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En 1848, la découverte d’un vaste gisement d’or sur les terres de Johann Sutter en Californie bouleverse sa vie, tout en déclenchant la célèbre ruée vers l’or. Propulsés dans l’Ouest américain grâce à une machine à voyager dans le temps, deux amis s’embarquent dans une quête audacieuse à la recherche de l’or et de la fortune, prêts à affronter les dangers d’une époque révolue. Cette aventure singulière mêle passé et futur, rendant chacune de leurs décisions déterminantes pour l’histoire.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Christian Moriggi consacre ses loisirs à la création sous diverses formes. Inventeur, il combine dans "Time is money" ses capacités techniques et littéraires afin d’offrir une histoire des plus singulières. Il vous permet d’entrer librement dans son récit et de façonner les personnages et les décors à votre guise.
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Seitenzahl: 344
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Christian Moriggi
Time is money
Roman
© Lys Bleu Éditions – Christian Moriggi
ISBN : 979-10-422-3946-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
21 juin 1889
L’aventure commence dans une demeure nichée à la rue de La Barre à Lausanne, à deux pas de la porte ouest de la cité.
Plongeons dans les entrailles de cette bâtisse, au sous-sol. C’est là que vous ferez la connaissance du professeur Nicola Rossa et découvrirez l’antre qui lui sert d’atelier, voire de laboratoire.
Le professeur Rossa, un homme de quarante et un ans, conserve une silhouette svelte malgré les années. Il se distingue de ses contemporains par son aversion pour la barbe, contrairement à la mode de son époque. Il est connu dans les cercles académiques comme professeur de mathématiques à l’université de Lausanne.
En ce moment, nous le surprenons en pleine célébration d’une découverte extraordinaire, fruit de vingt ans de travail acharné.
— J’ai enfin achevé ma machine. Vingt ans de recherche, de doutes et d’échecs, et maintenant elle est une source de grands espoirs.
J’ai envoyé de nombreux objets dans le temps passé et dans le futur, ils sont tous revenus, sans aucun problème.
Maintenant, il me faut effectuer le test grandeur nature, le test ultime. Il me faut rassembler assez de courage pour monter sur la machine et me transférer dans le temps. Ce n’est qu’après que je pourrais vraiment déclarer que la première machine à voyager dans le tempsest une réussite totale. Et c’est mon œuvre.
Bon du courage, Nicola, il faut y aller.
Je vais me transférer une heure dans le futur, j’arriverai à 17 h. J’y resterai une heure, donc jusqu’à 18 h. Je règle la machine pour qu’elle me ramène à maintenant, soit 16 h. Cela me laissera le temps de jeter un coup d’œil dans la rue et de vérifier si je me retrouve bien à l’époque souhaitée.
Et maintenant, en route pour le futur.
(Le professeur découvre le fonctionnement de son engin de l’intérieur. Dès que le contact est enclenché, il commence à vibrer et un éclair apparaît lorsque le changement d’époque se produit. Puis, tout se calme soudainement.)
— Eh bien, je n’ai qu’une chose à dire, ça secoue. Quelle heure est-il à la pendule ? 17 h. C’est absolument parfait, c’est génial. Allons voir si je suis bien en 1889. Remarque inutile, évidemment que oui. L’environnement de l’atelier est exactement le même, mais je vais quand même aller jeter un coup d’œil sur la rue.
(L’allée est telle qu’il la connaît. Il est bien à son époque, avec une heure d’avance. Il peut retourner dans son laboratoire et attendre l’heure de retour, assis sur son œuvre.)
— Avec un tel résultat, je vais pouvoir visiter toutes les époques que je désire. Mais il reste un inconvénient majeur, je peux visiter toutes les périodes de l’histoire, mais seulement à Lausanne.
La machine ne se déplace que dans le temps, elle ne peut donc pas sortir de cet atelier et, vu sa taille, la transporter dans un autre lieu, par exemple Paris, est totalement irréaliste.
Mais elle fonctionne, et cela mérite d’être célébré dignement.
(Alors que dix-neuf heures approchent, Marie, la gouvernante de monsieur Rossa, s’apprête à sonner la cloche pour le dîner. Dans la cuisine, monsieur Rossa retrouve Marie, qui est à son service depuis vingt ans.)
— Monsieur a-t-il bien travaillé ?
— Marie, ce soir vous ne mangerez pas à l’office, vous partagerez ma table et je déboucherais ma meilleure bouteille. La machine est terminée.
— Monsieur m’annonce une grande nouvelle.
