Mes années campus - Michèle Bès - E-Book

Mes années campus E-Book

Michèle Bès

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Beschreibung

À son entrée à l’université, Mila, une adolescente de 17 ans, s’interroge sur la vie estudiantine de sa grand-mère « Manou » au cours des années 70, époque dépourvue de technologies modernes. « Manou » décide alors de lui écrire des lettres décrivant avec tendresse et authenticité cette époque, mêlant ses récits personnels à l’Histoire du temps. Ces échanges épistolaires marquent le passage de l’adolescence à l’âge adulte pour la jeune fille, offrant une réflexion sur les évolutions sociales et technologiques.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Enseignante, Michèle Bès s’est attachée à donner à ses élèves, mais aussi à des adultes, le goût de la lecture et de l’écriture en animant de nombreux ateliers d’écriture. Retraitée, elle se consacre désormais à cette dernière ainsi qu’à la peinture. Après la parution en janvier 2022 de "Là où tout bascule" – un recueil de quatre nouvelles un peu sombres –, elle s’est replongée avec plaisir et nostalgie dans ses années fac pour écrire Mes années campus.

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Michèle Bès

Mes années campus

© Lys Bleu Éditions – Michèle Bès

ISBN : 979-10-422-3428-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À vous tous avec qui j’ai partagé

tant de rires et de joies,

tant de tristesses et de colères,

durant ces années 70,

je ne vous ai pas oubliés !

— Manou, il faut qu’on parle !

— Ouh là, ma chérie, j’aime pas trop quand ça commence comme ça !

— T’inquiète, y a rien de grave ; juste je voulais te dire qu’en septembre je rentre en Sciences sociales, sur le campus de Grenoble.

— Oui, je le sais et c’est très bien ; tu as fait ton choix parmi les filières, je pense que tu l’as mûrement réfléchi, ça doit ouvrir pas mal de portes pour la suite.

— Mais toi aussi, tu es entrée à la Fac à 17 ans ! Alors voilà, j’aimerais trop que tu me racontes comment c’était : à quoi ressemblait le campus ? C’était comment tes cours ? Tu faisais quoi ? Tu as eu des copains ? On dit souvent que les années 70, c’était la libération sexuelle, les drogues à gogo, le rock, la vraie vie, quoi !

— Ne crois pas trop tout ce qui se dit, il y a beaucoup de légendes sur cette époque. La grosse différence avec toi, c’est que tu rentreras chez tes parents tous les soirs ; moi, j’étais boursière, je venais de loin et j’ai eu droit à une chambre en résidence universitaire.

— Ah oui ? Laquelle ? On la voit en passant en tram ?

— Bien sûr, c’est Berlioz, la toute première résidence à droite de la butte où il y a toujours écrit « Domaine universitaire ».
— Ah celle-là… j’ai vu que c’était bien vieux et bien moche quand même…
— Oui mais quand je suis arrivée, le campus était tout nouveau : il était sorti de terre dans les années 60, il paraît que les résidences ont été construites vers1968 pour loger les athlètes des Jeux olympiques.

Tout était neuf et plutôt vide : peu de bâtiments, très dispersés, de longues rues désertes, pas de tram évidemment et des bus uniquement sur l’avenue qui descendait en ville ; mais pour l’époque, c’était un pôle très important. Beaucoup de bacheliers postulaient pour y venir. On m’a dit qu’au printemps 70, il y avait eu de grosses émeutes, des attentats dont le campus était l’épicentre. Heureusement, on n’en a pas entendu parler à G. sinon jamais mes parents n’auraient accepté que je vienne faire des études ici !

— Ah, oui quand même… Mais Manou, je suis sûre que tu as vécu plein de choses là-bas, tu veux bien me raconter un peu ? Enfin, je t’oblige pas si tu penses que c’est trop intrusif…
— C’était ma jeunesse, ma puce, j’y suis restée sept ans, c’est long et court à la fois. Tu veux vraiment que je te raconte comment c’était, comment on vivait sans portable, sans ordi, sans télé ?

