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Enfin, Mars est habitée ! La découverte d’eau souterraine a permis à une colonie de s’installer sur la planète rouge, reliant ainsi la station par des vols annuels. Le commandant Osana, sur le point d’effectuer son ultime voyage vers la Lune, se retrouve entraîné par une série d’événements à poursuivre sa mission sur Mars. Quels mystères l’attendent sur cette planète inexplorée ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Initialement,
Oscar Lafuente envisageait de concevoir des scénarii, mais progressivement, le format du roman a pris le pas dans son esprit et dans son travail créatif. "Les roses de Mars" est sa quatrième concrétisation littéraire.
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Seitenzahl: 263
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Oscar Lafuente
Les roses de Mars
Roman
© Lys Bleu Éditions – Oscar Lafuente
ISBN : 979-10-422-3546-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les principaux personnages
– Osana : commandant puis colonel enfin général
– Litancia : épouse d’Osana
– Leurs enfants : Owan, Lila, Tulan
– Dana : épouse d’Owan
– Ilaé : fille d’Owan et Dana
– Niki : « ange gardien » de Tulan (spécialiste des arts martiaux)
– Harrisson : sénateur
– Mariette : capitaine de vaisseau
– Scharper : président de Scharper Union Industrie
– La doyenne : collaboratrice principale de M Sharper Henri
– Robot de M. ScharperAC3 : robot d’Ilaé
Le solo taxi déposa Osana devant chez lui. Avant de descendre, il récupéra la carte magnétique qui lui permettait d’enregistrer la destination et le paiement de la course.
Le solo taxi était un véhicule sans chauffeur, qui utilisait l’énergie solaire. Sur l’avant, un boîtier captait toute l’énergie solaire nécessaire pour circuler toute une journée ; une heure suffisait pour recharger la batterie. Le passager montait dans le véhicule lorsque le voyant était vert, glissait sa carte magnétique dans le compartiment prévu, sur la porte du véhicule qui s’ouvrait et, à l’intérieur, donnait sa destination oralement. Des capteurs lumineux sur les côtés, à l’avant et à l’arrière permettaient de prévoir tous les obstacles ; à ce jour aucun accident n’avait été enregistré : vitesse maxi 60, c’était sûr et bien pratique.
Il restait encore quelques taxis anciens qui fonctionnaient avec compteur et GPS, vers des zones d’accès difficiles et souvent pas recommandables. Ils roulaient au Biognv. Le biométhane est un gaz 100 % naturel produit grâce à la fermentation des biodéchets. Avec 12 milliards d’habitants, la grande quantité de déchets était un lourd problème, résolu en partie par la transformation de ceux-ci en Biognv.
D’innombrables usines avaient été installées créant quantité d’emplois. Mais aujourd’hui, cette industrie était en déclin, car moins de déchets (la planète était devenue plus propre).
L’avenue était peu fréquentée ; c’était un quartier résidentiel aux immeubles vitrés, dix étages maxi sans balcon. Au sommet, un jardin privé, avec piscine, proposant un lieu de détente, de convivialité ; la coupole qui le surmontait avait deux fonctions : protection et sécurité. Elle récupérait l’énergie solaire, réchauffant le lieu et surtout alimentant tout l’immeuble pour les besoins quotidiens. Osana posa son index sur le bouton d’entrée et les deux battants s’ouvrirent ; il se dirigea vers l’ascenseur qu’il appela. La cabine spacieuse pouvait contenir huit personnes. Plusieurs cellules permettaient de visualiser et vérifier le nombre de personnes et le poids pour éviter tout incident.
Il habitait au 8e (le 9e servait de local technique), quatre appartements par palier. Il appuya longuement sur le voyant lumineux de sa porte qui s’ouvrit ; la voix d’Eléna l’accueillit :
— Bonjour Monsieur. Monsieur a passé une bonne journée. Madame est sortie aux magasins généraux.
— Merci, Eléna.
— Monsieur veut un rafraîchissement ?
— Non merci… finalement, sers-moi un Juca glacé.
Eléna était un robot lampadaire au plafond, et avec ses caméras pivotantes, pouvait transmettre toutes les instructions demandées à d’autres minirobots situés dans l’appartement. Osana récupéra son verre de Juca (jus de fruits alcoolisés) et s’installa tout près de l’écran de vision mural, à la recherche d’une station d’infos.