— Tous les essais effectués avec des objets ainsi qu’avec moi-même ont parfaitement fonctionné. Tout est à chaque fois revenu sans dommage et comme vous pouvez le constater, moi aussi.
— Je félicite monsieur Nicola et je suis très fière d’être à votre service, mais je ne peux pas dîner au salon avec monsieur.
— Je sais que je n’arriverais pas à vous faire changer d’avis, donc vous rajouterez un couvert à l’office et c’est moi qui vous rejoindrai.
(À la fin du repas pris à la cuisine sur la superbe table en chêne héritée de ses parents, ainsi que la maison, monsieur Rossa complimente Marie.)
— Dites-moi Marie, votre neveu est-il toujours à la recherche d’un emploi ?
— Oui monsieur.
— Quel est son âge déjà ?
— Vingt ans, à quoi pensez-vous ?
— La machine fonctionne à merveille, sans problème. Je peux la faire changer d’époque et la faire revenir, mais elle ne peut quitter l’atelier. Un assistant me serait très utile, qui se déplace avec moi sur la machine et pendant que je visite l’époque choisie, lui reste près de l’engin pour le surveiller.
Il ne faudrait pas que des individus le saccagent et nous empêchent de rentrer, par exemple. Ou qu’il arrive un incident qui m’empêche de rejoindre la machine. Évidemment la personne doit être absolument irréprochable, une personne en qui je puisse avoir une confiance aveugle.
— Je réponds de mon neveu comme de moi-même et il a les mêmes principes que vous.
— Je le sais. J’ai pu m’en rendre compte lorsqu’il a exécuté les quelques travaux que je lui ai demandés dans la maison. Pourriez-vous lui demander de me rencontrer ? Il sera très bien rétribué, vous pouvez le lui dire.
— Je passerais demain chez ma sœur.
— Je vous remercie et vous souhaite une bonne nuit, Marie.
(Dans sa chambre, meublée avec une sobriété extrême, ne comportant que les meubles indispensables et quelques tableaux sur les murs, le professeur entame une profonde réflexion sur les conséquences potentielles de son invention.)
— Avant de souffler la bougie, il me faut réfléchir. Un assistant est-il réellement indispensable ?
Évidemment qu’il l’est, sans vouloir faire du catastrophisme si la machine tombe en panne ou quelqu’un en arrête le fonctionnement pendant que je visite une période, je pourrais me retrouver bloqué dans les couloirs du temps, disparaissant du présent à tout jamais.
Et Antoine, le neveu de Marie, est effectivement une personne de confiance.
22 juin 1889
— Bonjour, monsieur, avez-vous bien dormi ?
— Pas vraiment, j’ai passé la nuit à voyager dans le temps avec plein de machines toutes plus incroyables les unes que les autres.
— Le déjeuner est servi, en allant faire les courses je passerais chez ma sœur et je vous ramènerais Antoine.
— Vous me retrouverez à l’atelier et ne parlez à personne de la machine, même pas à votre neveu.
(Marie arrive chez sa sœur aînée, qui habite également à Lausanne à la rue de La Tour. Elle la trouve à la cuisine préparant le dîner pour sa famille.)
— Bonjour, ma chère sœur.
— Tiens Marie. Quel plaisir de te voir !Que me vaut ta visite ?
— Au risque de te décevoir, c’est surtout à Antoine que je rends visite. Si ton fils est toujours sans emploi, monsieur Rossa souhaite l’engager pour une période que je pense être assez longue. Il sera très bien rétribué, tu peux lui faire confiance.
— Et bien, je vais le chercher. C’est lui qui décidera, mais je pense qu’il sera heureux de gagner quelques sous, surtout qu’en ce moment il ne travaille pas beaucoup.
(Arrivée d’Antoine. C’est un jeune homme de vingt ans, bien bâti, qui a appris le métier de charpentier et qui est actuellement sans emploi.)
— Bonjour ma tante, quel travail s’agit-il de faire pour le professeur ?
— Allons à son laboratoire, il te l’expliquera bien mieux que moi.
(Arrivé à la rue de La Barre, Antoine se rend directement au bureau de monsieur Rossa.)
— Bonjour professeur Rossa, ma tante me dit que vous avez besoin de mes services. En quoi puis-je vous être utile ?
— Toutes les explications que je pourrais te donner ne serviraient à rien. Le plus simple est de descendre à l’atelier, tu comprendras très vite.
(Antoine découvre l’atelier du professeur avec l’étonnement que l’on peut imaginer.)
