Pornogod - Romain Cerisier - E-Book

Pornogod E-Book

Romain Cerisier

0,0

Beschreibung

Que cache-t-on à Bornage Orc, cet homme dont le corps subit une décomposition aussi rapide que terrifiante ? Dans ce jeu de dupes complexe aux retournements multiples, notre héros doit maintenir une vigilance et une acuité mentale constantes pour distinguer la vérité des mensonges et démasquer les imposteurs dans son entourage. Œuvre hirsute, augurale, fourmillante, "Pornogod" a mille détours, son centre est partout, sa circonférence nulle part.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 81

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Romain Cerisier

Pornogod

Roman

© Lys Bleu Éditions – Romain Cerisier

ISBN :979-10-422-1742-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Anamnèse

Un faiseur d’anges

Fodit, et in fossa thesauros condit opaca,

As, nummas, lapides, cadaver, simulacra, nihilque.

Chapitre I

Le goût, disait Béryl, est affaire de conjecture.

Dissonance, elle pensait, avec son grincement d’épaules, menton rejeté, « clair-obscur », c’était son roucoulement…

Elle précisait : « Mon avis est que rien ne tient tête au citron. »

L’inexpérience, évidemment.

Elle secouait son verre à hauteur de cils et regardait les atomes de fraise tournoyer dans le vide.

Elle rongeait encore :

« Amalgame utopique, hybridation de loups, promiscuité hasardeuse », renchérissait, soupçonnant le barman d’une erreur consentie.

Alors, le motif ne tenait plus lieu d’absolution, elle imaginait.

(Non la compensation, trop mesquine.)

Une punition d’un genre tordu.

Observait incrédule les buveurs attablés, folichonnant, ignares.

(Des miroirs de clichés, s’adulant.)

Buvait, elle, pour mieux compatir à l’aigreur de leur bouche.

Et la musique de bois mâché, l’œil qui tousse, n’objectant rien Béryl à ce qu’elle entendait.

— C’est peu avouer que seul le citron, lui dis-je, m’aurait poussé à partir.

Aussitôt, la musique se tuméfiait. Bariolage d’acide et de graisse.

Les gens ne doutaient pas de leur art.

(Une saillie d’artiste, coquetait l’autre.)

Hennissaient, ahuris, mais enjoués.

Une fille se balançait comme une méduse. Son mec la dilapidait du regard.

Un rigolo, smoking cramoisi, nageait entre les tables et demandait de toutes ses dents si « tout allait bien »…

— Les invités ne bronchent pas d’un poil, soupirait Béryl. Ils doivent exhiber au chef tous les exemples d’assouvissement…

Je mordais un toast pour divertir cette dernière impression.

— Mais le chef n’est pas niais. Ces larbins le restent jusqu’au jour où leur rendement s’amenuise… Après quoi, ils disparaissent, on ne sait où.
— Leur rendement ?

Béryl se penchait vers mon oreille. Sa bouche irradiait le citron…

— Tu vois cette fille au comptoir ? Je parie qu’elle vit son dernier soir ici… (puis d’une voix de gourmet) : devine pourquoi !
— La tenue ?
— Idiot… Ces choses-là se rachètent.
— Son désintérêt pour le groupe ?
— Une preuve de caractère ! Regarde plutôt le verre sur sa table… Elle ne l’a pas effleuré.
— Tu voudrais qu’elle se jette dessus ? Qu’est-ce que tu trouves suspect là-dedans ?
— Pas suspect ! Rédhibitoire !

Béryl reniflait du regard… J’empoignais son verre et le vidai d’un trait.

— Maintenant, dis-je, tu es parfaitement réglementaire.

Elle ironisait sur mon culot, attendait le moment où j’allais suffoquer. Le citron me râpait déjà la gorge.

— Rédhibitoire, tu disais… Cette fille a peut-être eu le même pressentiment que toi… la même clairvoyance.

Béryl détestait que j’attribue à d’autres une supériorité qu’elle jugeait propre à son discernement.

— Ou simplement, nuançai-je, elle attend le moment.
— Sophisme ! Attendre…

Elle ponctua d’un ton infaillible. Le citron m’ôtait la langue… C’était l’heure de mâcher une peau. J’examinais autour de moi. La salle rendait implacables les sons de la honte, la corruption des besoins spirituels, le sens de qui n’a d’ordre qu’en l’improvisation magique. Ma chance ne tarda pas… J’usais de tout mon doigté. Une bombasse a dégringolé de nulle part. Elle tanguait sur des cuisses immenses, des tuyaux ronflants où s’échappaient de vagues parenthèses d’envie.

Et venait du « salut mon amour » comme le cœur sur la plaie, le bruit mouillé du petit diable…

Le sol crachait sous ses pieds. J’ai sauté du fauteuil, zigzaguant, et me trouvais d’un clic devant la grosse. Quel spectacle ! Une éponge gavée de petites bulles roses toutes prêtes à éclater. J’étais à portée de dents… La fille me faisait face avec une crânerie aveuglante. Elle me décocha un sourire. Le temps ne valait pas que je l’épluche. Je la tirai à moi par une corde invisible. On pataugeait maintenant dans un miroir élastique et bleu. Quoi nous avait fondus là ? Sa chair avalait tout, huileuse, agglutinante…

Un mollusque à l’hélium explosait soudain. Je me dissolvais sous cet orgasme et sans parfaitement l’avoir mordue.

Dans quelle purée je dois accoucher de cette mucosité, moi dont l’oreille bande sous son haleine, Béryl ! Ton sable polaire et ton coup de scalpel, extrais-moi de là, je suppure.

Salive à blanc, je respirais, filamenteux. Béryl me froissait dans ses bras. Elle éructa d’une voix rouillée :

— Encore toi !

