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La ville de Londres est continuellement menacée par des attaques de démons. Miss Plumpridge, une gouvernante au caractère bien trempé, maintient l’ordre dans la demeure de Lord Maupleroy, un magicien au service de la Couronne. Lorsque ce dernier lui demande de l’aider à enquêter sur l’origine des démons, elle doit délaisser son tablier et retrousser ses manches. Avec l’aide d’Hector, un crâne parlant, et de leurs amis, Lord Maupleroy et Miss Plumpridge réussiront-ils à sauver la ville ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Elodie Di Fazio aurait pu devenir archéologue ou chasseuse de tête, mais elle avait trop d’histoires à raconter. Son imagination débordante s’est éveillée dès qu’elle a découvert ses premiers livres à l’âge de 4 ans. Les mondes fantastiques lui ont souvent servi d’évasion pendant les cours de mathématiques. Aujourd’hui, elle consacre son temps libre à écrire des pages et des pages.
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Elodie Di Fazio
Miss Plumpridge
et Lord Maupleroy
Livre I
La gouvernante et le magicien
Roman
© Lys Bleu Éditions – Elodie Di Fazio
ISBN : 979-10-422-3740-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Miss Drusilla Plumpridge, gouvernante de son état et femme sensée depuis toujours, était sur le point de craquer. Ce qui se traduisait le plus souvent par l’engloutissement effréné d’une dizaine de biscuits au citron et à la verveine. Elle regrettait toujours ces excès une fois la tension retombée, mais devant le chaos qui régnait dans la cuisine du 112 Hagger Street, elle songeait sérieusement à attraper le pot de biscuits et à remonter dans sa chambre afin d’en faire une orgie.
« Un peu de sérieux, Drew », se morigéna-t-elle. Si elle quittait le champ de bataille, elle pouvait dire adieu à l’ordre et l’efficacité qu’elle s’employait à faire régner depuis plusieurs années sur ce qu’elle considérait depuis comme son domaine. Miss Drusilla Plumpridge était peut-être sur le point de craquer, mais elle inspira un grand coup, remonta ses manches, resserra son tablier et se mit à donner des ordres.
— Emilia, cessez immédiatement de pleurer et rattrapez donc cette poule – elle n’a pas à courir dans la cuisine, elle doit finir dans ce four. Simon, posez cette bouteille et mettez la même ardeur à astiquer ce plan de travail qu’à la boire. Quant à vous, Mrs Calloway…
La vieille cuisinière acariâtre lui lança un regard peu amène qui ne tira aucun frisson à Miss Plumpridge.
— … j’attendais ce thé pour neuf heures, pas pour neuf heures dix. Dépêchez-vous.
La jeune aide-cuisinière sécha ses larmes et se mit à quatre pattes pour attraper la poule rebelle, le commis attrapa son chiffon et en un rien de temps, une tasse de thé parfaitement infusée fut posée devant Miss Plumpridge.
« Bien », pensa-t-elle. « La journée n’est peut-être pas totalement perdue. »
Elle posa le thé sur un plateau, y disposa quelques biscuits – les mêmes qui avaient failli être victimes de sa crise de nerfs – et y ajouta un pot de marmelade. Elle souleva le plateau avec une aisance acquise depuis des années à exécuter les mêmes rituels et quitta la cuisine en priant secrètement pour que la situation ne dégénère pas à nouveau dès son départ. La gouvernante trottina d’un pas rapide à travers les escaliers et les couloirs de la maison jusqu’au premier étage, et se faufila à travers l’entrebâillement d’une pièce plongée dans l’obscurité. C’était à peine si la lumière filtrait à travers les épais rideaux de velours presque perpétuellement tirés.
— Bonjour, Milord, claironna Miss Plumpridge en posant le plateau sur la table de chevet près du grand lit à baldaquin.
Elle se dirigea ensuite vers la fenêtre et ouvrit les rideaux d’un geste vif. Le soleil entra à flots dans la chambre, et la silhouette enfouie sous la courtepointe brodée poussa un grognement en rabattant les couvertures sur sa tête.
— Miss Plumpridge, je ne crois pas qu’il soit approprié d’être aussi énergique de si bon matin, se plaignit l’occupant du lit.
— Et moi, je ne crois pas qu’il soit approprié de dormir encore après neuf heures passées. Un gentleman de votre rang devrait déjà être occupé à mettre ses capacités au service de l’Empire.
— Fichez-moi donc le camp !
Sans tenir compte du ton particulièrement hargneux du propriétaire de cette voix, Miss Plumpridge tira les couvertures jusqu’à ce que le râleur endormi se lève d’un bond avec un cri d’agacement. De tous les employeurs que Miss Plumpridge avait déjà eu le plaisir – ou le déplaisir – de servir, Lord James Maupleroy était sans aucun doute le plus déconcertant, le plus exaspérant et le plus cavalier. Debout au pied du lit, il toisa Miss Plumpridge sans paraître dérangé par sa tenue plus qu’indécente – une simple chemise passée sur un caleçon long, pensez donc !
