatre ans à Mayotte. Open your mind. C’est ce que nous disait Ed, notre guide d’Afrique chaque jour et que nous gardons en tête à chaque voyage.
Nous fûmes tout d’abord, vraiment charmés, dès notre arrivée en petite terre : par l’océan majestueux vu du ciel, le littoral que nous apercevions de l’avion s’éclaire par endroits de plages très blanches, nous distinguons la barrière de corail qui borde toute l’île et la protège. Nous sommes émerveillés par la route qui part de l’aéroport et qui serpente jusqu’à la barge, elle est bordée de chaque côté par les flots si bleus du lagon, nous voyons très peu de maisons, certaines nous surprennent vraiment, elles sont faites de tôles et de bois, des constructions de fortune.
Puis vient le moment de l’embarquement obligatoire, pour effectuer la traversée vers Mamoudzou. C’est avec une curiosité bienveillante que nous découvrons, sur la barge, les Mahorais aux habits colorés, ils parlent haut et la plupart dans une langue incompréhensible pour nous : le shimaoré. Ils sont souriants dans l’ensemble, surtout les hommes, les femmes semblent plus réservées.
Nous ne savons pas sur qui ou sur quoi porter notre attention ; qui ou quoi regarder ?
Le paysage grandiose qui défile au gré de la navigation ou bien cet enfant tellement souriant dans les bras de son papa ? ou encore cette dame au visage couvert d’une espèce de masque de beauté jaunâtre. Nous saurons plus tard que ce masque appelé le m’dzinzano est fabriqué à base de santal, de corail et d’eau. Elle est habillée d’un salouva très coloré et sa tête est ornée d’un châle assorti, son allure élégante et lumineuse ressemble à celle des africaines que nous avions rencontrées lors de nos voyages ? et ici aussi comme en Afrique, tout nous surprend et nous enchante.