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Élie Summers, éditrice accomplie, lutte pour surmonter le deuil de son père. Mais lorsque Chris Thomas, son voisin au sourire séduisant et au passé mystérieux, entre en scène, sa vie prend un virage inattendu. Cette rencontre bouleversante remettra en question toutes les certitudes d’Élie sur son existence.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Des rires, de la sensualité, des rebondissements, de l’amour et de l’action, voilà ce qui fait vibrer
Gwladys Pestel. Depuis ses années de lycée, elle a laissé son imagination la guider vers le chemin de l’écriture. Cet ouvrage est le premier volume de sa trilogie fantastique.
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Gwladys Pestel
Mon voisin ce héros
Tome I
Roman
© Lys Bleu Éditions – Gwladys Pestel
ISBN : 979-10-422-2258-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122 - 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122 - 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335 - 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Amour donne-moi ta force, et cette force me sauvera.
William Shakespeare
Roméo et Juliette
Pour remettre les choses dans leur contexte actuel, je suis une trentenaire célibataire vivant dans un petit appartement sur Lenox Hill en plein centre de New York.
Je suis éditrice pour Locksley & Cie, ce qui justifie mon train de vie assez relax. Mon appartement n’est pas le plus grand, je n’ai qu’une seule chambre et je suis au quatrième étage, mais je ne pense pas avoir besoin de me plaindre. Je n’ai pas de colocataire à subir. Pas de partage avec qui que ce soit et pour la femme très solitaire que je suis, cela me convient totalement.
J’ai des horaires de travail qui, même s’ils sont éprouvants, me permettent d’avoir une vie sociale assez attractive. Je peux sortir quand je le souhaite, partir en week-end lorsque l’envie m’en vient. Ma boss est plutôt cool et me laisse libre de choisir quel manuscrit je souhaite suivre, quel type d’histoire je souhaite avoir en main.
Jusque-là ma vie est géniale.
Seulement, comme toujours il y a une petite ombre au tableau. J’ai perdu mon père il y a de cela quelques mois. Ce qui, si je dois être honnête, est la plus grande ombre à mon tableau de vie. Il ne me reste plus que ma mère et nous n’avons pas les meilleures relations du monde.
Mais comme toute personne, je m’adapte et essaie de survivre.
Effectivement, mon père et moi avions une relation vraiment très forte. Nous étions très liés et peut-être, je dis bien peut-être que cela a joué sur ma vie sentimentale.
Il me conseillait sur toutes les parties de ma vie, était réellement présent dans tout ce que je pouvais entreprendre. Pourtant je n’ai pas vu son mal être, ou je n’ai pas voulu le voir je ne sais pas trop.
Cet accident m’a brisé. Il m’a retiré ce côté enfantin que je pouvais avoir. Cette insouciance que nous avons lorsqu’on a deux parents et qu’on ne se pose pas la question de savoir comment les choses vont se passer lorsqu’ils vont nous quitter.
Depuis ce jour je me suis renfermée. Je ne vois plus mes amies aussi souvent qu’avant, j’ai également tendance à choisir des histoires tristes et douloureuses.
Enfin, je crois que je me suis légèrement écartée du sujet. Même si je sais que cela joue énormément dans tout ce qui peut m’arriver ces derniers temps. Ne nous voilons pas la face, je sais très bien que les hommes n’aiment pas les femmes ayant un passé assez lourd, surtout lorsqu’il a toujours une répercussion sur le présent.
C’est en rentrant un soir du travail, assez tard je dois l’admettre, que je me suis aperçue qu’il y avait un boucan pas croyable dans l’appartement juste à côté du mien, pourtant silencieux depuis bien des mois.
Une musique rock résonnant dans la cage d’escalier, qui malgré le fait que je l’apprécie est totalement inappropriée à cette heure.
Fronçant des sourcils, je cherche mes clés dans mon sac à main un peu trop rempli à mon goût et montant la dernière marche, secoue la tête. Le bruit est encore plus fort de là où je me trouve et j’espère vraiment qu’il ou elle ne m’empêchera pas de dormir. Je suis épuisée, sur les nerfs et je rêve vraiment d’une bonne nuit de sommeil.
Je ne suis pas asocial, loin de là, je pars juste du principe qu’il y a une heure pour tout et que celle-ci est largement dépassée.
C’est dans cette optique, que je franchis le seuil de mon appartement, me donnant quelques minutes avant d’aller gentiment me présenter si nécessaire. Je suis une adorable personne puisque je laisse à ce fameux étranger quelques minutes afin que cette dernière s’arrête. Seulement la musique continue à se faire entendre mettant ainsi ma patience à rude épreuve.
Posant mon sac sur le fauteuil près de l’entrée, je soupire de bonheur lorsque je retire enfin mes escarpins, je les adore, seulement arriver à un certain moment, mes pieds n’en peuvent plus et moi non plus d’ailleurs. J’en profite ensuite pour retirer ma veste et je vais me servir quelque chose à boire. Un grand verre d’eau me fera du bien.
Adossée au plan de travail, je reste silencieuse, méditant sur la façon dont cet individu perturbe ma soirée. Je sais que je vais devoir aller mettre un holà, je ne pourrais jamais me détendre et j’en ai besoin. Alors après m’être rafraîchie et sans plus attendre, je sors de chez moi pour aller m’arrêter devant cette fameuse porte qui, je le sens, aura raison de moi.
J’aurais vraiment voulu que cette rencontre se passe de manière plus sympathique et plus courtoise, mais ce n’est pas le cas. Et c’est après avoir pris mon courage à deux mains que je me mets à toquer doucement. Aucune réponse.
Mon cœur bat vite, je déteste la confrontation, les disputes, je déteste paraître pour la méchante seulement… Je sais quand il est temps d’agir.
Me mordillant les lèvres, nerveuse, je frappe une fois de plus, avec certainement trop d’entrain puisque la musique finit enfin par s’arrêter. Laissant place à des pas s’approchant rapidement de la porte. Je n’ai qu’une envie à ce moment : m’enfuir en courant.
Pourtant, lorsque la poignée se tourne, je sais que je suis foutue. Les yeux fixés sur le sol en attendant que quelqu’un vienne m’ouvrir, preuve certaine de mon manque de confiance, je le découvre enfin.
Ce n’est pas une femme, je crois que j’aurais pourtant préféré. Ces pieds masculins ne peuvent pas y appartenir, ce ne serait ni approprié ni cohérent.
Dieu seul sait que je déteste les pieds, je trouve ça moche, dégoûtant et vraiment ce n’est pas mon truc, seulement ceux-là. Ceux-là sont propres, grands et je sais que le reste sera ma perte. Comment ? Peut-être simplement l’instinct.
Il est vêtu d’un bas de jogging gris, près du corps. Trop près. Ses cuisses sont larges, musclées, pourtant ses jambes sont longues et fines à la fois. Son… Son membre ressort un peu trop à mon goût. Trop bien moulé dans ce bas et rougissant comme jamais, je me sens honteuse de le regarder de cette manière. Je ne sais même pas à quoi ressemble son visage que je suis déjà en train de lorgner sur son entrejambe. Inspirant tout en essayant de rester discrète – même si je suis certaine de ne pas l’être – je remonte un peu plus et je tombe sur sa peau nue.