Tu sais, les ordinateurs sont arrivés dans les familles dans les années 90, les premiers téléphones portables dans les années 95 ; il y avait les Minitels qu’on utilisait beaucoup et les premières télécommandes pour la télé – cathodique bien sûr, sont sorties dans ces années-là aussi…

Avant, eh bien, on s’écrivait, on glissait des messages sous la porte, on se donnait rendez-vous et on y était à l’heure, on écoutait beaucoup la radio, on allait chez les uns et les autres, tout le monde était accueilli avec bienveillance.

Tu vas me prendre pour un dinosaure, ma puce, et j’ai peur que tu te lasses très vite.

— Manou, mais non, ça m’intéresse à donf ! Jamais je te prendrais pour une vieille qui radote, jamais je ne me moquerais de toi, je te le promets, je t’aime trop pour ça !

Écoute, j’ai un peu réfléchi et je te propose un truc : écris-moi des lettres qui me racontent ta vie à l’époque, tu sais si bien écrire, du coup je prendrais le temps de te lire ; tu sais, moi aussi j’adore lire et c’est toi qui m’as donné l’envie depuis toute petite.

— C’est vrai, je t’ai raconté beaucoup d’histoires « réelles ou imaginaires » comme tu disais et je t’ai donné beaucoup de livres. Je suis contente que tu aimes ça, c’est la meilleure ouverture sur le monde que je connaisse. Des lettres, pourquoi pas ? Ça fera travailler ma mémoire, tu pourras les relire ; ce sera mon cadeau pour ton anniversaire, tu pourras les garder si tu veux.
— Oh oui, je suis sûre que je vais adorer ! Et puis ce sera notre secret, je te promets, solennellement, que personne d’autre que moi ne les lira.
— Oui, j’y tiens, je te parlerai en toute franchise mais je ne veux surtout pas que ta mère découvre certaines choses ! Bien qu’il y ait prescription maintenant ! Bon, y a plus qu’à acheter un gros bloc.
— Tu ne te sers pas de ton ordi ?
— Si mais à la fin seulement, quand j’ai fini de corriger, de raturer, de rajouter… ça prend du temps tu sais, je ne veux pas t’offrir un brouillon !
— C’est trop bien, Manou ! Moi, après chaque lettre, je t’enverrai un message, je te poserai des questions si j’ai pas tout compris. Euh, je pourrais te faire des remarques, des commentaires ?
— Oui, bien sûr mais ne sois pas trop dure avec moi ! C’était toute une époque qui n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui…
— J’ai trop hâte, Manou, c’est trop génial ce qu’on va vivre !

— Je suis donc obligée de faire ça bien ! Tu vas découvrir quelqu’un que tu ne connais pas et qui n’a pas grand-chose à voir avec ta grand-mère d’aujourd’hui.

— C’est pas sûr : dans ta tête, tu es toujours jeune, tu comprends tout, tu es ouverte et tolérante, tu sais beaucoup de choses aussi. Je suis sûre que ça vient des expériences de cette vie d’avant…

— Peut-être, tu me diras ça après la lecture de mes lettres. Je pense qu’une lettre tous les quinze jours est un bon timing ; ça te laisse le temps de digérer et de répondre.

L’idée prend forme dans ma tête, je crois que ça va être intéressant et original de faire ça. Merci pour l’idée, ma puce !

« Les mots ont le pouvoir de réincarner le monde », je ne sais plus qui a dit ça, mais c’est tout à fait mon état d’esprit.

Mila, il va falloir que tu fasses l’effort de changer de siècle ! Rien de ce que j’ai connu n’est pareil aujourd’hui : ni la façon de s’habiller, ni la musique, ni les couleurs, ni les mentalités surtout. Ça risque d’être un peu complexe pour toi ce retour en arrière ; je vais essayer de te faire comprendre les choses, de t’expliquer la politique, la société mais n’aie pas peur, je ne vais pas te faire un cours d’histoire ! Mes petites histoires vont se mêler à l’Histoire, du moins à ce que j’en ai perçu à travers ces années.

