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Édouard Smith, un journaliste talentueux à la recherche de son premier roman, réside dans un somptueux appartement parisien. Sa vie prend un tournant décisif lorsqu’il reçoit une offre irrésistible : un contrat d’un an dans un journal local dans l’Illinois. À son arrivée, un meurtre est perpétré, rappelant le mode opératoire d’un célèbre tueur en série. Est-ce l’œuvre du tueur original ou d’un imitateur ? Un jeu du chat et de la souris se met en place entre l’enquêteur Sully McField et le tueur en série…
À PROPOS DE L’AUTEUR
Marian Jean Malinowski est un passionné de l’univers de Stephen King et a récemment commencé à écrire des histoires. Aujourd’hui, il saute le pas avec son œuvre intitulée Myers.
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Seitenzahl: 332
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Marian Jean Malinowski
Myers
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marian Jean Malinowski
ISBN : 979-10-422-0440-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
1
Au fond, je ne savais pas exactement dans quoi je m’étais embarqué. Le côté positif que j’y vois (le seul à vrai dire), c’est celui de prouver au monde entier que je ne suis pas fou et que ce qui s’est déroulé il y a des années est réellement arrivé.
Septembre vient de céder sa place à octobre. L’automne n’a jamais été aussi présent qu’actuellement. Les feuilles valdinguent au gré du vent qui se déchaîne de plus en plus dans les rues étrangement vides, surtout à cette heure-ci de l’après-midi. Il est à peine seize heures et habituellement à ce moment-là de la journée, la moindre surface pavée, le moindre bout de trottoir sont piétinés par la foule. Les feuilles sont presque toutes tombées. Depuis presque une semaine, tous les agents de propreté sont en grève. La faute à qui ? Pourquoi cela fait seulement la seconde fois en un mois que ceux-ci interrompent leur activité ? Dieu seul sait.
La mairie de Paris a bien tenté de trouver des solutions pour répondre à leurs besoins sans véritable succès. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Certains élus ont même pris le parti d’aller à la rencontre de ces citoyens en colère qui réclamaient une augmentation de leur salaire, évidemment, les élus ont plié et les travailleurs ont obtenu gain de cause. Mais cette fois-ci, c’est pour une tout autre raison. Raison pour laquelle les médias n’ont pas jugé utile de consacrer une page de leur journal pour en parler et éventuellement faire bouger les choses.
La seule vraie question que beaucoup de gens se posent aujourd’hui, c’est de savoir pour quel motif cette fois-ci les employés de l’entreprise « SOCIÉTÉ PROPRETÉ » ont décidé de manifester leur mécontentement. Est-ce à cause des conditions de travail ? Des conditions de vie pour certains employés ? La crise financière qui frappe le pays en ce moment, notamment à cause du covid-19, de la guerre en Ukraine mais surtout de l’augmentation des prix pour les vivres les plus essentiels (comme l’eau, la nourriture ou encore les soins) n’y serait-elle pas pour quelque chose ? Tant de questions pour très peu de réponses. Les Français commencent à en avoir marre de cette situation et, pour beaucoup, remettent en question l’importance des chaînes principales qui ont pour format « traiter l’actualité de A à Z ».
Des grandes chaînes comme BFMTV ou encore LCI sont capables de nous bourrer le crâne toute la journée en répétant les mêmes informations en boucle et bizarrement, ce sont ces mêmes chaînes qui n’ont pas voulu parler de cette grève organisée par le syndicat des agents de propreté. Aujourd’hui encore, une majorité de personnes sont consternées par la saleté des lieux. Paris qui était considérée autrefois comme la Ville lumière, la capitale du luxe est aujourd’hui devenue une véritable poubelle, une ville laissée à l’abandon, jonchée de détritus, envahie par les rats. Un peu comme si on se trouvait dans un film d’horreur après une invasion de zombies ou un film catastrophe lorsque l’apocalypse vient de frapper et qu’il ne reste plus rien.
2
L’horloge de la mairie de Paris située dans le 18e arrondissement affiche dix-sept heures, la nuit n’est pas encore tombée mais le soleil a déjà disparu derrière toute la masse nuageuse qui recouvre le ciel. La pluie s’est jointe au vent pour former une véritable tempête si puissante qu’elle serait capable de plier une citerne en deux. Les conditions climatiques sont si pourries que personne n’ose prendre la peine de mettre le nez dehors pour voir si ça vaut le coup de sortir les poubelles ou d’aller promener son chien. Des tâches tout à fait normales dans le quotidien mais qui, à ce moment-là, sont à l’arrêt à cause du mauvais temps.