— Le petit déjeuner est prêt, lui indiqua la gouvernante. Mangez au moins la moitié et allez vous habiller ensuite.
— Ma chère, je pensais avoir engagé une gouvernante, pas une nounou.
— Milord, rétorqua-t-elle sur le même ton, si vous étiez capable de prendre soin de vous-même, je vous laisserais vous débrouiller, mais nous savons tous les deux de quoi vous êtes capable quand vous êtes livré à vous-même…
Lord James Maupleroy releva le menton, vexé, puis se drapa dans sa dignité et choisit sagement de ne pas répondre et de prendre plutôt un biscuit.
— Là, vous êtes contente ? fit-il en croquant dedans.
— Extatique, monsieur.
Boudeur, Lord Maupleroy sirota son thé, l’air maussade, tandis que sa gouvernante s’affairait autour du lit, tirant et lissant les draps et les couvertures. Elle travaillait pour lui depuis plus de trois ans, et le même rituel agaçant se répétait encore et encore.
— Miss Plumpridge ?
— Oui, Milord ?
— Vous comptez maltraiter ce pauvre oreiller encore longtemps ?
— Jusqu’à ce qu’il soit parfaitement rebondi, Milord.
— Sortez ! s’emporta-t-il. Vous me rendez fou !
Miss Plumpridge ne s’offusqua pas d’un tel manque de courtoisie, qui dérogeait totalement au flegme britannique de rigueur, et quitta la pièce sans se presser, emportant au passage les restes du petit-déjeuner de Lord Maupleroy. Celui-ci claqua la porte derrière elle afin d’obtenir enfin un peu de tranquillité. Miss Plumpridge descendit l’escalier d’un pas rapide – elle ne se permettait jamais de perdre une minute lorsqu’elle travaillait, sans quoi la maison sombrerait sans doute dans un chaos monstre.
À l’entrée des cuisines, elle constata avec soulagement que les lieux étaient ordonnés et calmes. Emilia surveillait la cuisson de la poule prévue pour le dîner, Simon avait fini de nettoyer toutes les surfaces possibles, et cuvait dans un coin – on ne décelait sa présence qu’à la paire de bottes éculées qui dépassaient du coin d’un meuble et au ronflement sonore qui résonnait dans la salle. Quant à Mrs Calloway, elle arborait toujours une mine sinistre, mais épluchait avec application les légumes prévus en accompagnement de la volaille.
« Bien, bien, bien. »
Alors que Miss Plumpridge s’affairait à la confection d’une tarte pour l’heure du thé, la clochette accrochée au-dessus du four s’agita avec un son aigrelet et insistant. Avec un soupir, la gouvernante essuya ses mains pleines de farine et alla répondre à l’appel du maître de maison.
— Oui, Milord ? demanda-t-elle en pénétrant à nouveau dans la chambre de Lord Maupleroy.
Par un miracle certain, il s’était habillé sans éparpiller la moitié de ses effets personnels à travers la pièce. Seule sa robe de chambre traînait sur le dossier d’un fauteuil moelleux. Lord Maupleroy était en train d’ajuster les flots de sa cravate face au grand miroir disposé près de la porte de sa garde-robe. À présent qu’il était pleinement réveillé, il semblait nettement plus impressionnant vêtu de sa veste damassée écarlate et de sa chemise impeccablement blanche, rasé de près et sa chevelure blonde disciplinée en catogan. Il ressemblait enfin au magicien qu’il était, et qui servait l’Empire avec application. C’était lorsqu’il ouvrait la bouche que l’effet se dissipait quelque peu.
— Je vous jure que dans un futur prochain, les hommes n’auront plus à s’embarrasser de toutes ces futilités. Raaah !
La cravate était en train de gagner la bataille qu’il avait engagée contre elle. Miss Plumpridge s’avança et se hissa sur la pointe des pieds pour s’occuper de la dentelle récalcitrante. Le sommet de son crâne atteignait à peine le menton de son employeur.
— Milord, vous ne pouvez décemment pas vous plaindre tant que vous n’avez jamais eu à porter un corset.
Une lueur d’intérêt s’alluma dans le regard de Lord Maupleroy.
— Si je me soumets à cet exercice de torture, puis-je rester ici au lieu de me rendre au palais ?
— Non, répondit fermement la gouvernante. La Reine vous attend, et il est fortement contre-indiqué de faire patienter une femme.
— Miss Plumpridge, vous savez si bien réduire tous mes espoirs en cendre.
— Cette maison et ses employés ne sont pas payés avec des espoirs, mais avec des pennies, monsieur. Daniel vous attend dans le fiacre, allons.
