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Liées par des forces au-delà de notre compréhension, les jumelles Axelle et Mayline voient leur vie bouleversée après un événement tragique. Ce drame marque le début d’un voyage intérieur fascinant, où elles explorent des réalités parallèles et découvrent des liens secrets entre les œuvres antiques de Babylone et d’Égypte. Accompagnées par un rocker au passé tumultueux, elles plongent dans un monde où les trous de ver et les trous noirs s’entrelacent, révélant les mystères de la relativité. Entre science et ésotérisme, chaque page de ce roman nous entraîne au cœur des arcanes de l’existence et du temps.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Passionnée par les mystères de l’univers et les limites de la science,
Tara Kauffmann nous propose "NOMDEVA", son premier roman de science-fiction. Dans cet ouvrage captivant, elle explore un monde qui repousse les frontières de la réalité et de l’imagination, offrant aux lecteurs une aventure fascinante et inédite.
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Tara Kauffmann
NOMDEVA
Roman
© Lys Bleu Éditions – Tara Kauffmann
ISBN: 979-10-422-4390-6
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À Estelle, Lenaure, Enola, Léon, Louis.
Relecture et correction : Marianne Vivegnis
On avait fait l’amour une éternité.
Nos baisers langoureux, plus nombreux que les étoiles
S’ajustaient au rythme de nos va-et-vient.
L’univers lui-même s’abstenait de nous faire sentir sa présence.
Il n’était pas voyeur de nos ébats, juste il n’était pas là,
Nous laissant toute la place pour expanser à l’infini cet amour,
Tatouer en nous ce chant de l’âme dans l’invisible,
Avant que de traverser le temps,
Dans un je t’aime éternel.
Puis ce fut le choc, la division, la séparation.
Bienvenue, chers visiteurs du Louvre ! Vous êtes ici dans la galerie du temps. Je suis ravie de vous guider à travers l’exposition nocturne fascinante du « Black Obelisk of Shalmaneser III », l’un des artefacts les plus intrigants de l’Empire néo-assyrien.
Découvert par sir Austen Henry Layard en 1846, ce monument remarquable est l’un des deux obélisques néo-assyriens complets connus à ce jour. Il commémore les 31 ans de règne du roi Salmanasar III. Il fut érigé en tant que monument public en 825 avant J.-C. sur la place centrale de Nimroud, l’ancienne Kalhu, située dans l’Irak moderne. Après sa découverte, l’objet a été exposé au British Museum qui nous a fait la faveur de nous le prêter afin de mettre en valeur cette exposition si particulière sur différents mythes à travers les âges.
Cet obélisque en calcaire noir, mesurant près de deux mètres de hauteur, possède quatre faces avec cinq panneaux disposés verticalement de chaque côté, totalisant ainsi 20 panneaux. Ces derniers représentent cinq rois soumis différents, apportant des offrandes au roi Salmanasar en signe de reddition.
Le troisième panneau, en partant du haut, est particulièrement intrigant. Prenez le temps de l’observer attentivement, car il dépeint les tributs apportés par les dirigeants non nommés de Musri. Autrefois pensé comme un royaume du nord de l’Irak, Musri est maintenant accepté par les chercheurs comme un terme néo-assyrien pour l’Égypte. Ce roi soumis d’Égypte, qui n’était pas un pharaon, a offert en hommage à Salmanasar III au IVe siècle avant J.-C. des êtres hybrides étonnants. Ces créatures – représentées aux côtés d’autres animaux facilement reconnaissables – détiennent des bras semblables à ceux d’un humain, mais des membres postérieurs semblables à ceux d’un animal. Elles sont aussi dotées d’une queue. Les hybrides sont plus petits que les humains qui les tiennent en laisse.
Notons que dans la Bible, il est fait mention du roi Salmanasar (ou Shalmaneser) dans le contexte de l’invasion du royaume du Nord d’Israël par les Assyriens. Les passages bibliques qui mentionnent Salmanasar incluent des événements liés à l’exil des Israélites. Par exemple, dans 2 Rois 17 : 3-6, le texte indique que Salmanasar a assiégé Samarie, la capitale du royaume d’Israël, et qu’il a finalement capturé la ville.
Ces hybrides, donc, semblent capables de se tenir debout ou de marcher sur leurs membres postérieurs. L’un d’eux est perché sur l’épaule d’un homme, ce qui indique qu’ils ont une attitude amicale envers les humains et qui fait penser aux Vanaras1 des hindous.
