Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
À l’occasion du rituel symbolisant le passage à l’âge adulte sur l’île, Hytan reçoit la prophétie de devoir vaincre les Orgos, des ennemis de longue date. En compagnie de son frère Nissa, il se lance alors à la recherche des quatre autres élus des piliers de la vie, dans l’espoir d’éradiquer le mal qui les guette. Y parviendra-t-il ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Andreas B. Veel est un féru des romans qui font rêver et voyager dans des mondes imaginaires. Il a eu l’idée de créer sa propre aventure, inspirée de ses rêves, pour permettre aux autres de plonger dans son univers.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 535
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Andreas B. Veel
Les piliers de la vie
Roman
© Lys Bleu Éditions – Andreas B. Veel
ISBN : 979-10-422-1840-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le bien est dans le mal, le mal est dans le bien. Nous ne pouvons les dissocier ou en supprimer un. Chaque créature de la Terre a une part de ces derniers, et c’est grâce à cela que tous les êtres vivants connaissent un jour la joie, la peur, l’amour, la haine, la générosité ou même la cupidité. Sans le bien, nous ne connaîtrions pas le mal, et sans le mal, nous ne saurions pas où est le bien. Toute chose possède ces deux parts. Toutes ? Non, pas toutes…
Les hommes font des choix, prennent des décisions et leurs actes sont le reflet de leur passé, leur éducation, leur connaissance de la vie.
Mon peuple a préféré occulter une partie de notre histoire afin de tout reprendre à zéro pour nous protéger. Pour moi, ce fut une erreur. Le monde a besoin de connaître son histoire, mon histoire. À travers ces quelques lignes, je vais essayer de vous conter ma vie. Celle-ci commence le jour de mes quinze ans. Les années précédentes ne sont que peu importantes, ma vie était celle d’un enfant comme les autres. Mais le jour de ma séance de l’Éveil fut le commencement !
— Hytan, lève-toi ! Ne sois pas en retard pour ta Séance de l’éveil ! Ne fais pas honte à ton père et à ton frère !
— Ne te fais pas de souci maman, je suis prêt. Je ne veux pas rater le premier pas dans ma vie d’adulte… même si ça ne sera pas une surprise pour moi. Et tu sais que je veux être comme Nissa, un garde suprême des Sages du Conseil des Piliers de la Vie.
— Je le sais bien, ton père serait très fier d’avoir sous ses ordres ses deux enfants !
— Ah oui… J’avais oublié… ce n’est pas grave du temps que je suis avec Nissa.
Aujourd’hui, c’est à mon tour, la Séance de l’éveil. Grand Frère a passé la sienne il y a trois ans. Il est devenu Garde Suprême des Sages en une année seulement. On dit de lui qu’il surpasse de loin le peuple de l’eau dans l’art du combat à l’épée. Je veux devenir Garde suprême moi aussi. Nous serons les protecteurs du village et des Grands Sages.
Quand nous étions enfants, nous allions à la frontière de la ville, armés de nos bâtons, et nous nous entraînions à défendre Neutralia des envahisseurs. Mais nous ne pouvions pas jouer longtemps, car notre père nous retrouvait très rapidement. Il était interdit pour les enfants de sortir de Neutralia, la capitale de l’île. C’était trop dangereux, les bois étaient remplis d’animaux sauvages et dangereux. Sans parler des tribus qui venaient de l’île Noire, les Orgos. Même si pour les Orgos, je ne suis pas sûr que ce soit vrai. Je crois que c’est pour faire peur aux enfants et surtout pour ne pas qu’ils sortent de la ville et qu’ils soient sages. Maman me disait toujours « Si tu n’es pas bien sage, Papa te donnera à manger aux Orgos. Et si tu n’es pas gentil, tu te transformeras en Orgos ». Mais toutes les mamans disent ça à leurs enfants pour qu’ils obéissent.
Depuis que Nissa est devenu un Garde Suprême, je dois m’amuser seul. Il est toujours très demandé. À chaque séance de l’Éveil, il doit être présent. Mais je comprends, c’est son travail… Quand je serai un Garde Suprême, nous serons de retour ensemble.
Il est difficile de se faire des amis à Neutralia. Quand on commence à s’en faire un, il fait sa séance de l’Éveil et il part pour son village de prédilection. Moi je sais que je ne quitterai pas Neutralia. Mes deux parents et Nissa sont des Efins. Les Efins sont les personnes qui n’ont aucun lien avec les Piliers de la Vie : l’eau, le feu, l’air, la terre. Mais ils sont très adroits de leurs mains. Nissa et mon père sont membres de la Garde Suprême, et papa en est le chef. Ma mère travaille dans la Grande Tour, la maternité, elle fait naître les bébés de tous les habitants. Notre famille est très respectée et aimée de tous les peuples de l’île. Les Efins résident essentiellement à Neutralia, car cette ville est le refuge des Sages du village, mais aussi c’est ici que les enfants grandissent dès leur naissance jusqu’à leur Séance de l’Éveil. Il est donc très important de garder la meilleure défense pour protéger la descendance de toute l’île. Deux jours par semaine, les parents viennent voir leurs enfants à Neutralia, et bien sûr c’est toujours la fête. Tout le monde est joyeux, s’amuse, chante et danse. Parfois quelques bagarres éclatent, mais les gardes ne sont jamais loin ! Pourquoi les enfants ne vivent-ils pas avec leurs parents ? Car cela pourrait troubler la séance de l’Éveil ; si l’enfant a deux parents du Pilier de la terre, il se peut que l’enfant ait une aptitude au Pilier du feu. Cela est rare, mais possible. Nous les Efins, nous avons la chance de vivre avec nos parents à Neutralia. Parfois, les gardes vont rejoindre le peuple de l’eau et de l’air pour aider leur village à les défendre contre les envahisseurs qui viennent de la mer. Seulement une fois, Nissa est allé sur la ligne de front. Quand il est revenu, il n’était plus le même. Il avait comme… grandi. Un jour peut-être je verrais ce qu’il a vécu. Mais à cet instant, je devais me préparer pour ma Séance de l’Éveil.
Maman entra dans ma chambre munie de ma robe de cérémonie. Ma mère était une très belle femme, elle avait de très longs cheveux couleur des blés, une peau très blanche et les yeux bleus. Elle était vêtue de sa robe de travail, une grande robe blanche. J’avais hérité, comme presque tous les Efins, de la couleur des cheveux et de la peau de maman. Par contre, je possédais les yeux noirs de mon père ainsi que sa musculature. Nissa me ressemblait beaucoup, et nos parents disaient souvent que si nous avions le même âge, nous pourrions être jumeaux.
Ma robe de cérémonie était une grande robe blanche, ample, avec un signe sur le devant et sur le dos de la robe. Ce symbole était un cercle séparé en deux, une partie noire, une blanche et dans chacune d’elles la couleur opposée. Papa disait que c’était la représentation de notre devise : Le bien est dans le mal, le mal est dans le bien. Nous ne pouvons les dissocier ou en supprimer un. Et comme ceinture, une corde très fine en lin sauvage.
J’étais fier de porter cette robe. Pour commencer, elle m’allait très bien, mais surtout ce qui comptait pour moi, c’était que Nissa l’avait porté pour sa propre Séance de l’Éveil. Quand je sortis de ma chambre, maman m’attendait dans la cuisine. Quand elle me vit, elle commença à pleurer.
