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Que cache-t-on à Bornage Orc, cet homme dont le corps subit une décomposition aussi rapide que terrifiante ? Dans ce jeu de dupes complexe aux retournements multiples, notre héros doit maintenir une vigilance et une acuité mentale constantes pour distinguer la vérité des mensonges et démasquer les imposteurs dans son entourage. Œuvre hirsute, augurale, fourmillante, "Pornogod" a mille détours, son centre est partout, sa circonférence nulle part.
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Seitenzahl: 81
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Romain Cerisier
Pornogod
Roman
© Lys Bleu Éditions – Romain Cerisier
ISBN :979-10-422-1742-6
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Un faiseur d’anges
Fodit, et in fossa thesauros condit opaca,
As, nummas, lapides, cadaver, simulacra, nihilque.
Le goût, disait Béryl, est affaire de conjecture.
Dissonance, elle pensait, avec son grincement d’épaules, menton rejeté, « clair-obscur », c’était son roucoulement…
Elle précisait : « Mon avis est que rien ne tient tête au citron. »
L’inexpérience, évidemment.
Elle secouait son verre à hauteur de cils et regardait les atomes de fraise tournoyer dans le vide.
Elle rongeait encore :
« Amalgame utopique, hybridation de loups, promiscuité hasardeuse », renchérissait, soupçonnant le barman d’une erreur consentie.
Alors, le motif ne tenait plus lieu d’absolution, elle imaginait.
(Non la compensation, trop mesquine.)
Une punition d’un genre tordu.
Observait incrédule les buveurs attablés, folichonnant, ignares.
(Des miroirs de clichés, s’adulant.)
Buvait, elle, pour mieux compatir à l’aigreur de leur bouche.
Et la musique de bois mâché, l’œil qui tousse, n’objectant rien Béryl à ce qu’elle entendait.
Aussitôt, la musique se tuméfiait. Bariolage d’acide et de graisse.
Les gens ne doutaient pas de leur art.
(Une saillie d’artiste, coquetait l’autre.)
Hennissaient, ahuris, mais enjoués.
Une fille se balançait comme une méduse. Son mec la dilapidait du regard.
Un rigolo, smoking cramoisi, nageait entre les tables et demandait de toutes ses dents si « tout allait bien »…
Je mordais un toast pour divertir cette dernière impression.
Béryl se penchait vers mon oreille. Sa bouche irradiait le citron…
Béryl reniflait du regard… J’empoignais son verre et le vidai d’un trait.
Elle ironisait sur mon culot, attendait le moment où j’allais suffoquer. Le citron me râpait déjà la gorge.
Béryl détestait que j’attribue à d’autres une supériorité qu’elle jugeait propre à son discernement.
Elle ponctua d’un ton infaillible. Le citron m’ôtait la langue… C’était l’heure de mâcher une peau. J’examinais autour de moi. La salle rendait implacables les sons de la honte, la corruption des besoins spirituels, le sens de qui n’a d’ordre qu’en l’improvisation magique. Ma chance ne tarda pas… J’usais de tout mon doigté. Une bombasse a dégringolé de nulle part. Elle tanguait sur des cuisses immenses, des tuyaux ronflants où s’échappaient de vagues parenthèses d’envie.
Et venait du « salut mon amour » comme le cœur sur la plaie, le bruit mouillé du petit diable…
Le sol crachait sous ses pieds. J’ai sauté du fauteuil, zigzaguant, et me trouvais d’un clic devant la grosse. Quel spectacle ! Une éponge gavée de petites bulles roses toutes prêtes à éclater. J’étais à portée de dents… La fille me faisait face avec une crânerie aveuglante. Elle me décocha un sourire. Le temps ne valait pas que je l’épluche. Je la tirai à moi par une corde invisible. On pataugeait maintenant dans un miroir élastique et bleu. Quoi nous avait fondus là ? Sa chair avalait tout, huileuse, agglutinante…
Un mollusque à l’hélium explosait soudain. Je me dissolvais sous cet orgasme et sans parfaitement l’avoir mordue.
