Maman, il y a un homme à la porte ! - Mavuemba Tuvi Pierre - E-Book

Maman, il y a un homme à la porte ! E-Book

Mavuemba Tuvi Pierre

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Beschreibung

Jeune fonctionnaire marié et père de trois enfants, Jean voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec Fabienne, une étudiante de 23 ans. Leur liaison passionnelle le pousse à quitter sa famille pour s’installer avec elle en centre-ville, mais les choses se compliquent lorsque le frère de Fabienne l’enlève et l’emmène à l’étranger. Face à cette situation, Jean est contraint de retourner auprès de sa femme et de leurs enfants, confronté aux conséquences de ses choix précipités.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pierre Mavuemba Tuvi exerce en tant que médecin dentiste et occupe le poste de chef de travaux à la Faculté de médecine de l’université de Kinshasa. Son immersion dans la nature a ravivé sa passion longtemps enfouie pour la littérature. "Maman, il y a un homme à la porte !" ne sera certainement pas sans suite.

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Pierre Mavuemba Tuvi

Maman,

il y a un homme à la porte !

Roman

© Lys Bleu Éditions – Pierre Mavuemba Tuvi

ISBN : 979-10-422-3942-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À propos de l’auteur

Pierre Mavuemba Tuvi est né, le 12 août 1954, à Muanda, dans la province du Kongo Central, en République Démocratique du Congo (RDC).

Après ses études primaires à l’école Saint-Louis de Muanda, en 1968, il obtint son diplôme d’état du cycle long des Humanités Pédagogiques à l’école secondaire de Kangu (ESEKA) dans le Mayombe, en 1974.

La même année, il est engagé comme enseignant de français au cycle court pédagogique de Kuimba (CCP/DIANA), au plus profond du Mayombe. Au mois d’août, il écrit une pièce de théâtre, « les tam-tams ne se taisent plus », et participe au concours théâtral interafricain radiophonique organisé par l’Office de Coopération Radiophonique (OCORA), pour lequel il n’a jamais été mis au courant des résultats. La pièce fut toutefois jouée par les élèves du CCP/DIANA, à la fin de l’année scolaire 1974-1975.

À la fin de l’année 1975, il s’inscrit en propédeutique-sciences, à la préuniversité de Kananga, dans le Kasai occidental où il obtient son certificat propédeutique le 31 juillet 1976.

Revenu à Kinshasa, il s’inscrit à la Faculté de Médecine, au campus de Kinshasa, à l’Université Nationale du Zaïre (UNAZA), et obtient le diplôme de Docteur en Médecine dentaire, le 31 août 1982.

Admis à l’assistanat à la même Faculté, après concours, il a évolué au Département d’Odontostomatologie, au Service de Parodontologie, jusqu’au grade de Chef de Travaux.

En juillet 1993, il est nommé Directeur Général de l’Institut Supérieur de Navigation et de Pêche de Muanda (ISNP/MUANDA), une institution académique qu’il fallait mettre en place, qui manquait de tout, à commencer par les infrastructures immobilières.

Responsable de la Clinique dentaire de Muanda et de l’ONGD « Sauvons Nos Côtes » (SANOCO), il est chercheur en Environnement et Protection des zones humides. Depuis 2009, il travaille sur les oiseaux du Parc marin des mangroves, et est l’auteur de plusieurs articles scientifiques dans ce domaine.

Il est coordinateur national pour la RDC, de Wetlands International et responsable du dénombrement annuel des oiseaux d’eaux sur la côte est-atlantique de la RDC.

Préface

La joie de lire l’œuvre du Directeur général, Docteur Pierre Mavuemba Tuvi, est que son écriture est une réelle revanche sur la géographie et l’histoire. Sur la côte congolaise de l’Atlantique ont été rédigées les monographies de la découverte de l’embouchure du fleuve Congo. Du même littoral est sorti le premier universitaire congolais, dont les écrits ont été d’une vocation interpellatrice sur la condition du noir en pays colonisé. Revanche sur l’histoire contemporaine de notre milieu académique qui semble plus aller dans la direction des manuels d’enseignement, laissant peu d’espace aux écrits originaux et gratuits de la délectation intellectuelle.