— Mon Dieu, que tu es beau mon fils… Ça y est, mon deuxième bébé fait sa Séance de l’Éveil. Tu es aussi beau que ton frère avec cette robe de cérémonie !
— Ne pleure pas Maman, c’est un jour comme les autres !
Même si je ne le pensais pas du tout. J’étais tellement fier que ce soit à mon tour de monter dans la Grande Tour des Sages et de découvrir l’endroit, comment les Sages étaient, comment allait se dérouler la séance… Aucun habitant n’avait le droit de parler de ce moment si particulier. Mes parents disaient que la surprise est tellement extraordinaire que cela serait dommage de savoir comment cela se passe. Mais on entendait parfois certains enfants raconter des choses horribles ! Un ami à moi m’avait dit la semaine dernière que les Sages allaient m’ouvrir le ventre et regarder s’ils trouvaient de l’eau, une flamme, une bulle d’air, un caillou ou rien. Mais je ne l’ai pas cru, car je n’ai jamais vu papa ou maman avec une énorme cicatrice au ventre.
Un autre m’a dit qu’ils allaient déchaîner tous les piliers de la vie sur moi et celui que je supporterai le mieux serait mon Pilier. D’autres parlaient de fantômes, même d’Orgos ! Je préférais croire mes parents. En tout cas, mon heure était venue.
Une fois mon petit déjeuner avalé, je pris la route pour la Grande Tour des Sages. Maman ne me laissa pas partir sans me couvrir de baisers ainsi que quelques larmes sur mon épaule. C’était une journée magnifique, le soleil était resplendissant, la chaleur allait être de mise aujourd’hui. Sur le chemin les gens me regardaient, certains me félicitaient, d’autres m’encourageaient, et d’autres enfants essayaient encore de me faire peur. Mais j’étais tellement content et fier que rien ne pouvait m’atteindre. J’étais rayonnant.
Après quelques minutes de marche, je me trouvais devant la Grande Tour des Sages. Mon cœur battait la chamade, je fis un bref arrêt devant la tour pour reprendre mon souffle ainsi que mes esprits. Je m’avançais devant la porte où deux Efins montaient la garde.
— Es-tu le jeune Hytan ?
— Oui, je viens pour ma Séance de l’Éveil.
— Bien, tu es à l’heure. La ponctualité est une très bonne qualité ! Monte les escaliers jusqu’à ce que tu te trouves devant une porte en fer rouge. Quand tu seras arrivé, frappe trois coups. Ensuite ? Tu le sauras bien assez tôt, dit le second garde avec un petit sourire malicieux.
Je les saluais et les remerciais avant de rentrer dans la tour. Les escaliers étaient exigus et très raides. Je mis quelques minutes à tous les monter avant de me retrouver devant cette grande porte en fer rouge. On aurait dit qu’elle était brûlante, mais quand je la touchais, elle était froide comme la glace. Respirant profondément, je frappais fort la porte. Quelques secondes après, la porte s’ouvrit lentement, laissant apparaître une grande pièce ronde.
Je ne pus avancer d’un seul pas. La contemplation de cette magnifique salle me figea sur place. C’était une grande pièce ronde, assez sombre, sans fenêtre, au plafond sans fin. Pour seul éclairage, cinq braseros qui illuminaient les murs d’une couleur bleu nacré. Entre chaque brasero se trouvaient deux Gardes Suprêmes, et en un seul coup d’œil je reconnus Nissa. C’était le seul à avoir une couleur de cheveux aussi claire. Mais avec la lumière des braseros, on aurait dit que sa chevelure était en feu. Il avait le sourire radieux et la fierté se lisait sur son visage. Tous les gardes étaient vêtus de la même manière, avec une imposante armure qui recouvrait presque tout leur corps. Seuls leur visage et quelques parties de leur peau blanche se voyaient dans l’obscurité de la pièce. La couleur de leurs armures était semblable à celle des murs, mis à part qu’elles brillaient comme un ciel étoilé lors des nuits d’été sans nuage. Une seule chose les différenciait, leur arme. Certains avaient une épée à chaque main, d’autre une très grosse masse, et l’un d’entre eux, d’une taille et d’une carrure très imposantes, avait deux énormes haches dans chaque main. Je comprenais en les voyant pourquoi on les appelait les Gardes Suprêmes.
Mais ce qui accaparait toute mon attention était ce qu’il y avait au centre de la pièce. Une stèle de pierre carrée, et au centre de cette dernière une autre stèle beaucoup plus petite et légèrement surélevée. Aux quatre coins de la grande stèle se trouvaient les Sages ! Ils étaient tous vêtus de la même robe que moi, le même signe, la seule différence en était la couleur.
Les Sages étaient des personnes très âgées, et tous les quatre avaient de longs cheveux et une barbe qui leur tombait jusqu’aux genoux.
Le premier que je vis était grand et imposant, ses cheveux et sa barbe étaient de couleur brune, comme la couleur des feuilles mortes tombant des arbres. Sa robe était de couleur d’un vert émeraude. Le second était grand et frêle, on aurait dit que si on lui soufflait dessus il risquerait de s’envoler. Sa barbe et ses cheveux étaient d’un gris bleuté, et sa robe était jaune. Le troisième avait l’air très robuste, ses cheveux et sa barbe étaient d’un roux flamboyant qui s’accordait avec sa robe rouge. Et le dernier aurait pu faire partie des Gardes Suprême s’il n’avait pas eu un âge aussi avancé. Il était grand et bien bâti, il avait l’air encore très fort. Sa barbe et ses cheveux d’un noir de jais faisaient de lui une personne presque effrayante, et il portait une robe bleu nuit. Le Sage à la robe verte me sortit de ma contemplation.
— Tu n’as pas à avoir peur jeune Hytan.
— Nous ne te ferons aucun mal.
— Approche-toi de nous.
— Viens prendre place sur la stèle de l’Éveil.
Le Sage à la robe bleu nuit m’indiquait la petite stèle centrale. Chaque Sage avait parlé chacun à leur tour sans même se regarder. On aurait dit qu’ils échangeaient les mêmes pensées et que chacun d’entre eux en disait une partie. Ils parlaient tous avec une voix calme et apaisante, même le Sage à la robe bleu qui paraissait plus sévère que les autres. Sorti de ma contemplation, j’avançais de quelques pas et la porte se ferma derrière moi. L’angoisse et l’excitation se mêlaient en moi, j’essayais de marcher doucement, la tête haute, fier d’être ici. Je pris place sur la stèle, la cérémonie pouvait commencer.
— Jeune Hytan, tu as, en ce jour, quinze ans…
— Il est donc temps que ta vie d’adulte commence…
— Nous allons sonder ton âme…
— Afin de te guider sur ta destinée.
Il y eut un bref silence, la température de la pièce augmenta soudainement, une brise souleva mes cheveux. Je sentis cette fois l’anxiété monter en moi. Les flammes des braseros prirent plus de puissance et la pièce fut beaucoup plus lumineuse. Les visages des Sages étaient impassibles. Tout allait commencer maintenant.
— Jeune Hytan, nous allons te demander de fermer les yeux…
— Tu devras ne penser à rien…
— Nous entrerons en communion avec ton âme…
— Fais le vide dans ton esprit.