Son teint est hâlé, légèrement bronzé, il est musclé. Pas de ces hommes qui sont fins, mais dont on peut voir qu’ils prennent soin d’eux, car ils n’ont pas de graisse, mais de légers abdominaux.
Non, lui est vraiment musclé, je ne sais pas s’il passe sa vie à la salle de sport, mais cela ne m’étonnerait pas. Parce que le V qui est rare sur un homme est parfaitement souligné sur lui, ses abdominaux sont si bien dessinés que j’ai du mal à en croire mes yeux. Ses pectoraux forment quant à eux deux masses bien distinctes. Ses bras sont énormes, à tel point que je n’aimerais pas être la personne à qui il voudrait s’en prendre.
Les veines sur ses avant-bras sont apparentes, saillantes. Ses trapèzes se révèlent être eux aussi parfaits. Je crois que c’est la première fois de toute ma vie que je vois un homme être aussi bien constitué, aussi puissant.
Et je me dis que je n’aurai peut-être pas dû être aussi insistante lorsque j’ai décidé de m’adresser à lui. À défaut, je ne savais pas que ce serait un homme. Aussi grand et aussi…
— Putain, gémis-je en affrontant enfin son visage, qui est encore plus beau que le reste de son corps.
Je crois que quelques lignes plus haut, j’ai sous-entendu que mon cœur n’avait jamais battu à cent à l’heure, qu’il n’avait jamais tressauté. Et bien je peux assurer que j’ai parlé trop vite.
Parce que c’est exactement ce qu’il est en train de faire cependant que mes yeux se posent sur les siens. Il est vraiment grand, si bien que je dois tendre le cou pour garder le contact, cependant je distingue très clairement l’éclat bleu de ses yeux alors qu’ils sont eux aussi posés sur moi.
Et ils sont rieurs. Rieurs, alors que je me mets de nouveau à détailler son visage.
Cette barbe de plusieurs jours qui n’est absolument pas entretenue, lui va pourtant très bien. Cette bouche bien remplie s’ouvrant sur une dentition parfaite, blanche. Ce nez droit aquilin. Cette chevelure blonde mi-longue, tout en bataille.
Mon cœur accélère un peu plus ses battements et je déglutis difficilement. Terrible mal à l’aise, je retourne sur ses prunelles curieuses qui m’observent elles aussi.
— Salut, me dit-il doucement d’une voix grave. Je peux t’aider ?
Il est temps que je reprenne le fil de mes pensées et surtout le pourquoi de ma venue.
— Heu… Je… Je suis dans l’appartement à côté du tiens et hum… Je suis désolée, mais la musique était un peu trop forte…
Il me sourit et je ne peux m’empêcher de lui en rendre un bien plus timide.
— Je suis désolé je ne pensais pas que c’était si fort, s’excuse-t-il en souriant.
J’acquiesce et recule.
— D’accord eh bien je te remercie et… Je ne te dérange pas plus longtemps.
Il hoche la tête à son tour et je me retourne sans attendre la moindre réponse, afin de rentrer chez moi. Ayant pourtant décidé le contraire, il reprend la conversation.
— Au fait nouvelle voisine, je m’appelle Chris.
Je me pince les lèvres, honteuse d’avoir été aussi oublieuse de la politesse, et lui réponds à mon tour.
— Oh oui pardon ! Enchantée, je m’appelle Elie.
Son sourire est encore plus grand lorsqu’il me voit me gênée.
— Ravi de t’avoir rencontré Elie.
Je souris bêtement, déconcertée et décide qu’il est cette fois grand temps de retourner chez moi. Quelle idiote !
Nom de Dieu ! me dis-je en m’adossant contre ma porte une fois cette dernière fermée.
Comment ai-je pu perdre mes moyens de cette manière ? Riant de mon comportement, je décide que le meilleur moyen d’oublier cette rencontre pour le moins gênante est d’aller me coucher. Demain sera une autre journée.
Je me sens étrange lorsque j’ouvre les yeux.
Partagée entre le rêve et la réalité, il me faut quelques secondes pour me souvenir de cet échange si troublant et du fait qu’il ait bien eu lieu. Je n’ai pas eu de voisins depuis des mois. Je sais que l’appartement à côté du mien est immense et très coûteux. Personne n’avait donc été positionné dessus. Mais s’il est là, c’est qu’il doit relativement bien gagner sa vie, pas que ça me regarde, mais je suis tout de même obligée de me poser la question.
Comment un homme peut-il être aussi beau ? J’aimerais qu’on m’explique, car très honnêtement mis à part dans les livres ou dans les films où ils sont maquillés, mis en valeur grâce à l’éclairage et tout un tas d’autres choses, je n’ai jamais rencontré un aussi bel homme que lui.
Je ris bêtement à toutes ces questions ridicules que je peux me poser, puisque, qu’il soit beau ou non, il ne sera en aucun cas pour moi. Clairement, je veux dire que nous ne jouons absolument pas dans la même cour. Et Dieu m’en garde, cet homme doit être un briseur de cœur.
En entrant dans ma petite cuisine, je me sers rapidement mon café, essayant de remettre mes idées en ordre. Je dois me reprendre. Je n’ai plus quinze ans et je n’ai pas le temps pour une distraction. Je me suis promis de me concentrer sur ma carrière, sur mon bien-être et non sur le premier inconnu plutôt agréable à regarder.
Je continue ma routine du matin et me choisit une belle tenue. Ce qui n’a – soyons clairs – absolument rien à voir avec mon nouveau voisin. Je souhaite juste être confiance pour aller travailler. Je me suis un peu trop laissé aller après la mort de mon père et je m’efforce chaque jour à prendre un peu plus soin de moi. Chose que j’arrive à faire. Mon mantra est que chaque semaine une nouvelle chose doit être arrangée. Je vais m’y tenir et j’y arriverai.
Soupirant, je termine de mettre ce satané rouge à lèvres rouge qui me donne réellement du fil à retordre, avant de mettre mes talons aiguilles que je viens de m’acheter. Puis après avoir coulé un dernier regard sur le miroir, attrape mon attaché-case, je sors de chez moi.
Un long manuscrit m’attend et je sais qu’il va être compliqué tant à lire qu’à corriger.
— Bonjour voisine.
Sursautant, je fais tomber ma pochette et me retourne surprise avant de le voir derrière moi fermant sa porte à son tour. Il est habillé cette fois-ci. Et je ne sais vraiment pas si c’est une bonne chose.
Ses cheveux sont parfaitement coiffés en arrière, son pull bleu marine épouse ses muscles, quels qu’ils soient à la perfection. Son pantalon beige quant à lui met tout ce qu’il y a à mettre en valeur.
— Bonjour, soufflé-je en me penchant pour récupérer mon bien.