En ce 3 novembre 2022, tous les habitants sont chez eux, réfugiés dans la chaleur pour certains et la convivialité pour d’autres. Halloween est passée et beaucoup de personnes, notamment les jeunes, sont devant la télé à zapper de chaîne en chaîne en espérant tomber sur un programme intéressant. Mais bizarrement, toutes les plus grandes chaînes ont été remplacées et balayées par les plateformes de streaming (Netflix, PrimeVideo, Disney+). Pas mal de gens sont accros et ont même un ou plusieurs comptes pour ne rien louper des dernières sorties de films.
En tout cas, parmi tous ces individus, il y en a un qui n’est pas abonné à ce genre d’activité pour passer le temps. Nous sommes la fin d’après-midi, la pluie bat fort, très fort contre les fenêtres. La télé est éteinte et le seul bruit qui règne dans l’endroit, ce sont les battements de la pluie contre les carreaux vitrés. Mais un autre son, plus fin celui-ci semble provenir d’une pièce lointaine. Cette pièce en question était un bureau assez chic dont les murs et le plafond comportaient des moulures, le parquet était en bois ciré. Le lustre a été remplacé par un plafonnier plus moderne mais qui n’en est pas moins charmant. En plein milieu de la pièce trône un vieux bureau en bois marron foncé tel celui de Sherlock Holmes. Sur le dessus, il y avait le strict nécessaire. Une lampe pliable, une mince pile de dossiers en tout genre ainsi qu’un ordinateur tout neuf et un stylo en or posé à droite de celui-ci.
Ce bureau est baigné de lumière puisque deux grandes fenêtres bordent cette pièce. Aucune utilité de mettre la lumière et éviter ainsi d’alourdir la facture d’électricité car ce problème sera le quotidien de tous les Français à partir de la saison hivernale avec les nombreux risques de coupure d’électricité. Les murs sont très peu décorés, seuls quelques tableaux ornent cette surface verticale. Un miroir qui n’est plus tout jeune fait face au bureau et dans le reflet de celui-ci, on aperçoit la silhouette de Édouard Smith en totale séance d’écriture. Enfin, c’est ironique car devant lui se dressait une triste feuille blanche. Aussi vierge en termes de mots que pour Édouard en termes d’amour. Les seuls mots inscrits noir sur blanc sur la page numérique sont les mots suivants « CHAPTER ONE ».
3
Édouard ne parvient pas à trouver l’inspiration et tente de comprendre ce qui le bloque dans cet exercice pourtant d’une simplicité à toute épreuve. Il s’apprête à rédiger les premières pages de son tout premier roman. Mais il n’a aucune idée de l’histoire qui va submerger ces feuilles blanches, aucun concept et bientôt plus aucune perspective pour ce roman à la fin de la journée. Un début de mal de tête commence à se faire sentir et Édouard prend la décision de sauvegarder son travail, fermer la page pour ensuite éteindre l’ordinateur. Il quitte de ce pas le bureau pour rejoindre la salle de bain, lorsqu’il entre dans la pièce, la lumière révèle une somptueuse salle de bain composée d’un meuble double vasque, d’une baignoire îlot rétro. Une grande porte-fenêtre donnant habituellement sur un balcon baigné de soleil, inondé cette fois-ci par la pluie et le vent. Il se dirige vers la pharmacie située au-dessus du meuble vasque pour prendre un médicament susceptible de soulager son mal de tête. Lorsqu’il ouvre la porte du meuble haut, il fait face à un véritable capharnaüm, les médicaments sont rangés n’importe comment. Un peu comme si un séisme avait eu lieu et avait déshonoré les manies de Édouard à savoir l’ordre et la propreté. Afin de s’y retrouver, il décide de sortir par pile tous les médicaments et de les poser sur la machine à laver endormie. Après avoir fouillé et farfouillé partout, il tombe enfin sur le Doliprane coincé entre une boîte de Gaviscon pour les brûlures d’estomac et du Lysopaïne pour les maux de gorge. Il saisit la plaquette qui ne contient désormais plus que deux comprimés. Il prend quand même le soin de regarder au dos de la boîte pour vérifier si la date est toujours valable et il constate que le médicament est périmé depuis une semaine et demie.
Son cerveau lui dit de prendre ce médicament quoi qu’il arrive mais son cœur lui recommande de faire le contraire. Il préfère écouter son cœur plutôt que de risquer sa vie en voulant prendre un cachet pour soulager ses maux de tête. Il tente tout de même de trouver un autre remède mais devant cet amas de médicaments, il doit se rendre à l’évidence, il est coincé. Il consulte sa montre pour regarder l’heure affichée sur le cadran et constate qu’il est dix-sept heures quarante-cinq. Il consulte à ce moment-là son téléphone portable pour trouver la pharmacie la plus proche et espérer que celle-ci ne soit pas désormais fermée. Il finit par en trouver une, à vrai dire la plus proche de son lieu de résidence. Il habite dans un somptueux appartement de cent dix mètres carrés au dernier étage d’un immeuble haussmannien, la lumière baigne donc toute la surface de ce loft au standing relativement bien décoré non pas par Édouard mais par sa femme ou plutôt son ex-femme Sarah avec qui ils sont séparés depuis près de deux mois. Ces derniers temps, leur relation n’était plus la même voire très compliquée entre les deux individus. C’est Sarah elle-même qui avait décidé de prononcer le divorce, Édouard de son côté n’était pas du même avis mais ne voulant pas brusquer ni risquer de vexer sa femme, d’un commun accord, ils prirent la décision d’aller voir un avocat pour signer les papiers nécessaires et ensuite pouvoir passer à autre chose.