Elle recula d’un pas pour admirer son ouvrage, la lavallière domptée et parfaitement ordonnée à présent. Lord Maupleroy jeta un coup d’œil à son reflet puis rendit la surface du miroir opaque d’un claquement de doigts. Dans son bureau et ses quartiers, aucun reflet ne permettait de déposer un enchantement non désiré. Il évitait le plus possible de passer devant l’horloge ancienne dont Miss Plumpridge astiquait la vitre avec un soin méticuleux.
— Je reviendrai sans doute à temps pour le thé.
— Très bien, Milord.
— Vous êtes un ange, Miss Plumpridge ! lui cria-t-il en dévalant les escaliers.
— Et vous êtes un véritable démon, marmonna-t-elle en entendant la porte de la maison claquer.
Le maître des lieux parti, la demeure retomba dans un silence à peine troublé par les chuintements de la vieille horloge installée dans le salon principal. Miss Plumpridge poussa un profond soupir à la pensée de la montagne de travail qui l’attendait. En plus de superviser la confection des repas, elle devait veiller à ce que la maison reste propre et en ordre, mission qu’elle prenait à cœur. La seule pièce dans laquelle elle avait interdiction de faire entrer le moindre instrument de nettoyage était le cabinet de travail de Lord Maupleroy. À part cela, elle régnait en maîtresse absolue sur la maison et ses domestiques, avec pour mots d’ordre blancheur et brillance. Même le Lord courbait l’échine lorsqu’elle découvrait une tache ou une trace suspecte quelque part. Toute la maisonnée se souvenait encore de sa colère deux ans auparavant lorsque l’un des invités du souper prestigieux qui avait lieu le soir même avait recouvert le sol étincelant de l’entrée de traces de pas boueuses. Le malheureux n’osait depuis plus se présenter à la porte du magicien sans apporter quelques douceurs pour amadouer la gouvernante.
Miss Plumpridge songeait justement au pot de dragées et de pralines posé sur sa table de chevet et qui n’attendait qu’elle après une longue journée de travail appliqué. À cet instant, un cri et un son de vaisselle brisée retentirent en provenance des cuisines, et son fantasme se brisa net. Retroussant ses manches, Miss Drusilla Plumpridge se remit à l’ouvrage.
Lord James Maupleroy resserra autour de lui les pans de son épais manteau en sentant la morsure de l’air glacé. Il ajusta son couvre-chef en enviant presque les bonnets de toile des classes inférieures. Eux au moins pouvaient se couvrir les oreilles ! Le garde posté à l’entrée du palais le salua martialement en le voyant sortir. Lord Maupleroy ne prit même pas la peine de lui adresser un geste amical, persuadé qu’il risquait de perdre sa main s’il la sortait de sa poche. Maudissant l’hiver, le froid, le vent, et tout ce qui pouvait le contrarier, il conjura un enchantement pour se réchauffer. L’amulette de bronze qui ne quittait jamais son cou le picota brièvement puis une chaleur bienvenue se diffusa dans tous ses vêtements. L’effet du sort ne durerait que quelques minutes avant qu’il ne doive l’invoquer à nouveau, mais ce temps était suffisant pour qu’il rejoigne le fiacre qui l’attendait devant les grilles de Buckingham. Sa Majesté avait été extrêmement satisfaite de le voir à l’heure à la réunion qu’elle présidait et qui rassemblait plusieurs des enchanteurs et magiciens de l’Empire. La Reine ne quittait sa résidence de Windsor que rarement à présent, mais lorsqu’elle convoquait un conseil du Cercle, elle attendait d’eux qu’ils soient tous là. Ne manquaient que le Colonel Salisbury, probablement encore en mission dans les Indes, et Lady Murdoch, toujours en voyage de noces – le quatrième, lui semblait-il.
La réunion en elle-même n’avait porté sur rien d’extraordinaire si ce n’est que la Reine avait insisté sur le fait que les démons continuaient de pulluler aux quatre coins du Royaume et qu’elle ne tolérerait cette menace que si elle restait contenue. Bien entendu, Lord Maupleroy avait discrètement levé les yeux au ciel. Il avait lui-même tracé les glyphes de protection autour des zones les plus précieuses de la ville, et une armée d’informateurs le tenait au courant des moindres foyers d’activité démoniaque. Tant que les démons restaient sagement dans les souterrains de la ville, personne ne craignait rien. Enfin, presque personne…
Mais de plus en plus souvent, ils remontaient, parfois même en plein jour. Au départ, ce n’étaient que quelques attaques isolées de Wyvernes affamées dans les quartiers les plus pauvres. À présent, les monstres se rassemblaient en petits groupes pour chasser, de plus en plus nombreux, rendant la tâche des Traqueurs plus difficile… et dangereuse. La semaine dernière encore, un de ces chasseurs de démons avait été tué près des docks par un Sifflepeur.