— Toutes mes excuses, je t’ai fait peur ? me répond-il sans réellement paraître désolé.
Me redressant, je lisse ma jupe et lui souris.
— Non… Je… Je n’ai juste plus l’habitude d’avoir quelqu’un vivant à côté de chez moi. Je dois m’y faire.
Il se passe une main dans les cheveux et tend l’autre vers la cage d’escalier afin que je puisse passer devant lui.
— Je t’en prie après toi.
Je coule un regard vers lui, souriant timidement et m’exécute presque maladroitement. Je ne manque d’ailleurs pas de sentir son agréable parfum lorsque je le dépasse. Ce n’était pas calculé, seulement ce léger odorat m’entoure et j’admets qu’il est très agréable.
— Tu habites ici depuis longtemps ? me questionne-t-il dans mon dos.
— Hum… Deux ans maintenant.
— J’ai emménagé hier, me dit-il avant que je n’aie pu lui demander. Que peux-tu me dire sur cet immeuble et ses habitants ?
Arrivée sur le palier du deuxième étage, je me tourne brièvement vers lui, rieuse, tout en continuant ensuite à avancer.
— Que ta nouvelle voisine est un peu barge, mais que tu t’y feras probablement.
Il rit. D’un vrai rire. D’un rire si communicatif et si agréable que mes lèvres se retrouvent d’elles-mêmes à s’étirer sans que je n’en n’aie le contrôle.
— J’en prends bonne note. Je ferais attention à ne pas mettre la musique trop forte alors.
— Mis à part cette voisine, les autres sont plutôt cool, celle du troisième est assez grossière, mais très drôle à la fois. Ah et il y a celui du premier, fait attention à ce que tu fais c’est un vrai casse pied. Sa voisine de palier, Berth en tient aussi une sacrée couche : c’est une vraie pipelette et lorsqu’elle te tombe dessus accroche toi afin de pouvoir y mettre un terme, mais elle reste très gentille, prévins-je tout de même.
Ne l’entendant pas me répondre, j’imagine qu’il réfléchit silencieusement. Je souris doucement alors que nous arrivons dans l’entrée principale et m’arrête étonnée, alors qu’il m’ouvre la porte galamment.
— Merci, soufflé-je presque timidement.
Attendant qu’il sorte à son tour, je lève mon visage pour pouvoir le regarder. Je ne peux pas me lasser de ce regard.
— Je suis désolée pour hier soir, j’ai eu une longue journée et j’étais vraiment très fatiguée.
— Je comprends et je m’assurerais de ne pas recommencer. Sa phrase reste en suspens alors qu’il penche la tête de côté pour me regarder, son sourcil se relevant. Enfin sauf si c’est pour avoir une agréable visite nocturne.
Je rougis bien malgré moi et remets mon sac sur mon épaule. Je ne sais pas quoi lui répondre. Il est très intimidant.
— Je…
Je ne dis rien de plus, parce que je ne sais quoi ajouter. Son sourire se fait plus grand et me dotant d’un clin d’œil, il me dit.
— Bonne journée à toi voisine.
Il se retourne. Partant dans la direction inverse. Et je ne peux me retenir de le regarder s’en aller. Cette silhouette élancée, forte et ses fesses. Croyez-moi, il est parfait de tous les côtés.
Je vais souvent déjeuner à l’extérieur sur le temps du midi, seule ou accompagnée cela m’est égal, je ressens juste ce besoin de voir autre chose que l’intérieur de mon bureau.
Prendre l’air est important pour moi. Et pour être honnête, la cafétéria n’est pas la meilleure qui soit.
Amanda, ma boss, a décidé de se joindre à moi. Du haut de son mètre soixante-cinq, cette femme est un sacré personnage. D’un blond polaire, ses cheveux sont coupés au carré d’une manière très stricte, quand ses yeux bleus en sont un parfait contraste.
Toujours vêtue de tailleur fait par les plus grands couturiers, elle est toujours parfaite et j’admire sa prestance, son assurance. Cette femme impose le respect et même si elle me fait parfois tourner la tête, nous avons un très bon relationnel.
— Elie, je suis ravie que tu m’aies emmené ici. Je veux dire, depuis le temps que je vis à New York, je ne suis jamais venue dans cet endroit. Je me demande comme j’ai pu faire pour passer un nombre incalculable de fois sans y entrer. Ces mets sont délicieux, me dit-elle avant de prendre une cuillère de son potage.
Je ne peux m’empêcher de sourire.
— C’est avec plaisir Amanda. J’aime découvrir de nouveaux endroits, même si j’admets souvent retourner aux mêmes adresses, ris-je en coupant ma viande.
Oui parce que j’adore la nourriture. J’aime goûter différentes saveurs, différents plats et quand je vois Amanda avec sa soupe alors que j’ai un morceau de dinde ainsi qu’une purée aux patates douces devant moi, je ne peux m’empêcher de me dire que je devrais faire comme elle si je voulais perdre une taille. Or c’est impossible. Je suis bien trop gourmande.
— Eh bien je vais ajouter celui-ci à mon carnet d’adresses c’est un délice, vraiment, ajoute-t-elle en tapotant sa bouche avec sa serviette. Alors, dis-moi tout, comment trouves-tu les manuscrits que tu as récupérés ?
Prenant une gorgée d’eau, je croise les jambes et lui réponds de manière la plus honnête qui soit. C’est d’ailleurs ce que j’aime dans notre relation, je n’ai pas besoin de prendre des gants. Amanda aime les personnes franches et dès notre rencontre elle m’a bien expliqué qu’elle souhaitait un réel avis et non des jérémiades incessantes.
— Ces auteurs ont un réel potentiel, mais je ne sais pas, je ne vois pas où ils veulent en venir. Les chapitres ne correspondent pas tous, beaucoup de fautes, beaucoup d’incohérences…
Je m’arrête presque brutalement lorsque, surprise, je regarde à deux fois à travers la vitre.
Puis je fronce des sourcils, certaine de reconnaître l’homme se trouvant sur le trottoir et l’espace d’un millième de seconde, j’oublie où je me trouve et le fil de notre conversation.
Vêtu d’un jean brut, d’un pull bleu ainsi que d’une veste cuir il porte des lunettes et parle vivement à une femme. Sa main va se promener dans ses cheveux blonds.
— Elie tout va bien ? me demande Amanda.
Ne prêtant pas attention à elle, je pose mon regard sur la femme l’accompagnant, plus petite que lui, mais pourtant très athlétique, dotée d’une longue chevelure brune, elle élève ses bras au-dessus de sa tête, paraissant mécontente.
— Je… Oui… balbutié-je en regardant ma patronne. Je crois que je connais cet homme, enfin je… Je crois que c’est mon voisin.
Posant de nouveau mon regard sur lui, je souhaiterais pouvoir être une petite souris afin de savoir ce qu’ils se disent. Et alors que je continue de l’observer, il tourne la tête et son regard se porte instinctivement sur moi.
— Merde, dis-je en reportant mon attention sur mon assiette.
Amanda rit, moqueuse, avant de me dire.