Cherchez à présent dans votre mémoire d’autres créatures de ce type. Que voyez-vous ?
— Le sphinx, les satyres, plein d’autres encore ! répondit Mayline, passionnée par le sujet.
— Tout à fait ! Le terme « satyre » fait référence à une créature mythologique, généralement représentée comme une figure mi-homme, mi-bouc. Dans la mythologie grecque, les satyres sont souvent représentés comme des compagnons de Dionysos, participants à des célébrations et des festivités.
Vous avez aussi Ctésias, médecin grec du Ve siècle av. J.-C. Dans « Indica » – un ouvrage perdu dont seuls des fragments subsistent –, il raconte ses voyages en Perse et en Inde, fournissant des informations sur la géographie, la faune et les coutumes locales. Ctésias était réputé pour ses descriptions parfois fantastiques, notamment celle des « Cynocéphales » à tête de chien. Ces descriptions ont suscité des débats, parmi les historiens anciens et modernes, sur la crédibilité de Ctésias en tant que témoin oculaire ainsi que sur la manière dont ses récits ont été influencés par des légendes et des traditions locales. Bien que controversées, ses observations ont contribué à l’exploration des régions orientales de l’Antiquité. La perte substantielle de son œuvre limite la compréhension complète de son contenu. Cependant, les contes de Ctésias indiquent que des créatures comme celles représentées sur l’obélisque de Salmanasar III auraient pu exister en Inde et en Éthiopie au Ve siècle av. J.-C. et, par conséquent, auraient pu être offertes par un roi d’Égypte au IVe siècle av. J.-C.
Une exclamation de surprise jaillit de l’auditoire.
— Rappelons que ce monument a été commandé par le roi Salmanasar lui-même, destiné à enregistrer les divers tributs reçus. Le « Black Obelisk » était le produit du travail d’artisans assyriens sous la direction de maîtres-sculpteurs et d’architectes. Ces artistes étaient généralement des membres de la cour royale ou des professionnels spécialement formés pour créer des œuvres d’art monumentales. Il s’agit donc d’une œuvre historique de commémoration et non pas d’une œuvre simplement artistique, sans devoir de fidélité au passé.
Observez tous les panneaux, aucun autre ne présente d’anomalies de ce type. Une intrigante question se pose alors : comment des êtres prétendument mythiques ont-ils pu être offerts en tribut par un roi d’Égypte au IVe siècle avant J.-C. ? Ces créatures existent-elles ? Ont-elles existé ? Si oui, quand, comment et pourquoi ont-elles disparu ? Y aurait-il un lien entre ces différentes traditions qui évoquent les mêmes phénomènes à différentes périodes de notre histoire ? Pouvons-nous construire des ponts, des passerelles pour révéler la vérité ?
La guide permit un moment de silence, le temps que chacun intègre les informations, et les tira de leur contemplation.
— Nous savons que l’ADN humain n’est pas compatible avec celui des animaux, ce qui signifie que nous pouvons exclure de cette théorie toute implication des humains dans cette affaire. Sur cette base, nous ne sommes pas loin des petits hommes verts, plaisanta-t-elle. Toutes les hypothèses sont ouvertes. Peut-être qu’un jour, le sphinx, gardien des mystères des pyramides, fera le lien entre l’art, les rites et les légendes !
L’histoire et l’archéologie sont des domaines en constante évolution et de nouvelles découvertes peuvent influencer notre compréhension de ces anciennes civilisations au fil du temps. Afin de mieux comprendre cette œuvre, je vous invite à vous référer au fascicule entre vos mains, qui relate ce que je viens d’exposer.
La foule applaudit, enthousiaste de l’éventail des hypothèses offertes par la guide.
— N’hésitez pas à explorer davantage cette fascinante histoire au fil de votre visite, conclut-elle avec un sourire.
Tirée de sa rêverie par un appel téléphonique inopportun, Mayline fouilla dans son sac à main, à la recherche de ce qui aurait pu être un artefact si l’on avait trouvé l’objet du temps des Romains.
— Allô ?
— Je t’attends à L’Impeccable à 13 h, ne me fais pas attendre !
Mayline inspira, comme résignée à une sorte de fatalité. Apparemment, elle était de mauvais poil. Le déjeuner allait être long.