On annonçait la réunion extraordinaire des six états majeurs, concernant la surpopulation mondiale. L’Inde et la Chine, bien qu’elles aient régularisé les naissances (deux par foyer), dépassaient les trois milliards chacune, et arrivaient difficilement à nourrir cette population. Les zones agricoles s’étaient appauvries ou étaient trop difficiles à exploiter. Une colonisation vers l’Afrique avait été tentée, mais le non-contrôle des naissances et les maladies avaient été un frein à cette exploitation. On avait essayé les régions de la Sibérie et de L’Alaska, mais le climat empêchait une production rentable.
Rien ne changeait, il fallait trouver un compromis, mais chacun tenait à ses acquis.
Mais voilà, 12 milliards de bouches à nourrir !
Les gens vivaient plus longtemps, moyenne d’âge : 120 ans. Le cancer avait été éradiqué, quelques maladies revenaient, mais étaient vite traitées grâce à la création de CGSR (Centre Gestion Santé Rapide) qui intervenait au premier signe d’une contagion. Le vieux continent (L’Europe ainsi appelée) avait décidé de surveiller toutes les naissances. L’échographie dès le troisième mois permettait de savoir si une anomalie était présente, afin de traiter immédiatement le moindre problème. À la naissance, le bébé restait en couveuse deux mois pour continuer les soins et les vaccinations.
À six ans, l’enfant savait écrire, lire et compter correctement. L’éducation continuait tous les ans par des modules pratiques et divers jusqu’à quatorze ans. Ensuite commençait un enseignement professionnel pour choisir son métier. Chaque année était sanctionnée ; en fin de cycle, tous les élèves sortaient avec un diplôme supérieur. Toutes les voies s’offraient à eux.
Toutefois, le jeune était soumis au service national d’une année, où il apprenait le respect du citoyen, la sécurité, la protection de la patrie. Il n’y avait pratiquement plus de guerre, quelques querelles existaient, mais rapidement réglées. (C’est ce que croyait le peuple, mais…)
Osana changea de canal. Le congrès était toujours en discussion. Tous les sénateurs des Nations Unies étaient réunis pour trouver la solution sur le problème n° 1 actuel : la surpopulation ; plus de douze milliards d’individus.
Dans un brouhaha incessant, le sénateur français Molinier prit la parole :
— Messieurs les députés, arrêtez de vous quereller pour des futilités. Vous avez raison de défendre les intérêts de votre pays, mais aujourd’hui, il est temps de trouver ensemble la solution de notre problème majeur. Nous vivons plus longtemps, nous avons éliminé les maladies, le cancer a été vaincu. L’utilisation des sols a été surexploitée et nous trouvons de moins en moins de terrain cultivable. La planète est en danger. Nous avons réalisé des prouesses techniques : nous avons réussi à canaliser l’eau, dessaler l’eau des mers, des océans ; nous avons éliminé les énergies polluantes (charbon, pétrole) remplacées par des énergies plus propres (solaire, électricité) ; nous avons installé une base de recherche sur la Lune, mais notre satellite nous a laissé peu d’espoirs. Cependant, la station spatiale a permis d’atteindre Mars, où nous avons installé un laboratoire d’expérimentation qui nous donne une entière satisfaction avec des résultats prometteurs.
Le sénateur Walker des États-Unis demanda la parole :
— Sénateur Molinier, vous avez bien résumé la situation. La planète est en danger. Nous avons réalisé des prouesses techniques aussi bien en robotique, qu’en sanitaire, ce qui a amélioré considérablement notre bien-être. Mais nous n’avons pas su planifier notre population et le phénomène continue à s’accentuer. Nous devons agir rapidement, agir ensemble. Je demande au congrès un vote pour une décision immédiate.
Ainsi fut fait : la Chine, l’Inde, le Canada, le Brésil, l’Europe, les USA, l’Afrique confirmèrent cette décision ; quelques petites nations indécises ne votèrent pas.
Tout paraissait réglé, lorsqu’une sénatrice, Electra Génoval, de Suisse, prit la parole.
— Messieurs, vous avez bien exposé le problème qui est si préoccupant, mais comment allez-vous le résoudre ? Nous sommes toujours en surnombre et rien n’y fait. Devons-nous attendre une nouvelle pandémie pour éliminer une partie de la population ?
Un brouhaha infernal monta dans l’assistance. On ne pouvait pas en arriver là, c’était impensable. Et on entendit dans l’assemblée une voix s’écrier : « il y a une solution ».