Je fis donc ce que les Sages m’indiquaient de faire. Une fois les yeux fermés, je ressentis une sensation de vide, très apaisante. Il n’y avait plus de bruit dans la salle hormis nos respirations. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Je ne savais combien de temps s’était écoulé, j’étais tellement bien. J’arrivais à ne penser à rien. Cet état était agréable, j’étais bien. Le silence était comme générateur. J’avais l’impression que mes forces me revenaient, que la fatigue s’en allait, et même je me sentais plus puissant. Était-ce ceci l’éveil des sens ? Avais-je un pilier de la vie en moi à défaut de mes parents et de Nissa ?
Soudain, je sentis les gardes autour de moi devenir un peu nerveux. Mais les Sages ne vacillaient pas et restaient totalement concentrés. Je sentis qu’ils entraient dans mon esprit. Ce n’était ni douloureux ni dérangeant. J’avais l’impression que quelqu’un était dans la pièce d’à côté. Ils étaient là tous les quatre, je sentais leur présence. Brusquement, une force m’emplit et les quatre entités qui étaient jusqu’à présent dans mon esprit disparurent. Un bruit assourdissant rompit le silence, comme si la foudre s’était écrasée à l’intérieur de la salle de l’Éveil. Quand j’ouvris les yeux, les quatre Sages étaient au sol, et le Garde Suprême qui avait les haches surveillait la porte en fer rouge, prêt à attaquer. Tous les autres gardes étaient aux aguets, et me regardaient avec des yeux ronds. Je lisais de l’incompréhension sur leur visage. Tandis que les Sages, eux, comprenaient !
— Darluz, envoyez tout de suite les messages à qui vous savez, nous n’avons pas de temps à perdre.
Le Sage qui parlait était celui qui portait la robe de couleur verte, et je compris qu’il était le Sage du Pilier de la Terre, peuple réputé pour être de bons guides. Il venait de parler au Sage à la robe jaune, le Sage du Pilier de l’air. Ce peuple était les messagers de l’île. Leurs courriers arrivaient à destination à la vitesse du vent.
— Carpio ? reprit le Sage de la Terre.
Une porte, camouflée dans un mur à l’opposé de la porte de fer, s’ouvrit pour laisser place à un très vieil homme Efin, ayant une aussi grande barbe que les quatre sages.
— Oui Maître ?
— Amène-nous tout de suite le Parchemin. Nous l’avons trouvé !
— Le Parchemin ? J’y vais de ce pas !
— Gardes ? Reprenez vos positions, mais restez attentifs. Le danger n’est pas encore à nos portes… Enfin je l’espère.
Tout le monde suivit les directives du Sage du Pilier de la Terre. Aux quatre coins de la grande stèle, des trônes sortirent du sol. Les Sages, hormis celui du Pilier de l’air qui était occupé à l’envoi des messages, prirent place sur ces derniers. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Avais-je fait une erreur ? Tous les gardes étaient en position défensive, tous leurs sens aux aguets, prêt à bondir si un danger entrait dans la salle. Pour ma part, j’étais totalement désarmé, je ne savais quoi faire, et j’avais peur de prononcer le moindre mot. J’étais toujours au centre de la pièce, debout, les yeux écarquillés, mon esprit posant toutes les questions possibles.
En une fraction de seconde, le Sage du Pilier de l’air entra dans la pièce et prit place sur son trône. Soudain, presque au même moment, les quatre Sages posèrent les yeux sur moi. Le Sage du Pilier de la Terre prit la parole.
— Jeune Hytan, nous sommes entrés dans ton esprit…
— Nous avons vu en toi un grand pouvoir…
— Qui ne ressemble à rien de ce que tu connais…
— Tu as en toi le Pilier de la Foudre !
— Euh… Quoi… La foudre ? Je ne comprends pas ? Il n’existe pas de Pilier de la foudre !
Je ne pus me retenir de parler. Tous les gardes me regardaient à présent. De l’incompréhension se lisait sur leur visage. Ils n’en savaient pas mieux que moi.
Au contraire, les Sages savaient de quoi ils parlaient. Ils étaient toujours aussi calmes en apparence, mais on sentait l’excitation en eux.
— À présent, nous allons te conter l’histoire de notre peuple.
— Honoo, ne croyez-vous pas que nous devons nous hâter, et que les écrits peuvent attendre ?
Ce fut le Sage à la robe rouge, le Sage du Pilier du Feu, qui semblait ne pas penser la même chose que le Sage du Pilier de la Terre.
— Certes, vous avez peut-être raison, Loumnos, mais ne confondons pas vitesse et précipitation.
Ces judicieuses paroles furent du Sage du Pilier de l’eau, le dernier Sage que je n’avais pas encore identifié, le Sage à la robe bleu nuit.
— Merci Lù, je suis d’accord avec vous. Ce jeune homme va devoir affronter son destin, naviguer dans des eaux inconnues, braver les terres des Orgos.
— Orgos ? Mais je croyais que ce n’était qu’une légende… Que les Orgos existaient seulement dans les contes pour effrayer les enfants !
Je ne pus, une fois de plus, retenir ma langue.
De retour dans la grande salle, le vieil Efin était muni d’un vieux rouleau de parchemin qu’il manipulait avec beaucoup de soin. Devant les trônes se tenait un pupitre en bois massif. Je ne l’avais pas vu jusqu’à que le vieil Efin dépose le parchemin dessus et prenne place derrière.
— Notre grand historien et ami, Carpio, va te conter l’histoire de notre peuple et nous te montrerons le chemin à suivre par la suite.
Je me tournais vers le dénommé Carpio, qui était de petite taille. Seule sa tête dépassait du pupitre. Il était tellement âgé qu’il avait le teint très blanc et cireux, presque transparent. Toutes les oreilles étaient prêtes à entendre l’histoire du vieil homme. Mais le plus attentif et désireux de connaître la vérité était bien entendu moi !
— Merci maître de me laisser vous raconter notre histoire :
Nos propres archives ne remontent qu’à seulement mille et huit années. Notre peuple est donc jeune.
La première ville à avoir été fondée fut Neutralia. Celle-ci a été construite sur la plus haute montagne de l’île, et une seule route nous mène en son sommet. Les falaises sont abruptes, la roche est tellement tranchante que même le meilleur guerrier du peuple du Pilier de l’air ne peut y monter au sommet. Après quelques années, le peuple commençait à se sentir à l’étroit dans la ville. Les différentes communautés commencèrent à explorer l’île. Seuls le premier conseil des sages, les soigneurs, les enfants et les gardes restèrent à Neutralia. Chaque nation des Piliers de la vie trouva une place sur l’île où ils implantèrent leur propre village. Les peuples du Pilier de l’eau et du Pilier de l’air s’installèrent sur le bord du rivage, le peuple du Pilier du feu trouva un volcan encore actif. Quant au peuple du Pilier de la Terre, il se trouve au centre de l’île, là où la forêt est la plus luxuriante.
Le Conseil des Sages était à la fois les dirigeants, mais aussi les guides pour tous les enfants qui atteignaient l’âge de l’Éveil des sens. Cela est toujours d’actualité aujourd’hui. Les Sages décidèrent que Neutralia serait la ville où naîtraient et grandiraient tous les enfants, chaque personne voulant trouver refuge pourrait se joindre au peuple de Neutralia. Afin que les différents peuples ne se haïssent pas et qu’ils ne s’enferment pas dans leurs villages, les Sages proposèrent que tous les cinq jours tous les peuples se retrouvent à Neutralia. Ce qui est encore une fois toujours en vigueur.