L’encore me prouvait que j’avais encore merdé. La nuit s’engluait, viande molle, étoiles au lit.

— J’ai volé un peu de silence pour te soulager.

Et maintenant où étions-nous ? L’horizon s’étirait partout, grumeaux d’herbe, hépatique vallée, du tartre au bord des routes. Je tâtais le poids de mes joues. Vide étanche, pulsations de fumée.

Beryl instruisait tout.

— Un taxi va te ramener.

Singe errant, ta maison t’attendait ! Je me sentais plus mal d’un instant à l’autre. Une taupe me criblait l’estomac. Mes poumons rampaient dans la gorge à mesure que je respirais. « Béryl, je vais vomir » tandis qu’elle sucrait ses yeux de toutes ces étoiles, sans prière pour moi.

— Écoute, je sais même plus où j’habite.

Je pendais de chambres gélatineuses en parkings à homards depuis ma naissance.

— Je t’ai trouvé une adresse. Sois pas intimidé.

Le fœtus aussi démêlait son adresse… Écran abstrait, illusion spatiale. Je n’avais pas plus de force que lui pour faire d’une vie un pantalon.

Le cul dans la terre à dix mille steaks, je guettais un secours qui ne venait pas. J’allais me lever quand la découverte me frappa : mes jambes avaient disparu… Restaient deux cloques ou follicules d’écailles à tendance fauve, irascibles au toucher.

J’ai crié vers Béryl :

— Et ça ?
— Ça repoussera si tu restes tranquille.

Un centimètre de tweed d’atmosphère dans la gorge, Béryl, les genoux en bas-relief, Béryl, le sauve-qui-peut, la honte, un nimbus de sang rocheux fétide hérissé, Béryl, et Béryl m’exhorte au calme ! Les portes sifflaient dans son cerveau.

— Béryl, explique-moi ce bordel.

Même compassion perverse à me rouler dans son miracle, Béryl, la géologie sacrée de son visage, Béryl, à me dévisager, son sourire d’exécution.

Elle sortit de sa poche un citron qu’elle me jeta au ventre.

— C’est à ce moment-là que c’est parti de travers.

Ossement de friture sale dans la bouche, j’ai soif, je mords le citron qui n’est qu’un citron de plastique. Cri d’aigle dans la poitrine.

— Tu te plieras vite aux mœurs de Voronov. Moi, je retourne à la fête.

Et comme elle déficelait sa sentence, un taxi apparut. Je me retrouvais bientôt sur le siège arrière de la voiture. Mes jambes n’avaient pas bourgeonné.

— Et comment cette chose vous est arrivée ? demanda le chauffeur, dilettante.
— Si je savais… Elles me hantaient encore ce soir… je veux dire, comme elles vous hantent, vous, sans se signaler, naturelles, solides, organisées…
— Ça doit pas être simple, conclut-il.
— Si vous me disiez au moins où nous allions.
— Mais à l’adresse ! Je fais mon travail. Monsieur.
— Permettez-moi d’être un peu plus précis… À quelle adresse vous nous conduisez ?

Il fouilla son écran, regard café, ligne alpestre. La voiture se détendit, étouffa son haleine.

— Nous voici justement arrivés, sourit le chauffeur.

Une stridente lumière rouge traversait l’habitacle. La porte s’ouvrit. J’aperçus le trottoir, des immeubles, un magasin éclairé, deux types en conversation près d’une poubelle automatique.

— Bon, vous connaissez l’état de mes jambes…

Cette pudeur sonnait comme un aveu de soumission.

— J’ai pensé à tout, me poignarde une voix sur le trottoir que je reconnus immédiatement.

Majolique !

Il me restait donc un secours dans cette nuit de tribulations. (Majolique au destin de flanelle à pois rouges, Majolique aux amygdales en hélice)

Mais aussitôt le bouquet :

— Un fauteuil roulant ?
— Laisse-toi glisser jusqu’au siège, répondit-elle.

Mains grimaçantes, épaules cariées, visage en queue de lézard, yeux bourdon, bras de frites laineuses, abouliques, diastole de tous les membres, impulsion, décollage, assis, cloué, barricadé, remercié, la voiture démarre et disparaît.

Majolique se hérissa devant moi. Elle resta un moment silencieuse à me fouiller du regard.

— Je n’ai pas plus d’explication, éternuai-je.

Et comme nous parlions de tête coupée, Majolique se rangea dans mon dos et poussa le fauteuil en direction de la lumière. Un rideau de fleurs borgnes encadrait le chemin. J’arrachais une tige au passage. Deux larmes s’échappèrent de mes doigts. La tige pleurait.

— Comment tu as deviné que j’étais dans cette douve ?
— C’est Béryl qui m’a prévenue.
— Béryl ? Je croyais que vous vous haïssiez…
— C’est toujours vrai. Ta vie a triomphé de nos malentendus.
— Alors tu sais ce qui m’est arrivé ?
— Béryl n’a rien voulu m’avouer.

J’ai mordu l’image de Béryl. Majolique nuance aussitôt :

— Tu as couru à la soirée de Voronov sur l’invitation de personne.

Pour ce qui est de courir je ne courrai plus, moi l’œuf physicien, le tentacule dynamité, la consonne moulue, le rot de chausson…

J’essayais en vain de me rappeler les heures précédant ce fait.

Nous arrivons. Sur la vitrine chatoient les mots :

Dépôt d’alimentation Dono Detti.

Les portes du magasin se déchirent, prosodie sincère, intonation d’air cassé. Majolique me tortille d’un rayon à l’autre. Je flaire tout, l’œil haletant, les mains comme des scorpions rentrés pourtant.

— Tu dois manger, m’étrangle Majolique.