— Je crois qu’il t’a vu. Je dois avouer que la discrétion n’est pas ton fort, cela étant.
Rougissant au plus haut point, je joue avec ma nourriture avant de regarder discrètement, cette fois, à travers la vitre, seulement il n’est plus là.
— Ton prince charmant est parti, pouffe-t-elle avant de continuer à manger. Peut-on reprendre s’il te plaît ? Je t’écoute.
Lorsque je passe la porte de mon immeuble, je souris gentiment à Berth.
— Bonsoir ma jolie, ma salue-t-elle en ouvrant franchement sa porte d’entrée. Comment allez-vous ?
Posant ma sacoche sur mon épaule, je m’approche d’elle en souriant. Berth habite ici depuis des années et même si je suis épuisée et que je n’ai qu’une envie : rentrer chez moi, je suis incapable de la snober et de ne pas échanger avec elle.
— Bonsoir Berth, le travail est épuisant, mais je vais bien je vous remercie, et vous ? Comment va votre dos ? demandé-je en souriant.
Se frottant la hanche, elle me répond en grimaçant.
— Ma foi j’ai connu des jours meilleurs, mais ça ira mieux, comme toujours. Mais Elie rentrez chez vous, je voulais juste vous dire bonsoir.
— C’est très aimable à vous Berth, je vous souhaite une bonne soirée alors, reposez-vous bien et surtout n’hésitez pas à me dire si vous avez besoin de quoique ce soit, lui dis-je avant de l’embrasser sur la joue.
Me saluant de la main, elle se retire chez elle et je dois admettre être assez rassurée. J’apprécie énormément cette femme seulement on ne sait jamais lorsque la discussion va s’arrêter. Et la patience n’est pas toujours mon fort.
Montant les escaliers rapidement, je sursaute lorsqu’un ouragan d’un mètre quatre-vingt-dix manque de me rentrer dedans. Pourtant ses mains me retiennent aussitôt et il prend le temps de s’arrêter, s’assurant que je n’ai rien.
— Je suis désolé tu vas bien ? me demande-t-il, ses beaux yeux bleus détaillant mon visage.
— Je vais bien, merci à toi.
Ce courant me parcourant de toute part ne me plaît pas du tout.
— Je suis rassuré. Je dois y aller, je te souhaite une bonne soirée, me salue-t-il tout aussi rapidement en continuant sur sa lancée.
Et vraiment je me demande qui est cet homme. En regardant sa silhouette s’éloigner, je me fais violence afin de ne pas laisser mes pensées dériver sur un autre chemin.
Une bonne douche me fera du bien, me sermonné-je en avançant. Cet homme est source d’ennuis, j’en suis absolument certaine.
J’ai rêvé de lui cette nuit et vraiment ce n’est pas bien. J’ai rêvé de ses grandes mains, de ce corps musclé et chaud, de ses yeux d’un bleu déconcertant, de son sourire carnassier m’envoyant au paradis, de ses cheveux que je touchais sans honte.
Et je n’aime pas la sensation que j’ai lorsque je me réveille. Je me sens excitée, perturbée, perdue. Je n’ai pas laissé un homme m’approcher depuis des années maintenant et la solitude est devenue ma meilleure alliée.
Et puis qui serait assez idiote pour sortir avec son voisin ? Ce ne serait pas bon. Me frottant les yeux, je soupire avant d’aller directement sous la douche. Je dois me détendre et oublier ce rêve idiot. Ce n’était qu’un simple rêve.
Il n’est pas fait pour moi et moi non plus. Je veux dire, nous ne jouons pas dans la même cour tous les deux et je ne le connais même pas. Il va rester un fantasme et ce sera très bien. Mon cœur et ma tête s’en porteront bien mieux.
L’eau chaude coule sur ma peau et je soupire de bien-être, c’est un peu comme une thérapie. Dès que je sens que je réfléchis trop et que je pars dans tous les sens, je vais sous l’eau et j’oublie tout le reste. Bon mon compte en banque n’apprécie pas plus que cela, mais c’est mon plaisir. Jusqu’à ce que j’entende doucement de la musique.
Un début doux, puis de plus en plus fort. Cherchant sa provenance, je soupire lorsque je comprends que ce n’est autre que mon nouveau voisin.
— Nom de Dieu, soupiré-je en me lavant doucement. Il ne va jamais me laisser tranquille.
Pourtant les paroles montent doucement, sensuelles et entraînantes, et je me retrouve telle une midinette à me balancer de droite à gauche tout en soutenant la cadence. Je n’en reviens pas. Je suis en train de me mouvoir sous ma douche avec sa musique.
— Elie, peux-tu me donner ton avis sur ce manuscrit ? me demande Amanda en rentrant sans préambule dans mon bureau.
Je relève la tête de la page que je lisais et lui souris. J’ai été à côté de la plaque toute la journée et je n’ai pratiquement pas avancé, mais je lui réponds tout de même.
— Je… Je ne suis pas encore sûre.
Je commence à chercher mes mots.
— L’histoire est sans équivoque très profonde et très bien écrite, seulement… Je me passe la main sur le visage, réfléchissant à ma réponse. Seulement elle manque de quelque chose… Il y a réellement de la suite dans les idées. Mais j’ai peur que ça ne fonctionne pas. Il y aurait beaucoup de choses à réécrire.
Elle réfléchit à ma réponse puis se retourne.
— Je te laisse continuer alors, tu me donneras ton avis final lorsque tu auras terminé.
Je ne dis rien. J’ai l’habitude de ce genre de comportement avec elle. C’est une patronne très gentille, mais également très lunatique et qui a le don de me faire tourner en bourrique. Un jour ce sera oui et le lendemain un non. Mais j’arrive tout de même à réussir à lui donner ceux que je veux suivre et elle accepte toujours alors je la laisse faire.
— Au fait, se reprend-elle en passant de nouveau sa tête à travers l’encadrement de la porte. C’était bien ton voisin hier midi ?
Je hausse les épaules telle une enfant.
— Oui j’en suis sûr, mais je l’ai à peine aperçu alors je n’ai pas pu lui en parler.
Ses yeux se plissent et elle me répond.
— Eh bien je n’ai pas eu le temps de te le dire, mais c’est un sacré beau morceau dis-moi. J’espère que tu t’en feras un peu plus qu’un simple voisin.
Rougissant comme jamais je la chasse d’un mouvement de main.
— Ne dis pas n’importe quoi, allez maintenant je dois continuer de travailler.
Éclatant de rire, elle sort de mon bureau, mais je l’entends me dire à voix haute.
— Lâche-toi ma fille !
Je ne peux m’empêcher de rire à mon tour. Cette femme est dingue.
Je reprends ma lecture, pourtant je ne peux m’empêcher de repenser à ce regard bleu azur et à cette bouche si tentante. Son arrivée dans ma petite vie tranquille m’aura vraiment prise au dépourvu. Je sens que cet homme est secret et que sa vie est loin d’être aussi simple que la mienne. Chose que je ne pensais pas réellement possible. Et je me dis que craquer pour son voisin est une très mauvaise chose, que cela pourrait très mal se passer et je suis si bien dans mon petit chez moi. Je n’ai aucune envie de devoir déménager si quelque chose se passe mal.