Pourquoi nos ancêtres sont-ils venus sur cette île ? Nos ancêtres vivaient sur l’île Noire. Mais notre peuple a dû fuir les Orgos. L’île Noire était une terre fertile, accueillante, avec des forêts luxuriantes, où nous vivions en parfaite harmonie avec la nature. Un jour, les Orgos ont surgi de nulle part, décimant tout sur leur passage. Les premières victimes furent les Efins, mais pourquoi ? Nous ne savons pas, peut-être parce qu’ils étaient de grands guerriers. Les écrits restent flous sur ce point. En ce qui concerne le dernier conseil des Sages de l’île Noire, nous ne savons pas ce qui est advenu d’eux. Seule une infime partie du peuple eut le temps de s’enfuir au-delà du rivage. Après plusieurs jours en mer, ils perdurent encore beaucoup d’entre eux dans les dangers des eaux, et leur fuite les emmena sur cette île où, jusqu’à présent, nous écoulons des jours heureux. Voici le récit de nos ancêtres transmis de père en fils.
— Merci Carpio. Voilà jeune Hytan, tu connais ce que nous apprenons à chaque enfant qui fait sa Séance de l’Éveil. Les Orgos existent vraiment, le peuple de l’air et de l’eau sont les premiers défenseurs de l’île. Les Orgos savent où nous sommes et parfois essaient de venir sur l’île. Mais ils ne sont jamais très nombreux. Il est donc aisé, pour l’instant, de les repousser grâce au travail d’équipe de tous les peuples.
Tout se mélangeait dans ma tête, je ne savais pas si tout n’était que légende ou si enfin je connaissais la vérité. Je voulais poser tant de questions… mais pas aux sages, seulement à Nissa. Il aurait pu me dire si sa propre Séance de l’Éveil s’était déroulée de la même manière. Le Sage du Pilier de la Terre me sortit de ma torpeur.
— À présent, tu vas connaître la prophétie qui est transmise de Sage en Sage, et d’historien en historien. Même les Gardes Suprêmes qui se trouvent autour de toi ne la connaissent pas. À vous, mon cher Carpio !
— Merci Maître. Tout ce que nous savons sur notre passé, notre arrivée sur cette île n’a jamais été consignée par écrit, tout a été transmis de bouche à oreille. À l’exception de ce parchemin.
Carpio prit le manuscrit, le leva au-dessus de sa tête comme un trophée, et le déroula avec tellement de délicatesse qu’on aurait dit qu’il avait un nourrisson entre ses mains.
« Lorsque le chant de la Foudre sera entonné pendant la Séance de l’Éveil, le destin de cet enfant sera de libérer l’île Noire des Orgos. Il sera accompagné des quatre Piliers de la vie. Ils devront s’unir sur la stèle sacrée, au sommet de la Tour Noire, afin d’éradiquer le mal absolu. »
— Tu as entonné le chant, jeune Hytan…
— Ce soir, avant le crépuscule, tu devras partir…
— Tu iras de village en village chercher chaque élu…
— Une fois unis, vous prendrez le chemin de la Tour Noire.
— Non !
Cette fois, ce ne fut pas moi qui troublai l’assemblée, mais Nissa ! Il était furibond, et il rompit sa position pour s’avancer jusqu’à moi.
— Jeune Garde Suprême, je comprends ton sentiment, mais…
— Non vous ne pouvez pas comprendre ! C’est mon frère ! Il vient juste d’avoir quinze ans, vous ne pouvez pas l’envoyer seul sur les Terres Noires ! J’ai combattu les Orgos sur le rivage. Je n’imagine pas quel serait le danger sur leur propre île ! Laissez-moi l’accompagner.
— Tu as raison jeune garde, le danger sera de mise dans ce voyage…
— Mais ton frère ne sera pas seul…
— Il sera avec les plus grands Piliers de la vie de l’île…
— Et toi, Garde Suprême, tu ne peux abandonner ton poste !
Nissa voulait me protéger, m’accompagner dans ce périple. Il se rebellait contre le conseil des Sages pour moi ! Ceci me mit du baume au cœur. Accompagné de mon frère, je pouvais soulever des montagnes. Mais il n’aurait pas dû leur parler comme cela. Nissa avait raison, j’avais besoin de lui, je ne pouvais partir seul. Après quelques instants de silence, je compris ce que je devais faire.
— Euh… puis-je prendre la parole, s’il vous plaît ?
— Tu es le premier concerné, jeune Hytan…
— Nous t’écoutons et tiendrons compte de tes dires…
— Nous serons totalement objectifs…
— Et nous te dirons ce que nous en pensons.
— Je vous remercie. Si j’ai bien compris, mon périple sera difficile, mais nous ne pouvons pas nous permettre de mobiliser une armée pour ma quête. Cela prendra trop de temps et surtout la discrétion sera une arme utile. Mais je dois me rendre dans chacun des villages de l’île, traverser la forêt. Je ne pourrais affronter seul les dangers que recèle cette île. De plus, je ne connais nos terres que sur des cartes. Nissa est une fine lame, mais surtout c’est un traqueur hors pair. À mon avis, Nissa pourrait être un élément fondamental pour la réussite de cette mission.
Tout le monde me regardait, les yeux écarquillés. Je pensais que mes arguments pourraient peser dans la balance. Après un silence sans fin, les Sages prirent la parole.
— Je vois que le jeune Hytan a hérité de la stratégie de son père…
— Et aussi la fraternité de sa mère…
— Mais la question est si Nissa doit t’accompagner…
— Et la réponse est oui !
Je fus soulagé, Nissa et moi allions faire route ensemble. Nous nous regardions un instant, juste le temps d’échanger un sourire ainsi qu’un clin d’œil. Puis l’instant d’après, je me rendis compte que nous allions quitter nos parents, la ville et notre vie tranquille pour une aventure qui pourrait, aux dires de Nissa, être notre dernière aventure ensemble. D’un seul coup, la panique me submergea et une montagne de questions fusait en moi.
— Mais comment vais-je trouver les élus des Piliers de la vie ? Est-ce vous ? Comment allons-nous trouver notre chemin ? Et… qu’est-ce que je suis ?
Cette dernière question était la plus pertinente. Elle me faisait même peur. Je n’étais pas un Efin ni un Pilier de la vie. J’avais terrassé toute la garde suprême ainsi que les Sages. Pourquoi moi ? Étais-je mauvais ? Avais-je du sang d’Orgos en moi ? Je commençais à avoir peur.
— Pour ta première question, ce sont les élus qui te trouveront. Darluz a envoyé un message à tous les chefs des villages afin qu’ils réunissent toute leur communauté. Ensuite un lien se fera entre les élus et toi-même. Tu le sauras, fais-moi confiance !
— Pour ta seconde question, non ce n’est pas nous, certes nous sommes les Sages des Piliers de la Vie, mais sagesse ne rime pas toujours avec force et puissance. De plus, nous n’avons pas ressenti le lien de la foudre… sauf bien sûr quand tu as entonné le chant !
— Pour ta troisième question, nous pouvons vous offrir les cartes de l’île, un bateau, ainsi que des cartes maritimes. Mais quand vous serez sur l’île Noire, vous devrez trouver le bon chemin seuls. Soyez sur vos gardes, observateurs et très attentifs à tout ce qui vous entourera !