À travers ce roman, l’auteur prend une nouvelle dimension de la formation de la jeunesse congolaise et des générations futures. Il quitte les auditoires pour plus grand public dans les maisons, les salons, les milieux scolaires et universitaires, le bus, le métro, le navire, l’avion. Et à la fois, le respect et l’admiration classiques se consolident.

Le tableau peint est révélateur de la vie quotidienne en ville congolaise et africaine. Dès le matin, motos et voitures circulent, mais aussi exposent la vie à trépas. Si l’on n’est pas bousculé dans la rue, la maison n’est pas non plus un havre de paix. Le jeûne se pratique sans impératif religieux, en raison de la dureté des temps. Le port d’un sac porteur du don éventuel est toujours à portée de main.

Le thème de la famille y est abordé : la joie partagée quand père et mère sont en parfaite harmonie pour éduquer les enfants, le déchirement qui survient quand le père brise le lien. La néo-parenté a une place dans le roman. Des personnes rencontrées à l’école, à l’université, comme au lieu de travail, deviennent plus que des amis : de vrais parents. Non basés sur le sang, ces liens offrent autant de sécurité sociale que les liens biologiques. L’on peut se faire héberger par eux et ils viennent à la rescousse au premier signal.

Le père reste l’homme de la famille, impliquant quelque révérence, sinon quelque crainte. Ne point fouiller dans ses affaires et croire à ses « mensonges » est signe de respect et de bonne conduite pour l’épouse. Céder au caprice d’une co-épouse dans la même maison participe de la même déontologie, pense l’homme. L’amour de soi est pourtant triomphant en la femme : quitter le confort de la cité moderne pour une vie en bidonville en toute autonomie près d’une amie devenue sœur, ou encore élire domicile chez une tante pour affronter une vie de foyer abandonné par un époux happé par une jeune étudiante est témoignage de respect de la dignité de soi.

Le cycle de l’amour authentique est retrouvé dans le roman. La romance et le mariage, la venue des enfants, la joie de la réussite des enfants à l’école, la vie tranquille d’une famille avec un père qui est sur le tracé voiture-bureau-domicile, jusqu’au jour où une rencontre de supermarché ou de trottoir bouleverse tout. Là, « comme si quelqu’un s’était approprié l’âme de son mari », la pauvre épouse sort de son château, autant que les enfants expérimentent l’amertume : « école, travail, nourriture, tout cela importe peu. Tout peut attendre désormais ».

La mère reste le refuge, le rempart. Elle seule console. C’est le message porté par cet enfant pleurant dans son berceau que père et frère ne savent ramener à dormir. La mère lui donne le sein à téter jusqu’à ce que pleurs s’arrêtent et que sommeil tranquille arrive. La mère est un roc à tout vent. « Et malgré cette situation embarrassante… Elle doit continuer à faire sa part et ne pas laisser cet incident prendre le dessus sur sa vie de famille », souligne l’auteur.

La mère l’est également envers son époux. Elle sera le dernier refuge quand l’époux prodige sera abandonné par la « briseuse de foyer », qui n’hésite pas non plus à « larguer » sa progéniture au profit des mirages de l’Europe. Que des relations comparables au sable mouvant, non acceptées par les familles, détruisent foyers et vies entières ! L’auteur donne ici un avertissement à qui se contenterait de ce qui brille, qui n’est pas toujours or.

L’usage de la mémoire dans le roman est instructif. L’enfance de l’auteur devient présente par les mentions de la gare Jacques, de l’Institut des Pères de Scheut à Kangu, le voyage par train et le navire de Kangu à Kinshasa en passant par Boma et Matadi. C’est autant dire que tout passe, sauf le passé, pour reprendre la formule de Luc Huyse.

La solidarité dans la déviance est retrouvée dans le roman. Les camarades de Fabienne gardent le secret de la grossesse, le frère juriste a eu le même élan de complicité, Georges a laissé Jean, au cœur enchaîné, continuer sa double vie. Les conducteurs sur les artères de la capitale se coalisent en klaxons comme rempart aux extorsions des agents de circulation routière, sous le regard complice de leur hiérarchie.

Le thème de l’insatiabilité de l’homme est retrouvé. Un père de famille y succombe et ramène à la maison une maîtresse plus jeune que son épouse sans aucune honte et sans égard même pour sa progéniture.

