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Jeune infirmière au cœur de tempêtes émotionnelles, Ju’ fait la rencontre d’Ugo. À partir de ce moment, sa vie sans fard se métamorphose en un tourbillon d’émotions, une aventure palpitante, une montagne russe ouverte à tous les intrépides. Entre expériences, périples, mélodies vibrantes et histoires inoubliables, une saveur amère persiste pendant de longues années. Ugo, aura-t-il été l’homme tant espéré ou bien une énigme surestimée ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Jeune féministe,
Justine Lofoix a consacré 6 ans à l’écriture de cet ouvrage. Passionnée de poésie et curieuse des relations humaines, elle s’inspire au quotidien, accompagnée des vers envoûtants de Charles Baudelaire dans Les Fleurs du Mal. "Les mots de Ju'" naissent de l’alchimie entre réalité et imaginaire.
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Seitenzahl: 89
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Justine Lofoix
Les mots de Ju’
Roman
© Lys Bleu Éditions – Justine Lofoix
ISBN : 979-10-422-2134-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
6 heures : je me réveille ce matin la tête dans le brouillard. Un regard par la fenêtre, il pleut, le vent souffle, je dois me lever.
Ritualisée et automatisée, je bois mon café, sans entrain. Dans la rue, tout semble mort, la vie est absente ce matin. Un clochard s’abrite dans une entrée d’immeuble. « Il doit avoir froid », me dis-je. Je m’allume une cigarette, une odeur de caramel est alors expulsée de mes poumons. Je trace ma route, je dois aller travailler.
J’ouvre ces deux portes, après avoir enfilé ma blouse blanche, et mis mes émotions au placard comme il est souhaité. Je m’insère dans cette boîte sécurisée faisant office de service de crise psychiatrique. Je retrouve alors mon groupe de patients ; une mélancolique, un psychopathe, un schizophrène paranoïde, cette déficitaire qui me fait si peur et j’en passe. Je suis fatiguée. J’avance en direction du bureau afin de boire mon litre de café en espérant qu’il suffira à me tenir éveillée.
Il est l’heure, à 7 h 30, les collègues infirmiers quittent l’établissement. Je sors de mon bocal à blouses blanches afin de réveiller et stimuler mes patients, munie d’une voix, la plus douce possible.
J’aimerais les aider à avancer comme j’ai pu le faire à mon niveau, mais l’envie ce matin me manque. Je suis saoulée. Mes cernes sont repérés par l’un d’eux. « Souffle, et garde le sourire, tout le monde à l’autorisation de mal dormir enfin ! » pensai-je. Je garde un sourire de façade, opte pour un autre sujet et tourne finalement les talons en leur demandant comment leur nuit s’est passée. Ce tour de passe-passe, ou retournement de situation est régulièrement pratiqué par nous autres, les blouses blanches.
Les pauses cigarette sont longues et interminables, la nouvelle psychiatre pose de nombreuses questions, trop de questions. Elle débute. Cela fait deux jours qu’elle est arrivée, je peux comprendre, mais aujourd’hui je n’ai pas assez d’énergie pour le faire. Je suis fatiguée. Fatiguée d’expliquer, de positiver, de me concentrer, j’en ai marre de cette atmosphère pesante. Je veux partir, rentrer, me retrouver dans mon lit et ne jamais en sortir.
J’ai une boule qui pousse au fond de ma gorge. Je ne sais comment la faire disparaître. Elle grossit de jour en jour et m’empêche d’alimenter ce corps presque sans vie.
Une musique triste résonne en moi, mon regard se floute par moment. Je m’isole prétextant, je ne sais quoi puis repars dans le sens inverse. À ce moment, je me rends compte ; « c’est évident, les émotions ne veulent pas rester au placard… ». Mes professeurs me l’avaient pourtant juré à l’époque où j’étais étudiante infirmière, l’histoire ne devait pas se passer ainsi, m’avait-on menti ?
En entretien médical, j’écoute la patiente parler de sa tentative de suicide faite au début des années 2000. Elle a l’air triste, désemparée. Ce passage en psychiatrie, le deuxième de sa vie et probablement pas le dernier, aura à nouveau marqué sa vie. Mais les anxiolytiques sont là pour l’apaiser. « Donnez en moi aussi, je veux aller mieux, crie l’antre de ma personne, Je veux sortir de ce trou noir ! » Dans quelle situation me suis-je mise encore une fois ?
La patiente continue son récit. Elle ne peut s’arrêter de parler. La parole se libère, je pense que cela lui fait du bien. Je suis assise face à elle. Elle me regarde, et je lui souris. Je comprends, cela s’appelle l’empathie du soignant, quoique… le terme de sympathie serait peut-être plus approprié. À la fin de l’échange thérapeutique, le cours de la journée reprend. Je sors alors du bureau pour rebondir sur les autres histoires encore plus sombres et ce pour les 3 heures restantes.
Les pauses cigarette continuent de rythmer mon amplitude de travail. Quelques patients me sollicitent et je réponds de façon favorable à leurs attentes, à quoi bon parfois les frustrer. Certaines présences me rassurent en ce jour de pluie, mon binôme, ce grand garçon au sourire doux et à la gestuelle enveloppante, mon regard s’adoucit, mon non verbal se calme.