— Pour la dernière question, tu es un être exceptionnel. Nous pensons que tu seras un Efin avec de grandes aptitudes au combat, et tu ressembleras toujours autant à ton frère, qui t’apprendra à manier l’épée aussi bien qu’il sait le faire. Mais le don qui va te différencier de nous autres, c’est le don de la Foudre. La faculté de te lier avec les Piliers de la vie qui auront été élus. Vous serez une armée à vous seuls. Tu seras la chaîne qui vous unira tous. Vous serez en totale communion quand le temps sera venu. Encore plus en harmonie que le conseil des Sages. Mais tout cela ne reste que supposition. Les derniers élus remontent à plus de mille ans et nous n’avons aucune information à leur sujet.
Tout était flou pour l’instant dans mon esprit. J’avais envie de partir de la salle, seul, pour réfléchir calmement. Je voulais rentrer à la maison, préparer mes affaires avec Nissa et en discuter avec lui. Mais que faire pour l’instant, les Sages avaient-ils d’autres consignes ? Cela faisait déjà quelques instants que plus personne ne parlait. Devais-je rompre le silence ? Ce ne fut pas moi, mais les Sages qui brisèrent le calme de la salle.
— Votre route sera très longue, vous ne savez que peu de choses sur le chemin à prendre. Vous ne serez pas seuls : les quatre Piliers de la vie, le Pilier de la foudre et un Garde Suprême !
— La première épreuve sera sur cette île et en mer, mais cela reste la plus simple. La deuxième épreuve sera sur l’île Noire. Ne sous-estimez pas les Orgos. Nous ne connaissons que très peu cette race.
— Nous pensons que les vestiges de notre ancienne civilisation seront peut-être encore en état. Utilisez toutes les ressources qu’ils recèlent. Soyez observateurs !
— Votre épopée commence ici et maintenant. Vous devez vous hâter. Dites au revoir à vos proches, préparez-vous et partez au plus vite. Plus vous serez rapide, moins les Orgos pourront se préparer. Nous pensons qu’ils savent aussi que le chant a été entonné. Nous préparons la défense de l’île, et nous attendrons votre retour. Maintenant, partez et que les Dieux et les Déesses vous protègent.
La grande porte de fer s’ouvrit. Je regardai Nissa, et tous deux, avant de quitter la salle en toute hâte, nous avons salué les Sages des Piliers de la Vie. Nous descendions les escaliers avec une telle rapidité que je ne voyais pas les marches défiler. Arrivés à l’extérieur, j’étais surexcité. J’étais tellement pressé de sortir des limites de Neutralia !
— Nous y sommes Nissa, on y va ! On va parcourir toute l’île, aller là où peu de personnes sont parties. On va naviguer sur la mer en directio…
Sur le coup, je ne comprenais pas ce qu’il se passait. J’avais le souffle coupé. Nissa m’avait mis un coup de poing dans le ventre si fort que je tombais à genoux. Il était devenu très fort. Je levais les yeux vers lui, un peu perdu. Il avait un regard froid et serrait autant les poings que les dents.
— Tu ne te rends pas compte Hytan, ce n’est plus un jeu, on ne va pas se battre contre notre imagination. On va quitter nos parents et nos amis. Certes on sera tous les deux, mais on va mourir aussi tous les deux ! Tu ne connais pas les Orgos, ils n’ont aucune pitié, sans parler des créatures que personne ne connaît ! Si tu es vraiment celui qui peut éradiquer les Orgos et unir les quatre nations, tu dois garder ton sang-froid et surtout tout faire pour nous protéger et nous guider. Je serais ton bras droit, mais il faut que tu sois ma tête, petit frère, comme tu l’as toujours fait jusqu’à aujourd’hui. Compris ?
Sur cette dernière phrase, Nissa s’était adouci, il souriait même. J’avais les larmes aux yeux, non pas à cause de la douleur, mais parce qu’il avait raison ! Nous allions tout quitter. Mais ce qui me préoccupait maintenant, c’est que j’allais avoir la responsabilité de la vie de mon frère, des quatre autres personnes qui nous suivraient… ainsi que la prophétie à accomplir.
— Excuse-moi grand frère, tu as raison. Allons à la maison préparer nos bagages et ensuite nous dirons au revoir à papa et maman et nous partirons. Nous ne pouvons perdre plus de temps avec des adieux à nos amis. Les élus nous attendent !
— Tu as raison petit frère, en avant !
Nous prîmes la route de la maison, la ville n’avait plus la même allure que lorsque je l’avais traversée quelques heures plus tôt. Le temps était passé extrêmement vite. Ma séance avait duré toute la matinée. Le soleil était au beau fixe. Cette journée était vraiment belle, les rues étaient remplies de gens qui s’amusaient, rigolaient, jouaient. Ils ne savaient pas ce qu’il se passait. Je commençais à m’en rendre compte. Ces petites journées à m’amuser me semblaient soudainement très loin. Mon premier pas dans la vie d’adulte avait totalement bouleversé mon quotidien. Je ne pensais pas que tout pouvait changer autant. Je croyais que j’allais suivre la même route que Nissa, ou du moins à peu près. Qu’on allait me montrer la ville sous toutes ses coutures, me raconter plein d’histoires sur les peuples de l’île. Au contraire, j’ai eu le droit à la révélation de l’histoire de l’île, et à une prophétie que je devais accomplir afin de sauver mon peuple. Maintenant que j’y repensais, je me demandais si cela était vraiment réel. Comment avaient-ils pu nous cacher autant de choses sur les invasions des Orgos ? Nous, à Neutralia, nous n’avons jamais senti, quel que fût le danger. Comment pourrais-je me battre contre des choses que je n’avais jamais vues, comment apprendre à me défendre contre une armée ? Pour l’instant, je n’étais pas serein, mais je sentais que tout allait devenir plus clair.
Nous arrivâmes devant notre maison, c’était une belle petite demeure, construite toute en pierre. Le toit était constitué d’ardoises, comme toutes les maisons de la ville. C’était une pierre que l’on trouvait facilement sur la montagne. Quand nous rentrâmes dans la maison, à mon grand regret, elle était vide. J’avais pensé que les Sages auraient aussi envoyé un message à nos parents pour qu’ils puissent nous rejoindre à notre maison familiale pour que les adieux soient plus intimes que sur leur lieu de travail. Avec Nissa, nous sommes montés dans notre chambre. Elle était à l’étage, c’était une petite pièce en mezzanine, tout en bois. Au sol deux paillasses très confortables accompagnées de couvertures et coussins garnis de plumes. Nous avions chacun notre placard où nous rangions nos affaires respectives. Arrivé devant ce dernier, je ne savais pas quoi prendre…
— Nissa ? Que faut-il prendre ? Quel temps va-t-il faire ? Combien de temps va-t-on partir ? Et tu n’as pas une épée à me prêter ?
— Je ne sais pas, petit frère, je ne sais vraiment pas quoi prendre moi non plus, nous allons surtout prendre des vivres pour nos deux premiers jours de marche jusqu’au premier village. Pour le reste nous aviserons en route. Nous allons aussi prévoir un petit peu d’argent. Et pour ton épée, tu vas dev…
Nissa s’arrêta de parler, car il avait entendu la porte d’entrée s’ouvrir. C’était papa et maman qui venaient d’entrer dans la maison avec les bras chargés de gros sacs. Je fus le premier à sauter dans les bras de ma mère qui fit tomber ce qu’elle avait entre les mains. Elle avait les larmes aux yeux et savait ce qu’il nous attendait. Les Sages leur avaient envoyé un message. Ils avaient donc pris le temps de nous préparer des affaires pour notre voyage.