Mais dans toute cette turbulence, le bien prend sa revanche dans cet homme qui n’hésite pas à prendre pour épouse, sans témoin familial, une femme humiliée qui a trouvé refuge dans un bidonville, allant jusqu’à adopter ses deux enfants.

Et le silence, la solitude comme expérience humaine ! L’épouse délaissée se retrouve seule avec ses enfants. Les fréquentations de la belle-famille et des amis finissent peu à peu. L’on est seul devant sa conscience, devant la vie éprouvée par les temps, devant sa lutte pour survivre. Tout se tait !

L’écriture du Directeur général Docteur Mavuemba Tuvi est limpide et contrôle à suffisance le cerveau du lecteur. Le roman est fait pour être « consommé ». Sa lecture commence pour être achevée en un trait. C’est une lecture tellement captivante ! Une vraie revanche sur un monde dominé par les réseaux sociaux, l’audiovisuel, la bière et le bruit. Occasion de recueillement en soi, sa lecture donne l’occasion de découvrir la société de ces temps, ses hommes et ses codes. Son style romanesque ne laisse pas sans leçon à tirer, ou sans morale selon l’usage pédagogique. En le lisant, on sait découvrir les risques que comporte la vie au quotidien. On sait se prémunir des assauts de l’esprit du temps et prévenir les égarements.

Il y a une certitude enseignée : la famille est le ciment de la société. Là réside le berceau de l’enfant, dont l’intérêt supérieur est un motif de cohésion pour les parents.

Richard Lumbika Nlandu,

Professeur de Droit international

Quand ils se ressemblent, les événements s’enchevêtrent, même dans l’esprit le plus lucide. Ils produisent, chez ceux qui les ont vécus et leurs proches, le sentiment que c’est un seul et même événement qui a duré dans le temps.

I

Debout comme une tige, le torse nu, les mains aux hanches, dans sa petite culotte dont le bleu était à peine perceptible, à force d’avoir été trempée dans l’eau, le petit garçon suivait attentivement les gestes de son grand frère qui était en train de défaire le lacet entremêlé de la chaussure pour la lui faire porter. Le grand frère était assis par terre, les jambes allongées et la chaussure sur ses genoux. Il paraissait préoccupé. Le petit le toisait du haut de ses presque quatre-vingt-dix centimètres, le dépassant d’une petite tête. Le nœud était fort serré et ne s’ouvrait pas. Le petit s’impatientait, relâchant de temps en temps ses bras, le long de son petit corps. Assise non loin de là, la mère se lève, et, d’un mouvement brusque, reprend la chaussure pour la défaire à son tour. Elle a suivi la scène avec attention et a capté le message du petit, par ses gestes d’impatience.

Il s’est passé trop de temps ! pense-t-elle.

Mais au bout de trois minutes, le nœud ne se défait pas non plus des mains, pourtant expertes à plus d’un titre, de la maman. Survient alors l’aîné des garçons. Sortant de nulle part, il a le regard ailleurs. Il est en train de passer son chemin et ne donne pas l’impression de revenir à la maison. Depuis le matin, il se promène çà et là avec ses amis, juste comme pour voir le temps s’écouler. Le petit l’aperçoit et s’élance vers lui. Au passage, il retire la chaussure des mains de la mère et la lui tend. Ce dernier le regarde avec surprise. Un court instant, il hésite à la prendre, mais le regard du petit suffit pour saisir le drame. Il ne se fait pas prier. D’un tour de main, il défait le lacet du soulier, comme par enchantement, et s’agenouille pour le lui faire porter, l’autre étant déjà au pied, sans chaussettes. Il a vraiment fallu qu’il mette la main à la patte pour débloquer la situation. Maman est un peu gênée, mais ne s’en offusque pas outre mesure. Ses enfants lui sont tellement précieux.

Après tout, il faudra bien qu’ils apprennent à se prendre en charge les uns les autres.

Puis, fier d’avoir réussi cet exploit, l’aîné se relève et continue son chemin, cette fois avec un compagnon imprévu et qui ne le quittera pas de sitôt. Le petit s’est accroché à son bras. Au début, le grand frère fait mine d’ignorer le petit bout de chou attaché à ses pas.