Dans quelle purée je dois accoucher de cette mucosité, moi dont l’oreille bande sous son haleine, Béryl ! Ton sable polaire et ton coup de scalpel, extrais-moi de là, je suppure.
Salive à blanc, je respirais, filamenteux. Béryl me froissait dans ses bras. Elle éructa d’une voix rouillée :
L’encore me prouvait que j’avais encore merdé. La nuit s’engluait, viande molle, étoiles au lit.
Et maintenant où étions-nous ? L’horizon s’étirait partout, grumeaux d’herbe, hépatique vallée, du tartre au bord des routes. Je tâtais le poids de mes joues. Vide étanche, pulsations de fumée.
Beryl instruisait tout.
Singe errant, ta maison t’attendait ! Je me sentais plus mal d’un instant à l’autre. Une taupe me criblait l’estomac. Mes poumons rampaient dans la gorge à mesure que je respirais. « Béryl, je vais vomir » tandis qu’elle sucrait ses yeux de toutes ces étoiles, sans prière pour moi.
Je pendais de chambres gélatineuses en parkings à homards depuis ma naissance.
Le fœtus aussi démêlait son adresse… Écran abstrait, illusion spatiale. Je n’avais pas plus de force que lui pour faire d’une vie un pantalon.
Le cul dans la terre à dix mille steaks, je guettais un secours qui ne venait pas. J’allais me lever quand la découverte me frappa : mes jambes avaient disparu… Restaient deux cloques ou follicules d’écailles à tendance fauve, irascibles au toucher.
J’ai crié vers Béryl :
Un centimètre de tweed d’atmosphère dans la gorge, Béryl, les genoux en bas-relief, Béryl, le sauve-qui-peut, la honte, un nimbus de sang rocheux fétide hérissé, Béryl, et Béryl m’exhorte au calme ! Les portes sifflaient dans son cerveau.
Même compassion perverse à me rouler dans son miracle, Béryl, la géologie sacrée de son visage, Béryl, à me dévisager, son sourire d’exécution.
Elle sortit de sa poche un citron qu’elle me jeta au ventre.
Ossement de friture sale dans la bouche, j’ai soif, je mords le citron qui n’est qu’un citron de plastique. Cri d’aigle dans la poitrine.
Et comme elle déficelait sa sentence, un taxi apparut. Je me retrouvais bientôt sur le siège arrière de la voiture. Mes jambes n’avaient pas bourgeonné.
Il fouilla son écran, regard café, ligne alpestre. La voiture se détendit, étouffa son haleine.
Une stridente lumière rouge traversait l’habitacle. La porte s’ouvrit. J’aperçus le trottoir, des immeubles, un magasin éclairé, deux types en conversation près d’une poubelle automatique.
Cette pudeur sonnait comme un aveu de soumission.
Majolique !
Il me restait donc un secours dans cette nuit de tribulations. (Majolique au destin de flanelle à pois rouges, Majolique aux amygdales en hélice)
Mais aussitôt le bouquet :
Mains grimaçantes, épaules cariées, visage en queue de lézard, yeux bourdon, bras de frites laineuses, abouliques, diastole de tous les membres, impulsion, décollage, assis, cloué, barricadé, remercié, la voiture démarre et disparaît.
Majolique se hérissa devant moi. Elle resta un moment silencieuse à me fouiller du regard.
Et comme nous parlions de tête coupée, Majolique se rangea dans mon dos et poussa le fauteuil en direction de la lumière. Un rideau de fleurs borgnes encadrait le chemin. J’arrachais une tige au passage. Deux larmes s’échappèrent de mes doigts. La tige pleurait.
J’ai mordu l’image de Béryl. Majolique nuance aussitôt :
Pour ce qui est de courir je ne courrai plus, moi l’œuf physicien, le tentacule dynamité, la consonne moulue, le rot de chausson…
J’essayais en vain de me rappeler les heures précédant ce fait.
Nous arrivons. Sur la vitrine chatoient les mots :
Dépôt d’alimentation Dono Detti.
Les portes du magasin se déchirent, prosodie sincère, intonation d’air cassé. Majolique me tortille d’un rayon à l’autre. Je flaire tout, l’œil haletant, les mains comme des scorpions rentrés pourtant.