— Hytan, mon chéri, mes deux chéris. Je suis tellement triste de vous voir partir pour cette quête. Je ne pensais pas que ta Séance de l’Éveil se passerait comme ça. Jamais nous n’aurions espéré que tu sois le Pilier de la foudre. Tu es unique.
— Oui mes fils, nous connaissons cette prophétie depuis longtemps, mais nous ne pouvions en parler à qui que ce soit. Nos grades au sein de la ville nous ont permis de la connaître. Mais jamais nous aurions pensé que cela se passerait dans notre famille, que l’un de mes fils serait le Pilier de la foudre !
— Nous vous avons préparé vos affaires. Nous avons pensé que ce serait notre contribution à votre quête. Ce n’est pas grand-chose, mais nous pensons que cela pourra vous aider. Pour ma part, je vous ai trouvé les tenues des anciens traqueurs de notre peuple.
— Waouh, je croyais qu’elles avaient disparues.
Avec Nissa, nous nous étions exprimés en même temps tout en disant la même chose. C’était bien normal. Lors d’une grande guerre qui avait éclaté il y a bien longtemps avant même que nos parents soient nés, une troupe d’élite avait été entraînée puis envoyée au combat. On dit d’eux qu’ils étaient aussi silencieux qu’une ombre, rapides comme l’éclair et qu’ils étaient aussi prestes qu’un serpent. Certains disaient que s’ils n’avaient pas été en possession de leurs armures, ils n’auraient jamais réussi tout ce qu’ils avaient accompli. Nous montâmes dans notre chambre pour les enfiler. Je mis moins de temps que Nissa, car, lui, avait son armure à retirer. Quant à moi j’avais encore ma robe de cérémonie. Les tenues étaient très particulières, car quand je les avais entre les mains, on aurait dit qu’elles étaient faites de cuir sauvage épais et très robuste. Mais une fois que j’enfilais le pantalon, je croyais porter un simple filet de soie. Le pantalon était parfaitement à ma taille, comme s’il avait totalement épousé mes formes. Le haut, de la même matière que le pantalon, était de telle sorte que plusieurs lanières de cuir m’entouraient tout le torse jusqu’aux épaules à la manière d’un serpent essayant d’étouffer sa proie. Sauf que là, j’avais la sensation d’être protégé, en sécurité. Des bottes ainsi que des gants, qui protégeaient les mains jusqu’aux avant-bras, venaient compléter mon armure de cuir. Tout était parfaitement à ma taille. Quand je me tournai vers Nissa, je vis que la sienne lui allait à ravir aussi. Maman connaissait si bien nos tailles ? Quand nous sommes redescendus, papa et maman nous attendaient toujours au même endroit.
— Merci maman, elles nous vont si bien ! comment as-tu su qu’elles nous iraient ? Ce ne sont pas des tenues comme les autres en plus !
— Comme tu dis, ce ne sont pas des tenues comme les autres, elles sont aussi solides que le plus dur des cuirs sauvages et à la fois très légères. Elles sont aussi un peu magiques, car elles se fondent sur le corps de leur porteur pour être en parfaite symbiose avec ce dernier. Une tenue d’exception pour une quête d’exception !
— À mon tour les enfants ! Votre mère vous a offert de quoi vous protéger maintenant c’est à moi de vous offrir quelque chose. Dans votre quête vous allez aussi devoir vous battre, et je pense que ceci vous sera fort utile !
Papa sortit de son gros sac une immense épée qui était presque de ma taille. La lame était de couleur noire, on aurait dit qu’elle brillait constamment. Un côté de cette dernière était lisse et avait l’air extrêmement tranchant, tandis que l’autre côté de la lame était composé sur toute sa longueur de petits crocs. Un côté pour fendre, l’autre pour arracher. La poignée de l’épée était en ivoire, très simple, mais belle. Pas de pierre précieuse ni de sculpture, seulement un ruban de soie rouge.
— Voici l’épée à Double Face, rien ne lui résiste. Si tu ne peux le couper, alors lacère-le ! Celle-ci sera pour toi Nissa. Je t’ai déjà vu au combat sur la rive et je dois avouer que tu excelles dans l’art du maniement de l’épée à deux mains.
Papa replongea dans son sac et sortit cette fois deux épées. Elles étaient de la même taille, à peu près la longueur de mon bras. Les lames avaient l’air d’être très tranchantes, et elles étaient légèrement incurvées. La couleur des lames était d’un métal bleu glacial. La brillance de la lame se mariait parfaitement avec les poignées d’ivoires. Il y avait aussi sur chacune des deux épées un ruban de soie rouge.
— Et maintenant, je vous présente les Épées jumelles. Leurs tranchants n’ont pas d’égal. Elles seront pour toi Hytan. Tu es petit, agile et rapide, elles te sont destinées. Ces épées ainsi que la ruse t’emmèneront où tu veux. Les armes que je vous offre sont aussi particulières que vos tenues. Elles ont été forgées dans le volcan de l’île par le peuple du feu avec, dit-on dans les légendes des anciennes guerres, le métal du centre de la Terre. Nul besoin de les aiguiser, elles ne seront jamais émoussées ni même cassées. Ce sont les Épées sacrées de l’ancienne guerre.
— Papa, maman, si je ne me trompe pas, des pièces aussi précieuses devraient être dans le coffre-fort dans la Grande Tour des Sages. Et donc personne, hormis les Sages eux-mêmes, n’a le droit d’en sortir des objets.
— Ne t’inquiète pas Nissa, j’en fais mon affaire ! Et puis les Sages nous doivent bien ça, ils vous envoient dans une quête presque perdue d’avance…
La voix de mon père tremblait lorsqu’il prononça cette dernière phrase. Tandis que ma mère ne put se retenir de pleurer. Elle s’effondra à genoux. Nissa et moi la prirent dans nos bras, et tous trois, nous nous serrions de toutes nos forces, quand soudain une chose étrange se produisit. Papa venait aussi de nous prendre dans ses bras. Ce fut la première fois qu’il montrait ouvertement de l’affection envers nous. C’était une personne inflexible, ne laissant jamais filtrer ses émotions. Son rang de chef des armées avait endurci son apparence, mais son cœur restait pur. Le visage de papa était juste au-dessus du mien, et je sentis une larme tomber sur ma joue. Nous étions tous les quatre à genoux, au milieu de la maison, versant des larmes de chagrin. Notre famille était unie même dans la tristesse. Ce moment fut l’un des plus beaux de ma vie, car les personnes qui comptaient le plus pour moi étaient là, pour m’aider, me protéger, me dire qu’ils m’aimaient. J’entendis maman qui essayait de reprendre son souffle afin de parler.
— N’oubliez jamais qui vous êtes, rappelez-vous que vous êtes frères et surtout respectez la vie qui vous entoure. Vos compagnons vous protégeront alors, protégez-les à votre tour.
— Et moi si j’ai un conseil à vous donner mes fils, n’hésitez pas à courber l’échine si c’est pour arriver à vos fins !
Et voici les paroles de deux personnes bien différentes. Toutes deux étaient constructives et je pensais qu’elles nous seraient très utiles ! Chacun d’entre nous essuya ses larmes et se redressa. C’était maintenant que nous devions y aller ; les adieux étaient finis, nous devions prendre la route. Nos bagages étaient faits, nos parents nous avaient revêtis et armés d’objets légendaires, la quête pouvait donc commencer.