— Je serai à l’heure, je suis juste à côté, au musée. À tout à l’heure !
Tant pis pour la suite de la visite, elle avait vu ce qu’elle voulait. Elle récupéra son parapluie et sortit du bâtiment, humant la fraîcheur de l’automne qui s’installait. Il faisait tellement sombre qu’il semblait faire nuit.
La jeune archéologue aimait particulièrement marcher sous la pluie. Les trottoirs déserts lui appartenaient, le cliquetis de ses talons résonnait doucement dans les ruelles pavées. Petite, elle aurait certainement sauté à pieds joints dans les flaques. Les phares des voitures diffusaient une lueur douce et brumeuse, les enseignes lumineuses des cafés et des magasins évoquaient les lueurs de Noël. Paris lui dévoilait ses charmes secrets : les façades élégantes, des balcons en fer forgé et, parfois, une petite boulangerie à l’ancienne émettant un parfum alléchant de croissants fraîchement cuits. Dans ce cocon de sensations, elle se sentait paisible, bien que la perspective de retrouver Axelle après des mois sans nouvelles ne lui dise rien qui vaille.
Mayline marcha ainsi, savourant l’instant, jusqu’à ce que sa main pousse la porte vitrée, parsemée de traces de doigts, d’un restaurant au charme intemporel. Le doux murmure des conversations, le parfum alléchant de la cuisine française et la lueur tamisée des bougies créèrent un contraste bienvenu avec le monde extérieur, trempé comme elle.
Elle se dirigea au fond de la salle et vit Axelle sur l’une des deux banquettes, le regard porté au-delà de la fenêtre. Elle la contempla un instant, même sans voir son visage qu’elle connaissait si bien, puisque c’était le sien.
Posant son sac sur l’autre banquette de cuir rouge, elle s’assit.
— Salut !
— Salut !
Leurs regards se croisèrent en un léger malaise.
— J’ai marché sous la pluie pour venir, je suis trempée ! dit-elle toute sourire en dégageant sa cuisse de sous la table pour lui montrer ses bas et ses escarpins tout mouillés.
— La prochaine fois, tu fais comme tout le monde, tu prends un taxi et t’es au sec !
— C’est juste, mais…
— Je sais, tu aimes bien le bruit de la pluie, les lumières, les odeurs, et tout ce qui va avec. On ne s’est pas vues depuis un moment, on va peut-être parler d’autre chose que de la pluie et du beau temps, non ? Il fait un temps pourri sur Paris, bienvenue dans nos bistrots ! Ensuite ?
— Qu’est-ce que tu veux, Axelle ? Pourquoi tu m’as appelée ? s’agaça-t-elle.
— Ça faisait longtemps que je ne t’avais pas emmerdée, je m’ennuyais !
— Bon, c’est signe que tu es bien occupée, sinon tu aurais appelé avant. La question étant de savoir jusqu’où je vais te laisser m’emmerder. Je t’écoute.
— Y a rien à faire, tu changes pas, hein ? dit Axelle, en déformant sa bouche pour accentuer son dégoût. Elle planta son regard droit dans celui de Mayline qui cillait des yeux pendant qu’elle se serrait les poings et n’en pensait pas moins. Je veux la Clé des chants un week-end sur deux et la moitié des vacances, dit-elle d’une traite.
— Oh, Axelle, non pas ça ! Tu as quitté Gus ? Que s’est-il passé ?
— J’ai avorté, il est fâché.
— Toi non plus, tu ne changes pas. Tu aimes toujours casser tes jouets ! Gus t’aime, Axelle, pourquoi tu ne voulais pas de cet enfant ?
— Des marmots, j’en vois toute la journée et toute l’année, j’ai envie de faire autre chose de ma vie !
— Joue pas à ça avec moi, tu sais très bien que ce n’est pas vrai. Mais prendre le risque d’aimer et de t’engager, ça, c’est autre chose !
— Tu peux parler ! Toi, des risques, t’en prends aucun, normal que ta vie soit un long fleuve tranquille.
— Bon, écoute, Axelle, ça ne fait pas 5 minutes que je suis là, et c’est déjà l’embrouille. Que veux-tu ? Pourquoi voulais-tu me voir ?
— File-moi la Clé des chants, j’ai besoin de repos.
— Elle est dans le pot de fleurs à côté de la grenouille de l’entrée.