Il quitte la parcelle familiale et reprend le chemin de la rue. Le petit enfant le tient toujours et avance aux côtés de son héros du jour. Une motocyclette passe près d’eux. Le petit lance un cri de détresse. Dans un sursaut d’amour fraternel, son frère le soulève, puis le remet à sa place, sans faire aucune mention de cet incident qui, pourtant, a failli être majeur. Ils continuent leur route, tournent dans une rue perpendiculaire et vont droit devant eux, lui devant et, maintenant, le petit à ses trousses. Depuis l’incident de la motocyclette, il est bien rangé derrière son aîné. Il a lâché la main et le suit fiévreusement. Après près de trois minutes de marche, le grand frère s’arrête, tourne vers la gauche et s’élance en direction d’une parcelle avec un grand portail rouge. Il pousse la petite porte taillée dans le portail et pénètre dans la cour intérieure. La maison est au fond, avec un grand manguier devant, au beau milieu de la parcelle. C’est vers là qu’il se dirige. Trois jeunes gens jouent aux cartes avec grands bruits. Ils ont son âge. Il va droit vers eux et les salue en levant la main. Pour toute réponse, l’un d’eux lui indique un tabouret libre, de la tête. Ils sont très préoccupés. Au moment de s’asseoir, il se rend compte que le petit n’est pas derrière lui. Il lance un regard plus loin et aperçoit son frère, debout vers le portail encore entrouvert, les fixant des yeux. Il n’en a pas franchi le seuil. L’aîné l’appelle pour le rejoindre. Le jeune homme ne bouge pas. L’aîné insiste, joignant à sa voix, des gestes de la main, assez indicatifs de l’invitation, mais rien n’y fait. Le petit reste dans l’entrebâillement de la porte, le regard vers son frère. Il est toujours sans chemise, mais bien chaussé. Et son visage qui s’est assombri ne laisse présager rien de bon.

Le « grand » sent déjà la fin de son escapade de ce matin. Il va falloir s’occuper de ce petit garnement qui vient troubler ses moments de loisir. Il se lève de son tabouret et s’avance vers son jeune frère, espérant à chaque pas qu’il se déciderait à venir à sa rencontre. Au fur et à mesure qu’il s’éloigne du manguier, il se rend à l’évidence que sa journée est compromise. La distance qui le sépare de la porte de la parcelle lui semble si courte. Il ralentit son pas, mais le petit ne bouge toujours pas de son poste. Pourtant, il lui suffisait de venir vers lui pour rester à ses côtés, au milieu de ses amis. Cela lui laisserait encore la joie de jouer avec eux. Mieux valait pour lui de le porter même sur ses genoux, assis sur le tabouret qui lui a été offert, que de manquer cette partie de jeu de cartes. Après tout, c’est jour de congé aujourd’hui, et il n’y a pas classe. Retourner à la maison à cette heure ne servirait à rien. On ne peut même pas savoir à quel moment le repas sera prêt ce matin. Il a beau tourner les idées dans sa tête, et réduire ses pas vers la sortie de la parcelle, rien, non certainement rien ne l’empêchera de rejoindre le « petit bout d’homme » debout à l’entrée, et qui ne le quitte pas des yeux. Et, plus vite qu’il ne pouvait s’y attendre, le voilà devant lui. Il a envie de dire quelque chose, mais se retient à la dernière minute. Il reste la bouche ouverte, comme hébété. Il veut lever la main sur ce « petit monsieur » qui gâche sa journée, mais se ravise tout de suite. Il sait que ses amis sous le manguier le suivent du regard.

— Et si d’aventure le petit pleurait ? se dit-il. Qui sait ?

Il ne peut pas courir un tel risque. Cela se saurait immédiatement. La maman de la parcelle est peut-être là, en train de suivre la scène au loin. C’est une amie de leur mère. Il ne l’a pas aperçue, mais à cette heure de la matinée, elle est certainement dans la maison et pourrait bien suivre la scène de loin. Il leur est arrivé quelquefois, au cours de leurs jeux dans la parcelle de ses amis, quand le ton montait entre eux, que la voix de la maman fuse brusquement de l’intérieur de la maison pour mettre un terme à leurs discussions, de peur que cela ne dégénère. Les mauvaises nouvelles vont tellement vite dans ce quartier.