— Nissa, papa, maman, nous devons y aller. Merci pour tout, merci de ce que vous nous avez offert… et merci d’être là près de nous. Je vous aime !
— Moi aussi je vous aime mes chéris. Revenez-moi au plus vite, je serais toujours avec vous, dans votre cœur. Prenez soin de vous.
— Vous êtes de grands gaillards, j’ai toute confiance en vous et vous serez accompagnés des élus. Mais rendez-moi un service, tuez-le plus d’Orgos que vous le pourrez !
— Oui papa, l’épée à double face sera rassasiée !
— Oui papa, et je prendrais soin de Nissa, maman, il en aura besoin !
Nous nous serrions encore une fois tous les quatre pendant quelques secondes, lorsque nous nous sommes séparés, je me rendis compte que nous avions le sourire. C’était les adieux qui convenaient à tout le monde. Ce moment passé en famille m’avait remonté le moral. J’étais fier d’être leur enfant ! Après quelques mètres de la maison, lorsque je me retournais pour faire un dernier signe à mes parents, ils étaient toujours là, et souriaient tous les deux, mais je sentais de la tristesse dans leurs yeux. Puis je repris la route avec Nissa, nous traversâmes la ville, le soleil commençait à décliner. Quelques minutes plus tard, nous étions aux portes de la ville, je m’arrêtais.
— Nissa ?
— Oui petit frère ?
— Tu penses qu’on reviendra un jour ?
— Haha, allons Hytan, regarde-nous, on a les tenues des troupes d’élite de l’ancienne guerre et en plus on a les épées des flammes du volcan… Mais pour tout te dire, tu as le meilleur guerrier de tous les temps avec toi, Moi, haha, allez viens petit frère.
— Pfff, tu verras, dans quelques jours quand je saurais manier mes épées je vais te mettre une raclée dont tu te souviendras !
— Haha, essaye déjà de me rattraper…
Et nous avons pris le chemin vers le village du Pilier de Terre en courant.
Nous courrions sur le seul chemin qui menait à Neutralia. C’était un chemin escarpé, étroit et en terre. Il fallait éviter de courir pour ne pas glisser et faire une chute mortelle, mais avec Nissa nous faisions cette descente depuis si longtemps que nous connaissions chaque caillou, chaque trou, nous avons toujours emprunté cette route en faisant la course. Après plusieurs minutes de descente effrénée, nous arrivâmes enfin au pied de la montagne qui était surplombé par Neutralia. La forêt était dense, même à son entrée. Dans le sous-bois, il y faisait frais et les odeurs étaient très différentes de celles de Neutralia. J’arrivais à sentir les baies des forêts, les herbes que maman utilisait dans ses petits plats. Même les bruits étaient hétéroclites. Il y avait des grondements, des feulements, des crissements. C’était à la fois effrayant et intrigant. J’observais Nissa, qui lui était totalement serein, et cette attitude me rassura un peu.
En plus de nos armes, nous avions un baluchon avec de quoi dormir, faire un peu de cuisine et de la nourriture pour nous aider si la chasse et la pêche n’étaient pas fructueuses. Nous étions à deux jours de marche du village du Pilier de la Terre. C’était le village le plus près de nous, mais assez difficile à trouver. La particularité de ce village est qu’il se trouve dans les arbres, et le peuple du Pilier de la terre étant réputé pour être extrêmement silencieux. Certains disent même qu’ils pouvaient devenir invisibles et se fondre dans la forêt. Mais Nissa avait l’air de savoir où il allait. La nuit commençait déjà à tomber, nous n’avions pas marché longtemps. La journée à Neutralia avait été bien remplie. Soudain Nissa quitta le chemin pour s’engouffrer dans la forêt, et nous marchâmes quelques minutes avant de nous arrêter dans une toute petite clairière d’où nous arrivions à apercevoir le ciel de couleur feu, car le soleil se couchait.
— Nous allons dormir ici, ça ne sert à rien d’aller plus loin en pleine nuit. Les bêtes sauvages nocturnes sont beaucoup plus dangereuses que les autres en journée. On va faire un feu, ça les éloignera. Occupe-toi de l’installation, je vais voir s’il y a quelque chose à manger.
— Très bien grand frère. Mais dépêche-toi, je n’ai pas très confiance en cette forêt.
Sur ce, Nissa s’engouffra dans le cœur de la forêt. Pour ma part je regardais autour de moi afin de récolter du bois et un peu d’herbe sèche pour faire un feu et préparer le camp. Je n’eus pas à aller très loin, mon frère avait trouvé l’endroit parfait, et il y avait beaucoup de bois mort. Comme nous étions dans une petite clairière, je pouvais faire un feu sans risquer d’embraser les arbres. Je disposais au centre de notre campement de grosses pierres en cercle afin de garder le foyer du feu au centre de ces dernières. Je pris un silex à l’intérieur de mon sac et entrepris de faire le feu. Papa m’avait appris à faire un feu même sous la pluie, il disait toujours qu’un bon garde pouvait faire un feu avec n’importe quoi et n’importe où. Peu de temps après, des petites flammes commencèrent à s’éveiller. Quelques morceaux de bois suffirent à produire un joli feu. J’étendis de chaque côté du feu nos couches afin que cette nuit nous ayons chaud.
Soudain, j’entendis des craquements derrière moi. Je me tournais et ne vis que l’obscurité. Discrètement, je pris une des épées jumelles qui étaient dans mon sac. Je me levais et me mis en position défensive.
— Nissa c’est toi ? Montre-toi !
Aucune réponse. Mais à ce moment précis, je vis une ombre dans les herbes hautes, deux yeux jaunes me fixaient, et un léger feulement arriva à mes oreilles. Plus de doute possible, c’était un tigre de l’ombre. Et j’étais son prochain repas.
C’était un animal traqueur, qui ne sortait que la nuit. Le jour il restait avec sa meute dans leur grotte. Il était l’un des prédateurs les plus dangereux de la jungle. Je ne pouvais appeler Nissa, car cela aurait pu ameuter les autres tigres nocturnes, je n’avais donc pas le choix que de me battre. Je réussis à prendre ma deuxième épée. Je restais sur mes gardes et j’attendais que le tigre attaque le premier.
En un instant, le tigre sortit de sa cachette d’un bond impressionnant jusqu’à ma position. J’eus juste le temps de me baisser afin de l’esquiver, mais je voyais que ce n’était pas une attaque pour me tuer. On aurait dit plutôt que le tigre voulait jouer avec moi. Il remuait la queue comme si cela n’était qu’un jeu, mais il ne savait pas à qui il s’attaquait. L’adrénaline montait en moi, je souriais d’excitation et étais prêt à me battre. Le tigre prit ses appuis pour bondir, et je m’accroupissais afin de bondir en même temps que lui lorsqu’une grosse masse verte tomba des arbres. Je ne savais pas ce que c’était, mais elle se tenait entre le tigre et moi comme pour nous séparer. La masse faisait face au tigre. Ce dernier n’oscillait que peu, seulement pour se recroqueviller, mais toujours prêt à se défendre. Tout à coup, la masse diffusa une large fumée verte en direction du tigre. Les yeux de la bête eurent un moment d’absence, comme si elle ne se souvenait plus pourquoi elle était ici. Sans demander son reste, l’animal reparti dans les profondeurs de la forêt.
