Mademoiselle Le Long Bec - Rosalie Testi - E-Book

Mademoiselle Le Long Bec E-Book

Rosalie Testi

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Beschreibung

"Mademoiselle Le Long Bec" transporte chaque lecteur dans les méandres de l’enfance de Rosalie, prise dans la tourmente des choix fluctuants de sa mère, Suzanne. Alors que les déménagements et les séparations rythment son existence, Rosalie s’efforce sans relâche de trouver un havre de paix, un amour sincère. Mais que lui réserve encore le destin dans ce voyage tumultueux à travers les épreuves de la vie ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Rosalie Testi réalise son rêve de paysagiste en quittant sa carrière pour retourner aux études. Grâce à la création de jardins, elle peint des tableaux vivants, raconte des histoires au fil des saisons. À présent, elle choisit les mots pour partager son jardin secret avec les lecteurs, laissant éclore un nouveau zèle pour l’écriture.

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Couverture

Page de titre

Rosalie Testi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mademoiselle Le Long Bec

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Rosalie Testi

ISBN: 979-10-422-3380-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

Plonger dans les mémoires d’une enfance, c’est comme ouvrir une boîte aux trésors où chaque souvenir est une pierre précieuse. Lorsque cette enfance est décrite par une petite fille au regard unique, l’expérience est d’autant plus captivante. Nous allons découvrir le récit d’une enfance, à travers des mots simples, mais profonds, en se brinquebalant sans cesse entre frustration, humour, tendresse et indignation.

Nous sommes invités à revivre avec la petite Rosalie, ces moments où chaque découverte, chaque émotion, chaque interaction avec le monde qui l’entoure, vont prendre une dimension bien particulière et seront le fondement de sa vie future.

Absorbée dans le tourbillon de ces souvenirs, la réflexion est à l’honneur. Force est de constater que l’individualisme façonné par l’hostilité et l’indifférence du monde des adultes laisse une empreinte indélébile dans l’esprit des enfants.

Une chose est sûre, c’est que le petit cœur de Mademoiselle Le Long Bec déborde d’humour et d’amour dont l’innocence et la naïveté semblent être un bouclier à toute épreuve. Son regard sur le monde, rempli de spontanéité et de candeur, est d’une simplicité désarmante. Les petits plaisirs du quotidien indissociables des tourments qui les accompagnent prennent alors une importance démesurée.

 

Sabine Sanchez

 

Mademoiselle Le Long Bec

 

 

 

 

 

Je n’ai plus d’âge, je ne compte plus les années qui défilent et le temps qui passe puisque nous passons avec lui. Notre vie est balayée par ce temps qui ne cesse de nous échapper, il va si vite, il est énergique, sportif, il court sans arrêt et ne se retourne pas. Mes moments de bonheur se conjuguent au temps passé, je n’ai pas su les apprécier quand ils étaient là, certains se sont attardés, mais le temps s’est enfui. Prends un gâteau, tiens ! Il te fait envie, tu le sens, tu le humes, tu le mets dans la bouche, tu le goûtes, tu le croques, tu le fais rouler sous la langue pour en extraire toutes les saveurs, ça pétille, ça croustille et juste après avoir englouti la dernière bouchée, tu en reprendrais bien un peu, mais il n’en reste plus une miette, c’était un petit bout de bonheur, tu aurais dû prendre le temps de le savourer.

Le temps ne se s’attrape pas, il s’évade comme un voleur, il dure l’espace d’une rose. C’est quand même inouï de ne tirer aucune leçon de ses expériences passées, je suis du signe taureau, aucune jugeote, je fonce, je rue.

Insouciante ou inconsciente peut-être… un peu des deux.

Je n’oublie rien de rien. D’aussi loin que je me souvienne, je dirais à l’âge de trois ans, peut-être un peu plus, c’est dans un village du Sud de la France : Le Grau du Roi, dans une maison où la joie, la bonne humeur, la musique et l’odeur des dames-jeannes remplies de vin se mélangent à l’Italie. J’ai en moi un sentiment de bien-être permanent, je me le répète souvent et malgré mon jeune âge, je sais l’apprécier. Les personnes aimantes à l’accent chantant qui vivent là, me câlinent, me dorlotent et me laissent une certaine liberté. Mes grands-parents n’ont pas idée à quel point ils me rendent heureuse. Je goûte le bonheur de chaque instant, j’ai perdu ce savoir-faire en retournant d’où je viens, c’est-à-dire chez ma mère.

Mes parents se sont mariés, elle pour l’honneur, lui pour l’argent, cela se faisait beaucoup à l’époque surtout quand les parents de la jeune fille avaient quelques revenus, et surtout quand les jeunes gens se montraient quelque peu rapides en besogne.

Impatients ou imprudents, peut-être… un peu des deux.

Leur mariage se déchire comme du papier. Ils ont fait l’amour deux fois et le ventre de ma mère s’est arrondi, ma sœur est née dans leur regard et moi dans leur rupture. Pierre le beau ténébreux, cheveux noirs et bouclés, un regard sombre, des dents blanches qui lui font un sourire ravageur. Il est frivole et volage, Suzanne sait qu’il fricote ailleurs comme on disait autrefois, dès qu’elle a le dos tourné. Elle, elle traverse comme une ombre les plus belles années de sa vie.

