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Thomas, ayant perdu sa femme dans des circonstances compliquées, doit maintenant reconstruire un équilibre familial avec ses deux garçons. En pleine pandémie, il est confronté au défi complexe de redonner goût à la vie à des adolescents en quête de sens et de liberté. Sous la pression des difficultés sociales et financières, des choix regrettables sont faits, conduisant les services sociaux à prendre des mesures de protection.
À PROPOS DE L'AUTEUR
De nature créative,
Joachim Bourry exerce en tant qu’avocat à Bruxelles et professeur associé en droit dans une école supérieure. Il est également père de deux enfants. Les questions cruciales du vivre ensemble et de leur avenir ont inspiré la publication de son premier roman, intitulé "Tri sélectif", aux éditions Chloé des Lys. Ce nouvel ouvrage s’impose par sa volonté d’explorer à travers la fiction les enjeux sociétaux contemporains.
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Joachim Bourry
Lockdown party
Roman
© Lys Bleu Éditions – Joachim Bourry
ISBN : 979-10-422-3778-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Ras-le-bol d’attendre. Plus de quinze jours que je suis sans nouvelles de mes enfants et réciproquement. Ils ignorent tout de ce qui s’est passé ici. S’ils ont bien dû subir la catastrophe comme quasiment tout le monde, ils sont loin de s’imaginer le rôle actif qu’ont pu y jouer leur mère et moi-même. Ils ne peuvent se douter un seul instant que leur mère ait été l’instigatrice du virus qui a tué tant de monde et ignorent tout autant l’issue qui a été la sienne, qui, voyant son projet trop peu abouti, avait préféré mettre fin à ses jours en refusant d’aller s’abriter dans l’appartement hermétique, où tous les acteurs – involontaires pour certains – s’étaient réfugiés pour ne pas avoir à subir d’intoxication au virus A/H5N1 modifié HP. J’aimerais tellement leur dire à Louis et Arthur que leur père est vivant et que, si je suis vivant, c’est pour eux. C’est pour eux que je veux vivre. Ils sont la seule raison qui m’accroche encore à la vie, malgré l’extermination et l’horreur à laquelle j’ai participé. Je voudrais leur expliquer que, malgré les atrocités commises, leur mère l’avait fait dans un but positif, même optimiste ; espérant par-là sauver justement le reste de notre monde, personnes et nature comprise.
Je ne demande pas que les enfants l’excusent, mais qu’ils comprennent au moins leur mère. S’ils ne doivent et ne peuvent même l’idéaliser, je me fais un point d’honneur à ce qu’ils ne salissent pas inutilement la mémoire de celle qui leur a donné la vie. Si l’homicide en masse que Céline a perpétré ne peut être excusé, on ne peut perdre de vue que l’idéal dans lequel elle croyait était louable, qu’elle aspirait à un monde où la nature, les fleurs, les animaux, les gens vivraient dans une osmose complète qui, à ses yeux, n’était envisageable qu’en rééquilibrant les différents paradigmes et en diminuant – certes drastiquement – la population invasive de l’homme sur terre.
Espérons au moins que – l’écrémage accompli – nous fassions de mauvaise fortune bon cœur et qu’après avoir pleuré nos morts, nous arrivions à réaliser, pour partie du moins, l’idéal de Céline et aboutissions à une vie en équilibre avec la nature environnante. Gageons que, forts de l’expérience vécue où près de la moitié de la population mondiale vient d’être disséminée par un virus (bras armé de cette même nature), nous ne cherchions plus à la dominer. Mais il est trop tôt pour de tels débats philosophiques. Il importe maintenant d’aller à l’essentiel : retrouver mes Louis et Arthur.
Concrètement, je dois pouvoir traverser l’Atlantique et rentrer chez moi. Or, les vols New York – Bruxelles n’ayant pas encore été rétablis, je me retrouve cloué au sol américain. Chaque jour offre néanmoins son lot d’espoir et d’avancées dans le rétablissement des moyens de transport et de télécommunication. Avant internet, avant la 5G, avant même les lignes analogiques, c’est la captation des ondes hertziennes qui a été rétablie le plus rapidement. Dans notre appartement, nous recevons maintenant différentes chaînes radio, dont notamment quelques longues ondes FM.