Le sénateur Tornatov de Moscou s’était levé et, les bras levés, répliqua :
— Continuons notre programme spatial, les dernières recherches nous permettent d’être plus optimistes. Nous avons trouvé des planètes où la vie est possible, alors qu’attendons-nous ? Nos moyens techniques nous le permettent. Unis, nous réussirons.
Silence complet, personne ne bougeait, un silence de cathédrale qui dura un certain temps, quelques murmures, ensuite tous se levèrent et on entendit :
« Union, tous ensemble, sauvons la planète. » Osana stoppa d’un geste rageur la vidéo et à haute voix remarqua :
— Nous voilà repartis pour un nouveau programme spatial !
Elena, le robot, l’interrompit : « Monsieur, madame vient de rentrer » ; Osana se dirigea vers la cuisithèque où il trouva Litancia en train de déballer ses provisions.
— Qu’as-tu ramené des magasins généraux ?
— J’ai décidé de mijoter un vrai repas. Ça nous changera des levures et des paquets lyophilisés.
Aujourd’hui, l’alimentation sous forme de poudre, se diluait dans du liquide, puis passée en machine pour avoir un produit à manger ou à boire. Dans les quartiers urbains, c’était le plus facile à réaliser.
On trouvait encore dans les campagnes éloignées les produits des anciens temps dans les magasins généraux. (Lorsqu’ils étaient approvisionnés !)
Entre la campagne et la cité urbaine se trouvait la zone rouge ; la banlieue urbaine envahie par tous les refoulés des villes, une zone dangereuse, une zone où peu de gens osaient aller. Un endroit où tous les trafics illicites se pratiquaient. Dans ces lieux obscurs, malsains, des bagarres constantes avaient lieu. La police n’intervenait pas, « nettoyage par le bas ». Quelquefois, certains policiers en civil se mêlaient à ces querelles, pour se faire la main, mais surtout s’introduire dans le milieu afin de désorganiser un réseau de rebelles à la nation.
Litancia déballait ses provisions devant Osana tout surpris de voir apparaître des denrées qu’il n’avait vues qu’en vidéo dans des reportages visionnés rarement. Le premier sachet contenait des tubercules difformes, noirs, que l’on appelait autrefois, patates. Dans le deuxième, un poulet, un vrai poulet de 3 kg, entier, nettoyé, prêt à cuire. De nos jours, le poulet nettoyé était entièrement broyé : une purée transformée en petits cubes puis congelée. Dans le troisième sachet, un genre de fromage blanc qu’on accommodera avec divers arômes de fruits. Dans d’autres sachets, les condiments, les aromates, les sucres, les boissons, les couverts et les verres jetables.
Osana, surpris, étonné, un peu dépité, se demandait comment son épouse arrivait à avoir autant de volonté pour chercher et trouver tous ces produits et apporter du soin aux repas. Elle enseignait les langues anciennes (tel le français d’avant) ce qui lui permettait de connaître beaucoup de monde dans diverses communautés. C’est ainsi qu’elle trouvait toujours de nouvelles idées pour améliorer le quotidien.
— Les enfants n’ont pas répondu ? demanda-t-elle à Osana.
C’est Eléna qui répondit :
— Les enfants ne vont pas tarder, ils seront là dans une demi-heure. Par contre, Tulan (leur troisième enfant) et son amie seront un peu en retard.
— Osana, peux-tu mettre le couvert.
Maladroitement, il déballa et essaya (d’habitude il ouvrait un sachet, une paille, une boisson et en trois minutes c’était réglé)…
— Dépêche-toi, regarde : assiette, cuillère et couteau à droite, fourchette à gauche, verre devant l’assiette, serviette enroulée dans le verre… ce n’est pas difficile, les chandeliers au milieu de la table qu’on allumera quand tout le monde sera là ; ensuite tu enlèves la peau des « patates » que tu coupes en huit. On les mettra dans le four ionique, Elena nous précisera le temps de cuisson.
Il s’exécuta maladroitement, mais avec beaucoup de cœur pour ne pas contrarier son épouse.
Il avait rencontré Litancia la première fois à la bibliothèque centrale, cherchant lui-même un livre sur l’histoire des anciens ; dans une allée, ils s’étaient heurtés, renversant leur sac et involontairement avaient échangé leur livre. C’est ainsi qu’ils s’étaient revus plusieurs fois.
Elle était professeur d’histoire et de langues anciennes le matin et préparait une thèse sur l’avenir de l’homme sur cette terre.