Lord Maupleroy sortit du fond de sa poche une boussole au cadran doré orné de filigranes délicats. La longue aiguille en or oscillait, non pas entre des points cardinaux, mais entre des symboles anciens. Le magicien l’observa quelques instants, avant de jurer lorsque l’un des symboles s’illumina brusquement au passage de l’aiguille.
— Encore ! souffla-t-il entre ses lèvres serrées.
Il rempocha son instrument et accéléra le pas, ignorant le fiacre qui lui était réservé et qui l’attendait à la sortie du domaine royal. S’enfonçant dans les rues de Londres, il se mit à courir, insensible à présent au froid. Sa main agrippa son amulette tandis qu’il articulait des paroles silencieuses, sa magie s’écoulant de lui vers les nombreux artefacts remplissant ses poches. Au moment où il déboucha enfin dans la ruelle vers laquelle il se précipitait, ses doigts se refermèrent sur une brindille sertie d’un fil métallique. Son Bannisseur se déploya, grand bâton de bois de saule surmonté d’un globe métallique et renforcé par une spirale d’argent filigrané. La pierre d’obsidienne enchâssée dans le métal se mit à vibrer imperceptiblement tandis que le pouvoir la remplissait.
Lord Maupleroy dérapa au coin d’une rue en s’arrêtant brusquement et resta un instant stupéfait devant le spectacle qui s’offrait à lui. Un Giantique était en train de saccager une échoppe, sa tête au museau énorme et carré enfouie dans la fenêtre brisée. Son corps vaguement humanoïde était appuyé contre le mur tandis qu’il cherchait à forcer le passage, ses mâchoires claquant à l’intérieur de la boutique. Sa queue reptilienne, verdâtre comme le reste de son corps, balayant le sol derrière lui, brisant les cageots entassés près de la devanture. Une horde de petits démons à l’apparence de rongeurs difformes l’entourait, grouillant autour de lui, se repaissant de la moindre miette de nourriture écrasée.
« Charognards », songea Lord Maupleroy.
Le propriétaire de la boutique gisait contre le mur, une tache sombre s’élargissant lentement sous lui. Plusieurs démons avaient la gueule enfouie contre son ventre, aspirant ses intestins comme le fourrage d’un chocolat.
— Jamie ! Un petit coup de main ne serait pas de refus !
Lord Maupleroy se détacha du spectacle répugnant. Un homme rond, à la circonférence aussi impressionnante que sa moustache fournie, envoyait de vigoureux coups de pied aux rats démoniaques. L’un d’eux couina en volant loin de lui et un autre fut frappé en pleine tête par la planche brisée que le marchand tenait à la main. L’homme moustachu poussa un juron en fonçant vers le Giantique, son arme improvisée semblant bien dérisoire face au monstre.
Lord Maupleroy se ressaisit rapidement et les doigts de sa main gauche tracèrent des signes presque machinalement dans les airs tandis qu’il murmurait un mot de pouvoir. L’obsidienne de son Bannisseur devint aussi froide que du métal.
— Gèle, lâcha le magicien.
Son pouvoir fila et frappa le Giantique en plein dos. Le démon rugit et s’extirpa de la façade défoncée, tournant vers Lord Maupleroy sa gueule hérissée de crocs dentelés. Il esquissa un mouvement, mais le sort agissait déjà et son sang gela dans ses veines en un battement de cœur. Le monstre se figea, statue démesurée et horrible. Le commerçant abattit sa planche sur l’échine du démon, qui explosa en un million de fragments de glace. Lord Maupleroy baissa le bras et le pouvoir reflua vers lui comme la marée. Il l’absorba, comme un souffle. Le gros homme lâcha sa planche en soufflant bruyamment.
— Tu aurais pu arriver avant qu’ils ne saccagent tout !
Les rats s’enfuyaient déjà, filant autour des pieds des deux hommes et disparaissant dans les égouts avoisinants. L’un d’eux agonisait, transpercé par un éclat de glace aussi effilé que du verre.
— Bonjour, Hames, salua Lord Maupleroy.
John Edward Hames ramassa le démon mort et le jeta de côté, dégoûté.
— Pas de formalités, mon garçon. Aide-moi plutôt à ranger tout ce fichu bazar.
Pendant plusieurs minutes, le magicien et le commerçant s’activèrent à nettoyer la place devant la boutique. Quelques voisins, rassurés par le départ des démons, sortirent les aider – et surtout échanger messes basses et commérages autour de l’attaque du Giantique. Hames entraîna Lord Maupleroy à l’intérieur de son échoppe, voisine de celle au mur effondré. Le monstre avait dû tenter de s’y introduire aussi, car la porte gisait hors de ses gonds, cassée en deux, et les étagères à portée de sa gueule avaient été fracassées.