— Ohlala qu’est-ce que c’est que cette machine ? À quoi peut-elle servir ? Quelle est cette plateforme ronde sur laquelle est posé un fauteuil, quelle est l’utilité de ces plaques qui l’entourent, de toute cette tuyauterie qui s’entrecroise, de toutes ces manettes, ces cadrans, ces leviers, ces manomètres ? Quelle est l’utilité de tout cet appareillage ? Je n’ai jamais rien vu de tel. Qu’avez-vous donc fabriqué, professeur ? Mais surtout à quoi peut-elle bien servir ?
— Stop avec les questions. Avant de te donner des éclaircissements, tu dois me promettre de n’en parler à personne. Quand je te dis personne, c’est personne. Ni à ta famille ni à ta fiancée, en as-tu une d’ailleurs ? Non. C’est mieux pour l’instant et ni à tes amis.
— Mais à quoi sert-elle ?
— D’abord tu promets et ensuite tu sauras.
— Je promets, je promets.
— Ce que tu as sous les yeux est la première machine à voyager dans le temps.
(L’annonce que vient de faire le professeur laisse dans un premier temps Antoine complètement stupéfait. Mais l’humour prend le dessus sur l’étonnement.)
— Alors là, M. Rossa jamais je n’aurais imaginé que vous puissiez avoir autant d’humour. Mais j’avoue que la plaisanterie est drôle.
— Je ne plaisante absolument pas, mais pas du tout. Mais toutes mes explications ne serviront à rien, tu ne m’écouteras même pas d’ailleurs. La seule solution pour capter ton attention est de la faire fonctionner.
Observe bien et tais-toi. Je pose cette pendulette sur le siège et je l’envoie une heure dans le passé. Comment savoir qu’elle est réellement retournée une heure en arrière ?
Elle est réglée sur quinze heures, en l’expédiant une heure en arrière, la pendule se mettra automatiquement à quatorze heures. Et lorsque je la ferai revenir dans une heure, nous serons à seize heures et tu verras les aiguilles tourner pour se mettre automatiquement à seize heures. Tu auras la preuve irréfutable de son retour du passé.
Pendant cette heure, je te donnerais toutes les explications et répondrais à toutes tes interrogations.
Voilà maintenant je me mets aux commandes de l’appareil. Je déplace ce levier sur la date et l’heure choisie, je tourne cette roue crantée et je m’écarte de l’engin. Et observe l’appareillage, comme tu l’as appelé, se met à tourner autour de la plateforme, qui elle reste fixe.
Et hop, la machine disparaît, elle est partie pour une heure dans le passé.
Dans une heure il sera seize heures et lorsqu’elle arrivera tu verras les aiguilles se régler sur seize heures ainsi que je te l’ai dit.
— Mais, mais qu’avez-vous fait ? Vous avez complètement désintégré votre appareil. Pourquoi avoir fait ça ?
— Je ne vais pas t’expliquer dans le détail le fonctionnement de la machine, d’ailleurs personne n’est réellement capable de comprendre. Il te faut seulement assimiler que la machine n’a pas été désintégrée.
Sache qu’elle ne peut que nous faire voyager, ce qui n’est déjà pas si mal. Elle ne peut que se déplacer dans les couloirs du temps. Elle ne peut quitter cet atelier, certes tu l’as vue disparaître, mais elle est toujours présente dans ce local. Mais à un autre moment du temps.
C’est là où tu deviens utile, partir seul comporte un certain, voire un grand risque. S’il m’arrive quelque chose, ou à la machine, quoi que ce soit. Je me retrouve seul. Donc avoir un assistant est indispensable.
Voici ce que je te propose : L’AVENTURE, la vraie, la seule, une épopée unique que personne n’a évidemment vécue à ce jour. N’as-tu jamais eu envie de savoir comment on vivait au temps des Romains ? À l’âge des cavernes ? À quoi ressemblaient les dinosaures ?
Ah regarde, la machine commence à apparaître, et avec elle, la pendulette. La voilà, et tu peux observer les aiguilles tourner vers seize heures. Exactement comme je te l’avais annoncé.
Alors es-tu convaincu ?
— Pfouuuu que dire… c’est tout simplement incroyable, c’est invraisemblable, c’est de la science-fiction. Voilà, vous êtes un magicien, un prestidigitateur. Je veux connaître le truc.
— Il n’y a aucune astuce. Pour t’en convaincre, tu dois y aller, ou plutôt, nous devons y aller.
Mais avant de partir, nous devons nous mettre d’accord. En aucun cas, nous ne devons modifier le passé, même infinitésimalement. Quelle que soit notre motivation : sauver une vie, éviter une catastrophe, un accident ou autre.
