Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Mon enfance en Poitou – 1956-1973 relate les souvenirs et anecdotes de l’auteure, depuis sa naissance jusqu’à son adolescence. Il met également en lumière les changements et les évolutions entre la seconde moitié du XX siècle et l’époque actuelle.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Professeur certifié de lettres classiques en lycée et collège,
Liliane Sommier-Gérodolle prend plaisir à partager ses connaissances. Avec "Mon enfance en Poitou – 1956-1973", elle vous fait part de son expérience et de ses souvenirs.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 133
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Liliane Sommier-Gérodolle
Mon enfance en Poitou
1956-1973
© Lys Bleu Éditions – Liliane Sommier-Gérodolle
ISBN : 979-10-422-2518-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour Adam, mon petit-fils chéri, les mémoires de sa Mamili, souvenirs d’une enfance de l’autre siècle en Poitou…
Et qu’on n’objecte pas que n’étant qu’un homme du peuple, je n’ai rien à dire qui mérite l’attention des lecteurs. (…) Dans quelque obscurité que j’aie pu vivre, si j’ai pensé plus et mieux que les rois, l’histoire de mon âme est plus intéressante que celle des leurs.
Jean-Jacques Rousseau, premier préambule des Confessions
Je suis née à Niort, l’hiver 1956, le plus froid du XXe siècle, semble-t-il. Ma mère et ma grand-mère m’ont souvent raconté par quels soins elles avaient préservé la nourrissonne que j’étais : ma mère me couchait contre elle, avec la crainte de m’écraser dans son sommeil, pendant que ma grand-mère se levait la nuit pour changer les bouillottes, trois, qui tenaient au chaud mon petit corps ! Aucun chauffage dans la chambre, pas plus que dans le reste de la maison, hormis une cheminée dans la cuisine.
Je suis pourtant née dans une maternité « moderne » à l’hôpital de Niort ; j’étais le premier enfant de mes parents – mariés en avril 1954 – j’ai appris tardivement qu’ils avaient auparavant perdu un bébé, un petit garçon non viable. Il m’est quelquefois arrivé de penser à ce frère, de me demander comment il aurait été, si nous nous serions entendus… mais très vite, je réalisais que sa naissance m’aurait privée d’existence !
C’est la femme du médecin, madame Moreau, qui avait elle-même conduit ma mère à la maternité de l’hôpital. Mon père, militaire à Paris, était absent et seule ma grand-mère paternelle avait pu être présente lors de ma naissance ; elle avait abandonné ses plus jeunes enfants (ma dernière tante avait trois ans) pour voir sa première petite-fille. C’est d’ailleurs à elle que la puéricultrice me confia : juste née ; les yeux ouverts, je la regardais, disait-elle !
Mon père est arrivé quelques jours après ma naissance, le temps d’être prévenu par télégramme et de prendre le train. Il en avait déjà vu des bébés puisqu’il était l’aîné de neuf, mais sans crainte de me froisser, il m’a toujours dit qu’il m’avait trouvée « vilaine », rouge, fripée, braillarde ! Quand ma sœur Murielle naîtra huit ans plus tard, rose et fraîche, la différence sera faite !
Des premiers mois de mon existence, je n’ai appris que quelques bribes. Mon baptême en avril 56 dans la petite église Saint-Jean-Baptiste de Mougon, qui avait réuni de nombreux invités et au cours duquel je m’étais distinguée en faisant la grosse commission en pleine cérémonie ! Le curé aurait dit : « Eh bien, je constate que ça fonctionne bien ! » Ma mère, elle, était rouge de honte.
Mes difficultés à abandonner le sein de ma mère pour une alimentation plus variée, j’ai été allaitée jusqu’à treize mois, et mes premiers pas à seize mois.
Nous habitions le logement annexe de la maison de mes grands-parents : une seule grande pièce qui servait à la fois de cuisine et chambre, mon petit lit rose d’enfant collé à celui de mes parents. Le sol était en ciment, et c’est ce détail que j’ai retenu dans un de mes premiers souvenirs : je jouais par terre et je sentais le froid du ciment sur mes petites mains. Quel âge avais-je ? Deux ans, peut-être.
En 1958, mon père fut muté à la compagnie de CRS de Poitiers ; cette nomination concluait des années de galère professionnelle. Sorti de l’école avec son certificat en poche à douze ans, il avait été ouvrier agricole d’abord chez ses parents, puis chez d’autres fermiers du coin, ouvrier à l’adduction d’eau et après ces emplois saisonniers, il avait avec l’aide d’un instituteur retraité préparé des concours : RATP, gendarmerie, police. Pour la gendarmerie, je sais qu’il y avait été refusé après qu’un souffle au cœur lui eut été diagnostiqué, souffle au cœur qui ne s’est plus jamais signalé ! Pour entrer dans la police, il avait été obligé de faire une année supplémentaire de service militaire ; une fois l’année faite, le décret de cette mesure fut abrogé ! En tout cas, mes premières photos à dix-huit ou vingt mois montrent toujours mon père en uniforme avec son calot crânement posé sur ses cheveux blonds.