— Elle n’y est pas. C’est pour ça que je suis là.
— OK, on passe au studio, je te file les clés, et tu me fous la paix.
— Ja, mein Führer !
— Fais pas chier, Axelle, je veux bien t’aider, mais pas te supporter !
— Oh, mais c’est qu’elle s’énerve !
— T’as beau être prof, tu me saoules. C’est pas de ma faute si on a la même gueule et pas le même tempérament. J’en ai marre de traîner ça. Viens prendre les clés et disparais, pour que je puisse t’aimer au-delà de qui tu es avec moi.
— Comme elle est mignonne avec son romantisme à deux balles ! dit Axelle en finissant son verre. Bon, je suppose que tu n’as pas faim, que ces retrouvailles ne t’inspirent pas, et que tu es pressée de rentrer chez toi. Je ne te retiens pas, je t’accompagne. On va chercher la clé, et je te fous la paix, ça te va ?
— Comment on fait si je veux y aller ?
— Tu ne veux pas y aller, Mayline ! Si tu voulais aller en vacances, ce n’est pas dans la maison familiale que tu irais. Là, j’ai besoin de me reposer, alors tu n’y vas pas, comme ça on ne se croise pas !
Quatre yeux se scrutaient pendant que défilaient des secondes interminables. Plus qu’une joute visuelle, c’était celle de la lassitude qui se transcendait au-delà de leurs pupilles qui n’avaient désormais plus rien à dire. Les cheveux courts en bataille de l’une – alors que l’autre les portait longs – ainsi que quelques éléments d’habillage diamétralement opposés, constituaient les seules caractéristiques physiques différenciant les jumelles.
De concert, les deux sœurs se levèrent. Axelle récupéra ses clés et ses deux smartphones sur la table, et elles quittèrent le restaurant dont l’éclairage évoquait à présent plus Halloween qu’un simple jour de pluie morose. Une toile d’araignée par-ci, une citrouille par-là, et le décor aurait été raccord.
Un taxi qui venait de prendre son service s’arrêta dans une flaque le long du trottoir, éclaboussant au passage les escarpins trop fiers d’avoir voulu prolonger l’été. Il laissa monter les jumelles et s’éloigna dans le cœur de la ville qui faisait semblant de dormir.
***
— Je me tiens actuellement sur le périphérique de Paris, et c’est une scène chaotique qui se déroule devant mes yeux. Un grave accident vient de se produire entre une voiture et un poids lourd. La situation est critique, et les secours sont en train d’intervenir.
Le taxi impliqué dans l’accident est méconnaissable. Son avant est complètement déformé après avoir été violemment percuté par le camion. Les vitres sont brisées, les airbags ont été déployés. Les secouristes s’activent pour extraire les 3 occupants de la voiture : deux jeunes femmes et le chauffeur. La circulation complètement paralysée est loin d’être résorbée.
Nous savons d’ores et déjà par le chauffeur que les freins ne répondaient plus. La police est sur place pour enquêter plus avant sur les circonstances de l’accident. Nous vous tiendrons au courant de l’état des victimes dans un prochain communiqué.
***
— Docteur, nous avons trois patients issus de l’accident sur le périphérique. La première jeune femme est dans un état critique. Elle est dans le coma et nécessite des soins immédiats. Nous avons administré des médicaments pour maintenir sa pression artérielle. Son état est très préoccupant.
La deuxième a perdu connaissance pendant le trajet. Son pouls est faible, et elle semble souffrir d’un traumatisme crânien. Nous lui avons posé un collier cervical et administré des fluides par voie intraveineuse.
Le chauffeur de taxi présente des blessures, mais il est conscient et stable.
— Merci du rapport, je m’en occupe. Ouvrez le bloc 3 et appelez l’anesthésiste, ordonna-t-il à l’attention d’une infirmière.
***
Soudain, je me sentis légère, comme en apesanteur. Des sons sans paroles psalmodiaient autour de moi, m’attirant inexorablement. Ces sons, tels des milliards d’étoiles, m’entraînaient à travers les galaxies, fusionnant en une énergie si intense qu’elle se muait en pure lumière. Enveloppée dans une émanation d’amour indescriptible, libérée de tout jugement, vidée de toute pensée, mon âme rayonnait d’extase. Une vision m’apparut alors. Je nous vis, ma sœur et moi, âgées de 10 ans, nous disputant sur la plage, tandis qu’un garçon charmait une fille des mélodies de sa guitare. Baignée dans une compassion infinie, quelque chose en moi saisit alors la complexité des pensées de chacun de nous, dévoilant avec une acuité renouvelée l’essence de nos destinées.