Tu vas faire connaissance avec la fille que j’étais, pas sûre d’elle du tout, un peu handicapée en relations sociales, très bonne élève, avec beaucoup de désirs, d’envies, de rêves mais aussi avec beaucoup de révoltes, de déceptions et de tristesse parfois.

Tu as su que j’ai eu une enfance difficile, ça m’a marquée mais en même temps, ça m’a forgé une carapace qui a fait que je ne suis tombée dans aucun piège sauf une fois ou deux mais c’était dû à ma naïveté.

Rien ne m’est arrivé que je ne l’ai décidé même si c’était dur à vivre parfois.

On m’a dit que j’étais « canon » à cette époque, je ne m’en suis jamais rendu compte, bloquée par les « mais que tu es moche, ma pauvre fille ! » de ma mère.

Du coup, j’étais du genre « oursin » : douce et tendre à l’intérieur, plutôt froide et fermée à l’extérieur.

Je ne t’en dirai pas plus, c’est inutile puisque tu n’as pas connu tes arrière-grands-parents.

Ta mère et ton oncle ont su tout ça, ils m’ont aidée comme ils ont pu mais l’anxiété qui me submergeait parfois les a marqués. Après, on a fait au mieux pour faire d’eux les personnes heureuses et équilibrées que tu connais.

Par contre, je te demande instamment de ne pas interroger ta mère sur ma vie, inutile de remuer tout ça, ça ne fait du bien à personne.

Mais il fallait que tu en connaisses un peu pour mieux comprendre comment j’ai vécu.

Oups, je sens que j’ai plombé l’ambiance !

Attention, la première lettre est prête, elle raconte mon arrivée sur le campus.

Bisous tout doux, ma Mila.

Lettre 1

On est le 5 septembre 1971 ; avec mes parents on monte à Grenoble pour mon inscription à la fac.

On a reçu un courrier avec toutes les directives, les documents à présenter et le chéquier à prévoir ! Tu sais, la carte bancaire n’existait pas (elle sera créée en 1984), le compte chèque était au nom de mon père, je n’avais que l’argent mis de côté quand je pouvais et c’était pas grand-chose.

D’après le dépliant qu’on a reçu, le campus, c’était environ 40 000 étudiants, profs et administratifs dont plus de 10 000 internationaux.

Il se divisait en 3 pôles principaux : Université scientifique et médicale – Université des Sciences sociales – Université des Langues et Lettres.

Plus l’INPG qui regroupait des écoles d’ingénieurs, les IUT pour tout ce qui était technique et le Creps pour ce qui concernait le sport avec une piscine dotée d’un bassin olympique, le must !

Il y avait 4 résidences : Ouest, Berlioz, Fauré et Condillac, plus l’ALJT, le seul immeuble de 13 étages, le plus cher et qui était mixte : étudiants et jeunes travailleurs.

Après avoir cherché un peu, carte et dépliant en main – évidemment pas de GPS à l’époque ! on tombe sur un talus avec un gros rocher sur lequel était inscrit en fer forgé « Domaine universitaire ». On suit une longue avenue avec quelques rares panneaux ; tout paraissait très moderne, avec des sculptures de Calder un peu partout, on longe ce qui s’appelait La Place Centrale d’après le dépliant : un grand parvis dallé en noir et blanc avec l’Amphi Louis-Veil et l’immense bibliothèque des Sciences, le tout d’une architecture très moderne aussi ; et de l’autre côté de cet espace, il y a la bibliothèque des Lettres, la fac de Droit, Sciences Po et enfin un bâtiment avec une entrée style temple grec : « Université Stendhal – Langues et Lettres ». C’est là.

Mon père gare la voiture et décide de nous attendre, c’est ma mère qui m’accompagne. On monte des marches et on entre dans un hall immense soutenu par des piliers. Il n’y a plus qu’à suivre les flèches « inscriptions 1re année » ; on pénètre dans le bas d’un « amphi » où des flèches nous donnent le sens à suivre ; les rangées de bancs s’étagent haut en dessus en demi-cercle, c’est assez impressionnant.