— Je sors d’une réunion du Cercle, annonça le magicien en s’asseyant sur un tabouret.
Il frotta ses mains l’une contre l’autre pour les réchauffer. Son Bannisseur avait retrouvé sa place dans sa poche, et, avec son allure de dandy soigné, il paraissait presque déplacé dans le décor encombré du magasin. Hames vendait toutes sortes de potions et remèdes, certains à l’efficacité plus que relatives, mais il reconnaissait profiter de la crédulité et de la bourse des badauds qui entraient, attirés par l’aspect mystérieux du lieu. Il réservait ses vrais philtres aux magiciens et sorciers de la Couronne.
— Buckingham n’est qu’à deux pâtés de maison d’ici, lui reprocha le gros homme. Cours plus vite la prochaine fois.
Lord Maupleroy s’abstint de répliquer, Hames étant trop caractériel pour accepter la moindre excuse, de toute façon. Il ne paraissait pas perturbé par le trou béant dans le mur derrière lui ni par les étagères brisées à ses pieds. Lord Maupleroy aurait pu arranger les dégâts en quelques minutes, mais proposer son aide à Hames lui aurait valu de nouvelles remontrances. Il choisit sagement de se taire et attendit que l’apothicaire reprenne la parole. Malgré son côté bourru, Lord Maupleroy aimait bien Hames, et c’était réciproque – même s’ils l’auraient tous les deux fermement nié si on le leur avait demandé.
Bien que Lord Maupleroy n’utilise que rarement des potions, car sa magie tirait sa force de son énergie et non d’ingrédients, c’était toujours chez Hames qu’il se fournissait et c’était lui qu’il venait voir lorsqu’il avait un problème à résoudre. La boutique de l’apothicaire avait la malchance d’être située à la lisière d’une zone que les démons affectionnaient, et ce n’était pas la première fois que des créatures attaquaient. Hames avait toujours refusé de partir, tenant à être en première ligne pour contenir l’invasion. Plusieurs fois par mois, il repoussait les raids sauvages des démons, secondés par les magiciens les plus prompts à arriver sur les lieux. Lord Maupleroy craignait qu’un jour, il ne se fasse blesser, mais l’apothicaire avait assez d’expérience pour se débrouiller.
— C’est la première fois qu’un Giantique s’aventure aussi loin dans la ville, marmonna Hames d’un air sombre.
— Mais ce n’est pas la première fois qu’ils sortent en plein jour. Ils deviennent de plus en plus hardis.
— C’est problématique, en effet.
Lord Maupleroy repensa à la jeune fleuriste qui avait été retrouvée à moitié dévorée par un Gouleux. Il n’aurait jamais qualifié sa mort de problématique, mais Hames avait toujours été doué pour les euphémismes.
— Il paraît que Salisbury a eu affaire à des Tisseliers avant son départ pour les Indes.
Lord Maupleroy siffla entre ses dents. Un Giantique était une vraie partie de plaisir à côté de démons comme les Tisseliers. Les Giantiques étaient primitifs et se contentaient de violence à l’état brut, de tout détruire et dévorer. Les Tisseliers, eux, infectaient leurs hôtes par morsure, et transmettaient leur essence démoniaque à leurs victimes. L’infecté paraissait normal pendant quelque temps, mais le Tisselier tissait une toile à travers son corps jusqu’à ce que l’enveloppe extérieure de son hôte n’ait plus rien à voir avec le monstre qu’il abritait. Alors, sa peau se fendillait et éclatait pour révéler le démon nouveau-né. S’il était si dur de se défendre contre eux, c’était parce que les Tisseliers gardaient l’apparence de leur hôte le plus longtemps possible, se fondant dans son environnement pour ne se révéler qu’au dernier moment… et mordre d’autres personnes. Sous son apparence humaine, le Tisselier était simple à éliminer, mais extrêmement difficile à identifier. Sous sa forme démoniaque, mante religieuse difforme à la chitine noire, il fallait un pouvoir immense pour le bannir.
— Hames, tenta Lord Maupleroy. Vous ne devriez pas rester ici. Les démons y sont de plus en plus nombreux et…
Hames devint si rouge de colère qu’une veine se mit à palpiter sur son front, prête à exploser.
— Vas-tu te taire ? Les gens de ce quartier sont peut-être de foutues commères, mais sans moi, il n’y aurait personne pour les protéger. Me prendrais-tu pour un lâche ?
Lord Maupleroy battit en retraite, changea prudemment de sujet et accepta poliment une part de tourte à la viande que lui tendait son ami. Ce repas improvisé calma les gargouillis de son estomac, bien que la viande soit trop sèche et la pâte trop molle. Le magicien n’aurait pas dit non à une tasse de thé, mais Hames n’en buvait presque jamais, et il se consola en se disant que Miss Plumpridge saurait faire de l’heure du thé un véritable moment de détente.