Les rescapés que nous sommes en venons à regretter de ne pas avoir de connaissances en matière de radio, celui qui s’y connaissait le mieux s’étant pendu au fil de la radio qu’il avait confectionnée. Au-delà de ça, nous déplorons aussi que ce mode de communication ait pour ainsi dire été délaissé du grand public. Si on rencontre encore l’usage de ce procédé dans le secteur aéronautique et du côté de quelques férus nostalgiques, force est de constater que ce procédé n’est plus au goût du jour. C’est fort dommage, car il nous aurait permis d’envoyer des messages à nos familles, afin de s’enquérir si certains vivent encore, de les rassurer ou au moins d’alléger leur peine dont le fardeau est sans nul doute déjà par trop volumineux.
Le temps passe dans l’attente de nouvelles progressions des moyens de communication et vient le jour où on constate avec bonheur que notre smartphone indique de nouveau un signal de réception de données mobiles. Avec lui se trouve réhabilité le trafic aérien, dont l’activité aujourd’hui ne dépend plus exclusivement de l’appareillage de vol mais bien davantage de la connectivité pour lui permettre son envol. Avec un message tâtonnant, aussi bref que creux sur WhatsApp – telle une bouteille à la mer n’ayant pour seul objectif que d’espérer pouvoir amarrer – j’envoie un laconique : « Est-ce que la famille va bien ? » à mes beaux-parents, chez qui Céline et moi avions laissé les enfants avant notre départ pour les États-Unis. Ce message reçoit pour accusé de réception immédiat la tonalité d’un appel par visioconférence de mes beaux-parents. Je décroche aussitôt et vois la mine aussi effarée qu’emplie d’espoir de Louis et d’Arthur, entourés de leurs grands-parents. Tous ensemble veulent parler et aucun ne dit le moindre mot. Je suis également paralysé, ne sachant par quoi commencer et ce qui peut bien être dit. Je m’en tiens à :
Ils cherchent d’abord à me rassurer, ne faisant que paraphraser l’image en m’assurant qu’ils vont bien, qu’ils sont bien vivants ; mais il n’en va malheureusement pas de même pour tous nos proches. La question tant attendue ne se laisse pas désirer et de me demander :
Ma réponse la plus pertinente se traduit par un silence long et transpirant le malaise, exprimant par-là ce que, à ce stade, ils peuvent entendre de ce qui est arrivé. Ignorant tout, ils comprennent – simplement – que Céline n’est plus. Mes beaux-parents ne disent rien, de peur de mettre des mots trop explicites sur la mort de leur fille et de la maman de Louis et Arthur qui se tiennent au milieu d’eux. La résignation dans le regard de mes gamins me montre qu’à cet instant précis ils ont bien assimilé ce qu’il y avait à comprendre. À croire que les événements des dernières semaines les ont préparés au pire, jusqu’à la perte de leur mère. Leurs yeux se mélangent, entre le soulagement d’encore avoir un père et la tristesse de ne plus avoir de mère. Nous avons eu notre lot de dramaturgie et venons spontanément à des considérations bien plus pragmatiques, se cantonnant à connaître la date de mon retour parmi eux sans s’étendre plus longtemps sur ce qui s’est passé aux États-Unis et les circonstances dans lesquelles Céline a passé l’arme à gauche.
J’apprends que mon propre père aussi est mort du A/H5N1 modifié HP. J’en prends acte comme on lit les avis nécrologiques d’un journal, sans savoir si on connaît vraiment les personnes qui y figurent et si on est censé être concerné. À croire qu’il y a trop longtemps que je ne l’avais plus vu. Je m’attelle à la recherche d’un vol qui puisse me ramener chez moi. Catastrophe ou pas, certaines choses demeurent immuables. Il en va ainsi des lois de l’offre et de la demande, les prix des vols oscillant entre l’invraisemblable et l’extravagant. Les files d’attente pour toutes les destinations de par le monde n’ont cessé d’accroître avec les jours et le besoin n’a évidemment jamais été aussi grand pour chacun de rentrer chez soi.
Je me réjouis néanmoins de constater que, en dépit du prix demandé, je sois tout de même en mesure de payer ; non seulement au regard du montant sollicité mais, surtout, en constatant que les applications bancaires fonctionnent de nouveau normalement. Vive la machine ! À en croire, comme disait Céline, qu’il y avait au moins une personne sur deux d’inutile. Il aura suffi que l’une d’elles remette les connexions au bon endroit pour que notre monde technologique d’avant puisse redémarrer. C’est presque avec plaisir que j’ai effectué cette transaction qu’il y a quelques semaines d’ici je me serais formellement refusée tant le montant est dissuasif. Le billet acheté, je décompte les jours, seconde après seconde, avant de revoir ce qu’il me reste de vie.
