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Ce court texte inaugure la série des cinq Missions de Saint-Yves. Avec beaucoup de tendresse, l'auteur s'adresse à la première couche sociale, celle sur laquelle reposent toutes les autres, et celle qui les fait vivre. On reconnaîtra dans cette adresse les grands thèmes d'un concept fondamental pour l'auteur, celui de la Synarchie, la représentation humaine et sociale du gouvernement divin sur la terre. Une notion qu'il exposera avec ampleur dans les Missions suivantes.
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Seitenzahl: 75
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Mission des ouvriers
Joseph Alexandre
Saint-Yves d’Alveydre
Fait par Mon Autre Librairie
À partir de l’édition Calmann Lévy, Paris, 1884.
__________
© 2020, Mon Autre Librairie
ISBN : 978-2-491445-53-9
https://monautrelibrairie.com
Table des matières
Mes enfants
Résumé
Adieu
Mes enfants,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, car, à force d’avoir travaillé, médité, retourné dans tous les sens bien des questions, bien des problèmes, je me sens vieux par l’observation et l’expérience, et veux léguer aux plus déshérités ce que mes travaux auront pu me faire découvrir.
J’ai lu tous les économistes du siècle, je sais par cœur tous leurs dogmes :
Capital, Travail, Échange, Agriculture, Industrie, Commerce, etc.
Ils cherchent les vraies lois d’une science nouvelle et nécessaire ; mais ils ne les ont pas encore trouvées.
Leurs doctrines tendent à la liberté, à laisser la richesse se créer et se répandre sans entraves.
C’est quelque chose pour ceux qui ont le moyen d’être libres ; mais pour les pauvres, la liberté n’est qu’un vain mot, s’ils n’ont pas la possibilité d’en user.
Aussi, depuis le comte Henri de Saint-Simon, toute une autre légion de penseurs et de chercheurs a pâli sur le problème de la pauvreté.
Je les ai tous lus, et je vous dirai d’eux, comme des économistes :
Ils cherchent, mais ils n’ont pas trouvé les vrais moyens.
Le seul remède sur lequel ils aient cru mettre la main est pire que la maladie, c’est la politique et le gouvernement.
Leur doctrine, en opposition avec celle des économistes, en appelle à la force contre les lenteurs de la liberté, appel dangereux, pour vous comme pour tous, car il mène droit au césarisme et à tout ce qui s’en suit.
« Laissez la richesse se créer et se répandre librement », disent les économistes.
« Forcez la richesse à se répandre équitablement », disent les socialistes.
Mais où est la force qui doit contraindre les sources de la richesse à couler avec plus d’abondance, à se répandre avec plus d’équité ?
À qui demander ce cours forcé ?
Au pouvoir exécutif ? À l’État ?
Tout prétendant dynastique, tout révolutionnaire ambitieux vous répondra affirmativement, et, soit César, soit député, jouera ainsi du socialisme à vos dépens, pour s’affermir ou parvenir, en supprimant la liberté à son profit.
Vous n’y gagnerez rien, ni la patrie non plus : l’Histoire est là pour vous le certifier.
Entre ces deux écoles, l’une de liberté, l’autre de despotisme, se place une école mixte, favorable à la liberté des rapports du capital et du travail, contraire à la liberté des échanges.
C’est l’école des protectionnistes, et vous n’en attendez pas grand-chose.
Que voulez-vous, au fond ?
On a beau vous prêter les intentions les plus subversives et les plus noires : vos désirs sont légitimes et clairs, quand les ambitieux de la politique ne s’en mêlent pas pour vous exploiter, vous, ou l’ignorance pusillanime des conservateurs.
Vous voulez que, pour vous comme pour tous, le travail ait un but, et qu’il porte ses fruits.
Vous voulez qu’il vous donne un peu d’aisance, d’indépendance, votre part de dignité et de repos pour les vieux jours.
Vous voulez que votre lendemain, celui de vos femmes et de vos enfants, soient assurés contre tout ce qui n’est pas votre faute, contre le chômage, contre la maladie, etc.
La religion chrétienne vous a donné les mêmes espérances, les mêmes promesses qu’aux plus riches ; la révolution civile de 1789 a mis vos espérances dans le droit commun ; mais tant que la Science n’a point passé par là, tout cela reste encore bien vague, et vos besoins sont très précis.
C’est pourquoi, voyant que ni les économistes, ni les socialistes, ni les protectionnistes ne vous donnaient, en fin de compte, ce que vous vouliez, vous n’avez plus compté que sur vos forces coalisées, et, vous appuyant sur elles pour défendre vos droits et vos intérêts, vous avez voulu vendre librement votre travail.
De là, l’Internationale, les grèves, les congrès ouvriers, le collectivisme enfin.