Mon cœur se remet doucement de toutes ces douleurs, je n’ai pas le moins du monde envie de le retrouver en petits morceaux, encore.
— Je sais maman, soufflé-je en serrant les dents. Je fais ce que je peux, c’est juste que cela prend plus de temps que nécessaire et j’en suis vraiment désolée.
— Tu m’avais dit que ce serait fait la semaine dernière et moi j’attends encore ! ronchonne-t-elle au téléphone.
Passant la porte de mon immeuble, je continue sur ma lancée.
— Tu sais à quel point c’est compliqué. J’ai tout un tas d’autres choses à gérer, comme mon boulot par exemple, tu pourrais peut-être…
— Oui enfin ton travail c’est tout de même de lire des livres toute la journée, ne me dis pas que tu n’as pas le temps !
J’aperçois Berth, mais ne lui fais qu’un hochement de tête, je suis bien trop énervée pour discuter avec elle. Je m’excuserai plus tard. Je prends une profonde inspiration, retire mes putains de chaussures à talons pour monter et me cogne contre la rambarde au passage.
— Oui si tu veux. Écoute si tout ce que je fais ne te suffit pas, tu n’as qu’à le faire toi-même putain !
Je ne suis pas une personne vulgaire. Jamais. Ou presque, seulement avec ma mère, je le deviens forcément. Elle est la seule personne à avoir ce don de me rendre dingue, comme je le suis à présent.
Bip bip bip.
— Bordel de merde ! juré-je à nouveau en regardant mon téléphone. Elle m’a raccroché au nez !
Je ris, mauvaise, et continue de monter les marches, tellement furieuse que je pourrais faire voler quelque chose dans le but de me calmer. Arrivant sur le perron, je continue à jurer dans mes moustaches lorsque la porte de mon voisin s’ouvre sans préambule et qu’il me regarde, rieur.
— Une bouteille de vin ça te tente ?
Je m’arrête tout net et, mes chaussures à la main, éclate de rire.
— Pourquoi pas ! m’exclamé-je en m’avançant vers lui.
Je réfléchirais aux conséquences plus tard. J’ai besoin de me détendre et il me propose une porte de sortie pour le moins très agréable.
Il me sourit grandement, semblant heureux de ma décision et me laisse entrer chez lui.
— Entre je t’en prie, m’invite-t-il en me laissant passer et je n’arrive pas à m’habituer à ce qu’il soit si grand.
Je ne le connais pas et j’accepte de venir boire une bouteille de vin dans son appartement. Je ne sais pas ce qui ne va pas avec moi, mais là tout de suite, je m’en contre fou. J’ai besoin de me détendre après ce coup de téléphone pourri et il m’a proposé son aide alors… Lorsque je le dépasse, je sens son regard sur moi et refermant la porte, il me dit :
— J’ai entendu une conversation houleuse lorsque tu montais.
Je fronce des sourcils, m’a-t-il espionné ?
— Je ne t’espionne pas rassure toi. C’est juste que tu parlais un peu fort. Bref je me suis dit que c’était l’occasion pour toi de te détendre et l’occasion pour moi de connaître ma nouvelle voisine.
Dire ce que je ressens lorsque je le regarde est difficile à dire, même pour moi. Pourtant, alors qu’il m’étudie à son tour avant de s’approcher de moi pour me prendre mes chaussures des mains et les poser par terre, je ne peux m’empêcher de sourire, le cœur battant à tout rompre. Je ne suis pas douée avec les hommes et je ne le connais pas, mais malgré ce côté très intimidant de sa personne il reste vraiment très avenant et il sait sans aucun doute mettre à l’aise.
— Installe-toi, je t’en prie, me propose-t-il en me montrant son sofa.
Je n’avais jamais vu son appartement avant aujourd’hui, il est vraiment très grand. Bien plus encore que ce que je ne m’étais imaginé. Il est spacieux et décoré avec goût ou il pourrait l’être.
— C’est vraiment joli chez toi, lui dis-je en tournant sur moi-même. J’aime beaucoup la non-décoration.
Je me moque gentiment et il le sait. Une dizaine de cartons traînent ici et là, ce qui est totalement logique puisque cela fait à peine vingt-quatre heures qu’il est ici et je suis déjà sur son territoire. C’est étrange. Arrivant près de moi avec deux verres et une bouteille débouchée, il me tend le mien et me serre tel sans attendre.
— Voilà pour toi.
Ses gestes sont précis, rapides. Il est dans la maîtrise. Et il est aussi moins apprêté que lorsque je l’ai vu le matin même. Ses cheveux sont un peu plus en désordre et il est à nouveau pieds nus. Son pull n’est plus non plus, il est vêtu d’un tee-shirt blanc lui allant très bien. De toute manière, je crois que peu importe ce que cet homme porte, il restera vraiment très beau.
— Alors… commence-t-il en s’asseyant devant moi sur un pouf. Tu montes souvent les escaliers pieds nus ?
Je ne peux m’empêcher de rougir à nouveau et essaye tant bien que mal de le cacher derrière mon verre.
— Je… Je n’en pouvais plus, ses talons sont insupportables.
Il sourit d’une manière un peu tordue et me tend son verre pour que je le choque avec le sien, avant que chacun d’entre nous ne prenne une gorgée.
— Et toi tu invites souvent des étrangères chez toi ? Je veux dire je pourrais être… Je ne sais pas, une tueuse en série.
Il se montre du doigt moqueur.
— Je crois que je devrais m’en sortir.
J’éclate de rire sans le vouloir, me regardant au passage.
— Effectivement !
— Tu avais l’air d’être tendue, je me suis dit que c’était une bonne raison pour se détendre et ainsi je peux en savoir plus sur la personne qui vit de l’autre côté du mur.
— Et tu as eu raison. Ton vin est vraiment très bon, continué-je en prenant une nouvelle gorgée. Alors Chris… Que fais-tu dans la vie ?
Il étend ses longues jambes devant lui, ses bras se croisant sur son buste bandant ses muscles comme jamais. Sa silhouette reste vraiment très imposante, même assis presque à même le sol.
— Rien de bien intéressant, je suis un militaire à la retraite, commence-t-il vaguement et je commence à comprendre pourquoi cette carrure. Et toi ? me demande-t-il sans m’en dire davantage.
— Je trouve que c’est le contraire pourtant. Tu as contribué à la sauvegarde de notre pays, rétorqué-je en souriant chaleureusement. Moi je suis éditrice et ça, même si j’aime mon métier par-dessus tout, ce n’est pas franchement intéressant. Je passe mes journées à lire et à corriger des bouquins.
Il secoue la tête, pas du même avis.
— Je ne suis pas d’accord. Ce que tu fais est l’essence même de ce qui enrichit ce monde.
Je souris gênée et reste silencieuse quelques instants. Je suis intimidée et j’ai si peu l’habitude d’être seule avec un – bel – homme que je ne sais plus de quoi parler sans passer pour une personne ennuyeuse.