Lui, pilote astronaute dans l’attente de son premier vol spatial. Il venait d’une famille populaire et avait dû travailler durement pour obtenir ses diplômes. Ses parents lui avaient promis de l’aider financièrement le plus longtemps possible, mais il choisit l’ACS (Armée du Ciel et Espace), qui prenait en charge les études, soulageant financièrement ses parents ; mais malades, ils décédèrent sans connaître sa réussite. Il avait un frère, « informaticien et produits dérivés », mais depuis longtemps, ne le voyait qu’occasionnellement.
Litancia avait eu plus de chance, issue d’une famille plus aisée, elle avait pu suivre le cursus des longues études, ce qui lui avait permis d’obtenir cette thèse tant désirée.
Aujourd’hui encore, elle étudiait, toujours à la recherche d’un avenir meilleur.
Ils se marièrent. Lui, nommé commandant après avoir fait son troisième vol spatial Terre/Lune. Elle, maître de conférences à l’Université européenne.
Très tôt naquirent les jumeaux Lila et Owan et deux ans plus tard le dernier, Tulan. Les jumeaux étaient différents. Lila ressemblait à son père : calme, posée, volontaire, apte à exécuter les ordres sans rechigner. Elle était docteur en pharmacie et travaillait dans un laboratoire de recherche biologique. Owan, comme sa mère, était plus dynamique, plus entreprenant, toujours à la recherche de mieux faire, il était ingénieur en informatique et robotique. Il travaillait sur un projet, « comment soulager l’humain des tâches lourdes ». Il était marié et avait une fille, Ilaé, dix ans. Sa femme Dana, discrète, renfermée, participait rarement aux réunions familiales, elle trouvait ça inintéressant. C’est pour ça qu’elle ne venait qu’occasionnellement et préférait se donner à fond dans la recherche et la reconstruction du système des plantes.
Dans son entreprise, Owan fabriquait de nouveaux modules pour des appareils ménagers. Mais chez lui, dans son labo personnel, il rêvait de réaliser un robot de taille humaine destiné aux tâches plus compliquées. Il avait déjà réalisé de petits robots pour sa fille Ilaé, c’était un espoir et une avancée dans son projet.
Lila, sa jumelle, n’était pas mariée. Elle avait eu une aventure amoureuse qui s’était mal passée et elle ne voulait pas en parler. Il lui arrivait parfois de sortir avec des collègues de travail, mais sans suite, elle n’avait pas trouvé l’âme sœur. Son travail l’accaparait tellement qu’elle n’avait pas le temps d’y penser. Mais elle espérait qu’un jour…
Tulan, le benjamin, le dur des durs ; comme son père, il s’était engagé. Mais dans la PAD (Police Action Directe), une armée de combat. Il était doué pour les sports de défense et d’attaque, récompensé plusieurs fois, il aimait ça, être en première ligne. Ce n’était pas une tête brûlée, il savait modérer ses actes, ses décisions, ce qui lui avait valu d’être nommé capitaine dans une section d’élite. Des équipes qui n’existaient pas dans les registres, des équipes qui travaillaient dans l’ombre. Installés au troisième sous-sol, ils étaient cinq ou six, un visionneur devant sa dizaine d’écrans, un programmeur avec plusieurs ordinateurs, une administratrice qui s’occupait de l’organisation des missions à exécuter et une femme médecin pour les tests et les retours des missions délicates.
On trouvait aussi Niki, une jeune femme que Tulan avait rencontrée lors d’une mission dans les Alpes. Blessé d’un coup de couteau, elle l’avait soigné, sauvé d’une mort certaine, car la blessure était grave. Sans son intervention, il ne serait plus là aujourd’hui. Elle vivait seule dans cette caverne, depuis que son père adoptif était mort, après lui avoir transmis ses connaissances sur les plantes et sur les arts martiaux. Quinze jours étaient passés, avant qu’il ne retrouve toutes ses facultés. Au premier regard, il comprit, elle comprit…
Vint le moment de partir ; il réussit à la convaincre de le suivre et d’intégrer son équipe. Depuis, les missions s’enchaînaient en duo ou en solo.
Il était presque treize heures et Litancia s’impatientait. Elle demanda à Osana de vérifier si des messages avaient été laissés sur le vidéophone. Pas de message. Elle accapara l’appareil et envoya un appel aux trois ensemble.
— Où êtes-vous, manifestez-vous, nous serons en retard pour la sortie de 17 heures.
Les réponses ne se firent pas attendre.
— Ici Owan, Dana ne viendra pas, je serai avec Ilae et je prends ma sœur Lila au passage, on arrive dans quinze minutes.