Les conséquences pourraient être catastrophiques pour notre présent.
Suis-je bien clair ?
— Bien sûr je comprends parfaitement l’importance de ne pas perturber le passé.
— Toute modification que nous apporterions inévitablement modifierait le futur, et par conséquent notre présent.
La machine n’a qu’un but, découvrir et mieux comprendre notre passé, nos origines. Pourquoi certaines choses ont été réalisées ? Pourquoi d’autres ne l’ont-elles pas été ? C’est une quête fascinante.
Quant à la contrainte de déplacement, je suis conscient que l’appareil ne peut sortir de ce local. Nous ne pouvons pas nous rendre directement à Paris, Rome ou Londres à bord de cet engin. Cependant nous avons le droit de ramener des journaux, des objets afin d’étudier et de mieux appréhender chaque époque.
Un voyage à Paris serait envisageable, mais le déplacement aller-retour prendrait plusieurs semaines. Pendant ce temps la machine resterait sous ta surveillance. Tu seras mon assurance survie.
L’idée de la miniaturiser un jour faciliterait grandement nos excursions. Mais avant de penser à des voyages aussi longs, commençons par quelques petits sauts de puces afin d’apprivoiser le fonctionnement de la machine.
— Alors es-tu décidé à tenter cette aventure avec moi ?
— Je serais fou de ne pas essayer un rêve aussi dément.
— Alors serrons-nous la main, mon ami.
Je vais partir le premier. Bien que j’aie déjà testé la machine sur une courte période, je tiens à être sûr de son fonctionnement.
Nous sommes en 1889, et je m’envoie au hasard, disons quarante ans plus tôt en 1849 pour une heure.
Mes vêtements ne devraient pas trop choquer, même si je risque de passer pour un original. J’emporte un peu d’argent pour acheter des journaux qui nous permettront peut-être de découvrir des informations intéressantes que nous ignorons encore.
Alors je m’expédie en 1849, le 22 juin à seize heures, soit quarante ans dans le passé. C’est parti, je te revois dans une heure. Et toi tu restes dans l’atelier à contrôler que tout se passe sans problème.
— Allez-y professeur que je voie ça.
(Après avoir vu le professeur disparaître, ce qui est quand même une chose inconcevable, il lui faut quelques minutes pour intégrer un tel évènement. Il se met à réaliser les possibilités que peut donner un tel engin.)
— Poufff, il est parti. Fantastique. Et maintenant une heure d’inquiétude et de stress. Va-t-il revenir ? Mais oui, bien sûr, c’est une évidence. Le professeur ne peut s’être trompé et j’ai quand même vu cette pendulette disparaître et revenir.
Après cet essai, où pourra-t-il m’envoyer ? Quelle époque ai-je envie de visiter ? Ça me plairait bien de voir Lausanne au temps des Romains ou d’assister à la construction de notre cathédrale et sa consécration par le pape et l’empereur.
Mais voilà bientôt une heure de passée, je vais le voir apparaître d’une seconde à l’autre. Je ne peux pas rester calme, je suis d’une incroyable nervosité.
(La machine commence à vibrer, monsieur Rossa arrive. Le voilà.)
— Vous voilà professeur, vous n’avez pas l’air d’aller pour le mieux. Parlez vite, dis-moi quelque chose, comment est notre ville en 1849 ? Avez-vous ramené des journaux ? Comment est…
— Du calme Antoine, du calme, laisse-moi arriver.
Je te rassure, je vais très bien. Je suis simplement sous le choc de ce que je viens de vivre : j’ai vu et me suis promené dans notre cité en 1849. Cela provoque un bouleversement difficile à digérer.
En une heure je n’ai pas pu voir grand-chose. D’autant plus que j’ai dû sortir discrètement de la cave, espérant ne croiser personne pour éviter d’être pris pour un voleur. Au retour, j’ai réintégré la cave avec la même discrétion.
Cependant, j’ai eu le temps de ramener quatre journaux : La Feuille d’Avis de Lausanne, La Guêpe, Le Constitutionnel et Le Corsaire.
Depuis l’immeuble ici, rue de La Barre, je suis monté à la place du château, puis descendu à la cathédrale. Ensuite je me suis dirigé vers la place de La Palud par les escaliers du marché, où j’ai pu acheter les journaux. J’ai continué vers la place de La Riponne, puis la place du Tunnel, bien que le tunnel n’ait pas encore été percé.
De retour à la cave et me voilà.
— Et quelles sont les sensations lorsque vous partez ? Quels sont les effets ?