— Je suis désolée, dis-je en souriant pauvrement, en posant mon verre sur la petite table devant moi. Je ne suis pas réellement de grande conversation, je suis tellement habituée à être seule que ce n’est pas évident. Je ne suis pas très douée pour tout ça, ajouté-je en nous désignant tous deux.
Il me sourit, compréhensif, et croise ses jambes devant lui tout en posant son verre sur le sol.
— Okay, eh bien on peut faire très simple. Je te pose trois questions, tu y réponds et on inverse, est-ce que ça te tente ?
— Je suis partante.
Toussotant comme s’il se concentrait, il pose ses mains sur ses cuisses et me regarde, tout en penchant sa tête sur le côté, joueur.
— Bien, commençons. Âge ?
— Je viens de prendre trente ans, réponds-je très concentrée prête pour sa seconde question.
Il réfléchit quelques secondes avant de continuer.
— Meilleur souvenir ?
Mes yeux se posent dans le vague et je souris de toutes mes dents.
— Mon Dieu, lorsque j’ai pu partir de chez mes parents pour venir vivre ici. Je n’en pouvais plus d’habiter avec eux et je rêvais depuis toute gamine de la grosse pomme.
C’est dur de ne pas lui retourner les questions, mais je patiente quand il le faut vraiment, et je me dis que d’ici quelques minutes j’aurai le droit d’en savoir moi aussi un peu plus sur lui. Il rit et continue.
— Pire souvenir.
— J’ai perdu mon père il y a quelques mois maintenant, réponds-je la gorge nouée.
Il ne dit rien et je souris, cette révélation paraît toujours gênante, pourtant c’est une simple information. La perte de mon père n’est pas un secret et je n’en ai pas honte non plus, cela fait juste partie de ma vie. Prenant les devants, je décide de poser mes questions afin de briser le silence.
— Ton âge.
Il s’étire et je mords l’intérieur de ma lèvre lorsque son tee-shirt se tend sur ses pectoraux.
— Trente-huit ans.
J’acquiesce.
— Enfant ?
Il éclate de rire et secoue le chef.
— Pas du tout.
Il ne me reste qu’une seule question et je voudrais réellement en savoir plus sur lui. J’en ai une totalement idiote, mais je rêve de la lui poser depuis que j’ai posé les yeux sur lui.
— Est-ce que tu passes toutes tes journées à la salle de sport…
Et le voilà riant à gorge déployée. Je savais que ma question n’était pas la plus pertinente et à voir sa réaction j’avais raison. Au moins cela aura permis de détendre l’atmosphère.
— Alors, dis-moi.
— Pas du tout. J’ai juste quelques passe-temps assez sportifs.
Il ne continue pas et je me sens frustrée. Très vague dans ses réponses, il ne me donne que ce que je lui demande. Rien de plus, rien de moins. Il prend une nouvelle gorgée de vin avant de se lever habilement.
— Tu veux manger quelque chose ?
Je l’imite et coince ma lèvre entre mes dents quelque peu hésitante parce que je meurs d’envie de rester ici avec lui.
— Je… J’en serai ravie, mais j’ai encore du travail qui m’attend.
Il se retourne et acquiesce.
— Je comprends.
Puis je le regarde s’approcher de moi, d’un peu trop près, et me souffler charmeur.
— Maintenant dès que je te croiserai, je te poserai une question et tu devras me répondre sans réfléchir. Je ferai de même lorsque tu le souhaiteras.
Et je sais que je n’ai pas d’autres choix que d’accepter.
— D’accord, murmuré-je en frissonnant. Je te remercie pour le verre et pour la compagnie, cela m’a fait beaucoup de bien.
Il me fait un clin d’œil et me contourne, son bras frôlant le mien créant tout un tas d’émotions sur son passage, puis récupère mes chaussures sur le sol, me les tendant gentiment.
— Au plaisir.
— Tu me diras quelle musique tu as mis ce matin. J’ai beaucoup aimé.
Je lui souris et audacieuse, pose timidement ma main sur son épaule afin de l’embrasser sur la joue me laissant chatouiller par quelques poils de sa barbe. Et mon cœur n’en bat que plus vite lorsque mes lèvres rencontrent sa peau.
— Merci Chris, dis-je avant de prendre mes chaussures encore dans sa main et de quitter son appartement. Je te souhaite une bonne soirée.
J’avoue ne pas avoir osé le regarder lorsque je suis partie. Je crois que j’étais rouge écarlate à ce moment et il aurait été vraiment très gênant qu’il le constate lui aussi.
Lorsque je suis allée me coucher, je n’ai pas fait de mauvais rêves, pas de cauchemars, pas de goût amer dans la bouche lorsque j’ouvre les yeux. Mon sommeil a été réparateur. Et cela me fait un bien fou, je n’ai pas aussi bien dormi depuis des mois. Je ne saurais dire si ma rencontre avec Chris y est pour quelque chose, mais je me sens bien mieux.
Je n’ai pas entendu de musique provenant de son appartement lorsque je me suis levée, ce n’est qu’une fois sous la douche que je l’entends résonner à travers les murs.
Le volume est si fort que je comprends que c’est sa manière de me dire bonjour, à moins que je ne me trompe totalement, et que cela n’ait absolument rien à voir avec moi. Je ne peux cependant m’empêcher de suivre le mouvement alors que je suis en train de me laver les cheveux. Ce mec est dingue.
Parce que je prends vraiment goût à tout ça. Un peu trop vite je le sais.
Seulement je ne suis pas habituée à une présence dans ma vie. Je veux dire, je suis une personne solitaire, je n’ai jamais eu aucun voisin avant lui, ni aucune voisine d’ailleurs. L’appartement a été vide pendant des années, alors avoir ce renouveau est assez enivrant. Il me sort totalement de ma zone de confort.
Et même si je sais qu’il est secret et un peu trop énigmatique, il dégage ce petit quelque chose. Il me donne envie d’en apprendre plus sur lui et de la même manière, de me livrer à mon tour.
Prise par la musique, je me mets à danser tout en me préparant. Je me surprends à sourire sans aucune réelle raison. Mon cœur est un peu plus léger et j’arrive à repousser toutes ces pensées négatives que je peux avoir.
Lorsque je sors de chez moi, vêtue d’un pantalon noir, d’un petit chemisier rouge et d’escarpins, je croise presque les doigts pour qu’il sorte en même temps. Je ne me reconnais plus.
— Bonjour voisine, me salue-t-il et cette fois je ne sursaute pas, me contentant juste de tourner mon regard vers lui.
— Bonjour voisin, lui dis-je à mon tour en fermant ma porte à clé. Mon cœur bat à nouveau la chamade, et je sais pertinemment que je vais devoir m’y habituer.
Je ne dis rien avant d’arriver à sa hauteur et souris une énième fois lorsque son regard bleu azur vrille le mien.
— Je vais devoir créer une playlist pour répondre à la tienne, ris-je enjouée.