Giulian – le seul à qui je puisse m’ouvrir – n’a pas ma chance. Les quelques contacts qu’il a voulu établir avec ses proches se sont avérés infructueux. Il se retrouve seul, sans savoir à quel Saint se vouer pour espérer encore pouvoir joindre une personne qui lui soit chère. Je lui suggère de venir avec moi, de m’accompagner. Mais – et c’est fort logique – il préfère tenter, encore et encore, d’appeler un membre de sa famille et se refuse à l’idée de déjà perdre tout espoir de retrouver un proche en Italie. On se promet je ne sais trop quoi, sans y croire et en n’ayant pourtant que ça à quoi s’accrocher, de se revoir. On s’échange nos adresses comme on peut le faire avec des rencontres en fin de séjour estival à la plage ; avec la même désinvolture que lorsqu’on donne son numéro, sauf qu’ici je me réalise que je pourrais être le seul contact qui subsiste de son répertoire téléphonique. Je lui fais jurer de me tenir au courant s’il a retrouvé quelqu’un et de me rejoindre dès qu’il en aura la possibilité. C’est sur ces vagues promesses que nous nous quittons en pleurant une fois de plus dans les bras l’un de l’autre. Ces adieux ou ces promesses de retrouvailles sont néanmoins ce que nous avons de plus sûr et de plus honnête, sachant que nous avons partagé ensemble les moments les plus horribles de notre existence et que nous ne pourrons confier à personne d’autre.
Mary, elle, fait mine de ne pas me regarder. J’aimerais pourtant tellement pouvoir lui faire les mêmes promesses ou du moins les mêmes adieux. Je sais – malheureusement un peu tard – qu’elle m’aimait et que nous aurions pu, à deux, arrêter à temps ce qui est arrivé, sauver une bonne partie de l’humanité (aussi grandiloquent que cela puisse paraître) et par là même sauver notre relation. Si seulement elle m’avait dit, si seulement je l’avais comprise, si seulement on s’était aimé ouvertement plus tôt. Nous aurions pu éviter de tout briser. Maintenant, il est trop tard. Elle m’a définitivement éconduit et me verra jusqu’à la fin de ses jours comme un traître qui a fomenté l’horreur avec sa compagne, avec qui je lui avais en outre caché ma relation. J’avais déjà perdu Céline – ma compagne et la mère de mes enfants – et je perds maintenant l’amour et l’alliée que j’aurais pu trouver en Mary. Je sais cyniquement qu’elle ne s’en sortira pas et qu’elle ne m’en voudra probablement pas longtemps, tant je suis malheureusement persuadé qu’elle ne s’éternisera plus en ce bas monde. Je devrais tenter de la récupérer, tenter de lui expliquer mon amour pour elle, tenter de créer quelque chose ensemble. Mais, je ne sais pour quelle raison, j’en suis totalement incapable. Comme d’habitude, il n’y a là ni clairvoyance, ni prophétie, ni principe, ni renonciation ; juste de la lâcheté, juste de la faiblesse. Et puis, plus par prétexte que par justification, je me dis que Louis et Arthur ne comprendraient pas que je leur annonce le décès de leur mère au bras d’une autre femme. Et c’est sans dire au revoir à Mary que je la quitte.
Arrivé à l’aéroport, le taxi se voit contraint de me déposer avant même d’arriver au parking, celui-ci étant inaccessible. Comme personne ne sait qui avait placé les bonbonnes de virus et, surtout, s’il y en a encore d’autres qui peuvent exploser, presque tous les policiers survivants ont été mobilisés pour sécuriser le périmètre de l’aéroport de New York. C’est devenu le lieu le plus fréquenté et donc le plus à risque.
Ne sachant pas quels décideurs sont encore vivants et ce qui a bien pu (ou pas) être décidé, j’ignore s’ils ont pu déceler qui étaient les instigateurs des attaques de virus, d’autant que mes petits camarades et moi avons été dans l’incapacité de nous informer sur les enquêtes qui auraient été diligentées. Je commence à m’inquiéter des éventuels mandats d’arrêt qu’il pourrait y avoir à mon encontre. Savent-ils ? Quelqu’un connaît-il mon implication et celle de mes colistiers dans la catastrophe qui s’est produite ?
Nous sommes fouillés de près et n’avons l’autorisation d’accéder au hall de l’aéroport qu’après avoir montré patte blanche. Je me vois obligé d’abandonner la moitié du contenu de ma valise, même ma mousse à raser pouvant potentiellement être une petite bonbonne d’A/H5N1 modifié HP. Ce n’est que dénué de tout produit à risque et dépositaire d’un casier judiciaire vierge que nous pouvons accéder au hall.