Mais soudainement, comme un coup de vent non attendu en plein mois de juillet, mon négativisme revient au galop, « Vivement la fin », je ne souhaite alors que me retrouver face à moi-même, exploser après m’être enfermée chez moi et attendre que la nuit tombe en attendant le jour d’après. Elle est belle la vie d’une infirmière déprimée de 27 ans.
J’arrive finalement à partir une heure plus tôt. Décidément, je ne peux me défaire de toutes ces émotions. Je dois sortir, vite avant que cela ne déborde !
« Jevoulais juste te dire je t’aime à ma manière », comme dirait Lomepal. Il a brisé mes rêves, j’ai mal au ventre en y repensant. Des rêves, je m’en étais créé de nouveaux avec lui. Je pensais faire ma vie avec lui, des enfants, une belle maison ; en bref, un happy end comme on dit dans les bouquins, les films, la fiction finalement…
Cela fait 6 ans que l’on se connaît. Tu t’appelles Ugo. Je m’appelle Justine, Ju’ pour les intimes. Tu as 36 ans, je n’en ai que 27. Tu es meurtri par la vie, et je crois que je le suis aussi.
Tout a débuté en septembre 2010, sortie du diplôme, j’intègre l’hôpital psychiatrique sur une équipe mobile infirmière. Très rapidement je suis tombée sur toi. Je n’avais jamais vu d’aussi beaux yeux bleus. Je t’observe de loin ; tu m’as l’air triste. Ton regard est sombre, presque noir. Tes longs cils ajoutent un côté grave à ta façon de regarder les autres. Tu es maigre, tes bras sont plus fins que les miens, tes lèvres sont pâles, des rides s’installent sur ton front. Qui es-tu ?
Je te vois, toi et ton attitude nonchalante. Par ailleurs, tous les patients te regardent avec émerveillement, tu sembles être apprécié de tous. Je continue de te dévisager, de t’épier depuis mon banc dans le fameux patio dédié aux patients fumeurs ou bien ceux ayant juste l’envie de regarder le ciel au loin. Tu as fini ta pause cigarette et quittes la courette de 10 m². Je note alors que tes pas sont lourds, j’entends ta voix est rauque, et finis par détailler tes gestes devenus saccadés. Tu parais te chercher une contenance lorsque tu parles avec tes collègues. Tu m’intrigues. Je continue de te scruter du coin de l’œil. Tu t’éloignes avec un semblant de détermination.
Les mois se suivent et ne se ressemblent pas pour moi. Je te revois par moment et j’ai l’impression que tu ne sais qui je suis. Quand tu regardes en ma direction, je baisse les yeux et fuis. Je me perds dans la foule délirante et entraînante, on s’y sent parfois à l’aise, plus à l’aise que devant ta personne qui m’intimide tant. Quel courage tu as Ju’… me dis-je par moments.
Un soir de concert, je te vois toi et tes beaux yeux. Un bonnet rouge orangé est délicatement posé sur ta tête cachant tes cheveux qui avaient été rasés par tes soins, je crois. Ton regard semble s’éclaircir lorsque tu me vois, mais je ne réponds que par la fuite, encore une fois. Je n’ose venir te voir, ni même te parler. Tu m’intimides Ugo, tu ne t’imagines pas à quel point tu m’intimides.
Ce soir était l’une des premières fois où nous échangions. Tu es venu vers moi, et tu m’as alors dit que dans ta vie rien n’allait. Tu t’es confié. Tu voulais tout envoyer valser. Tu semblais, toi aussi, vouloir partir loin, tout quitter, et oublier. Tes traits montraient à ce moment-là, à quel point la vie avait pu te jouer des tours. Ton regard se durcissait, tu étais sérieux, et peut être en confiance à mes côtés, qui sait… Puis tu t’es détendu, ton sourire était vrai, ton regard était doux, ta voix envoûtante. J’aurais aimé que ce moment dure bien plus longtemps. J’aurais aimé t’inonder de questions plus ou moins indiscrètes, encore et encore. Dix minutes courtes, mais intenses. C’est toujours ça de pris comme on dit.
Ce soir, tu commençais à entrer dans ma vie sans que je ne le sache. Ce soir-là, tu commençais à prendre place dans mes rêves.
Tu quittes l’hôpital. C’est ton absence dans les couloirs qui me l’a confirmé. J’apprends finalement que tu achètes une maison avec quelqu’un, puis un chien. Tu t’es même reconverti. Qu’en est-il de ta progéniture future ? En cours de préparation ? « Ça y est c’est foutu pour toi Ju’. »
Tout en t’imaginant heureux, je m’achète à mon niveau le bonheur de façon maladroite. Je joue, oublie, apprends, avance. Et avant toute chose, je t’oublie. Du moins, j’essaie.
En 2017, tu me retrouves, noyée dans des histoires d’amour bancales, en partance pour l’Algérie, accompagnée de mon père. Je n’ai alors qu’un seul pilier : mon père. Il m’accompagne, me fais vivre les débuts de mes 25 années d’une façon merveilleuse. Je suis transcendée par ces instants.
À mon retour, tu me proposes de sortir un soir. Tu mettais en avant le voyage, j’espérais que toi aussi tu rêvais de moi en cachette et que le voyage n’était qu’un prétexte.
Ce soir-là, jamais je n’aurais dû accepter. En y accordant de l’intérêt, jamais je n’aurais alors imaginé la quantité de larmes qui s’apprêtaient de sortir de mon corps déjà amoché par la vie. Pauvre vie, pauvre corps…