Lord Maupleroy prit congé de Hames, lui promettant de lui rendre visite une autre fois, et redressa le col de son manteau pour se protéger du froid. Avant de quitter la rue, qui avait retrouvé un semblant de normalité – si on faisait abstraction du trou dans le mur de la boutique – il vérifia l’efficacité des alarmes postées un peu partout. L’une d’elles avait été cassée par l’attaque et il la remplaça, plantant un nouveau piquet orné de plumes dans le trou entre deux briques d’une maison. Sa magie s’attarda dessus un instant, allumant une étincelle au bout de ses doigts. Satisfait, il reprit sa route vers un nouveau quartier pour s’assurer que tout était en ordre.
Le froid rendait ses joues et le bout de son nez rouge, mais il sifflota un air joyeux pour se donner du cœur à l’ouvrage.
Miss Plumpridge surveillait l’heure du coin de l’œil tout en s’assurant que sa tarte était parfaite et dorée à point. Emilia avait encore cassé une assiette et s’affairait à ramasser les éclats un à un en veillant à ne pas se couper. Drusilla soupira. Cette petite avait énormément de bonne volonté, mais encore plus de maladresse. Sa place n’était peut-être pas en cuisine, mais elle n’osait pas l’assigner au ménage, de peur de voir les vases de Chine de Lord Maupleroy subir le même sort que sa vaisselle. Heureusement que ce n’était qu’une assiette ordinaire, ne faisant pas partie du service familial si précieux. La jeune fille se redressa, le tablier plein de débris de porcelaine, un air désolé sur son visage juvénile.
Lorsqu’elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir, la gouvernante fusa de la cuisine pour intercepter son employeur avant qu’il ne traverse l’entrée sans prendre la peine de se dévêtir. Lord Maupleroy émit un claquement de langue agacé lorsque la jeune femme le força à retirer son manteau et à essuyer ses bottes avant de poser un pied sur le tapis impeccable. Il n’avait pas neigé, mais le bas de son pardessus était mouillé par les pavés glissants de Londres.
— Miss Plumpridge, se plaignit-il. Je n’ai pas attendu de vous avoir embauchée pour savoir m’habiller ou me dévêtir seul !
— Le thé est servi dans le bureau, l’informa-t-elle.
Une lueur d’intérêt s’alluma dans le regard de Lord Maupleroy.
— Avec des scones ?
— Et une tarte aux pommes, Monsieur.
— Vous êtes une perle, Miss Plumpridge.
— Je saurai m’en rappeler la prochaine fois que vous me traiterez de démon, Milord.
Miss Plumpridge vit une ombre fugitive passer sur le visage de Lord Maupleroy. Le magicien se dirigea vers le salon en se frottant les mains pour les réchauffer. Prévoyante, la gouvernante avait allumé un feu douillet dans la grande cheminée principale. La jeune femme rangea son manteau avant d’aller servir le thé. Le craquement réconfortant du bois dans l’âtre se mêlait au bruissement de sa robe.
Lord Maupleroy s’était confortablement installé dans son fauteuil préféré, une bergère au tissu bleu et accepta avec reconnaissance la tasse fumante que lui tendit la gouvernante. Elle découpa une part de tarte pour la placer sur une assiette, mais il l’arrêta d’un geste.
— Prenez un siège et une part. Mangez avec moi, je vous prie.
— Milord, protesta-t-elle.
— J’insiste, non, je vous ordonne de vous asseoir. Je suis prêt à parier que vous n’avez pas cessé de courir dans tous les sens depuis ce matin. Prenez une pause.
Miss Plumpridge faillit refuser, puis admit en son for intérieur qu’elle avait bien mérité une petite distraction après son dur labeur. De plus, la tarte qu’elle avait mis tant de soin à faire avait l’air si appétissante. Elle capitula et s’assit en face de son employeur après être allée chercher une autre tasse. Le parfum délicat du thé blanc l’apaisa aussitôt. Elle pouvait bien pester après Lord Maupleroy et son caractère exaspérant, elle savait que bien peu d’hommes de la haute société se seraient assis aussi simplement pour partager l’heure du thé avec leur gouvernante.
Lord Maupleroy lâcha un gémissement d’extase en goûtant la tarte.
— Un pur morceau de paradis, se pâma-t-il.
Miss Plumpridge était tout à fait d’accord avec lui, et devait faire preuve de maîtrise pour ne pas engloutir sa part de tarte en quelques bouchées. Cela aurait été un manque total de distinction. Lord Maupleroy se rencogna dans son siège.
— Je travaillerai sans doute tard dans mon bureau. Pourriez-vous me faire monter le repas ?