Ignorants ou je-m’en-foutistes peut-être… un peu des deux.

 

Le chaos dans sa maison, après deux ans seulement, ma mère décide de rentrer chez ses parents, rue Léon Quet, c’est à deux pâtés de maisons de la nôtre. Elle est chargée d’une valise et d’un enfant à chaque bras. Elle débarque en arborant une mine réjouie, elle se sent libre à nouveau, elle est séduisante Suzanne, une jeune femme brune et pleine de charme, toujours le sourire aux lèvres. C’est une tête folle, désormais elle veut vivre comme elle l’entend, elle fait la sourde oreille aux conseils distillés par la famille, même si quelques fois ça fait des étincelles avec son père, elle ne craint ni ses menaces ni ses intimidations, elle sait que c’est du faux, que c’est du vent. Suzanne vit à pleins poumons, sachant pertinemment que ses parents lui ouvriront la porte chaque fois qu’elle en aura besoin, ils répondront toujours présents.

Sa chambre n’a pas changé de décor depuis qu’elle est partie, comme si elle attendait son retour d’un moment à l’autre, le papier peint et les rideaux sont frais comme s’ils avaient été posés hier, sa mère devait sentir le vent tourner, car une armoire et une commode sont venues compléter cette pièce claire et lumineuse déjà bien équipée. Suzanne y reprend ses marques et s’y installe avec ma sœur Franca, moi j’atterris dans l’alcôve de mes grands-parents. Ils arrivent à caser tout le monde sans avoir à pousser les murs.

Et le temps passe…

 

Un vendredi, après l’école, ma mère nous emmène à la gendarmerie du village tout près de chez mes grands-parents. Elle a la mine renfrognée, la mine des mauvais jours, ce qui ne présage rien de bon. Mille questions se bousculent dans nos têtes, nous ne sommes pas des fripouilles, ni des voyoutes, des voleuses non plus, mais quelle bêtise a-t-on faite pour en arriver là ? Nous nous regardons les yeux écarquillés, interrogatifs. Notre cerveau est en ébullition.

— Nous allons en prison sans passer par la case départ c’est ça ? me demande Franca un peu crispée.

Arrivées devant la grille, maman nous explique que notre père viendra nous chercher ici, désormais tous les quinze jours, nous passerons un week-end de fête avec lui. Elle nous précise qu’il sera là dans un instant et disparaît prestement.

Ouf ! Nous sommes soulagées, pas de prison, mais mon inquiétude n’a pas totalement disparu, car je n’ai aucun contact avec mon père depuis ma naissance. Je sais que Franca le voit régulièrement, j’aperçois Pierre à la sortie de l’école, il se tient toujours un peu en retrait, comme s’il se cachait pour faire une surprise à ma sœur. Tu parles ! Il ne veut pas croiser mon grand-père, il me donne l’impression d’en avoir peur, Ritiéri veille au grain et il tient à nous récupérer toutes les deux à la sortie des classes. Exceptionnellement, quand ma mère nous attend devant la grille de l’école, Franca part avec son père, il la ramène juste avant le repas et la laisse au bout de la rue, elle presse le pas pour rentrer à la maison et moi je la guette toujours de la fenêtre du haut, il faut bien que quelqu’un la surveille.

Franca ne se livre pas beaucoup sur ses escapades, mais peu importe, je réalise très bien que ma mère et mon père se disputent la garde de ma sœur, elle a d’ailleurs une autre famille dont je ne fais pas partie, il existe un autre grand-père, Giuseppe et une grand-mère, Graziella, je ne les connais pas et eux non plus n’éprouvent pas le besoin de me rencontrer, comme leur fils, ils ont déniché un trésor avec Franca et un trésor, ça ne se partage pas, pas de place pour deux. C’est la seule explication que j’ai trouvée et personne ne m’a dit le contraire, mais attendez un peu que je sois plus grande, j’arriverais à briser le silence qui m’entoure, pour l’heure, j’ai beau laisser traîner mes oreilles, je n’ai pas vraiment d’indice.

Ce vendredi-là, maman me fait douter, car elle promet un week-end magique pour moi aussi. Franca esquive mes demandes ou y répond à peine, tout excitée qu’elle soit de voir notre père. L’excitation me gagne aussi, j’accroche un sourire fendu jusqu’aux oreilles pour lui plaire, j’en ai même mal aux mâchoires. Tout à coup il fait son entrée !

— Le voilà ! Ça y est ! C’est mon jour !

 

Mais après quelques effusions de joie avec Franca, cette euphorie retombe comme un soufflet, tout se passe très vite, Pierre offre un cadeau à ma sœur et repart aussitôt la petite main de Franca dans la sienne. Elle ne me voit plus et lui ne me jette même pas un coup d’œil. Surprise, je cours derrière eux, mais la porte se referme sur moi, et soudain, plus personne, je reste là toute seule.