Il rit à son tour avant de me laisser passer devant lui.
— Est-ce que je dois m’attendre à ce petit rituel chaque matin ? demandé-je à nouveau en lui jetant un coup d’œil.
Je ne sais pas si je me fais des idées ou si au contraire j’ai raison, mais je suis certaine de l’avoir vu regarder mes fesses avant qu’il ne détourne rapidement les yeux, pris sur le vif. Piquant un fard, je regarde droit devant moi et fais comme si de rien n’était, attendant patiemment qu’il réponde à ma question.
— Nous verrons bien, me répond-il simplement. As-tu bien dormi ? continue-t-il dans mon dos.
— Très bien merci et toi ?
— Comme un loire, il laisse quelques secondes de silence avant de me demander. Est-ce que je te garde un peu de vin pour ce soir ?
Je me pince les lèvres, frétillant à sa simple question, absolument ravie de lui répondre un léger « oui ». Puis le voilà qui m’ouvre la porte du hall me laissant passer devant lui et je m’arrête, le regardant de toute sa hauteur, aussi beau que la veille.
— Es-tu un réel gentleman ou est-ce que c’est juste pour pouvoir regarder mes fesses ?
Il pouffe, laissant libre cours à son hilarité tout en me permettant d’apercevoir de petites pattes d’oies sur le coin de ses yeux. Il secoue la tête avant de me prendre au dépourvu en déposant un léger baiser sur ma joue. Rougissante, je suis incapable du moindre mouvement lorsqu’il me souffle à l’oreille d’un ton joueur.
— Peut-être un peu des deux Elie.
Je jure que tout mon corps s’est ramolli. Parce qu’après m’avoir chuchoté sa réponse dans le creux de l’oreille, il m’a regardé dans les yeux et a commencé à partir dans la direction opposée avant de se retourner vivement vers moi.
— Est-ce que tu regardais mes fesses ? me crie-t-il en portant ses mains à sa bouche afin que je l’entende mieux.
Je ris derechef incapable de lui répondre. Il a raison, je regardais vraiment ses fesses.
Ma mère m’a appelé aujourd’hui et j’ai décidé de ne pas répondre. La journée a si bien commencé que je n’avais pas le cœur à ce qu’elle ne soit plus aussi belle. Je n’ai donc pas décroché et l’ai laissée aller sur mon répondeur. Je reviendrai vers elle lorsque je serai prête et sûre de ne pas partir dans tous les sens.
J’ai continué ma lecture. Il me faut en général deux jours pour lire un manuscrit complet tout en y apportant une première correction. Ce que je viens enfin de finir pour celui-là. Je ne sais pas s’il aura un franc succès, mais Amanda le pense, alors je vais faire en sorte qu’il ne passe pas inaperçu.
Et puis j’ai enfin répondu à plusieurs messages de mon amie Samantha, qui malgré mon silence de ces derniers jours, à tout de même insisté sachant que je finirai forcément pas lui répondre à un moment ou à un autre.
Parce qu’effectivement je ne suis pas très entourée, mais ma meilleure amie Samantha est l’une de ces personnes sans laquelle je ne peux vivre. Ne m’ayant pas suivi dans la grosse pomme, nous ne conversons que par messages ou par visio, mais nous restons toujours très proches. La distance ne nous ayant absolument pas perturbées l’une l’autre.
Je me suis fait houspiller et j’ai beaucoup ri. Elle a un franc-parler sans relâche et c’est ce que j’ai toujours aimé chez elle.
— Comment se passe ta vie ici ? J’ai vu ta mère hier et elle m’a dit que vous vous étiez disputé au téléphone.
Je ris, il m’est impossible de faire autrement.
— Elle m’a raccroché au nez Samantha et tu sais comment elle est.
— Oui je le sais seulement c’est ta mère, alors essaye d’être un peu plus gentille tu veux.
Soupirant, je lève les yeux au ciel.
— Je sais ce que tu viens de faire sans même avoir besoin d’être présente !
— Comment est-ce que tu t’en sors ? demandé-je pour détourner cette éternelle conversation. Comment va James ? Est-il toujours autant sur les routes ?
— Oui toujours. Je ne l’ai pas vu depuis une semaine, je t’avoue que cette histoire commence à devenir dure. Mais je m’adapte pour le moment. Je sais que ce n’est que pour un temps, il devrait avoir sa promotion d’ici à la fin de l’année.
Jouant avec un stylo, je pose mes pieds sur le coin de mon bureau.
— C’est une bonne chose, j’espère sincèrement que cette situation va se régler rapidement. Pour vous deux.
— Et toi ? Tu as rencontré quelqu’un ? Je sais que je ne t’ai pas appelé depuis un moment.
— Tout va bien, je ne t’en veux pas tu sais, tu as une vie bien remplie et je ne t’ai pas appelé non plus d’ailleurs. La faute est partagée.
Elle rit au téléphone et j’en profite pour changer habilement de sujet. Je ne suis pas encore prête à parler de lui. J’ai besoin d’un peu plus de temps.
Ma journée enfin terminée, il est l’heure pour moi de rentrer à la maison. Ou plutôt d’aller prendre un verre chez mon voisin. Je ne suis pas plus rapide qu’un autre soir, mais je dois avouer être assez pressée de le retrouver et de jouer à nouveau à ce petit jeu des questions avec lui.
Enfin, s’il décide de recommencer. Cependant, je pense sincèrement que j’arriverai à m’ouvrir à lui. Bien plus que maintenant en tout cas. Et j’espère de tout mon cœur qu’il fera la même chose. Enfilant ma petite veste, je sors enfin de mon bureau avant d’être happée par Amanda.
— Elie, je suis vraiment désolée, mais il va falloir retravailler les corrections que tu as faites sur le manuscrit. Tu as fait du bon travail, mais il y a deux, trois points que je souhaiterai revoir avec toi.
— Oui bien sûr, je regarde ça demain à la première heure sans faute.
C’est à ce moment précis, lorsque je vois la manière qu’elle a de me regarder, que je sais que non ce ne sera pas pour demain. Et que je n’aurai, malheureusement, pas l’occasion de prendre un verre avec Chris ce soir.
— Justement, j’aimerais que nous fassions cela maintenant, je voudrais tout envoyer à l’imprimeur demain.
— Oh heu… Oui d’accord, je m’en occupe.
Parce qu’on ne dit pas non à Amanda.
Il m’aura fallu trois heures de plus pour tout boucler et pour que ma boss valide les nouvelles corrections. Trois heures supplémentaires sur une journée déjà bien chargée m’ont lessivée. Et la frustration que je ressens de par le changement de plan de dernière minute est vraiment dérangeante.
Je n’ai pas son numéro de téléphone. Je n’ai donc pas pu le prévenir de cet imprévu. J’imagine qu’il a dû attendre et passer à autre chose, ce qui est exactement ce que j’aurais fait si cela avait été dans le sens inverse.