— C’est Tulan, je suis encore en zone D avec Niki ; nous rentrerons directement, nous nous changerons chez vous. Nous arriverons en hélibus, que papa ouvre le SAS sur le toit.
Fin des messages.
— Ils arrivent ; encore une fois, Dana ne viendra pas, je crois qu’elle ne nous apprécie pas beaucoup.
— Tu la connais, elle aime le calme et la tranquillité et comme nos réunions familiales sont très animées et très bruyantes, elle préfère rester chez elle.
— Ilaé, qui aura encore grandi, aime bien être avec nous. Elle s’entend bien avec son oncle Tulan et Niki.
— Je suppose que Lila vient avec son frère qui la prendra à la sortie du Labo, elle n’aime pas sortir seule.
— Tulan viendra directement de sa mission et il te demande d’ouvrir le SAS du toit. Niki sera là aussi. Tout est prêt, je vérifie que tout soit sur la table. On demandera à Elena pour la préparation finale. Et surtout, ne crie pas, laisse faire les jeunes ; ils ont beaucoup à nous apprendre.
— Comme d’habitude, je serai à l’écoute et à tes côtés.
— Non, en face, près de Ilaé et de Niki, ça te calmera.
Sur ce fait, Osana ralluma la vidéo télé. Le congrès était toujours en discussion sur ce nouveau programme spatial. Réussir à faire accepter celui-ci à toutes les puissances. Là était le problème. Les petites nations ne contestaient plus ce projet, mais auraient préféré une aide écologique et économique.
Il changea de canal. Les premières stations parlaient de politique interne de chaque nation. Une autre station pour la religion ; chaque représentant de sa foi avait un temps de parole, mais de moins en moins d’écoute, car le peuple n’était pas dupe. Il se souvenait que les croyances avaient souvent engendré des guerres. Seuls quelques érudits participaient à ces réunions. Des chaînes sportives diffusaient le sport favori de chaque nation. Le basket avec quatre panneaux à hauteur différente… le handbask (mi-hand, mi-basket)… la lutte, les sports de combat. Une chaîne « Nature Bien-être », qui revenait des années en arrière, lorsque la Terre avait encore des régions vertes, bleues, un bien vivre que nous avions détruit. Il devait rester quelques endroits encore… mais si rares que personne ne savait les situer.
Il continua de « pousser l’écran » et s’arrêta sur le canal « Banlieue rouge », un canal qu’il ne connaissait pas. On se serait cru quelques décennies en arrière, lorsqu’un conflit nucléaire avait éclaté. Les images montraient des quartiers détruits, malfamés, enfumés. Des gens de toute sorte, mal habillés, bien différents de nos habitudes, des personnes où la violence semblait être… Il se rappela alors que Tulan lui avait dit un jour, qu’il lui arrivait d’aller dans ces quartiers difficiles pour régler des situations complexes. Il réalisa maintenant que son fils pouvait se trouver dans ces endroits-là et en fut effrayé.
Il allait l’interroger immédiatement, lui demander des explications précises et savoir si une zone pareille existait bien ici. Il était encore dans ses pensées quand Litancia stoppa la vidéo télé.
— Les enfants arrivent.
Effectivement, Eléna annonça l’arrivée des jumeaux, Lila et Owan et de ILaé, sa fille.
C’est Eléna, le robot plafonnier, qui leur parla en premier :
— Bonjour Ilaé, que tu es belle avec tes cheveux blonds frisés, tu ressembles…
— Tu me dis toujours la même chose. Tu me vois, tu me parles, tu me racontes des histoires, mais je ne peux pas jouer avec toi. Je vais demander à papa de te construire un corps.
— Ilaé, je ne serai jamais comme toi, je suis un robot utilitaire, mais peut-être qu’un jour…
— Assez Eléna, reprit Osana, est-ce que tout le monde est là !
— Non, Monsieur. Monsieur Tulan et Melle Niki ne vont pas tarder. (Lorsque la conversation était tendue, elle n’utilisait pas les prénoms, mais monsieur, madame.)
— Enfin, ne sois pas si susceptible. Je verrai ce que je peux faire de toi, une nouvelle couverture peut-être ! D’ailleurs, j’ai une surprise qui te plaira : répondit Owan, son concepteur.
Owan portait un costume gris clair croisé avec une chemise blanche col haut. Lila, un deux-pièces coloré style asiatique. Ilaé un costume marin, bleu. Ils se retrouvèrent dans la pièce principale où les attendaient les parents. Encombrés par des présents qu’ils déposèrent près de la table de service, ils s’installèrent au salon en attendant… lorsqu’un grand bruit les fit sursauter.