L’avocat en question était une avocate, la trentaine d’années à peine, cheveux longs châtain brun, tailleur noir et escarpins rouge brillant de la même couleur que son gloss pour les lèvres. Cette femme portait le nom de Mme Cluzai ou plutôt Mademoiselle vu son âge. Après plus d’une heure d’entretien, les trois protagonistes en sont arrivés à cette conclusion : le divorce est prononcé, il ne manque plus que la signature des papiers et toute l’histoire s’arrête là. Le seul véritable hic qu’il y a, c’est que Édouard a signé les papiers mais du côté de Sarah, sa signature n’est pas inscrite sur le formulaire. Édouard a bien tenté de joindre Sarah en vain pour lui demander de signer les papiers du divorce mais il n’a jamais eu de réponses à ses nombreux messages et autres appels. Le divorce est en suspens.
4
Édouard se trouve désormais dans le salon-séjour et est sur le point de se diriger vers le vestibule pour aller récupérer son trench tout neuf qu’il a payé cent quarante euros d’une marque très célèbre. Il décide tout de même d’appeler la pharmacie pour passer commande de boîtes de Doliprane. Après avoir composé le numéro de téléphone trouvé sur Internet, la sonnerie commence à retentir et les premiers bips se font entendre. Afin d’entendre davantage, il décide de mettre son téléphone en mode haut-parleur et au bout d’un moment, quelqu’un finit par décrocher.
— Pharmacie du 17e, bonsoir, que puis-je faire pour vous ?
— Oui bonsoir, je voulais savoir si la pharmacie était toujours ouverte et si oui, ça serait pour passer une commande ?
— Tout à fait monsieur. Notre pharmacie ferme ses portes à vingt heures. Vous avez encore le temps de venir.
— Parfait, merci beaucoup.
Pendant quelques instants, le téléphone reste aussi silencieux qu’une ambiance de cimetière. Plus aucune voix ne résonne dans l’appareil puis au bout d’un moment, le pharmacien revient vers la ligne téléphonique.
— Excusez-moi pour ce petit contretemps, une collègue qui me demandait un conseil sur un médicament. Vous souhaitez passer une commande ? demande le pharmacien d’une voix calme et posée.
— Oui en effet, je souhaite passer commande pour des boîtes de Doliprane.
— Il vous en faut combien à peu près ?
— Je demande juste deux boîtes. Il m’en restait une dans le placard de ma salle de bain mais elle était périmée depuis au moins une semaine. Je préfère ne prendre aucun risque.
— Vous avez entièrement raison. On ne plaisante pas avec la santé. Sans indiscrétion, c’est pour quel motif ?
— Maux de tête, ce n’est aucunement violent mais je préfère prendre mes précautions.
— Puis-je me permettre de vous recommander un autre médicament tout aussi efficace que le Doliprane ?
Réticent tout d’abord à cette proposition qu’il jugeait, au fond de lui, un peu indécente de la part d’un pharmacien et constatant que son mal de crâne était certes moins fort mais toujours aussi présent, il prit la décision d’accepter et d’écouter avec attention les conseils d’un spécialiste sur un potentiel remède.
— Je veux bien mais vous me garantissez que ce médicament ne fait courir aucun risque ?
— Bien évidemment. Après, vous ne courez aucun risque si vous utilisez ce médicament comme n’importe quel autre à bon escient. Le but n’est pas de vous droguer ou de faire une overdose.
— Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas de tendance suicidaire. Je suis droit dans mes bottes et j’ai la tête sur les épaules.
— Je n’ai aucun doute là-dessus mais je préfère vous tenir au courant des risques en cas d’overdose importante de médicaments.
Après avoir raccroché, Édouard s’aperçoit que son téléphone est chaud, très chaud. Pourtant, il ne l’a presque pas utilisé de la journée. Cela fait des semaines qu’il a en tête de changer de portable. Même si le métier de journaliste qu’il exerce depuis presque quinze ans lui rapporte de l’argent et lui permet de vivre convenablement, de là à dépenser autant pour un appareil qui permet d’appeler ou encore d’envoyer des SMS, il ne faut peut-être pas exagérer pense-t-il. La question que tout le monde pourrait se poser et comme on dit, il ne faut pas écouter les mauvaises langues, comment Édouard a-t-il fait pour se payer un appart de cent dix mètres carrés aussi somptueux dans un tel quartier ? C’est suite à la mort de ses grands-parents qu’il a hérité de tous les biens et évidemment, comme toujours, il y a de l’argent parmi tous les trésors. Une somme tellement énorme qu’il serait impossible, même pour un bègue, de la prononcer correctement.