On pourrait penser être à l’abri et n’avoir plus à s’inquiéter d’aucun risque, mais nous sommes malgré tout contraints d’encore nous distancer d’un mètre cinquante les uns des autres. Si tout apport du virus par des moyens extérieurs a été éliminé au contrôle, il n’en demeure pas moins que nous pouvons être nous-mêmes une bonbonne et véhiculer par notre propre corps le virus meurtrier. Rien ne permet de s’assurer à 100 % que nous ne sommes pas porteurs du A/H5N1 modifié HP et que nous ne le transmettrons pas. Nous devons respecter quelques gestes barrières en nous tenant à distance et en portant un foulard ou une écharpe devant la bouche, pour éviter au maximum la propagation de la maladie dévastatrice.
La file pour accéder à la porte d’embarquement est énorme. Il me paraît totalement irréaliste que toutes ces personnes puissent entrer dans un même avion et, mieux, qu’elles puissent l’être dans les temps impartis par le panneau d’affichage des vols. La lenteur avec laquelle la file se résorbe est due aux contrôles supplémentaires qui sont encore pratiqués avant d’entrer dans l’avion. Chacun doit justifier du motif de son voyage au regard de sa nationalité, de son lieu de résidence ou de travail, ou encore au moyen de quelque attestation qui justifie que l’on se rende à telle destination. Si nous pouvons nous estimer heureux de déjà être arrivés dans le hall de l’aéroport, ceci ne nous garantit pas encore de pouvoir accéder à bord d’un avion à destination d’un autre pays, avec lequel il pourrait y avoir des restrictions de contact en raison de la pandémie mondiale. 2 h 40 plus tard, j’ai non seulement réussi à franchir cette énième barrière, mais j’ai en outre pu trouver une place assise dans l’avion qui me mène à la maison. Vol sans encombre, si ce n’est l’absence de toute sustentation à cause de l’interdiction de servir quelque aliment ou boisson qui pourrait entraîner un surcroît de contacts inutiles et prohibés dans le contexte sanitaire, où prévaut dorénavant l’absence d’échanges interpersonnels.
J’arrive à bon aéroport et retrouve la voiture que j’avais garée dans le parking souterrain. À mon agréable surprise, la batterie est vaillante et la voiture démarre immédiatement. Je file sans plus attendre direction beaux-parents pour retrouver mes enfants. Je ne me suis jamais senti aussi étranger à ma belle-famille qu’à l’instant où j’ai l’index pointé devant la sonnette, le reste du corps planté sur un paillasson souhaitant bizarrement la bienvenue (sur un ton qu’on devine trop enjoué pour la circonstance). Arthur m’épargne la poursuite de l’effort du doigt tendu vers la sonnette. Il avait entendu la voiture que je garais sur l’allée en graviers et était venu m’ouvrir en courant.
Heureusement, les enfants n’en demandent pas tant et se passent bien volontiers des longs discours futiles à leurs yeux. Mes beaux-parents ont visiblement déjà fait une bonne partie du sale boulot à ma place, en expliquant ou en suggérant du moins que leur maman ne suivrait pas. C’est la deuxième fois de ma vie que je réalise réellement le fait d’être père. Cela m’était arrivé au tout début de ma prise de fonction, lorsqu’en rentrant de la maternité j’avais observé dans mon rétroviseur la réalité patente du Maxi-Cosi sur la banquette arrière du véhicule. Cette fois, inutile de regarder dans un miroir et de s’étendre sur le passé. C’est bel et bien devant moi que se trouvent mes gamins et notre avenir. Certes, il faudra composer avec ce passé, mais en étant résolument dirigé vers le futur si on veut espérer s’en sortir ou, du moins, si je veux espérer que Louis et Arthur, eux, s’en sortent. Après des embrassades probablement trop longues avec mes enfants, que mes beaux-parents tolèrent, vient le moment où il faut que je leur explique ce qui a bien pu advenir à leur fille. Ne perdons évidemment pas de vue que je suis le beau-fils et que je ne suis pas autorisé à émettre trop de critiques à l’égard de leur fille chérie. Cela dit, je n’en ai nullement l’intention.
Après un échange de banalités du même acabit, on sait tous – mes beaux-parents comme moi – que là n’est pas la question. Et que ça leur brûle les lèvres d’apprendre ce qui a pu nous arriver, en particulier à Céline.