— Ils arrivent en hélibus, j’ai ouvert le SAS, je vais à leur rencontre.
— Non, dit Owan, reste papa, je m’en occupe, je vais les aider.
Il sortit, monta les quelques marches vers le Roof. De l’hélibus, il vit descendre deux personnes qu’il ne reconnut pas. Deux guerriers en tenue de combat, peinturlurés, presque sales.
— Hi ! Owan, c’est nous Tulan et Niki. On n’a pas eu le temps de se changer, on était en mission et c’était un peu chaud.
— Ah ! heureusement que papa n’est pas monté, j’ai bien fait de venir. Vite, allons au local technique.
Le local technique contenait tous les compteurs relatifs à l’entretien de la résidence, une salle de remise en forme avec douche et bain, ainsi que le fond de la piscine dont les bords transparents permettaient de voir les gens nager. Rapidement ils se déshabillèrent, se douchèrent et dans des placards qui leur étaient destinés, trouvèrent de quoi se vêtir correctement.
— Là, je vous reconnais, je crois que maman aurait eu peur en vous voyant, se croyant agressée.
— Owan, si tu savais, la banlieue est en ébullition, les quartiers défavorisés bougent et demandent plus de considération. Ils n’ont rien, vivent dans des taudis et pillent les « caravanes » pour survivre. Heureusement, ils ont de l’eau et des sanitaires. (On appelait caravanes, les convois de denrées alimentaires qui transitaient vers le cœur de la cité.)
C’est de pis en pis, ça va exploser. Ils sont très nombreux, moins bien équipés que nous, mais ça peut faire mal, très mal. Nous sommes prêts ; descendons, les parents nous attendent.
Arrivés à l’étage, la porte s’ouvrit et Ilaé les attendait impatiente de revoir son oncle Tulan, et Niki qui lui racontait des histoires extraordinaires, imaginaires.
— Tu as des cadeaux pour moi ? Le plus grand c’est pour moi ?
— Non, c’est le plus petit aujourd’hui, tu verras, il te plaira.
Eléna les interpella :
— Allez, allez, pressez-vous, les parents vous attendent au salon.
— Toujours aussi bavard ce robot, Owan, tu devrais lui modifier son programme.
— Oh ! Non, Monsieur, vous l’avez fait une fois, et ce ne fut pas une réussite et ma participation s’est dégradée.
— Non, non, on ne touche pas à Eléna, dit ILaé.
— Alors, demande-lui de n’intervenir que quand on lui demande uniquement.
— Bien monsieur, je peux verrouiller la porte ?
Ils se dirigèrent au salon, embrassade pour Maman, accolade pour papa. Osana servit du Champagne français accompagné de biscuits à base de céréales.
— On peut ouvrir les cadeaux maintenant !
Niki offrit une dizaine de branches sans verdure à Litancia qu’elle installa dans un vase, ajouta de l’eau et par miracle des bourgeons apparurent, puis des fleurs de toutes les couleurs et quelques feuilles surgirent par-ci par-là.
Tulan offrit à son père une boîte ancienne, une boussole interstellaire. En l’ouvrant apparut une image de synthèse qui indiquait le nord, le sud, le temps, la température, la situation des étoiles… accompagnée d’explications orales.
Ilaé attendait les yeux bleus grand ouverts.
— Et pour toi, petit marin, ceci !
L’intéressée prit le paquet, déchira l’emballage et… découvrit un livre, un vieux livre, elle lut : « Alice au Pays des Merveilles ».
Eléna expliqua : Alice aux Pays des Merveilles, écrit en 1865 par Lewis Carroll, écrivain anglais, à la demande d’Alice, petite amie de l’auteur qui…
— Allons Eléna, ne raconte pas l’histoire, Ilaé la découvrira toute seule.
En effet, cette dernière prit le livre, s’écarta un peu et tourna les premières pages.
Lila posa son paquet sur la table et dit :
— C’est un nouveau dessert que j’ai fabriqué, un moussecolat. Dans un plat, au micro-ondes deux minutes et le tour est joué.
— J’espère que ça sera meilleur que la dernière fois, lâcha Tulan.
