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"Quand le patient devient l’accompagnant" relate le parcours d’un homme confronté à la maladie. C’est également l’histoire des proches, des accompagnants qui vivent démunis, impuissants et parfois même désabusés et dans l’incompréhension de ce qui leur arrive. La maladie est une invitée qu’ils n’attendaient pas, mais avec qui ils doivent cohabiter. Cet ouvrage expose le cheminement d’un être hors norme face à l’adversité. Il rend hommage à tous les accompagnants et à tous ceux qui passent des moments difficiles.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Isabelle Mimoun s’immerge dans une autobiographie qui marque un tournant décisif dans sa vie. Ayant destiné cet ouvrage à aider les soignants, elle en fait un récit du quotidien, élaboré en chambre stérile avec l’accord et l’appui du malade. Inspirée et soutenue par ce dernier, elle signe, avec "Quand le patient devient l’accompagnant", une œuvre basée sur une histoire vraie et d’une émotion rare.
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Seitenzahl: 118
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Isabelle Mimoun
Quand le patient
devient l’accompagnant
© Lys Bleu Éditions – Isabelle Mimoun
ISBN :979-10-422-3454-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mon Djam…
L’impensable : jeunes, insouciants, on n’imagine jamais le pire.
On n’y pense même pas ! Heureusement !
Je vais vous raconter une histoire qui n’aurait jamais dû être écrite, car elle aurait dû ressembler à bien d’autres récits. Des évènements qui ne se racontent pas, parce qu’ils se vivent, tout simplement. Seul le grand Livre de la vie les consigne et à travers les souvenirs de ceux que l’on a aimés, l’histoire se conte et se transmet de génération en génération. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… mais voilà, l’histoire en avait décidé autrement…
Il était une fois, deux jeunes personnes qui se rencontrèrent. Deux belles personnes, pleines de rêves, de folie et de confiance dans le temps qui passe. Djamel et Isabelle firent Saint-Jacques de Compostelle, ils marchèrent, souffrirent, jamais ne doutèrent du chemin et ils s’aimèrent. Le miracle de Saint-Jacques eut lieu, ils partirent à deux et revinrent à trois. Jusque-là, tout allait bien. Cependant, à l’aube de ses trente ans, Djam, comme chacun le surnommait, se sentit fatigué, il avait maigri. Un premier médecin le soigna pour une arthrite à la tête. Le second généraliste, plus pertinent, lui fit faire d’autres examens.
Ce mardi-là, en rentrant du travail, je ne devais plus jamais être la même. Comme à son habitude, dans sa grande délicatesse, il m’accueillit, puis attendit que je sois prête.
— Isa, je dois te dire quelque chose. J’ai une leucémie.
Nous déjeunions alors chez mes parents.
— Une leucémie ? Non, tu te trompes, ce doit être une anémie !
Dans le fond, je ne savais pas trop ce qu’était une leucémie. J’en avais entendu parler, vaguement, comme tout le monde.
C’était au sujet d’un camarade de classe en primaire, mais rien de plus… un truc grave, pour sûr, mais pour le reste… Dommage que certaines maladies apparaissent comme « tabou » ou qu’on « oublie » d’en parler, mais comment peut-on parler d’expérience lorsqu’on ne les a jamais vécues ou rencontrées ?
J’appelai alors moi-même le médecin qui confirma :
— Il s’agit bien d’une leucémie, madame.
Devenir un patient et un accompagnant, c’est comme devenir parent… On apprend tous les jours. Les questions restent nombreuses. Le patient lutte pour la survie, l’accompagnant pour la vie.
Brutalement, tout bascula ! Que fallait-il faire ? Rentrer à la maison, préparer ses affaires, quelles affaires ? L’hôpital en urgence, la chambre stérile… c’était quoi ce truc ? On devait nous l’expliquer sur place.
Nous avons juste pris le temps de prévenir les proches et dans un semi-brouillard, nous avons empaqueté des pyjamas, quelques bouquins, et comme des somnambules, nous avons débarqué au service d’hématologie. Toujours pas de temps pour réfléchir, nous avons été pris en charge. Nous nous sommes retrouvés dans une chambre stérile…
À l’époque, il s’agissait d’un lieu presque secret, ignoré de tous. On a beau dire ou expliquer… une personne qui n’est jamais entrée ne peut s’en faire une idée ! Ces chambres étaient inaccessibles aux regards, aux visiteurs non annoncés. Aucun moyen de rentrer en contact avec le patient, de près ou de loin. La chambre stérile était un peu la prison de l’innocent. Quelques mètres carrés, dans lesquels, les malades passaient au minimum cinq semaines. Les traitements y étaient lourds.