— Avant de partir, la machine vibre intensément, comme tu l’as certainement remarqué. Ensuite, un éclair assez violent se produit, et je me suis retrouvé à la date choisie.
— Effectivement les vibrations sont perceptibles, mais elles ne semblent pas très violentes. Dès que vous avez disparu, elles cessent, puis recommencent quelques instants avant votre arrivée, annonçant ainsi votre retour.
— En quarante ans, la ville s’est considérablement transformée, du moins d’après ce que j’ai pu observer. Maintenant c’est à ton tour d’y aller.
(Après qu’Antoine ait reçu toutes les instructions nécessaires concernant son fonctionnement, le voilà assis sur la machine.)
— J’ai bien compris, professeur.
— Toujours décidé à partir ? En fait tu n’as pas le choix. Je vais t’expédier dans tous les cas, même si cela signifie de t’attacher à la chaise. Alors en route.
(Antoine est maintenant confortablement installé sur le fauteuil. Une légère appréhension le tracasse, mais elle se dissipe rapidement lorsqu’il se remémore le voyage que vient de réaliser le professeur.)
— Elle vibre, et l’éclair est effectivement très intense, mais sans que cela soit inquiétant. Me voici donc en principe en 1849, le 22 juin, et il devrait être seize heures, et la pendule indique bien seize heures.
Rossa est tout simplement un génie, non un prodigieux génie.
Bien, il me faut sortir de la maison sans me faire remarquer.
Je vais prendre un autre chemin que monsieur Rossa. Je passerais derrière la cité, descendrai par la vallée du Flon, puis remonterais par la place de La Palud et la future place du Tunnel.
C’est tout simplement inimaginable de voir les métamorphoses qui ont transformé ma ville. Je vais vérifier si la statue de la justice est au même endroit sur la place de la Palud. Mais je dirais que oui. Bon, il est l’heure de remonter si je ne veux pas manquer le retour.
(Antoine se retrouve à nouveau assis sur la chaise, attendant encore une minute avant le retour. Les frémissements et maintenant l’éclair.)
— Suis-je de retour ?
— Mais oui Antoine te voici à nouveau en 1889, et toujours à seize heures.
— Professeur, cela fonctionne vraiment. J’ai pu tester votre engin. Je suis parti, je suis revenu et je n’en reviens pas.
— Ne bouge pas, je vais à la cave à vins prendre ma meilleure bouteille. Cela mérite de boire mon meilleur chasselas.
(Après être revenus de la cave à vins, ils se sont fait le plaisir de déguster une exceptionnelle bouteille de Dézaley. Et lorsque celle-ci a donné tout ce qu’elle avait dans le ventre. Il était temps pour chacun de rentrer.)
— Je ne sais pas si tu vas trouver le sommeil cette nuit, moi je pense que je vais avoir beaucoup de peine. Revoyons-nous demain matin, disons vers neuf heures, après une bonne nuit, non pas de sommeil, mais de réflexions.
Et n’en parle à personne. On est bien d’accord ?
— Vous n’avez aucune crainte à avoir. À demain, professeur.
(Antoine parti, le professeur a commencé à feuilleter les journaux, mais…)
— Dix-neuf heures déjà, la cloche du dîner ne va pas tarder à sonner. Je lirais les journaux après le repas.
(À la salle à manger, il y trouve Marie apprêtant la table pour le souper, ainsi qu’on le dit en Suisse.)
— Bonsoir, monsieur. Votre journée a-t-elle été agréable ? Comme vous n’êtes pas remonté de l’atelier de toute la journée, j’imagine qu’Antoine vous a été utile.
— Excellente journée, Marie. Je pense que nous ferons une bonne équipe. C’est un garçon très agréable à côtoyer. Je lui ai demandé de revenir demain.
Ce soir, je prendrais le café à la bibliothèque. Il faut que j’étudie quelques documents.
(La bibliothèque est une grande pièce d’environ vingt mètres carrés. Sur deux murs sont accrochés de nombreux tableaux, sur les deux autres parois sont appuyées des bibliothèques remplies de livres. Nous comprenons immédiatement que nous sommes dans la bibliothèque d’un professeur d’université.)
— Examinons ces revues. Voyons de quoi parle la Feuille d’Avis de Lausanne du 22 juin, en première page, découverte d’or en Californie sur le domaine de notre concitoyen Johann Sutter le 24 janvier 1848. Il s’agit du plus grand gisement jamais découvert.
Cet évènement a suscité des rêves incroyables chez de nombreux aventuriers. Beaucoup sont partis espérant faire fortune, mais personne n’est revenu les poches pleines de pépites. L’idée de partir pauvre et de revenir immensément riche a captivé les esprits. Qui n’imagine pas une telle destinée, une telle réussite ?