Sa nomination à Poitiers signifia le départ de Mougon et l’installation à Vivonne, petit bourg situé près de Poitiers où l’on se rendait en train. Dans un camion à benne découverte, mes parents emportèrent leur maigre mobilier pour s’installer dans un logement de trois pièces au numéro 109 de la Grand-Rue. J’avais deux ans et demi et je me souviens combien je pleurais quand il fallut m’arracher à ma « mémé de Mougon ». Selon ma mère, il me fut difficile de m’habituer à vivre plus renfermée qu’à la campagne et je signalais mon envie de sortir en allant chercher mon petit manteau. Pour aller où ? Faire quelques courses d’alimentation et puis nous allions chercher le lait à la ferme voisine ; ma mère le faisait bouillir chaque soir et j’avais droit à un bol de lait chaud accompagné d’un biscuit avant de me coucher. Quant au manteau, en réalité j’en avais deux, un plus ordinaire pour les jours de semaine et un manteau du dimanche, turquoise avec une martingale ; je savourais ces deux mots nouveaux, j’avais déjà le goût du bien parler ! Et puis quand nous sortions, dans ces années cinquante, nous mettions sur la tête un foulard, plié en triangle, noué sous le menton, il était porté pour aller à la messe et aussi de manière plus générale à la mauvaise saison, quand il y avait du vent, quand les dames n’avaient pas vraiment eu le temps de se coiffer… J’y pense lorsque je vois un vieux film de cette époque : Brigitte Bardot, Jeanne Moreau et les autres actrices de ce temps-là portent souvent un foulard qu’elles nouaient derrière leur nuque. C’était un accessoire vestimentaire qui disparut peu à peu dans la décennie suivante lorsque la laque se popularisa ; enfin, il subsista comme accessoire de luxe chez les grands couturiers…
Notre nouveau domicile coïncida aussi avec mes débuts à l’école.
Ma mère m’inscrivit à l’école maternelle dès notre arrivée à Vivonne, j’avais donc, comme je l’ai dit, deux ans et demi. Je peux encore me rappeler la salle, le parquet de bois brut, le poêle près du bureau, les petits bancs… Je me rappelle aussi le froid, les pantalons tricotés, les blouses, mes petites mains gercées… Je ne me rappelle pas s’il y avait une cantine, de toute façon ma mère ne m’y aurait jamais laissée. Mon père était tout le temps en déplacement, pour des durées plus ou moins longues, de deux semaines à quatre mois. C’est dire que ma mère et moi étions toujours toutes deux et le plus souvent seules. Quand il annonçait son retour, nous l’attendions avec impatience, surtout ma mère ; moi, les premières années, je ne le reconnaissais pas ! Un soir, il était venu me chercher à l’école avec ma mère, je marchais accrochée au côté droit de Maman et je glissais des regards réguliers sur sa gauche, vers cet homme inconnu qui bavardait avec elle. En riant, mon père me dit : « Tu me regardes, petite coquine ! »
J’ai encore le flash d’un moment familial heureux de ce temps-là : mon père me porte dans ses bras, il tient aussi ma mère contre lui, et tous trois, nous dansons en chantant la chanson de Bourvil : « Salade de fruits, jolie, jolie, jolie, tu plais à ton père, tu plais à ta mère… Salade de fruits, jolie, jolie, jolie, un jour il faudra bien qu’on te marie… »
On a toujours beaucoup chanté en famille, surtout ma mère ; elle chantait horriblement faux, mais elle chantait tout le temps et toujours les mêmes chansons ! Je me souviens bien de certaines : « Les escaliers de la butte sont durs aux miséreux, les ailes des moulins à vent protègent les amoureux… » Pendant des années, j’ai cru que c’étaient « les escaliers de la lutte » ! Elle chantait aussi un succès de Luis Mariano « Rossignol de mes amours », et puis il y avait l’inévitable « Étoile des neiges » ! Et tout ça, imperturbablement, malgré les fausses notes et les couacs !
Nos distractions étaient bien simples : des promenades près de la Vonne. On allait jusqu’à une source, et on y recueillait de l’eau dans des topettes ou des timbales, eau que l’on buvait avidement. Mes parents avaient acheté un appareil-photo, un kodak et ils me photographiaient constamment ; dans l’album familial, des pages entières y sont consacrées : Lili jouant au sable, Lili au parc, Lili dans la cour de l’immeuble, Lili avec sa belle robe rose. J’avais déjà les cheveux longs et ma mère en prenait grand soin. Quant à la robe rose, elle l’avait achetée dans une boutique de Vivonne et je l’avais portée pour le mariage d’une jeune voisine, Gracieuse Latus, dont je portais la traîne.
Cette époque fut aussi celle des premières vacances en Bretagne où nous nous rendions en train. Il avait fallu partir de Vivonne la veille du grand départ et coucher une nuit à l’hôtel pour prendre l’express à Poitiers pour Tours ou La Rochelle, je ne sais. J’avais été intimidée par l’arrivée à l’hôtel, la traversée de la salle de restaurant où j’avais chuchoté : « J’ai faim, moi », l’installation dans la chambre où je m’étais demandé où j’allais coucher (il n’y avait qu’un grand lit et un petit guéridon, et je me souviens m’être fait la réflexion que sur ce guéridon, le nuit me serait très inconfortable !) Je devais avoir quatre ans.