Avant de partir et en voyant le temps pourri à l’extérieur, il décide de commander un taxi pour se rendre directement à la pharmacie. Après avoir passé la commande, ça ne lui coûte au final qu’une dizaine d’euros. Pas de quoi être endetté. Il enfile son trench en prenant soin de ne pas l’abîmer ni le tacher. Non seulement il coûte assez cher mais en plus, il y tient comme à la prunelle de ses yeux. Ce genre d’attitude est peut-être un signe exagéré pour le reste du monde mais pas pour Édouard. Il a toujours aimé s’habiller de façon classe.
1
Revenons quelques années en arrière au moment où Édouard était encore en pleine recherche d’emploi. Après être fraîchement sorti d’un BTS dans le domaine du bâtiment, il s’est rendu compte que ces deux ans d’études lui avaient gâché deux années de sa vie même s’il ne l’évoquait pas forcément lors des différents entretiens avec ses professeurs, ni même lors d’une réunion parents-profs, il le pensait au plus profond de lui et c’est une métaphore qui ne l’a jamais quitté.
Il vit encore chez sa mère à cette époque. Son père est décédé lorsqu’il avait sept ans, il est mort dans un accident de voiture, décès tristement classique même encore de nos jours. Il n’était pas au volant lorsque le drame est arrivé, il avait adopté la posture du piéton et était en train de traverser le passage clouté quand une voiture folle à l’allure d’une fusée se pointa. Le conducteur n’eut pas le temps de réagir si ce n’est d’appuyer de toutes ses forces sur la pédale de frein pour tenter d’éviter le pire mais l’inimaginable a fini par se produire. Résultat, deux morts ont été déplorés, une enquête a été ouverte pour tenter de retrouver le conducteur pris en délit de fuite mais après plus de deux ans d’enquête, l’affaire a été classée sans suite. Un coup de massue pour les familles des victimes, notamment pour Béatrice, la mère de Édouard.
Difficile de faire le deuil d’un être disparu. Le plus dur est sans doute de parvenir à tourner la page. Mais passé cette étape serait considéré comme l’oubli de ce qui s’est produit et ce n’est en aucun cas ce que voulait la mère d’Édouard mais il faut bien passer à autre chose et cette étape fatidique mais nécessaire a pris au moins une bonne année. Après cet événement tragique, Édouard a décidé de se reprendre en main comme le lui avait si justement appris son père. Il avait même une expression pour symboliser ça. « Tu sais ce qu’il te reste à faire quand tu as touché le fond, il te suffit de remonter ».
2
Édouard ne souhaitant pas poursuivre dans cette voie qu’il avait emprunté depuis le lycée, à savoir le domaine du bâtiment. Il se lance dans une sorte de reconversion et à ce moment-là, un rêve qu’il faisait étant enfant revient à lui. Celui de devenir journaliste. Il décide tout d’abord d’en parler à sa mère afin de recueillir son avis et de savoir véritablement ce qu’elle en pense. La réponse fut immédiate et la réaction inattendue. Béatrice refuse que son fils fasse le même métier que ces crocodiles (c’est le nom qu’elle leur a donné) qui n’hésitent pas à balancer des rumeurs ou des calomnies sur tel ou tel sujet. Devant le refus catégorique de sa mère, Édouard tente de se justifier en argumentant ses propos.
— Je te jure maman, c’est ce que je souhaite faire plus tard.
— Il n’en est pas question. Je ne compte pas te laisser gâcher ta vie.
— Pourquoi tu dis ça ? Journaliste, ce n’est pas horrible comme vocation.
— Écoute Édouard, je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit. Ma décision est prise. Il est hors de question que tu fasses le métier de journaliste. Fin de la discussion.
Mais pourquoi s’est-elle mise dans cet état ? Sa mère aurait-elle des choses à lui cacher ? Pourquoi a-t-elle une dent contre les journalistes ? Tant de questions qui trottinent en même temps dans la tête d’Édouard au moment où sa mère prononce les derniers mots « fin de la discussion ». Mais il n’est pas au bout de ses surprises et ignore tout du sombre passé de son paternel.
Quand il était encore de ce monde, son père, sa mère et lui habitaient dans un quartier pavillonnaire de la Côte d’Azur. Leur vie était aisée. Pendant qu’Édouard allait à l’école, son père Jacob (qui portait également le même nom que son arrière-grand-père) travaillait dans le domaine de la finance et sa mère, elle, était coiffeuse. Tous les deux n’avaient pas un salaire mirobolant mais suffisamment pour néanmoins se permettre de faire les courses tous les quinze jours. Jacob gérait parfaitement bien les comptes de toute la famille, du moins au début car très vite, les choses se sont gâtées.