Il restait le gros paquet, aussi grand qu’Ilaé, qui attendait à côté. Son père lui proposa d’ouvrir la boîte. Elle dégrafa les parois et un robot nouvelle génération apparut, blanc et bleu. Ilaé appuya sur un bouton derrière la tête et le robot avança et se présenta :
— Je m’appelle « Youtoo », je suis là pour vous servir Demoiselle. Maître Owan m’a conçu pour vous aider, pour exécuter toutes les tâches conformes à la légalité. Je peux aider, renseigner, jouer, défendre quelqu’un en difficulté grâce à mes deux lasers de sécurité. Je ne peux pas aller à l’extérieur sans l’autorisation du Maître.
Owan intervint : « Il pourrait sortir, mais il serait à la merci de beaucoup de convoitise, car l’homme n’est pas encore prêt à voir des robots s’humaniser. Tant que l’on reste au stade des machines, on tolère, mais au-delà… »
— Alors Eléna, que penses-tu de ton nouveau compagnon ?
— Il a un corps, il bouge, moi je suis suspendu et je ne peux pas m’approcher de vous.
— Vous serez complémentaires, un en haut, l’autre en bas, vous superviserez toute la maison. Mais je vais modifier ta structure, tu seras une vraie star.
— Super, répondit Ilaé, enfin j’aurai une copine et un copain pour jouer.
Ils passèrent à table et Litancia leur annonça :
— Aujourd’hui, nous mangerons à l’ancienne, comme au siècle dernier. Pommes de terre au four, poulet rôti, une couronne de pain brioché aux fruits confits. Nous boirons un vin rouge léger, d’origine inconnue pour moi, peut-être Français. Tout le monde se regarda, dubitatif… elle appela Eléna :
— À toi, Elena.
Celle-ci ne se fit pas prier et expliqua :
— La pomme de terre est un tubercule comestible qui fut répandu en France au 18e siècle par Parmentier. Elle se consomme sous diverses formes : frites, au four, en purée… Aujourd’hui vous la dégusterez coupée en deux avec un peu de matière grasse, sel, poivre, 3 minutes au micro-vapeur.
— Le poulet tel que vous le voyez est un animal de basse-cour avec des ailes et des pattes ce qui lui permet de courir et voleter. Au micro-four, cinq minutes.
— Le pain brioché fait à base de farine de blé et d’eau, du beurre, levure et sucre. Une minute pour terminer la cuisson. Elle continua :
— Voilà, ça vous changera des sachets de farine ou de levure que vous prenez habituellement.
Eléna, d’un rayon lumineux, ouvrit un pan de mur qui fit apparaître tout un plan de travail et d’ustensiles de cuisine. Au centre, un évier ; à droite, le chaud ; à gauche, le froid.
Litancia déballa tous les paquets et prépara le repas, ce qui fut fait rapidement.
À table, le doute écarté, tous apprécièrent ce nouveau concept, ce qui changeait des sachets de farine que chacun se préparait banalement.
Au dessert, Lila se leva pour réchauffer sa nouvelle composition, la moussecolat, qu’ils savourèrent avec le pain brioché.
Pendant le repas, les discussions allaient bon train, chacun racontait son quotidien. Lila dans son Laboratoire élaborait, testait de nouvelles formules de nutrition. Owan rêvait de créer des robots humanisés pour aider aux tâches administratives… mais la direction n’était pas prête à accepter ce concept, craignant que les robots ne prennent le dessus sur l’homme.
C’est alors qu’Osana demanda à Tulan :
— En regardant la télé vidéo, je suis tombé sur un canal, Rouge Banlieue, et…
— Ça y est, ils ont réussi à s’introduire sur les ondes. Il s’agit de groupes révolutionnaires qui mobilisent toute une population de « Sans rien ». Pas de travail, pas de domicile, pas de revenu, ils vivent de troc, de vol, attaquent certains Trucks qui alimentent La City.
Il s’arrêta un instant, puis reprit :
— La semaine dernière, ils ont kidnappé le responsable des Docs en échange de palettes de denrées alimentaires. Le tram de banlieue a été détourné et ils ont dépouillé les gens de leurs vêtements, de leurs sacs… À ce jour, pas de blessés graves, car tout se fait rapidement et pratiquement sans heurt. Mais les chefs, les meneurs rêvent de pouvoir, et plus d’égalité pour tous. Ça bouge beaucoup trop à mon goût, et avec Niki, on a pu voir dans nos missions qu’ils sont prêts à se lancer dans une vaste offensive. J’ai peur qu’on n’arrive pas à les arrêter si on n’intervient pas rapidement. Mais comment faire, notre gouvernement ne s’en émeut pas et pense plutôt à conquérir de nouvelles planètes pour solutionner le problème de la surpopulation.