— Monsieur, se permit Miss Plumpridge, rester enfermé là-haut toute la nuit, ce n’est pas bon pour vous…
Le magicien lui adressa un sourire fatigué.
— Malheureusement, Miss, si je n’effectue pas mon travail, personne ne le fera à ma place, et d’autres innocents seront victimes de démons.
La gouvernante se força à ne pas laisser sa compassion et son inquiétude affleurer sur son visage et se leva.
— Bien, monsieur. Je veillerai à vous faire monter du thé régulièrement.
Lord Maupleroy ne lui répondit pas, déjà absorbé dans ses pensées. Miss Plumpridge détestait ça. De plus en plus souvent il avait l’air bien trop sérieux et triste pour son âge.
La gouvernante débarrassa le salon une fois qu’il fut vide et retroussa ses manches pour laver délicatement la fine porcelaine à la main. Deux étages au-dessus, elle entendait Lord Maupleroy se déplacer dans son cabinet de travail. Pour être productif, le magicien avait besoin d’une tasse de thé par heure en moyenne. Miss Plumpridge était la seule à monter dans le bureau du propriétaire de la maison ; Emilia, Simon ou Mrs Calloway refusaient catégoriquement de pénétrer dans cette pièce, quand bien même le magicien le leur aurait autorisé. Ils en avaient trop peur. Un bruit un peu trop soudain provenant du deuxième étage et ils levaient les yeux au plafond avec appréhension. Miss Plumpridge avait beau être d’une nature stressée, le cabinet de Lord Maupleroy ne lui faisait ni chaud ni froid.
La jeune femme ne prit pas la peine de dresser une table et disposa le repas de Lord Maupleroy sur un plateau aux poignées ciselées. Tandis que les autres employés de maison achevaient de dîner avant de rentrer chez eux, Miss Plumpridge rectifia son tablier et monta les deux escaliers en veillant à garder son chargement stable. Le bureau de Lord Maupleroy était situé tout au bout du couloir et occupait à lui tout seul presque la moitié de l’étage. La gouvernante réussit la délicate manœuvre consistant à tourner la poignée sans faire vaciller le plateau et poussa la porte de l’épaule pour entrer.
Elle frémit en apercevant les montagnes de bibelots et d’artefacts qui s’entassaient sur les étagères, sur le point de craquer. Des fioles pleines de mixtures plus ou moins colorées prenaient la poussière un peu partout. Le magicien avait de plus gravé une énorme rune sur le beau parquet. Si ça n’avait tenu qu’à elle, la pièce aurait été un temple de la propreté, de l’encaustique et de la cire d’abeille. Mais Lord Maupleroy refusait qu’elle déplace le moindre objet et les plumeaux étaient bannis de cet endroit. Elle ne s’y était risquée qu’une seule fois, et se souvenait encore du sort que Lord Maupleroy avait jeté sur elle en représailles. Chaque fois qu’elle avait voulu saisir un petit gâteau ou une douceur, la nourriture se volatilisait purement et simplement. L’enfer avait duré trois semaines. Miss Plumpridge avait retenu la leçon, et les petits fours avaient retrouvé le chemin de son estomac.
Lord Maupleroy, penché au-dessus de sa table de travail au fond de la pièce. La jeune femme ne put retenir un frisson en passant devant un crâne humain posé sur une étagère branlante. Elle avait presque l’impression qu’une lueur la suivait du regard à travers les orbites vides. Redressant les épaules avec détermination, Miss Plumpridge s’avança en faisant le plus de bruit possible. Le magicien n’aimait pas être interrompu, mais la jeune femme se souvenait trop bien de la seule et unique fois où elle avait été trop discrète. Surpris de son intervention, Lord Maupleroy avait riposté par pur réflexe, brandissant son Bannisseur devant lui. En avait résulté un plateau renversé, la douloureuse rencontre du postérieur de Miss Plumpridge avec le sol, et des torrents d’excuses. Depuis, la gouvernante veillait à toujours annoncer sa venue, tout en refusant de sourire à la suggestion du magicien de lui offrir un bracelet à clochettes.
— Votre repas, Milord.
Lord Maupleroy leva à peine les yeux de son ouvrage. Il tenait entre les mains une sorte de grosse horloge à moitié désossée dont il était en train d’examiner les pièces une par une. Le cadran émettait encore un faible tic-tac quand bien même les rouages ne tournaient plus, et l’une des aiguilles frémissait d’impatience.
— Je n’ai pas très faim, répondit le magicien en repoussant distraitement le plateau de la main.
Miss Plumpridge tira un tabouret de sous la table de travail et s’y assit, prenant avec autorité l’ouvrage des mains de son employeur.
— Vous n’espérez tout de même pas que je vous laisse vous abîmer les yeux et vous triturer les méninges le ventre vide ? Quelle gouvernante ferais-je alors !