Il n’y a pas trop de monde, les filles qui sont là prennent le temps de bien m’expliquer, ma mère abandonne, elle est déjà larguée.

1re étape : je m’inscris en 1re année de DEUG Lettres modernes, mais il y a du latin, de l’ancien français et une langue vivante obligatoires – je choisis italien.

Une fille m’explique : « Tu auras des cours généraux en amphi – ici ou le B – et d’autres par groupes dans des classes – les TD. Tu auras des devoirs à rendre qui seront notés mais personne ne contrôlera si tu les as faits ou pas : tu seras en totale autonomie, pas du tout pareil qu’au lycée…

Tu devras valider 7 UV – unités de valeur – en fin d’année avec la possibilité d’en repasser 2 en septembre ; tu auras des partiels – des examens – 2 fois par an avec un coef décidé par les profs pour chaque matière. Pareil en 2e année. Si tout marche bien, tu passes en Licence puis en Maîtrise. Après ce sera une autre histoire. »

Elle me donne un épais dossier « à regarder plus tard ».

2e étape : les assurances, obligatoires et chères – ma mère fait la gueule en sortant le chéquier.

3e étape: le CROUS ; on me donne le reçu de la bourse à laquelle j’ai droit, sur laquelle sera prélevé le premier loyer, un carnet de tickets de Resto U et surtout la résidence où j’aurai ma chambre : Berlioz, bâtiment C 2e étage, je dois récupérer ma clé chez le concierge au bâtiment A.

Encore des gens qui me parlent engagement politique, carte du parti, syndicats… je verrais ça plus tard.

J’ai les bras chargés de dossiers, de documents divers et variés mais c’est fait : j’ai tout signé et à la toute fin, je reçois enfin le Graal : ma carte d’étudiant dûment tamponnée.

Ouf, c’est fini ! Ça fait beaucoup d’infos d’un coup, heureusement les cours ne commencent que le 5 octobre, j’ai un mois pour tout digérer.

Je rejoins les parents qui râlent : tout est trop cher, trop compliqué, trop loin, etc. Autant te dire que pas de bourse, pas de fac, j’aurais dû faire l’école d’infirmière comme les copines et rester à G.

Je comprends vite que je n’aurai pas d’argent pour les fournitures, les livres, les à-côtés et le car pour rentrer le week-end… Comment je vais faire ? Il faudra me débrouiller – parce que, bien entendu, je devrai rentrer dès le vendredi soir à la fin des cours et à toutes les vacances scolaires.

— Tu vois, Mila, c’était plutôt compliqué, il fallait se déplacer pour tout, se tenir au courant au Bureau des étudiants, ne pas louper les courriers, ne pas rater les échéances pour payer le CROUS sinon plus de bourse…

J’espère que je t’ai donné un aperçu de ce que c’était, j’avais la tête archi pleine ! Dans la prochaine lettre, je te raconterai la découverte de Berlioz et de ma chambre, mon chez-moi, mon abri ; tu n’imagines pas combien c’était important, vital même.

Bonne lecture, ma puce.

Lettre 2

Avec les parents, on va déjeuner à la Cafeteria de Record (aujourd’hui c’est un Géant Casino), le grand supermarché qui est de l’autre côté de l’avenue qui mène en ville, c’est à deux pas de ma résidence, ce sera pratique pour les courses.

Après le café, on traverse et on entre dans Berlioz. Il y a quelques jeunes qui traînent mais très peu, ce n’est pas encore la rentrée, quelle que soit la fac.

Bâtiment A, je récupère la clé de ma chambre : bâtiment C, 2e étage, numéro 225 c’est là.

J’ouvre, avec un mélange d’appréhension et de plaisir.