Les vêtements de Djam ont été stérilisés. Seuls les bouquins neufs étaient autorisés, rien ne devait passer sans avoir été au préalable désinfecté. Pour sûr, le milieu était vraiment stérile. Les conditions restaient difficiles : pendant quarante jours, on administra au patient des chimiothérapies qui le rendaient vraiment malade. Il n’avait pas droit à la brosse à dents à cause des risques de saignements ; le but étant d’éliminer de son sang toutes les cellules anormales de son corps ; et ne pouvant les trier, il se retrouvait ainsi sans plaquette, sans anticorps, dans un état de vulnérabilité totale. Il fallait donc le protéger de tout objet pointu qui aurait provoqué des saignements graves et du moindre virus. Deux visites par jour étaient autorisées au cours desquelles aucun contact n’était possible avec le malade. Les visiteurs se tenaient derrière une ligne, assis, vêtus d’une calotte, de surchaussures, d’un tablier et d’un masque le temps de la visite. Du haut de son cinquième étage, on se sentait enfermé, puni pour un méfait qu’on n’avait pas commis. On se demandait souvent ce qu’on faisait dans ce lieu, car on n’avait si peu de temps à perdre, on avait tant de projets, tant de choses à réaliser !
Les après-midi étaient longs et dans les têtes, pleuvaient les questions que l’on avait remises à plus tard. Elles revenaient, parfois, plus vives que jamais : qu’avait-on fait ? Pourquoi nous ? N’avait-il pas su gérer ses émotions face à des évènements antérieurs ? Trop de stress ? Trop de soucis ? N’ayant jamais fumé ni jamais bu, comment cela était-il possible ? Comme si le fait de mener une existence très saine donnait la garantie absolue d’une bonne santé.
On tentait par tous les moyens de répondre à ces questions, d’abord en menant notre enquête auprès du personnel soignant. À quoi sont dues les leucémies ? Une exposition à la radioactivité, mais nous n’étions pas à Tchernobyl, même si les autorités de l’époque nous ont pris pour des crétins en nous disant que le nuage s’était arrêté aux frontières… On sait aussi que sur les sols granitiques, cette même radioactivité est plus importante. Djam courait beaucoup à l’époque, mais cela ne suffisait pas à déterminer le coupable. Les médecins ne disaient rien : ils ne savaient pas. On corrélait des souvenirs de stress comme une cause possible, mais rien de probant.
Un jour cependant (je m’en souviendrais toute ma vie), las de faire des morpions entre quatorze heures et seize heures pour tuer le temps, nous avions discuté et développé les possibles relations entre ses souvenirs et la maladie. Nous avions parlé à âmes ouvertes. J’avais qualifié cela, alors, de « parole qui guérit ». J’avais ressenti quelque chose se passer. Longtemps après, j’ai évoqué ce moment, où nos mots avaient peut-être désigné, souligné quelque chose d’important. Il l’avait reconnu, tout scientifique qu’il était, car au-delà de son esprit qui cherchait constamment, il réfléchissait pour ne pas tomber dans l’obscurantisme. Force avait été de constater, que nous n’étions pas dans du « magique », mais nous avions atteint le juste, cette pertinence rare qui rend certains moments uniques. Nous avions touché une réalité et peut-être avions-nous permis à la guérison d’œuvrer. Certes, il y avait le traitement médical, mais accompagné de ces mots précieux, de nos mots cela avait donné une sacrée alchimie. C’était comme un consentement à vivre à nouveau qui s’était produit.
Bien entendu, nos discussions ne minimisaient pas le reste : sa condition physique. De soixante-dix-neuf kilos, il était descendu à cinquante-neuf. Livide dans sa chambre, avec une barbe de trois semaines, sans possibilité de se raser, toute lame interdite à cause toujours du manque de plaquette, il se regardait, à la lueur des baies, le soir quand la nuit arrivait. Coulaient alors ses larmes. Il ne se reconnaissait plus, affaibli. C’était comme s’il était devenu un autre. Et pourtant, jamais il ne s’est plaint. Parfois, il était de mauvaise humeur, de cette colère qu’éprouvent les grands malades, mais n’est-ce pas légitime, n’est-ce pas leur droit ? Les chimios étaient rudes. Il vomissait souvent, mais pour rassurer les visiteurs du soir, il disait tout le temps :
— Ce n’est pas grave, je recrache juste un peu.
Alors, tous, autant qu’on fût, nous repartions, descendant au plus bas avec l’ascenseur, pour surtout, ne croiser personne, parce que notre peine, était grande, nos larmes nombreuses. On recevait une leçon. Nous repartions avec notre impuissance à changer les choses. Cela est dur, si dur. Assister sans rien pouvoir faire pour stopper l’affaiblissement de ceux qu’on aime et les sentir, toujours aussi droits dans leur courage, nous interdisant ainsi de nous écrouler !
