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"Tant est le temps" constitue un corpus de textes, variant en longueur, parfois très brefs. Pourtant, ils ont conduit
Catherine Denis et, par extension, peuvent guider chaque lecteur vers l’étendue des perceptions et des réflexions sur tous les aspects de l’existence. Des moments en apparence sans importance, tels que le plaisir, le calme, la fermeté, le rythme… sont explorés, « car la vie est une mosaïque de petites choses si profondes ».
À PROPOS DE L'AUTRICE
Depuis son enfance,
Catherine Denis est bercée par le doux murmure du désir d’écrire. Comme une symphonie entre les touches du piano et les chuchotements de la nature, elle se délecte des détails de son univers. Pour elle, le sens de la vie se trouve dans « l’infini petit », et c’est là qu’elle puise son inspiration. D’abord avec son pinceau en calligraphie, puis avec sa plume, elle élève chaque ressenti au rang d’œuvre captivante et didactique.
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Seitenzahl: 49
Catherine Denis
Tant est le temps
© Lys Bleu Éditions – Catherine Denis
ISBN : 979-10-422-3054-8
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Du caractère à la lettre, éditions Apogée, 2005.
Journal d’une calligraphe, éditions Fata Morgana, 2013.
De l’exercice à l’œuvre, éditions Fata Morgana, 2018.
Récits et fragments poétiques
Illustrations : œuvres de Catherine Denis
– Verticalités fragmentées, 21x29,7 cm, Rennes 2014.
– Reports architectoniques, 30x40 cm, Rennes 2015.
À mes trois sœurs
À mes trois frères
L’imparfait est parfait, plus que parfait, il est éternel présent.
Shanghai, fin février 2007
Ils ne m’avaient point frappée. Si la vue d’ensemble avait immédiatement attiré mon regard, eux non. Du haut de mon dixième étage, j’aimais les regarder et ne m’en lassais pas. Si différents les uns des autres, je ne savais les nommer et ils m’appelaient à dire autre chose que ce qu’ils sont vraiment. Le matin où je pris conscience de leur présence, j’en fus profondément bouleversée. Que se passait-il ? Ils étaient là, géants, et avançaient vers moi. Un – deux, trois, quatre-cinq, six, énormes, puis plus à droite sept – huit – neuf – dix – onze – douze – treize – quatorze – quinze… Ils n’étaient pas tous orientés dans ma direction, certains courants les portaient plus vers l’ouest, d’autres vers l’est. Ceux qui me faisaient face plongeaient indécemment dans le cristallin de mes yeux, je n’en revenais pas ! Et je me laissais prendre dans la contemplation des Titans de la modernité chinoise.
En quelques minutes, ce matin même, ils avaient disparu dans le brouillard, un brouillard brutal qui annonçait le pire. Porté par un vent glacial et fort, il les avait vite couverts. Aucune résistance ; ils ne furent plus, pour quelques minutes et s’effacèrent complètement du paysage. Je pouvais deviner les maisons basses dont les toits orangés transparaissaient légèrement. Le branchage des arbres était telles des algues ballottées dans l’écume. Je dus m’éloigner de ce paysage troublant ; lorsque j’y revins, ils étaient là, en face, bel et bien de retour. À leurs pieds s’étalaient des jardins d’une autre époque. Les toits de tuiles rouges encore couverts d’une fébrile et mouvante nébulosité accueillaient les branchages d’arbres centenaires. Ils se tenaient tous là et me disaient : « Regarde ». Je goûtais ce temps du regard, je plongeais dans ce temps du regard qui m’amenait très loin. Que d’époques en un seul tableau…
Le bruit des klaxons me ramenait sur la rue Huaihai où j’habitais alors.
Il fut un soir où ils se drapèrent de couleurs flamboyantes : le feu de l’Ouest les courtisait. Ils se laissaient faire, plus beaux que jamais. Ils n’étaient plus « modernes », ils étaient. Beauté universelle qui transcende l’Histoire. Mon voisin, jeune boxeur, quittait son miroir pour s’approcher de la fenêtre. Le temps prenait son temps et me rendait lascive. J’accrochais mon regard à ce tableau si chaud. Nous étions fin septembre.
Aux différentes heures de la journée, ils ne sont jamais de même présence. Tantôt dans la réserve, tantôt de fière allure : ils se tiennent aujourd’hui comme les pions d’un damier ou tels des samouraïs, sûrs de leur victoire. Ils feraient presque frémir. Un matin vers 6 h, je les ai vus morandiesquement là, et je ne bougeais plus. Je n’entendais même plus le bruit matinal de la rue. Tout me paraissait silence et blancheur enveloppante. Les minutes passèrent, la brume se leva. La pierre, le métal, le verre, le bois reprirent possession de la réalité. Ils redevenaient alors entités gigantesques, muettes et pourtant bavardes d’une époque de grandes mutations. Il me revient qu’hier, ils étaient pendus au ciel comme du linge à un fil.
Ce soir, ils sont bijoux dans l’écrin de velours noir, fins diamants scintillants que nulle ne portera. Ils sont étoiles descendues sur la terre, donnant à tout un chacun l’envie de les cueillir.
Aujourd’hui, ils sont colère, agacés d’un trop de gris. La lumière est d’acier. Peut-être n’aiment-ils pas que l’on puisse distinguer les moindres détails de leur réalité. Face-à-face trop direct, beauté froide du paysage urbain. Les nuages s’épaississent, les heures s’écoulent pour laisser la nuit s’installer lourdement. Dans la noirceur du ciel couvrant leur chapiteau, je retrouve Belle-Isle, au Fort Sarah Bernard auprès de mon amie. Une mer peu aimante, la peur au rendez-vous, des houles wagnériennes, la conscience d’être en vie. Mais à Shanghai, les vagues sont verticales, le ciel s’en amuse et semble dire à l’homme : « Plus haut, encore plus haut ! » Dans le ciel d’encre, leur pointe s’illumine et l’écriture du soir raconte une autre histoire.
Il était une fois…
***
(Paru en partie dans la revue bretonne Hopala no 17, 2004.)
Shanghai, mai 2004
Il était donc là, assis sur l’un de ces gros rochers en haut de l’allée, juste à l’entrée du parc. La première fois que je l’avais vu, c’était au tout début de mon séjour. Il m’était apparu tel un mendiant d’un roman de… Lao She1 ? Lu Xun2 ? C’était à l’évidence un personnage de l’histoire de la Chine du 20e