Il avait pour habitude d’offrir des cadeaux à sa famille. Des présents parfois un peu excessifs en termes de valeur. Malgré les nombreuses questions de Béatrice à son mari, Jacob trouvait toujours le bon mot pour convaincre sa femme de lui laisser la gestion des comptes. Ils avaient pour habitude de tout se dire mais quelques fois, Jacob n’était pas honnête à cent pour cent avec sa moitié. Il lui arrivait parfois de revendre certaines de ses affaires personnelles contre du cash. Une fois avec de l’argent plein les poches, il pouvait tout claquer dans les casinos. Ça lui arrivait de jouer au poker et de miser une somme importante qui serait l’équivalent de quatre mois de salaire. Des fois, il gagnait et d’autres fois, il pouvait tout perdre en quelques instants. Et pour récupérer tout cet argent, ça relevait le plus souvent du parcours du combattant. Jacob était bien conscient d’être entré par inadvertance dans cette spirale infernale mais son côté flambeur reprenait le dessus sur la raison et très vite, Béatrice s’est rendu compte qu’il y avait un énorme trou dans les comptes. Car Jacob ne se contentait pas du cash en échange d’affaires, il empruntait également sur le compte en banque. Il y en a pour près de trente mille euros.
Consciente que son mari est le principal responsable de tous leurs problèmes d’argent, elle décide de le confronter pour connaître la vérité. Dos au mur, Jacob finit par tout lui raconter.
— Écoute ma chérie, je suis vraiment désolé. Je suis devenu accro à ces conneries. C’est comme, c’est comme…
— Comme, comme quoi, une addiction ? C’est pire que ça même. Je te reconnais plus Jacob. Qu’est-ce qui t’a pris de faire ça ?
— J’ai déconné, je le sais. J’ai été pris dans une spirale infernale dont je ne pouvais plus en sortir.
— Épargne-moi tes métaphores de philosophe raté. Je n’ai aucunement besoin de tes excuses. Il fallait y penser avant.
— Qu’est-ce que je dois faire pour obtenir ton pardon ?
Béatrice prit le temps de la réflexion. Dans son esprit, elle imagine une balance, le symbole de la justice où elle pourrait peser le pour et le contre de la personnalité de Jacob et ainsi savoir si elle doit lui laisser non pas une seconde chance mais la dernière de sa petite existence. Et après quelques minutes passées à réfléchir sans adresser un mot ni un regard à son compagnon, Béatrice décide de lui accorder une dernière chance non pas sans conditions.
— Écoute j’ai bien réfléchie et je veux bien t’accorder une nouvelle chance mais ça sera la dernière.
— Merci ma chérie…
Mais avant qu’il ait le temps de finir sa phrase, sa femme l’interrompt en lui posant quelques conditions.
— Ravales ta salive et tes remerciements pour toi. J’ai des conditions qui ne doivent pas être prises à la légère.
Attentif à la moindre condition, Jacob ouvre grand ses oreilles pour ne pas rater la moindre info importante.
— Premièrement, je t’accorde une chance mais c’est la dernière. Deuxièmement, désormais on se dit tout et on ne se cache rien l’un pour l’autre. Troisièmement, je prends la gestion des comptes pour m’assurer du bon déroulement des choses. Et quatrièmement, si j’apprends par une tierce personne que tu as recommencé tes conneries, je te quitte.
— Promis, mais je te demande juste une chose, de ne rien dire à Édouard.
— Je ne peux rien te promettre. Il est bien trop intelligent. Il va s’apercevoir que je lui cache des choses.
3
Jacob savait qu’il était sur une pente glissante et que le moindre écart pouvait lui coûter son couple. Depuis sa mort, Édouard et sa mère vivaient encore dans leur maison dans le Sud et y avaient tous leurs souvenirs. Difficile donc de quitter cet endroit qui a vu passer les bons comme les mauvais moments.
Des fois, Édouard était triste et se réfugiait dans sa chambre pour pouvoir pleurer en toute tranquillité et en toute discrétion. Il ne supportait pas que sa mère le voie dans cet état. Elle aussi était très sensible et dès qu’elle voyait quelqu’un pleurer, elle ne pouvait s’empêcher de verser une petite larme même si la personne en face d’elle était un parfait inconnu.
Il savait que dans ces moments-là, il pouvait compter sur une vieille connaissance de la famille. Christophe, un flic qui, encore aujourd’hui, continue d’exercer, à l’heure où Édouard imagine dans sa tête l’histoire de son tout premier roman. Il travaille dans un commissariat du 16e arrondissement. Il a toujours voulu devenir policier. Plus récemment, il a été nommé à la tête du commissariat central de ce même arrondissement.