Il a su également se concentrer sur l’essentiel : sa guérison. Chaque jour était pour lui une victoire sur la maladie. Le service avait mis à sa disposition un vélo d’appartement, lui permettant de réaliser des performances, même en chambre stérile ! Il se battait toujours ! Il a même eu le culot de poursuivre la thèse qu’il avait commencée ! Sa force et son courage étaient une leçon pour tous. Seulement, petit à petit, il a déconnecté. Il devait se concentrer sur l’essentiel.
En revanche, son absence pesait lourd à son fils. Le téléphone n’était pas le meilleur moyen d’entrer en contact avec un père absent depuis si longtemps… Même si parfois je me sentais harassée, épuisée ou tout simplement lasse, lorsque je rentrais, vers dix-neuf heures, je racontais tout à notre petit ange. Je tentais de mettre des mots entre lui et moi, entre nous et lui. Juste, lui dire que tout cela était indépendant de lui, qu’il n’était pas responsable de la situation et que nous-mêmes ne comprenions rien. Nous avons beaucoup joué avec les peluches, mettant en scène ses doudous. Il les faisait parler, avec ses mots, avec ses angoisses pour qu’elles puissent sortir, pour qu’elles ne lui étranglent pas sa gorge, pour qu’elles laissent toujours la place aux autres mots, doux, plein d’espoir et d’amour. Une fois, il a été malade, très malade. Le médecin soupçonnait une pneumopathie. Avec quarante degrés de fièvre, je le confiais à mes parents pour aller rejoindre son papa qui ne devait rien savoir. Même dans ces cas-là, on devait éviter que le patient se fasse du souci. OK. Alors, j’essayais de composer, lui raconter les potins de tous les jours, transformer les petits faits en évènements drôles, mais surtout pas de tristesse, pas de tragique. Il n’a su que beaucoup plus tard que son fils avait été malade.
Dans ces moments-là, mieux vaut être bien entouré ! J’avais également mon amie d’enfance, toujours présente dans les quatre cents coups ! La famille, les sœurs, le frère venaient également le voir, les soirs, les cousins, les amis… Il ne se sentait jamais seul, toujours entouré, toujours aimé, mais cela n’enlevait pas le poids, la lourdeur de la situation : allait-il ressortir de cette chambre stérile, allait-il guérir, allait-il s’en sortir ?
Tandis que le patient se concentre dans sa maladie, l’accompagnant s’adapte. Son regard sur l’autre change. Désormais, il va faire appel en lui, à d’autres forces.
Ding dong, est venu enfin le jour où il a pu mettre le nez dehors, le jour où les plaquettes se sont enfin décidées à remonter ! Ce jour-là, accompagnée de notre fils, je suis venue le chercher. Djam se trouvait dans une chambre, dans le couloir, tenant dans ses bras un camion de pompier qu’il a tendu à notre bambin. Ce dernier s’est montré un peu méfiant parce qu’il n’avait pas reconnu son papa, mais quelques secondes lui ont suffi ! Il s’est rué dans ses bras et malgré l’état de grande fatigue du patient, ils se sont faits le plus grand des câlins ! Les larmes coulaient, nous étions à nouveau tous les trois, à nouveau réunis. Doucement, nous avons repris le chemin de la maison, plein d’espoir, comme si le pire restait dans la chambre.
Seulement, à la maison, il n’y avait plus d’infirmières à qui l’on demandait les raisons de tels ou tels maux. Personne pour nous expliquer certaines faiblesses, ou ces nombreux épuisements. Le retour vraiment a été difficile. Pas assez malade pour rester à l’hôpital, trop pour revenir dans de bonnes conditions.
On a expliqué au petit bout de chou qu’il ne fallait pas boire dans le verre de papa, ne pas tomber malade pour ne pas le contaminer. Papa était devenu fragile, mais il restait un merveilleux papa. Plus tard, notre fils se remémorera des souvenirs qu’on lui a transmis, il se rappellera tout, et en même temps, rien vraiment de précis, sinon de ce qu’on lui a raconté. Des angoisses sourdes qui sont passées, certainement, de nous à lui, d’adultes à enfant, des peurs mal contrôlées.
Concernant le quotidien, il n’était pas question de faire cuire du riz, les odeurs le dérangeaient. Le malade était si faible. Avec ses vingt kilos en moins, la jeunesse ne suffisait pas, elle permettait de positiver plus rapidement, peut-être, d’encaisser les lourds traitements, mais le fait était là, il fallait se reconstruire physiquement. Et le physique pour un sportif, ça veut dire quelque chose ! Malgré toute sa hardiesse, son envie de s’en sortir, le jeune malade devait mener un lourd combat.
Ce combat était partagé avec ses proches, mais aussi, avec les médecins qui nous ont accompagnés, qui l’ont soigné, écouté et aidé. On leur a fait confiance, on a mis nos vies dans leurs mains, quelle responsabilité ! Sauveurs de vies, apothicaires des temps modernes : merci pour votre dévouement, merci de croire en ce que vous faites, merci d’y consacrer une grande partie de votre existence.