À 41 ans, partirais-je si c’était aujourd’hui ? Je ne pense pas. Trop d’inconnues et trop de danger entourent cette quête.
Cependant, une idée complètement folle vient de faire boum dans ma tête : grâce à ma machine, je pourrais arriver avant tout le monde, même avant Sutter. Je découvre l’or et me voilà richissime. Surtout, j’évite la concurrence des prospecteurs et leurs appâts du gain, ainsi que tous les dangers qui les accompagnent.
Je n’avais jamais imaginé cette utilisation pour mon engin. Je ne pensais qu’à une utilisation culturelle et instructive, découvrir les époques que l’homme a traversées depuis qu’il est sorti de ses cavernes.
Mais pourquoi devrais-je me priver de la possibilité de devenir très fortuné ? Serait-ce immoral de découvrir ce filon d’or avant tout le monde ? D’ailleurs, je ne ferais de tort à personne, car jamais, je n’arriverais à épuiser un tel le filon.
Voilà deux manières de voyager incontestablement complémentaires. Pour parfaitement comprendre l’époque visitée, il faut s’y intégrer pleinement. C’est évident, il faut côtoyer les gens, travailler à la mine m’obligera inévitablement à vivre en 1848, acheter les outils, la nourriture, les chevaux.
Évidemment, si je passe avant John Sutter, est-ce que je vais vraiment bouleverser le futur ? Quels seront réellement les enchaînements de cet acte ? Je pense que cela n’aura qu’un impact minime. La ruée vers l’or aura lieu malgré tout. J’aurais simplement passé avant tout le monde, sans provoquer de séisme majeur.
Je ne prétends pas récolter l’entier de l’or de Californie à moi tout seul ; il en restera bien assez pour tous les prospecteurs qui me succéderont.
Ce qu’il faut c’est découvrir un filon à proximité de la scierie que Sutter construisait, et qui a provoqué sa découverte ainsi que le séisme qui s’en suivit.
Il me suffit de remonter quelques jours avant la découverte du gisement, de bien repérer la position de la scierie, puis de remonter encore plus loin dans le temps, avant l’achat des terrains par Sutter. Et voilà le travail, ou plutôt : au travail.
J’aime cette idée ; je n’interviens pas, je laisse les choses se poursuivre sans influence.
Tu me plais, mon cher Nicola.
Sur cette magnifique réflexion, il est temps de souffler la bougie.
23 juin 1889
— Bonjour monsieur, avez-vous passé une bonne nuit ?
— Trop agitée, Marie. Trop de réflexions. J’espère que le petit déjeuner va m’aider à attaquer cette journée de manière positive.
Antoine devrait arriver vers neuf heures ; vous me l’enverrez à l’atelier, je vous prie. Et servez-lui un petit déjeuner s’il ne l’a pas pris.
(Après avoir avalé rapidement son petit déjeuner, le professeur descend à son atelier.)
— Reprenons la Feuille d’Avis de Lausanne. La découverte de l’or le 24 janvier 1848 lors de la construction de la scierie est le point de départ. Je règle la machine sur le 14 janvier, dix jours devraient suffire pour la trouver.
Ah, j’entends Antoine qui descend l’escalier.
— Bien le bonjour, Antoine. As-tu mieux dormi que moi, ou ta nuit a-t-elle été aussi agitée que la mienne ?
— Eh bien, professeur, je ne dirais pas que ma nuit fut calme. Trop d’excitation, trop de rêves, trop d’espoirs, trop de points d’interrogation, trop de tout.
— La lecture de la Feuille d’Avis de Lausanne et l’agitation de la nuit ont débouché pour moi sur une pensée incroyable, voire absolument folle.
Je ne vais pas tourner autour du pot. Nous allons voyager pour devenir riches. Tu connais l’adage qui dit que le temps c’est de l’argent ou en anglais time is money ? Je l’ai adopté. Tu vas comprendre. Assieds-toi, je vais t’expliquer mes élucubrations nocturnes et le plan qui en a découlé.
J’imagine que John Sutter, ou plutôt Johann, est un nom qui ne te dit rien. Mais sache qu’il y a quarante et un ans, il a été l’homme le plus riche du monde.
Cependant, cet homme a fini dans la misère, et sais-tu pourquoi ? Non évidemment, tu ne sais pas. Parce qu’on a découvert de l’or sur son domaine en Californie. La fameuse ruée vers l’or de Californie, c’est à cause de lui.