Le congrès se réunit aujourd’hui, mais je suis sûr qu’aucune décision positive ne sera prise, trop d’opposants chez les extrêmes.
Litancia arrêta cette discussion :
— On se prépare, on va au stade. C’est le match de l’année, les RED des Zèbres contre les Bleus/Blancs des Tigres. L’ambiance va être extraordinaire et il faut arriver plus tôt, car l’avant-match promet d’être animé.
Litancia avait réservé les places, et c’était préférable vu le nombre attendu de spectateurs. Tous acquiescèrent et en un rien de temps, ils étaient prêts. C’est alors que « Youtoo » demanda : je peux venir avec vous, j’ai déjà les couleurs bleues/blancs des Tigres, je pourrai vous aider à…
— Non, dit Owan, tu n’es pas prêt à affronter la foule, tu ferais des jaloux, et c’est interdit.
— Tu ne peux pas me laisser seule, dit Eléna maintenant que j’ai un compagnon, je le garde, nous discuterons ensemble.
— Je ne sais pas si c’est une bonne chose, dit Tulan. Maintenant à deux, ils vont sans arrêt…
— Monsieur, il n’y aura pas de chamaillerie, nous converserons comme des Humains. Toutefois, je dois dire que j’ai un mauvais pressentiment sur cette sortie, je ressens des ondes négatives.
— Comment un robot peut-il ressentir des ondes négatives ?
— Eléna est un robot exceptionnel, unique, c’est pourquoi il mérite que je le modifie.
— Enfin avoir un corps ! marcher, me déplacer serait le top, répondit le robot Elena qui répéta à Tulan de faire attention et de protéger la famille avec Niki. Ils quittèrent l’appartement et prirent la navette qui les amena tout près du stade déjà bien animé avec des jeux de cirque, des chants, des danses, des vendeurs à la sauvette. Une bonne ambiance d’avant-match. Près des portiques de sécurité, ils passèrent l’un après l’autre ; un flash vert permettait l’entrée, rouge contrôle approfondi, les GDS intervenaient. Mais lorsque Tulan et Niki traversèrent le portique : rouge. Mis à l’écart, pas de fouille, seulement une vérification complémentaire ; ils posèrent le pouce sur l’électro-carte du vigile qui à la lecture, se mit au garde-à-vous.
— Excusez-moi, commandant, je…
— C’est bon, restez calme et discret, continuez…
— C’est chaque fois la même chose, tu nous retardes, dit Ilaé en riant.
— C’est mon bracelet, le flash ne l’aime pas, répondit-il.
Devant le stade d’un vert éclatant, sous l’effet du soleil, était magnifique. De forme ovoïde, tout en verre, entièrement fermé, il donnait l’impression d’un œuf qu’on avait posé là et qui, à tout moment, pouvait s’envoler. Plus de vingt mille personnes allaient s’y asseoir. C’est Litancia qui dirigea la troupe vers l’entrée principale et une hôtesse les plaça rapidement. Au dixième rang central, bien situés, ils pourraient pleinement profiter du spectacle.
Un haut-parleur diffusait sans arrêt des annonces. Le speaker présenta le match de Handbask, annonça le nom des joueurs qui étaient acclamés bruyamment. Le terrain mesurait 80 m de long sur 40 de large. Le Handbask était à la fois du hand et du basket. Sur la longueur se trouvaient deux panneaux de basket de chaque côté ; sur la largeur une cage de 2 m sur 40 cm de hauteur, de chaque côté aussi. Nombre de joueurs : seize par équipe, mais huit sur le terrain pour chaque équipe. Le but : marquer le plus de points possible. Deux points dans les cages, trois points dans les panneaux de basket. La balle semblable à un ballon de hand. Durée du match : 4 fois vingt minutes. Pas de règles bien précises, pas de coup au visage, pas de bagarre générale.
Le stade se remplissait. Des fanfares et des danseurs pour chaque équipe donnaient le tempo sur le terrain qui excitait la foule. Des drapeaux de couleurs différentes se dressaient dans les tribunes, des ballons volaient et éclataient à une certaine hauteur. L’ambiance était assurée.
Le speaker en habit de lumière entra en scène, pour présenter le spectacle, les règles et la composition des équipes qui entrèrent sur le terrain dans un brouhaha inimaginable. Le match allait commencer. L’arbitre en vert fluo appela les seize joueurs, donna les consignes et siffla le début du match.