L’oncle Francis était venu nous chercher à la gare de Morlaix avec sa quatre-chevaux. Et à Guimäec, nous avions retrouvé la tante Dina, sœur de ma mémé de Mougon, et ma marraine Gisèle, fille de l’oncle Francis. Lors de ces vacances, je découvris la mer et la plage. Je portais alors des maillots tricotés en laine et j’avais l’interdiction de les mouiller ! Je compris pourquoi les rares fois où je me trempai les fesses dans les vagues et que j’en ressortis avec le tricot alourdi entre mes cuisses ! Nous faisions aussi du tourisme, enfin nous nous entassions tous les cinq dans la quatre-chevaux, moi j’étais assise devant – à la place du mort ! – entre les cuisses de ma grand-tante. Et nous roulions ! Lorsque l’oncle Francis proposait un arrêt pour un point de vue, une église, un enclos, Tata Dina répondait : « Qu’est-ce que tu veux que ça les intéresse ! Allez, roule, roule ! » Il n’y avait quasiment personne sur les routes, les plages étaient désertes, nous étions en 1960.
De ces trois années passées à Vivonne, les souvenirs tapissent ma mémoire comme un puzzle mal assemblé…
De rares visites familiales : mon oncle, Jean-Pierre, que j’appelais Tonton Parrain vint passer quelques jours chez nous en l’absence de mon père. Des photos de notre album témoignent de cette visite et des promenades au bord de la Vonne, faites en sa compagnie. Il me semble qu’il m’avait apporté un cadeau, mais je ne sais plus si c’était un ours en peluche ou ma première poupée Françoise. Il avait passé la nuit dans la salle d’eau, couché dans une chaise longue !
La tante de ma mère, qui était aussi sa marraine, Anna Bonnet, vint aussi nous rendre visite. Où coucha-t-elle ? Ne vint-elle qu’une journée ? Seules les photos témoignent de son passage.
C’est à cette époque que mes parents me firent percer les oreilles pour me faire mettre des boucles d’oreilles… Ma mère portait de jolis boutons d’oreilles, de petites boules d’or discrètes… j’en avais réclamé pour moi… nous nous arrêtions souvent toutes deux devant la vitrine de la bijouterie de Vivonne… Mes parents m’y conduisirent donc un jour et ils choisirent de petites boucles d’oreilles en or et en perles, convenant à une petite fille de trois ans. Et puis, il fallut passer au perçage de mes lobes… Le souvenir de ce moment est gravé dans ma mémoire… j’étais assise, mes parents à côté de moi, me tenaient les mains, le bijoutier tenait sa pince, la bijoutière était prête à intervenir avec coton et eau oxygénée… je n’ai pas crié, je n’ai pas versé une larme, je les voulais ces boucles d’oreilles comme ma maman… je babillais et racontais mes petites histoires d’école tandis que le bijoutier cherchait dans le lobe ensanglanté le trou qu’il avait percé, afin d’y enfiler la tige en or de la boucle d’oreille… Il faut souffrir pour être belle, me disait-on…
Mes souvenirs d’école sont aussi présents et pressants ! Je m’étais fait dès la première année de maternelle une camarade, Nadia ; elle appartenait à une famille nombreuse et désargentée. De nos jours, on dirait « une famille de cas soc' »… J’avais bien senti que Maman n’était pas emballée par ma nouvelle amie, j’en eus confirmation : une femme de service l’informa des liens que j’avais noués avec Nadia, et elle ajouta : « Liliane, elle sent la savonnette, mais Nadia, elle sent la savonnette absente ! » Ma mère répéta fièrement cette phrase qui démarquait sa fille de la camarade choisie.
Les fêtes d’école m’ont aussi marquée ! Un petit spectacle de danse avant les vacances de Noël me permit de faire mes premiers pas sur scène ; est-ce lui qui me laissa ce goût prononcé pour le spectacle et la scène puisque j’ai pratiqué théâtre et danse de nombreuses années ? L’école avait fourni aux mamans du crépon avec lequel elles devaient confectionner à leurs fillettes une jupette colorée. Maman s’était appliquée à bien froncer le crépon et avait assorti le tutu d’un joli cardigan en laine angora. J’étais si jolie que les dames me placèrent en début de cortège pour évoluer sur la scène !
À la fin de l’année, la fête des écoles eut lieu au nouveau groupe scolaire qui venait d’être construit en limite de la commune. Nous étions costumés en Alsaciens (le souvenir des deux guerres était encore présent…), et grimpés sur une remorque à bancs, nous fûmes promenés dans le village. Par malheur pour moi, le gros nœud qui figurait ma coiffe d’Alsacienne glissait et je me souviens combien j’étais malheureuse et prête à pleurer, de devoir le tenir en permanence ! Pour évoluer et danser sur scène, je crois qu’on me l’avait retiré.