Hé oui ! Il vaudrait mieux se retenir. Et puis, cela ne ferait pas bonne impression de corriger son jeune frère, qui l’a suivi si innocemment, et ce, devant des étrangers, lui qui doit en être le premier protecteur. Brusquement, il sent une main tenir la sienne. Des petits doigts s’accrochent à son pouce et son corps est tiré vers la sortie de la parcelle. Le cadet n’a dit aucun mot depuis qu’ils sont partis de chez eux, alors qu’il l’a suivi librement, contre son gré d’ailleurs. Et voilà que maintenant, il voulait revenir à la maison.

— Mais pourquoi m’as-tu suivi ? lui demande-t-il.

Le jeune homme ne répond pas et continue de tirer la main du grand frère.

Instinctivement, ses pieds suivent le mouvement. Il avance sans réfléchir et a déjà franchi la porte. Est-ce un rêve ? C’est certainement un rêve ! Oui, ce n’est qu’un rêve, pense-t-il ! Et il espère bien se retrouver assis avec ses amis sous le manguier, à son réveil. Il voulait tellement être avec eux, autour de ce jeu favori.

Un crissement de pneus finit par le tirer de son « rêve ». Le petit, qui l’a entraîné vers la rue, s’est collé à lui, le ceinturant de ses deux petits bras, la tête blottie sur sa poitrine.

Encore une motocyclette ! se dit l’aîné qui n’a rien vu venir.

Cette fois c’est une voiture qui est passée à vive allure tout près d’eux. Presque instantanément, le chauffeur a relâché les freins après son arrêt brusque devant eux et est reparti sans prêter attention à ces deux petits irresponsables.

Toujours ces enfants sans domicile fixe, qui sillonnent les rues de la capitale ! s’est-il sûrement imaginé.

Peu importe ! Il aurait certainement eu la même réaction, même s’il les avait touchés. Après tout, il y a tellement de « chiens perdus, sans collier » par le temps qui court, dans la ville !

L’aîné, tiré de son rêve par ce bruit de freins, pose ses mains sur la tête du petit frère, comme pour lui dire : je suis là ! Le petit n’a pas encore maîtrisé la réalité de la rue. Le grand frère se retourne vers la parcelle ouverte de ses amis, pensant mettre à profit cet incident pour obliger son cadet à y revenir comme pour se mettre à l’abri, mais le bout d’homme se redresse promptement. Il saisit encore le pouce de son aîné et le tire dans le sens contraire. Le message est bien compris : c’est donc le retour vers la maison. Il retire son pouce de cette petite main et saisit franchement son frère par le poignet. Ils avancent sans mot dire, se mettant lui-même du côté de la rue pour mettre son frère à l’abri d’autres surprises désagréables. Cela suffisait pour aujourd’hui. Il ne faudra pas provoquer une situation qui énerverait leur mère. Ce n’est pas bon de s’attirer sa foudre, alors qu’elle doit certainement être préoccupée à leur trouver de quoi se mettre sous la dent en ce moment précis. Mieux valait donc, pour lui, de continuer à protéger ce précieux « colis » jusqu’à la maison. Malgré tout, plusieurs idées lui traversent la tête. Pourquoi le petit garçon n’a-t-il pas voulu entrer dans cette parcelle ? Pourtant il croit dur comme fer qu’il aurait pu gagner cette partie de jeu de cartes. Qu’à cela ne tienne ! « Ce n’est que partie remise, vous n’aurez rien perdu d’attendre », marmonne-t-il à l’intention de ses amis qui ne sont pourtant plus là !

Le petit marche, toujours accroché au bras du grand frère, et ils avancent en silence, faisant toujours attention aux motocyclettes et autres quatre roues. Ce silence commence même à lui faire du bien. Seul le préoccupait, pour l’heure, de retourner son jeune frère auprès de sa mère. Le soleil commence à monter dans le ciel. Il doit être environ dix heures du matin. Et en fin de compte, au bout de quelques minutes, ils arrivent devant la maison familiale. Le frère resté avec sa mère joue seul aux billes dans la cour. Il tue le temps, comme pour se remettre de l’échec du lacet, en attendant le repas. Il lance un regard à la fois doux et insistant vers son cadet qui vient d’entrer dans la parcelle au bras de son prince charmant. Le message passe vite. Sans se faire prier, le petit se défait calmement de la main du grand, et d’un bond, il se retrouve agenouillé devant l’autre qui, d’emblée, lui tend une bille. C’est une invitation tacite à jouer. Cette fois, c’est l’aîné qui se retrouve tout seul.