Je crois la liberté bonne à tout, et aucun sage, aucun savant, aucun chrétien ne peut vous reprocher de chercher par elle l’amélioration de votre sort, et, en vous-mêmes, dans votre solidarité mutuelle, de trouver votre force première de résistance, votre premier point d’appui plus accessible et moins dangereux que le gouvernement.
Prenez garde cependant que les politiciens ne se mêlent encore de vos affaires, pour faire les leurs, et pas les vôtres.
On a répété à satiété que la question des grèves, cette Bourse des salaires ouvriers, était le signe d’un antagonisme haineux entre le capital et le travail ; et la réaction de crier vers l’État et de demander un sabre, et les révolutionnaires de réclamer le Gouvernement et les portefeuilles.
Capital, Travail, voilà pourtant deux mots qui renferment tant de choses que, pour les définir toutes convenablement, il faudrait un gros volume écrit avec une méthode rigoureuse et une science à créer de pied en cap.
On a trouvé plus simple de ne rien définir scientifiquement, de faire de ces deux mots des espèces de dogmes comme les théologiens, de les opposer entre eux, et, à la place des idées, de mettre des passions politiques.
Réactionnaires et révolutionnaires, les politiciens n’ont pas manqué de profiter de l’aubaine que leur offrait, à vos dépens, ce prétendu dualisme du capital et du travail, et ce n’est pas fini.
De quoi s’agit-il donc cependant, si ce n’est d’un libre débat entre vos besoins et la caisse des usines ?
Vos besoins ont un cours, puisque le vivre, le vêtement, le logement peuvent renchérir, et renchérissent partout de plus en plus.
Les riches ayant pour leurs valeurs une Bourse, un cours, une cote, vous en voulez tout autant pour vos valeurs à vous, qui sont au bout de vos bras et de vos outils.
Rien de plus simple, de plus clair et qui nécessite moins l’intervention de l’État, du sergent de ville, du gendarme et du politicien de droite ou de gauche, tant que ce libre débat ne devient pas une querelle armée.
Est-ce que le gouvernement arrête la maison Rothschild, le jour où il lui plaît de faire hausser une valeur à sa convenance, ou tomber une valeur qui la gêne, quitte à créer sur le marché un désarroi plus ou moins grand ?
Est-ce que l’État arrête la spéculation sur les terrains ou celle des intermédiaires qui achètent, pour les revendre majorés, les viandes, les blés, les vins de l’intérieur et du dehors ?
Votre liberté doit être exactement la même, quand, pour tirer parti de votre genre de capital, vous vous faites forts de votre collectivité, et employez l’héroïque moyen des grèves, sans vous méfier assez toutefois des intermédiaires et des politiciens qui s’en mêlent.
C’est affaire entre vous et la caisse des usines, et rien de plus ; c’est une querelle de famille entre deux ordres de capitalistes et de travailleurs : l’ouvrier et l’usinier.
Tant pis pour l’usinier s’il ne sait pas, ne veut pas, ou ne peut pas être le père de famille de ses ouvriers.
S’il n’est pas dans son devoir social, vous êtes dans votre droit économique, et vive la liberté, si votre solidarité vous permet de vous en servir pour améliorer votre sort momentanément.
Cependant remarquez bien que l’usinier a deux forces à son service, en dehors de la vôtre : la science et la finance, qu’il applique à son industrie.
L’une et l’autre sont du travail en application, en même temps que du capital en travail.
Loin de croire que ces deux forces doivent vous demeurer antagoniques, je crois que, dans le fond, elles sont, et que, dans un cours normal des choses, elles seront de plus en plus vos alliées naturelles, les instruments précis qui vous aideront le plus puissamment à faire, des espérances que vous a données le christianisme, une réalité, des droits que vous a donnés la révolution civile de 1789, un fait régulièrement accompli.
Je crois cela, scientifiquement, certainement, pour des motifs nombreux, dont le rigoureux enchaînement dépasserait le cadre trop étroit de cette lettre.
C’est pourquoi je regarde votre débat avec les usiniers comme une dispute de frères, purement économique, devant aboutir à de bons traités de paix ; car, au fond, vous ne voulez pas autre chose.
C’est pourquoi aussi j’attends d’une meilleure organisation de la Science enseignée, de la Loi civile, de la Finance et de l’Industrie nationales, la solution de ce terrible problème, qu’il faut demander, non à l’État, comme les socialistes, mais à la liberté, comme je vous l’indiquerai.
L’État ne peut rien vous donner que les trente sous par jour de la Commune de Paris, mais en faisant de vous les soldats et les victimes de la guerre civile.
Et quand même il vous donnerait le Grand Livre, vous n’en seriez pas plus riches pour cela, car la Nation ayant fait banqueroute ne pourrait plus donner à personne, ni travail, ni capital, ni service quelconque d’intérêts.
Ce n’est pas ce que je vous souhaite, ni à vous, ni à votre pays, ni à aucun État du monde, quels que soient ses malheurs ou ses péchés.