Édouard lui avait donné rendez-vous quelques jours plus tard dans un café. Il avait besoin de parler et de se confier à quelqu’un d’autre plutôt qu’à sa mère.
Édouard était assis en terrasse et vit Christophe arriver à ce moment-là. Celui-ci portait un jean bleu, il distinguait à peine sa chemise qui était camouflée par une veste en cuir marron daim. Malgré la présence de nuages, il portait des lunettes de soleil car comme il le disait souvent, « même si les nuages cachent le soleil, les rayons UV pénètrent quand même la masse nuageuse ». Une fois assis et après avoir pris chacun un coca, nos deux amis parlent comme à chaque fois du bon vieux temps.
— Alors comment ça va, Édouard ?
— Je vais très bien et vous ?
— Pas de « vous » ou de « monsieur » entre nous Édouard. Tu peux me tutoyer, tu sais. Ça fait des années qu’on se connaît.
— Je le sais bien, mais comme vous êtes plus âgé que moi sans vous manquer de respect, je ne peux pas me permettre de casser cette barrière-là.
— Je comprends tout à fait, mais tu sais, le fait de me vouvoyer me fait me sentir plus vieux que je ne le suis en réalité.
Christophe n’avait que vingt-neuf ans, il avait encore de belles années devant lui pourtant, il avait le contact facile avec les jeunes. Ce n’était donc pas rare que des jeunes de l’âge d’Édouard à ce moment-là eussent du mal avec le tutoiement envers des personnes beaucoup plus âgées.
— Je vais essayer mais je ne te garantis rien, oups !
— Ah tu vois, tu y es arrivé. Ce n’était pas compliqué, si ?
— Ouais. Écoute, si je t’ai demandé de venir, c’est parce que j’avais envie de te parler.
— Il y a un problème avec ta mère ?
Si Christophe pose cette question, c’est parce qu’il connaît bien la mère d’Édouard. Il sont sortis ensemble quand ils étaient adolescents, puis un jour, elle l’a largué pour Jacob et contrairement aux idées reçues, Christophe l’a plutôt bien pris même si sur le moment, il ne réalisait pas trop ce qui lui tombait dessus.
— Non non, pas du tout. Enfin, je ne crois pas.
— Comment ça tu ne crois pas ? Tu en as trop dit ou pas assez. Il s’est passé quelque chose avec ta mère ?
Au début réticent à lui parler de ses doutes concernant sa mère, Édouard finit par se livrer et lui dire ce qu’il a sur le cœur.
— J’ai l’impression que ma mère me cache des choses.
— Et qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Je ne sais pas, c’est un tout. Au niveau de son attitude, de sa façon de parler, de me regarder. Elle fuit mon regard. Surtout quand elle est dans sa chambre, je l’entends et la vois fouiller et dès que j’ouvre la porte pour lui parler, elle panique et se retourne à toute vitesse comme si elle avait été prise en flagrant délit.
— Je vois. Après tu sais, la vie n’a pas été simple pour ta mère ni pour toi. D’ailleurs à ce propos, ta mère sait que tu es là ?
— Non elle n’est pas au courant et j’aimerai qu’elle ne l’apprenne pas.
— Je ne dirai rien, je suis couvert par le secret professionnel mais je pense que tu devrais directement en parler avec ta mère.
— Elle ne me dira rien, je la connais trop bien.
— Peut-être pas, si tu lui dis ce que tu m’as dit, elle parlera c’est évident.
Après cet entretien avec Christophe, Édouard est bien décidé à connaître la vérité et à savoir ce que lui cache sa mère. Il rentre chez lui à vélo. Un vélo vintage que son père lui a acheté pour son dernier anniversaire. Dieu seul sait avec quel argent il a pu l’acquérir. Sans doute de l’argent sale ou gagné dans les casinos. Il met son vélo dans le garage puis entre par la porte qui mène à la cuisine. À ce moment-là, il entend des plaintes qui proviennent de la salle à manger. Il marche à petits pas dans l’espoir de ne pas être surpris par sa mère. Et lorsqu’il passe l’encadrement de la porte qui sépare la cuisine du séjour, il aperçoit sa mère assise en pleurs, tête repliée dans les bras, couchée sur la table. Édouard ne sait pas ce qui justifie de se mettre dans un tel état mais voyant la tristesse sur le visage de sa mère, il préfère aller se coucher, il lui parlera le lendemain.
4
Neuf heures trente-cinq du matin, Édouard se lève, la tête dans le cul. Aujourd’hui, il est bien décidé à parler à sa mère. Il redoute ce moment non pas à cause de ce qu’il va entendre mais plutôt par rapport à la réaction que pourrait avoir sa mère si elle apprenait qu’il est allé voir Christophe pour lui faire part de ses doutes.