Axelle
Moi, c’est Axelle. Les parents trouvaient que c’était un joli prénom pour un caractère fort et déterminé. Je suis arrivée la première. Mais, paraît-il que pour ma sœur jumelle, ils ont dû faire une césarienne. Je me demande parfois si ce n’est pas de là que vient notre différence de tempérament. Elle n’a de jumelle que notre apparence physique. Pour le reste, nous sommes bien différentes, et je n’aimerais pas être à sa place ! On a beau avoir le même âge à 17 minutes près, les mêmes parents, ils se comportent différemment avec chacune d’entre nous. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est comme ça depuis toujours. Ma sœur attirait les foudres de notre mère, prenait des tartes comme s’il en pleuvait, alors que moi, elle m’aimait bien. On ne peut pas dire qu’elle était la démonstration de la tendresse maternelle, mais on s’y fait. Je courais comme une dératée dès qu’elle levait la main sur moi ; elle ne pouvait pas me rattraper. Si ma sœur avait fait ça, elle aurait pris cher ! Je n’aime pas ça chez elle, cette façon qu’elle a de se résigner chaque fois qu’elle en prend une. Elle prend toujours ma défense, mais est incapable de se protéger elle-même. Je lui en veux d’être un souffre-douleur, alors qu’elle m’enseigne tant de choses. Elle est toujours pleine d’idées pour faire des jeux que j’adore. En retour, je lui apporte mes enseignements à moi : je la provoque tout le temps pour qu’elle réagisse, qu’elle se défende comme je le fais. Elle râle, je rigole ; elle tempête de l’intérieur, je le vois dans ses yeux, c’est encore plus drôle.
Ma sœur aime la musique et farfouiller la terre. Et moi, grimper dans les arbres, jouer avec les Lego et fracasser des trucs quand ça m’énerve. Je peux voir tous les morceaux éparpillés, je me sens puissante. On fait souvent des spectacles qu’on prépare des jours à l’avance. Un soir, les grands dînaient tard, on était devant la télé à regarder les clips en dansant. Michael Jackson sortait son clip. J’ai eu une trouille bleue devant tous ces zombies, mais Mayline était là, elle n’avait pas peur, elle ! J’ai fait comme elle – celle qui n’avait pas peur – et j’ai imité les zombies qui traînent leurs membres décharnés. Avec Mayline, c’était tous les jours du nouveau. Un jour, on était des Indiennes ; le lendemain, j’étais un cowboy ; dans l’aprèm', on construisait une cabane ; elle inventait des histoires pour m’endormir, pensait à prendre ce que j’oubliais derrière moi. Elle a parlé très tôt, et moi, bien deux ans plus tard. Quand j’ai vu la colère de maman contre elle, qui lui criait « Tais-toi ! » j’ai vite compris qu’il valait mieux la fermer et jouer l’idiote. Ça a marché.
Mais pour ma sœur, je ne sais pas pourquoi maman lui en veut tant. Elle fait tout bien ! Si c’est ça, que vaut de faire tout bien, je fais bien de me défouler !
Maman croit à la réincarnation. Toutes les nouvelles tendances, elle nous les a ramenées, ce qui n’est pas pour plaire à papa ! Moi, j’ai été un garçon un jour, ça, c’est sûr ! Un gars costaud et fier qui menait de rudes batailles avec ma lance. Je tuais tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec moi ; comme ça, c’était plus facile, et puis je combattais des dragons qui crachaient du feu, et je me protégeais avec mon bouclier ultrasonique qu’on ne voyait même pas. J’aime bien être une fille maintenant, mais quand j’ai besoin de courage, je vais le chercher au pays des dragons, et les dragons me donnent toujours la force de faire ce que je veux. C’est pour ça que j’aime bien Eliott. Il est rigolo ! Finalement, la vie c’est un truc violent : vaut mieux avoir une botte secrète ou un copain dragon pour la passer, parce qu’une sœur, c’est bien, mais un frère, ça aurait été mieux. Faudrait que je demande aux parents pour voir s’ils sont d’accord.