— Vous savez bien que je me laisserais mourir sans vous, ironisa Lord Maupleroy.
Bien que la remarque soit censée la faire sourire, Miss Plumpridge savait qu’elle était parfaitement exacte. Lorsqu’elle avait pris ses fonctions dans la maison, une épaisse couche de poussière recouvrait chaque surface et des toiles d’araignées tissaient des fils gris entre les bibelots. La garde-robe de Lord Maupleroy était, au mieux froissée, au pire tâchée à des endroits inconvenants. Quant à la cuisine, elle était dans un état indescriptible, laissée à la seule charge de Mrs Calloway. Miss Plumpridge avait avalé calmement une tasse de thé, remonté ses manches, et s’était mise au travail. En moins de deux jours, elle avait embauché Emilia et Simon, nettoyé la maison de fond en comble, et convaincu Lord Maupleroy qu’elle était indispensable. Celui-ci n’avait pas été long à la croire : il se nourrissait de toasts à peine beurrés et de thé trop infusé depuis trop longtemps. Les dernières gouvernantes qui avaient postulé s’étaient enfuies à la vue des traces de suie au plafond du salon, mais Miss Plumpridge était restée, et sous son commandement, la maison était à présent un modèle de propreté et d’ordre.
— Mangez au moins la viande, Milord.
— Voulez-vous aussi me la couper en petits morceaux pour me nourrir à la cuillère ? grinça le magicien en la regardant pousser l’assiette vers lui.
Miss Plumpridge haussa les épaules.
— À votre convenance. J’ai déjà été gouvernante pour des enfants beaucoup plus difficiles que vous.
Elle rougit et plaqua sa main sur sa bouche, horrifiée d’avoir laissé ces paroles cavalières lui échapper, mais Lord Maupleroy éclata de rire et entama son repas. Il se mit même à parler la bouche pleine.
— J’en viens souvent à me dire que si j’avais eu une préceptrice comme vous lorsque j’étais enfant, ma mère aurait eu beaucoup à apprendre d’elle.
Lady Maupleroy n’avait rendu visite à son fils qu’une seule fois depuis que Miss Plumpridge travaillait pour lui. Lord Maupleroy était alité depuis une semaine, conséquence d’une attaque de Gouleux. La morsure que lui avait infligée le démon avant de mourir, transpercé par une flèche marquée d’un charme de Lumière, s’était infectée, et le magicien était aux prises avec une violente fièvre. Miss Plumpridge ne quittait presque pas son chevet, changeant son pansement régulièrement en s’efforçant de ne pas frissonner devant la marque de dents aussi nombreuses qu’effilées, et lui administrant un thé relevé aux potions que lui avait donné Hames. Le liquide avait une couleur verdâtre, mais paraissait faire des miracles sur l’infection qu’il combattait.
Lorsque Lady Maupleroy s’était présentée à la porte, Miss Plumpridge avait été à deux doigts de ne pas ouvrir, afin de laisser à son maître le plus de repos possible. En voyant la femme sur le perron, elle avait ravalé sa réplique acerbe et s’était effacée pour la laisser entrer. Lady Maupleroy ne possédait ni l’humour cavalier ni la bonne humeur de son fils. C’était une femme sèche et austère, dont le visage paraissait incapable de sourire, figé en un masque sévère et perpétuellement agacé. Elle avait toisé Miss Plumpridge de haut en bas avant de s’avancer dans la demeure d’un pas impérial, sans prendre la peine de la saluer ou de s’annoncer. Miss Plumpridge l’avait reconnue grâce à l’unique portrait d’elle présent dans la maison, et se précipita à sa suite tandis qu’elle montait les escaliers vers la chambre de son fils, aussi décidée que si elle habitait ici. En découvrant son fils, pâle dans son lit, Lady Maupleroy avait eu une infime hésitation, vite effacée.
— Ne te lèveras-tu pas pour me saluer, James ?
Sa voix tranchante avait résonné dans la chambre aux rideaux tirés. Lord Maupleroy s’était difficilement redressé sur ses oreilles, l’effort le faisant transpirer un peu plus, les yeux brillants de fièvre.
— Que me vaut cet honneur, Mère ?
— On m’a rapporté que tu étais mort. Je venais m’assurer qu’il n’en était rien.
— Craigniez-vous de ne pas avoir assez de vêtements noirs pour porter mon deuil ?
Lord Maupleroy avait le souffle court. Miss Plumpridge osa s’avancer, contournant avec précaution Lady Maupleroy, pour faire boire le magicien. Il écarta son verre d’un geste impatient. Lady Maupleroy pinça un peu plus les lèvres si c’était possible.
— Je constate que ce n’étaient que des rumeurs infondées. Inutile que je perde mon temps ici, alors.