C’est… petit, 10 m² tout au plus. À gauche, un rideau marron épais cache un grand placard, à droite le même rideau cache un lavabo, un bidet et des WC, il y a une armoire de toilette avec une étagère au-dessus du lavabo. Face à nous, une grande fenêtre coulissante couvre tout le mur ; dessous sur toute la longueur, une grande table sur tréteaux avec deux meubles, l’un à tiroirs, l’autre avec une porte.

À gauche, un lit d’une place avec un panneau de bois à la tête et tout le long du lit ; en face en hauteur sur le mur, un grand placard suspendu avec deux portes qui encadrent une double étagère.

Et c’est tout !!

Les rideaux sont marron, le dessus de lit à carreaux jaune et marron, deux draps, une couverture marron, une taie de traversin jaune et marron, propres mais déjà usés. J’avoue : ce n’est pas d’une gaîté folle. Ma mère s’énerve :

— On ne va pas la laisser « dans ce trou à rats » ? On va l’arranger un peu, t’inquiète pas.

Vite, elle sort un mètre, prend les dimensions du dessus de lit, 120 par 190, ça va, c’est pas trop petit et celles de la fenêtre : je vais te faire un joli dessus de lit et des rideaux, ça habillera et tu amèneras les draps, les taies et ta couverture de la maison pour te sentir chez toi.

Terminé, je tire les volets en bois, je ferme ma porte. Dans le couloir, il y a des chambres numérotées, 8 de chaque côté. Au milieu, une sorte de grande cuisine avec un double évier, des plans de travail carrelés et 4 plaques électriques à 2 feux.

En face, les douches, 4 d’un côté, 4 de l’autre avec une patère derrière la porte. C’est sommaire mais propre.

Le concierge arrive, il s’adresse uniquement à moi :

— Ta chambre doit être propre, la femme de ménage passe une fois par semaine, elle nettoie et change les draps. Tu n’as pas le droit de faire des trous dans les murs ; si tu les abîmes avec du scotch, les frais de peinture seront à ta charge. Je viendrais faire un état des lieux en juin.

Il n’y a pas de frigo, tu mettras le beurre, le lait et les fruits dans un sachet pendu à la fenêtre, tu ne dois pas cuisiner dans la chambre, la cuisine est faite pour ça, mais tu peux faire chauffer de l’eau pour le café ou le thé.

Autre chose : s’il y a quoique ce soit avec des garçons, du bruit, des beuveries… tu m’en parles mais ne viens pas me déranger pour rien.

Il y a un téléphone par étage, c’est moi qui passe l’appel, entrant ou sortant, j’appelle le numéro de chambre par haut-parleur ; de même pour les visites autres que des étudiants.

Il se tourne vers mes parents, légèrement tétanisés :

— Ne vous inquiétez pas, je connais tous les résidents sauf ceux qui arrivent. C’est calme, ici, les jeunes sont là pour bosser, je me charge de le rappeler à ceux qui oublient.

Il y a aussi une cafeteria et une salle de spectacle gérées par « L’Association des Résidents de Berlioz ». Il y a une boîte aux lettres, devant Barnave, le resto Universitaire, en face.

Vous avez des questions ?

Ma mère tente le coup des rideaux et des draps :

j’aime pas trop ça mais si c’est vous qui le faites et correctement, je vous autorise mais pour les draps, non, ce sont ceux du Crous et rien d’autre. Allez, au revoir et toi à bientôt.

On s’assoit tous les trois sur le lit, sonnés. C’est bon, on rentre à la maison.

Tu vois, le premier contact n’était pas vraiment réjouissant ; mes parents m’ont saoulée de récriminations pendant tout le trajet. Bon, il fallait qu’ils digèrent aussi.

Toutes ces chambres côte à côte sur trois étages, ça fait beaucoup de monde quand même et il y a cinq bâtiments… Et puis cette chambre toute petite qui donne sur l’intérieur de la résidence, il y aura peut-être moins de bruit – ça, c’est ce qui inquiète le plus les parents.

J’avoue que je n’ai pas trop le moral, je ne voyais pas les choses comme ça ; c’est plutôt déprimant, est-ce que je vais m’habituer ?