Cette superbe journée s’est donc terminée sur un ton légèrement plus maussade et lorsque je rentre dans mon immeuble et que Berth, la voisine du rez-de-chaussée me tient la jambe, je sais que jamais je ne vais arriver à rentrer chez moi.
— Oui, parce que vous savez Elie. Ce n’est pas juste pour tout le monde cette histoire et nous ne pouvons rien faire de plus. Mais peut-être que vous…
— Écoutez Berth, la coupé-je dans son élan. Je suis vraiment navrée de tout ce tracas, mais je ne peux absolument rien faire, je veux dire, je suis comme vous alors si jamais vous deviez en parler à quelqu’un et bien, je ne suis pas la bonne personne.
Cela fait maintenant quinze minutes que j’essaye tant bien que mal de couper court à toute discussion, seulement je n’y arrive pas.
— Oh… Bon, je trouverai bien à qui en parler alors, soupire-t-elle tout à coup. Elie, avez-vous entendu la nouvelle ?
Soupirant, parce que je sais que Berth ne va pas me laisser partir de si tôt, je lui réponds en croisant les bras.
— Je compte sur vous pour me la faire découvrir.
Son regard se fait alerte alors qu’elle s’approche un peu plus de moi pour me souffler discrètement.
— Eh bien, alors que je prenais mon petit-déjeuner ce matin, j’ai entendu à la radio que la NASA avait repéré une masse suspecte dans le ciel.
Faisant en sorte de garder mon sérieux, je lui dis quelque peu ironique.
— Des extraterrestres ?
Elle balaye sa main dans les airs avant de secouer la tête.
— Ils suspectent une potentielle attaque. Vous savez, ce n’est pas comme si nous n’en avions pas déjà eu. Oh ! s’interrompt-elle en relevant la tête. Regardez-moi ce beau morceau ! roucoule-t-elle la seconde d’après en regardant derrière moi. C’est celui qui vient d’emménager à côté de chez vous n’est-ce pas ?
Je me tourne au moment où la porte s’ouvre, et alors que je m’apprête à lui répondre, je la vois. Cette magnifique blonde accrochée à son bras. Longiligne, magnifique, parfaite. Tout mon contraire. Et ce sourire qu’il lui offre alors qu’elle lui chuchote quelque chose à l’oreille.
Je savais que c’était trop beau pour être vrai. Comment ai-je pu penser qu’il pourrait y avoir quelque chose de plus ? Mon sourire s’efface, mais se remet faussement en place lorsqu’il nous aperçoit.
— Salut voisine, me salue-t-il en souriant grandement. Je t’ai attendu, mais comme tu ne venais pas j’ai un peu improvisé, se justifie-t-il tout de même.
Je garde la tête froide. Ne rien montrer. Ne pas lui faire comprendre que je suis déçue est primordial.
— J’ai eu beaucoup plus de travail que prévu et je n’avais rien pour te prévenir… puis je me reprends et je regarde tout le monde. Bon… je vous souhaite une bonne soirée. Berth, appelez le propriétaire demain matin et n’écoutez pas toutes ces sottises que racontent les journalistes.
Berth soupire, quand j’aperçois Chris froncer des sourcils. Je ne m’attarde pas sur sa réaction et continue sur ma lancée.
— Chris… je reste en suspens quelques secondes le temps d’analyser la situation. Je te souhaite une bonne soirée.
Je n’attends de réponse de personne et monte à vitesse grand V dans ma forteresse. Oubliant ce passage quelque peu gênant. Comment ai-je pu penser un seul instant qu’il pouvait s’intéresser à moi ?
Je veux dire lui, ce bel étalon, gentil, adorable et hyper sexy et moi… Juste moi. Une fille pas tellement intéressante, insignifiante comparée à cette… Cette bombe. La réalité aura finalement repris le dessus.
Je savais que sympathiser avec un voisin tel que lui ne serait pas une bonne chose. Ne pas le connaître et ne pas vouloir le découvrir aurait été tout aussi bien. Mon petit cœur tout fragile le savait et encore une fois je ne l’ai pas écouté.
Un peu en colère, je l’admets, je rentre chez moi tout en prenant bien soin de ne pas regarder en arrière. Je veux juste aller dormir. C’est tout ce que je demande. Demain sera une nouvelle journée. Et je vais rapidement mettre un terme à toutes ces sottises qui ont pu me passer par la tête dès lors que mes yeux se sont posés sur lui.
Je savais que ce n’était pas une bonne chose que de me rapprocher de cet homme. Soupirant, je m’allonge d’un mouvement d’un seul sur mon canapé. Je veux tout oublier. Oublier cette journée pourrie, cette soirée gâchée et cette femme aux longues jambes. Je ne veux plus non plus penser à ce beau blond, à ces yeux magnifiques, à cette gueule d’ange cachant pourtant un Bad boy. Je dois penser à moi, me recentrer sur moi. Sur ma guérison.
Bam, bam, bam !
Je suis violemment tirée de mon sommeil par des coups résonnants sur ma porte. Des coups vraiment très forts. Et très embêtants. Mon réveil n’étant censé sonner qu’une heure plus tard, je peste donc de frustration. Je ne veux pas me lever, je n’ai pas bien dormi, je suis fatiguée et personne ne devrait embêter personne à cette heure. Mais peut-être que si je mets ma tête sous l’oreiller, les bruits vont disparaître et je vais finir par me rendormir.
Sauf que pas du tout. Ils se font de plus en plus rapprocher.
— Elie, entends-je murmurer derrière cette dernière.
Je me lève à contrecœur. Parce que j’ai bien compris que si je ne le fais pas, il ne s’arrêtera jamais. Grognant, renfrognée, je lui ouvre la porte et retiens un hurlement lorsqu’il me fonce dessus pour refermer tout aussi vite derrière lui, me faisant maladroitement reculer.
— Mais….
— Merci, me dit-il en même temps.
Je fronce des sourcils, croise les bras sur ma poitrine et le regarde. Il est tout débraillé, comme s’il n’avait pas dormi de la nuit, ses cheveux sont tout ébouriffés, Son tee-shirt noir est froissé et… Il est en caleçon ? Nom de Dieu… Ce caleçon ne cache absolument rien.
— Chris… Est-ce que tu veux bien me… je ne peux pas continuer ma phrase lorsque sa grande main se pose sur ma bouche.
— Chut, souffle-t-il. Ne fais pas de bruit s’il te plaît.
Je soupire pour la forme et, retirant sa main de mon visage, l’emmène avec moi à l’autre bout de la pièce, dans ma petite salle de bain, là où personne ne pourra nous entendre. Il ne dit rien, se laissant faire, puis rit lorsqu’il constate l’endroit où nous sommes.
— On ne peut plus nous entendre maintenant. Alors j’aimerais que tu m’expliques ce qu’il se passe ! Tu frappes comme un dingue à six heures du matin et… et…
J’en perds mes mots, car pour dire vrai, je ne sais même pas quoi ajouter de plus. Cette situation est complètement débile.
— Je voulais juste qu’elle parte et je me suis dit que si elle ne me voyait pas à son réveil. Que peut-être elle s’en irait plus vite.