Avant d’aller au combat, il aimait dire ça, il passe par la salle de bain pour prendre soit une bonne douche chaude ou alors se prélasser dans la baignoire. Il préférait garder ce petit plaisir pour le soir, ça lui évite surtout d’avoir à gaspiller une importante quantité d’eau car dans quelques années, on le sait, l’eau se fera extrêmement rare. Il faut savoir l’utiliser à bon escient.
Après avoir fait sa toilette, Édouard s’habille même s’il se dit que ça ne sert à rien de salir des vêtements. Édouard ne travaille pas, il n’a donc aucune bonne raison de se mettre en tenue mais pour une question d’hygiène et de bon sens, il décide néanmoins de remettre son jogging délavé, un vieux t-shirt des Rolling Stones et des baskets d’un blanc sali. Une fois habillé, il descend l’escalier pour se diriger dans le salon. Il sait que c’est à cet endroit que sa mère se trouve à cette heure-ci de la journée.
Et en effet, il la trouve assise sur le canapé en train de feuilleter un magazine sur le bricolage et est accompagnée d’un sirop à la menthe. Pas mal de sucre de bon matin pour ce genre de boissons et surtout le plus insolite, Sa mère qui consulte un catalogue de bricolage, elle qui n’a pas le compas dans l’œil et qui n’est pas très habile de ses mains. D’habitude, sur la table basse du salon ou sur son bureau, il y avait une majorité de bouquins sur la santé, la beauté, le jardinage ou même la lingerie. Les jambes d’Édouard se sont mises à trembler comme s’il venait de faire une bêtise et qu’il redoutait la réaction de ses parents.
Sa mère est tellement à fond dans son magazine qu’elle en oublierait presque la présence d’Édouard. Il pourrait tout aussi bien se balader à poil dans la maison ou même faire un numéro de claquettes devant elle, que celle-ci ne bougerait pas d’un millimètre. Il est obligé de l’appeler pour qu’elle ait conscience de sa présence physique.
— Ah Edouard, désolé je ne t’ai pas entendu arriver.
Mon œil, bien sûr qu’elle l’a entendu arriver. Édouard a peut-être une silhouette normale, pour autant, il n’adopte pas une démarche de fantôme. Le fait de se déplacer sans faire de bruit. C’est une excuse que se donne sa mère. Il n’y a pas qu’avec son fils qu’elle se comporte de cette façon, elle fait ça avec tout le monde. Elle décide de poser son magazine sur le recoin de la table basse afin de savoir ce que son fils a à lui dire.
— Tu as besoin de quelque chose, mon chéri ?
— Oui, j’ai besoin de te parler. C’est important.
— Très bien, je t’écoute.
Ça ne se voyait pas au premier coup d’œil mais Édouard sentait que sa mère n’était pas totalement à l’aise sur le moment. Aurait-elle des dons de médium ? Est-elle au courant pour le rendez-vous entre Édouard et Christophe ? Sait-elle que Édouard a des soupçons concernant son père ? À l’heure actuelle, elle est incapable de répondre à la moindre question qui trottine dans sa tête, elle ne peut qu’écouter son fils et ainsi être fixée.
— J’aimerais que tu me parles de mon père.
— Que souhaites-tu connaître de plus sur lui ?
— Savoir comment il était. Est-ce qu’il se comportait bien avec toi ? Est-ce qu’il était sympa avec les autres personnes ?
— Ton père, je l’ai aimé profondément. Alors certes, ce n’était pas toujours simple entre nous mais on se comprenait et on se complétait plutôt bien.
— Et est qu’il était du genre flambeur ou quelque chose comme ça ?
— Pourquoi penses-tu ça ?
Le simple fait de dire ça a donné confirmation à Édouard qu’il avait touché un point sensible. Le but n’était pas de mettre sa mère à mal mais bel et bien de lui faire cracher le morceau.
— Même si j’étais plus petit et plus jeune, je t’ai souvent entendu dire qu’il y avait des problèmes dans les comptes.
— Ce n’est rien. Ça arrive tout le temps même dans les vieux couples. C’est juste que ton père ne gérait pas bien les comptes, du coup, j’ai préféré prendre la relève.
— Maman, arrête de me mentir et dis-moi la vérité.
— Mais je ne te mens pas, mon fils. Quel besoin j’aurai de te cacher la vérité ?
— Je ne sais pas mais la seule chose dont je suis sûr c’est que tu ne me dis pas tout.
Avant qu’elle ait le temps de répondre, Édouard se pose une question essentielle. Doit-il ou non révéler à sa mère qu’il a parlé avec Christophe ? Il meurt d’envie de lui dire, ça va peut-être déclencher quelque chose chez sa mère.
— Écoute maman, je dois te dire quelque chose. Promets-moi de ne pas t’énerver.
— Tout dépend de ce que tu vas m’annoncer.
— Promets-le-moi, c’est tout.
— Je te le promets.