Tu entends ? La découverte de l’or l’a ruiné. Incroyable histoire, n’est-ce pas ?
Et cette découverte a provoqué la ruée sans précédent dont tu as certainement entendu parler, sur ses terres. Il y a eu tellement de monde, des prospecteurs d’or de toutes sortes. Mais lorsqu’on parle d’or, il ne faut pas oublier les profiteurs, les bandits, les charlatans, en un mot la pire racaille a débarqué. Et elle a envahi toutes ses propriétés. À tel point qu’il était devenu impossible de les chasser.
Quant aux autorités, elles n’ont rien fait pour l’aider. Au contraire, elles ont tout fait pour le déposséder de tous ses biens. Il faut dire qu’une ville s’est développée : Sacramento.
Mais nous, nous savons où ce premier filon a été découvert.
Voici mon idée : nous allons en Californie et découvrons l’or avant James Marschall, le charpentier employé de John Sutter. C’est lui qui a trouvé la première pépite. Ainsi, nous deviendrons immensément riches, et cela sans bouleverser le futur. Nous n’empêcherons pas la découverte de cet or ni tout ce qui s’en est suivi. Tout ce que nous faisons, c’est passer avant et ne ramasser qu’une petite partie. Ensuite, nous rentrons et laissons l’histoire se poursuivre.
N’est-ce pas une idée géniale ?
— À tout point de vue magnifique. Mais je ne suis pas certain d’avoir tout saisi. Vous aviez bien insisté sur l’objectif de cette mécanique : « La machine n’a qu’un but : découvrir et mieux comprendre notre passé, nos origines, pourquoi ceci, pourquoi cela. » Ce sont bien vos paroles ?
Voyager pour devenir riche, est-ce pour mieux comprendre nos origines et notre avenir ?
— C’est vrai que je l’ai dit. J’ai peut-être pensé un peu rapidement à une action héroïque, une épopée. Mais l’épopée peut-elle faire, ou suffit-elle, au bonheur ? Eh bien, je me suis dit que nous pouvons atteindre les deux objectifs : une grande aventure héroïque et le plaisir de voir un compte en banque bien fourni. L’argent ne fait pas le bonheur, l’épopée non plus, mais l’addition des deux peut-être.
— Vous êtes un rêveur vénal, monsieur Rossa. Pour ce qui me concerne, je peux très bien vivre avec ça : l’héroïsme et la cupidité.
Encore une chose, j’avais compris que nous ne pouvons quitter cet atelier avec cet appareil. Exact ?
— Exact.
— Par conséquent, nous reculons de quarante ans, puis nous entamons le voyage jusqu’à la côte ouest de l’Amérique. Comptez au minimum douze à quinze mois pour l’aller seul, idem pour le retour, sans parler des dangers liés au voyage. Ajoutons encore quatre à six mois sur place. Le total de l’expédition environ trente-quatre mois. Trois ans !
Et pendant ces trois années, la machine tourne sans arrêt, sans personne pour la réparer en cas de problème. Elle pourrait donc tomber en panne, nous laissant bloqués dans le passé et disparaissant ainsi du présent, et donc de notre futur.
Par conséquent, l’unique possibilité est de déplacer la machine en Californie. Cependant, vu sa dimension, le déplacement semble illusoire, voire franchement impossible.
— Tu as absolument raison, Antoine. Ton résumé de la situation est tout à fait correct. Cependant, je n’ai pas dit que nous le ferions tout de suite ni même donné de date. Entre deux voyages, je vais me creuser les méninges pour rendre cet engin transportable.
En attendant, nos voyages se limiteront à Lausanne. Difficile de faire fortune en restant chez soi. Peut-être découvrirons-nous un trésor enfoui depuis quelques siècles. Et qui sait, peut-être aurons-nous la chance d’apercevoir les dinosaures qui ont fréquenté notre ville.
— Professeur, vous oubliez une dimension : le futur.
— Que veux-tu dire par là ?
— Que le constat me semble limpide : plus l’homme évolue, plus ses connaissances augmentent. Peut-être que dans un ou deux siècles vous trouverez la technique pour rétrécir la machine. Grâce à la science, cela deviendra peut-être réalisable.
Allons donc dans le futur pour mieux aller dans le passé. Voilà ce que je pense, et donc je le dis.
— Mais il y a du génie dans cette tête.
— La réflexion n’est pas terminée. La machine doit pouvoir se transporter facilement, car l’environnement dans quelques dizaines d’années ou plus est incertain. Par exemple, la maison sera-t-elle toujours debout ou aura-t-elle disparu ? Où arriverons-nous ? Au milieu d’une place à la vue de tout le monde ? Ou sous terre, sous un remblai ?