Je restais sur mes gardes, car la masse verte était toujours là. Je ne savais pas si c’était un ennemi ou autre chose. Puis la masse se transforma, ou plutôt se redressa. C’était un homme qui faisait presque deux fois ma taille. Je ne pouvais voir son visage, car il était toujours de dos. Puis la personne prit la parole.
— Il y a bien des moyens de se défendre, jeune Efin, et le combat n’est pas toujours la meilleure des solutions !
— Je… Je vous remercie, mais à qui ai-je à faire ? Pour ma part je me prénomme Hytan, et je fais route vers le village de la terre.
— C’est donc toi, jeune Hytan, quant à moi on me surnomme l’Ermite. Mon nom, tu le sauras en temps voulu. Laisse-moi te regarder et te saluer.
Sur ces présentations, il se tourna et me fit face. C’était un homme très âgé, grand, il portait une robe de couleur verte, et possédait de longs cheveux et une grande barbe. Je ne pouvais dire de quelle couleur ils étaient, car la saleté rendait la distinction difficile. On aurait dit qu’il n’avait pas pris de bain depuis une éternité. J’avais l’impression de le connaître, son visage me paraissait familier. Il était seulement armé d’un bol en bois, d’un pilon et d’une petite faucille. Il s’avança la main tendue afin de me saluer comme un homme. Je lui serrais le poignet et en retour il me serra le mien. Soudain, je sentis quelque chose de puissant, comme un coup d’électricité. Ce n’était pas désagréable, au contraire, je me sentais… bien.
— J’ai bien l’impression que vous avez trouvé votre premier élu, jeune Hytan.
— Euh, de quoi vous parlez, comment êtes-vous au courant au sujet des élus ? Que s’est-il passé ? Et qui êtes-vous ?
— J’espère que vous n’avez pas été aussi bavard avec le conseil des Sages, Loumnos n’aime pas trop répondre aux questions.
— Vous connaissez bien le conseil des Sages ?
— Je connais beaucoup de choses, jeune Efins, c’est grâce à mon grand âge. Mais revenons à tes questions, veux-tu ?
Sur ces dernières paroles, il m’indiqua le feu où nous étions allés nous asseoir afin de discuter.
— Oui j’ai entendu le chant de la foudre, je suis au courant qu’un Efin seulement peut l’entonner. Mais c’est au moment où je t’ai touché que j’ai senti le lien de la foudre se mêler en nous. Je suis resté posté ici en espérant te trouver pour t’aider à rejoindre le village de la terre en toute sécurité et le plus rapidement possible. Par contre, je ne pensais pas que je serais un élu ! Je suis membre du peuple du Pilier de la Terre, je vais t’accompagner dans ta quête, car c’est mon devoir. Aie confiance en moi, mon savoir pourrait bien t’aider.
— Éloignez-vous tout de suite de mon frère, intrus !
Nissa venait de revenir au camp. Il brandissait son épée et menaçait l’Ermite. Le vieil homme se leva et fit face à Grand Frère. Tous deux étaient très calmes, pour l’instant. Il fallait que je fasse quelque chose avant que cela tourne au drame.
— Je vois que le Pilier de la Foudre possède un Garde Suprême comme protecteur, mais comment je le sais ? Ton tatouage de la garde sur ton épaule. De plus, vu ton âge, je suppose que tu es le fils du chef de la Garde Suprême, le prodige Garde Nissa !
— Qui êtes-vous ? Comment savez-vous tout ça ?
— Nissa, c’est l’élu du peuple du Pilier de la Terre.
Cette simple phrase avait totalement désarmé Nissa. Il baissa sa garde et salua l’Ermite. Mais il gardait toujours son épée à la main.
— Tu as bien de la chance, jeune Hytan, d’avoir comme frère ce garçon. Il est vigoureux, vaillant et très fort. Mais attention, Garde Suprême, que votre impétuosité ne vous mène pas sur un mauvais chemin.
— Ne vous inquiétez pas, vieillard, mon frère est là pour me guider.
La dernière phrase de mon frère me souleva le cœur. Je ne pensais pas qu’il avait autant confiance et besoin de moi. Une fois les tensions calmées, nous nous installâmes autour du feu. Nissa avait rapporté du gibier qu’il commençait déjà à dépecer.
— Je vois que vous avez de belles armes, Double Face et les Lames Jumelles. De plus, ce sont de bien jolies tenues que vous portez, les tenues des anciens Traqueurs si je ne me trompe pas.
Comment pouvait-il connaître autant de choses, ce n’était qu’un ermite ? Nous nous sommes regardés avec Nissa, l’air un peu perplexe. Pouvions-nous lui faire confiance ? Nous devions ! J’avais senti ce lien se tisser entre l’Ermite et moi. Je savais au plus profond de moi que cet homme faisait partie de moi maintenant, comme une pièce du puzzle que je devais assembler pour ma quête.
— Je sais que vous ne me faites pas totalement confiance. Cela est bien normal, vous ne me connaissez pas. Laissez le temps faire son œuvre.
— Comme nous avons trouvé l’élu de la Terre, je suppose que nous n’avons aucune raison d’aller jusqu’au village de la Terre ?
— Tu te trompes, jeune Garde, je dois y retourner afin de voir le chef du village. Je dois récupérer des objets qui nous seront utiles pour notre quête. Je ne suis pas sûr de pouvoir en trouver sur notre chemin. De plus, vous aussi vous devez y aller. Le conseil des Sages doit savoir que le premier élu a été trouvé.
Il avait raison, nous ne devions pas nous précipiter, car comme avait dit le conseil des Sages « précipitation ne rime pas toujours avec rapidité ». Je commençais à fatiguer. Nous venions de finir de manger. L’Ermite nous avait trouvé des bulbes afin de compléter notre repas. Avec le ventre bien rempli, le sommeil me submergea.
— Dormez, les enfants, je vais faire le premier tour de garde.
— Sûrement pas ! Je n’ai toujours pas confiance en vous ! Je monterais la garde toute la nuit.
— Grand frère, s’il te plaît. Si tu n’as pas confiance en l’Ermite, alors aie confiance en moi. Il ne nous fera pas de mal.
— Merci jeune Hytan. Nissa, si tu ne te reposes pas un peu, demain tu ne pourras pas protéger ton frère. Pour ma part je suis tellement vieux que je me suis habitué à dormir peu.
Je ne pus suivre le reste de la conversation, mes yeux s’étaient fermés tout seuls et je plongeais déjà dans un sommeil profond. J’étais serein et me sentais en sécurité.
***
— Hytan, allez réveille-toi ! Le soleil s’est levé. Nous avons décidé avec l’Ermite de la route à prendre et grâce à ses connaissances de la forêt, nous gagnerons une journée de marche. Si on marche assez vite, nous pourrions être au village de la Terre avant la fin de la journée.
— Eh bien, je vois que tu as plus confiance en notre nouveau compagnon ?
— Oui, j’avoue. Après que tu te sois endormi, nous avons discuté. Il est prêt à nous suivre dans cette quête sans aucune retenue et en toute connaissance des risques que nous allons courir. Il ne te connaît que depuis peu et pourtant il a une dévotion en toi que je ne comprends pas.
— C’est peut-être mon charme ravageur ! Haha !
— Ne sois pas bête, petit frère. Même un poisson-glu ne se collerait pas à toi !
— Allez les enfants, vous êtes prêt on peut y aller où vous voulez que je me mêle à la bagarre !