C’est une façon de gagner la confiance des personnes mais on sait très bien que dans la majorité des cas, les gens qui font des promesses ne tiennent pas leurs engagements.
— Je ne te crois pas. Tu dis ça pour me faire plaisir.
— Pas du tout. Je suis très sérieuse.
— Je suis allé voir Christophe.
Et là, stupeur. Le regard vide de sa mère s’est transformé en un regard d’exception. Les yeux grands ouverts comme si elle venait de voir une vidéo choquante. Puis son regard est devenu plus terne. Si elle avait eu des mitraillettes à la place des yeux, Édouard serait déjà mort.
— Maman, ça va ?
— Oui, ça va. J’ai encore du mal à réaliser. J’ai cru que tu m’avais dit que tu étais allé voir Christophe.
Elle le dit en rigolant comme si elle ne croyait pas à ce qu’elle disait.
— Oui, c’est exactement ça. Je suis allé voir Christophe.
— Mais t’es pas bien. Qu’est-ce qui t’a pris d’aller lui parler.
— Pourquoi tu réagis comme ça ? Je croyais que tu l’aimais bien, Christophe ?
— Ce n’est pas la question. Qu’est-ce qu’il t’a dit sur ton père ?
Ça y est. Édouard la tient. Sa mère a fait une erreur. Édouard ne lui a jamais dit que lui et Christophe avaient parlé de son père.
— Je ne t’ai jamais dit que Christophe et moi, nous avions parlé de mon père.
— J’ai dit ça comme ça.
— Arrête maman, je ne te crois pas. Tu l’as dit sur un ton bien ferme. Dis-moi la vérité. Pourquoi Christophe aurait-il des infos sur mon père ?
— Parce que ton père s’est fait arrêter, il y a quelques mois de ça. Christophe faisait partie de la brigade d’intervention.
— Qu’est-ce qu’il a fait exactement ?
— Trafic de drogue et de stupéfiants. Je t’avoue que je n’étais pas du tout au courant. Quand Christophe m’a appelé pour m’informer de l’arrestation de Jacob, je n’en revenais pas. J’ai dit à Christophe « Il a recommencé ses dépenses dans les casinos, c’est ça ? » et il m’a répondu « Non, trafic de drogue et présence de stupéfiants. C’est tout mais c’est déjà suffisant, on l’emmène au poste ». Et la suite, je ne préfère pas te la raconter.
— Pourquoi tu as parlé des casinos, mon père y allait souvent ?
— Oui, c’était un gros flambeur. Il pouvait claquer pas mal d’argent en une soirée.
— C’est pour ça que tu as demandé la gestion des comptes ?
— Oui. J’ai constaté qu’il y avait pas mal de trous dans les comptes. Je ne comprenais pas ce qui en était à l’origine et c’est là que Jacob m’a avoué qu’il avait emprunté de l’argent pour jouer dans les casinos. J’aurais pu le quitter, j’ai décidé de lui donner une dernière chance en lui conseillant de ne plus jamais me cacher des choses. Il n’a pas respecté ses engagements.
— Et Christophe dans tout ça ?
— J’ai fini par tout lui dire. Il a été là pour moi comme pour toi. Il m’a juré de garder le secret. Quel petit con. J’aurais dû ne rien lui dire, ça m’aurait évité ton interrogatoire.
— Il ne m’a rien dit. C’est moi qui ai eu des doutes quant à ta sincérité. Lui aussi m’a caché la vérité sur mon père. Comment avez-vous pu garder ça pour vous ? J’ai le droit à la vérité.
Et dans une incompréhension totale, sa mère s’énerve et balance tous les magazines par terre. Malheureusement, un bibelot, aimé par sa mère et détesté par Édouard qu’il trouvait moche, se trouvait à proximité. Celui-ci valdingue au sol et se brise en mille morceaux. Puis quelques secondes après, la mère d’Édouard part se réfugier dans sa chambre, sans doute pour pleurer.
Cette histoire-là, Édouard l’a vécu il y a quelques années et ce bibelot, qu’il regarde maintenant reconstitué comme il le regardait à l’époque quand il était encore en morceaux par terre. C’est sa femme qui a recollé tous les bouts, elle était très douée pour ça. Édouard ne sait toujours pas pourquoi elle y a consacré autant de temps. Elle lui disait qu’elle trouvait cet objet beau. Soit, c’était pour ne pas le vexer, soit elle le pensait vraiment et dans ce cas, Édouard est le seul à ne pas comprendre l’intérêt porté pour ce genre de création artistique.
Ses longues pensées lui ont fait perdre de précieuses minutes. Il regarde de nouveau le cadran de sa montre, il est dix-huit heures cinq passés. Il saisit les clés posées sur le meuble à chaussures à l’entrée à côté du vestibule, ouvre la porte puis la referme derrière lui en prenant bien soin de fermer à double tour.
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