Maître d'œuvres - Christian Lecherbonnier - E-Book

Maître d'œuvres E-Book

Christian Lecherbonnier

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Beschreibung

Quoi dire de ces inventeurs : Léonard de Vinci Le parachute, le Vélo… Jules Verne : Le sous-marin, la fusée… Ils nous ont fait rêver ! 1817, invention de la télévision. Découverte de l’ADN en 1953, Le potier qui a façonné l’argile à laisser des traces de sa parole sur la matière meuble. Il sera un jour possible de retrouver cette sonorité. Ma nouvelle s’interroge sur cette possibilité. Un rêve à découvrir Ma nouvelle Écrite un dimanche après-midi après la lecture d’une nouvelle de Buzzati. Sans le vouloir. On prend une feuille de papier un Bic et on écrit. Lorsque qu’on s’éveille on a noirci le papier une histoire est née. 

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à Geneviève Barbier

Christian Lecherbonnier

Maître D’œuvre

Tout était calme à cette heure tardive. Mon pas résonnait sur les pavés bombés. J’arpentais, rue après rue, col relevé, bien chaussé. Je savourais l’espace qui s’offrait à mes yeux. J’aimais cette ville moyenâgeuse, figée dans l’histoire, parée des seuls lampadaires électriques, concession faite au monde contemporain. La cité subjuguait le passant : mystère des vieilles pierres, mystère du passé.

Je n’avais pas pris le chemin habituel, celui du ciné-club à chez moi. Le film finissait à 22 heures. La température taquinait le zéro. J’avais bifurqué sur ma gauche, vers le tour de ville. J’empruntais le chemin de Ronde : en s’appuyant sur la muraille, les mille ombres et lumières rendaient à la rêverie.

Quelques marches de pierres creusées, déformées, conduisaient à l’église. Robe de pierre et de verre, modelée par des mains savantes, cadeau merveilleux, laissé là en témoignage vertueux, livre ouvert entre ciel et terre. Je connaissais bien ces lieux. Cet après-midi encore, j’étais entré dans l’église avec les touristes. On y venait en car de tous les pays. Et dans le recueillement, ils parcouraient le chemin de croix. Chromatique des images emportées…

Les vitraux du 12ème étaient connus pour l’éclat de leur bleu, leur beauté translucide. Leur réputation en faisait un haut lieu de pèlerinage. L’organisation picturale de la demeure drainait les touristes dans un circuit processionnel qui les ramenait vers la sortie, tourmentés par ce qui leur paraissait important, exprimant à chaque fois d’innombrables commentaires, le long des fresques.

On aurait dit qu’ils chevauchaient avec ces rois conquérants, accompagnés de chariots et de bêtes, s’arrêtant ici et là, parchemins tendus aux princes, offrandes, scènes de rue. Les maîtres verriers comblaient l’espace d’anges et de diablotins. Les frises du haut représentaient les blasons des contrées asservies, celles du bas symbolisaient les saisons. Peu de femmes dans tout ceci : seule l’allégorie centrale, dominant toute la nef, en possédait une, attirante, auréolée. La main divine, placée au-dessus de sa tête, la protégeait. De côté, se tenait un homme de haute taille, en habit de cérémonie, se dirigeant vers elle. Une impression sibylline s’en dégageait. Ce vitrail contrastait avec les scènes de batailles.

Les touristes sortaient, émerveillés par tant de lumière colorée. Déconcertés, ils quittaient les lieux, l’air songeur, dans leur tête le tournoiement.

Pour moi, l’effet divin des spectres lumineux occultait l’expression narrative des vitraux. J’étais persuadé que la majorité de visiteurs regardait sans voir. Gourmands de lumière, ils s’enivraient, oubliant ce pourquoi ils étaient venus.

Et moi, pourquoi étais-je là ce soir devant cette église fermée ? Je revenais pour cette femme et pour cet homme. Pourquoi l’homme était-il sans visage ? Pourquoi cette femme portait-elle une robe blanche, symbole éternel de chasteté ? Le drap moulait son corps. La poitrine offerte suggérait la maternité. De qui avait-elle été l’amante ? Que s’était-il passé il y avait 800 ans ? Les personnages devaient être d’importance pour qu’ils fussent montrés ainsi et leur histoire cachée… Je m’entêtais. Je voulais savoir, mais comment ?

Pour ma centième visite, j’eus un espoir. Je m’aperçus que l’esthétique échappait à toute logique. Bien que restaurée en 1923 par l’école de Chartres, le vitrail semblait dépareillé. Maintenant, j’en étais sûr : Il avait été modifié après avoir été posé. La tête du jeune homme et la robe de la femme avaient été ajoutées. Dans quel dessein ? Je restais avec mon énigme. J’irais revoir le conservateur des monuments historiques.

Le cours du Roy était la dernière grande rue avant d’arriver chez moi. Je longeais une palissade sur laquelle je lus en souriant : « Travaux. Défense d’entrer ». Je me glissais entre mur et planches. Un énorme trou remplaçait l’ancienne bâtisse. Le scraper était en place, les dents mordant le sol acide, n’attendant que son heure.

Curieux, je m’aventurai jusqu’au fond, inventoriant le trou, gardant pour ma mémoire cette dérisoire escapade avant que le béton ambitieux n’interdise le passage. Je détaillais cette terre coupée en tranches comme un cake. Car cette terre ou plutôt ces terres, agrégats de tuiles, de tessons et de pierres, avaient été rapportées dans le but de gagner sur la colline, retenues sur les flancs par un imposant mur fortifié.

Dans le bas, la lune m’offrait ce sol en spectacle. Je ne voyais plus qu’un immense patchwork, tableau qui me renvoyait à ma petitesse.

Je m’approchai de ce qui me semblait être un vestige d’égout. La machine avait rongé la terre jusqu’aux pierres arc-boutées d’une ancienne porte. J’avançais à l’intérieur la peur au ventre. La lune faisait son possible pour m’éclairer ! Je m’embourbais. Deux blocs de pierres occupaient les deux tiers de la pièce. Je tendis le bras vers la dalle. Aucune aspérité ne contrariait l’avancée de ma main. Elle refroidissait à son contact, accentuant le frisson de mon corps à la pensée d’être à l’intérieur d’un caveau. Les deux couvercles de pierre avaient été déplacés. On connaissait donc l’existence de cette crypte. Mais alors pourquoi la presse locale, à l’affût du moindre chien écrasé, n’en avait-elle pas parlé ? Aucune rumeur n’avait troublé la ville.

Était-ce mon imagination fertile qui donnait trop d’importance aux choses du passé ? Etrange tout de même…