— Tu as absolument raison, nous devrons trouver la date de la démolition de cette maison afin de pouvoir la déplacer discrètement avant. Mais le constat est limpide : cette machine doit rétrécir à tout prix si nous voulons assouvir nos ambitions pécuniaires et héroïques.
Antoine, revoyons-nous dans deux jours. Il me faut un peu de temps pour analyser la situation.
24 juin 1889
(Afin de s’aérer l’esprit, le professeur Rossa décide de faire une promenade dans la forêt de Sauvabelin, située juste au-dessus de son logement. Cela pourrait l’aider à résoudre le problème posé par Antoine : comment réussir à réduire l’encombrement de cette machine extraordinaire ?)
— Pourquoi ne puis-je déplacer cet engin ? La réponse est connue : il est beaucoup trop encombrant, trop grand.
Sa taille doit être réduite, mais c’est tout simplement impossible aujourd’hui. J’aurais beau chercher, je ne trouverais pas de composants plus petits. En tout cas, pas à notre époque, évidemment. Mais dans le futur, peut-être.
Par conséquent, ainsi que l’a dit Antoine. La solution se trouve peut-être dans le futur. Alors, allons-y.
25 juin 1889
— Mon ami, je n’ai pas trouvé de meilleure idée que celle que tu as évoquée l’autre jour. Je vais donc découvrir la date de démolition de la maison. Ainsi, je saurais jusqu’à quel siècle je peux avancer sans risque de me retrouver sur une place. Et si la date est suffisamment éloignée, je trouverais peut-être les composants nécessaires.
Mais avant cela, je vais questionner discrètement mes confrères afin d’avoir leur avis sur les possibilités de trouver des composants de plus petites tailles. Je te tiendrais informé dès que j’aurais une réponse intéressante.
11 mai 1927
(Nous sommes toujours dans la cave, l’atelier ou laboratoire du professeur Nicola Rossa. Il célèbre à nouveau la fin d’un très long travail qui a duré trente-huit années. Le professeur, malgré les années qui se sont écoulées, reste svelte pour son âge et n’a toujours pas adopté la barbe.)
— Depuis que j’ai eu cette brillante idée le 25 juin 1889, grâce à mon livre de bord, j’ai pu retrouver la date. Il m’a fallu trente-huit ans pour réussir à miniaturiser et rendre transportable ma machine à voyager dans le temps. J’ai enfin réussi à couper le cordon ombilical qui me lie à mon atelier. Maintenant je suis libre d’aller où je veux.
Mais aujourd’hui j’ai septante-neuf ans.
Enfin, je peux réaliser mon rêve de vivre la découverte de l’or le 24 janvier 1848 en Californie et devenir enfin riche, ce que je n’ai pas réussi à accomplir.
Cependant, mon âge ne m’autorise plus une telle aventure.
Il y a une injustice et une frustration : avoir la possibilité d’accomplir un rêve sans pouvoir le concrétiser. Que ne donnerais-je pour pouvoir reculer de trente-huit ans, évidemment avec ce nouvel appareil. J’aurais beau retourner, cela ne me fera pas rajeunir. J’aurais toujours septante-neuf ans, en tout cas jusqu’au prochain anniversaire.
(Le savant se plonge dans une longue et profonde réflexion : comment réaliser ce rêve ? Il doit bien y avoir une possibilité de la vivre cette aventure. Rarement le professeur n’a autant sollicité ses méninges. Mais une idée est venue frapper à la porte.)
— Ce délire, je pourrais le vivre par procuration et profiter quand même de cette fortune, à retardement bien sûr.
L’illumination qui vient de me traverser l’esprit est une idée complètement folle, mais tellement excitante. Je dois essayer de la concrétiser. Non, je vais la concrétiser.
Je résume l’idée : j’apporte deux nouvelles machines à moi-même en 1889, en pensant également à Antoine qui m’accompagnera à coup sûr. Ainsi, je me donne la possibilité d’effectuer enfin le voyage en 1849. Mais pour que le voyage soit le plus rapide possible, je dois les faire avancer dans le futur. Les temps de trajet n’ont rien à avoir avec son époque, puis je les ferai reculer en 1849.
Je me les livrerai accompagnées des explications quant au fonctionnement et sur les époques qu’ils vont traverser, ainsi que la manière de se rendre à Sacramento. Cela me paraît réalisable.
Je vais donc m’atteler à la fabrication de ces deux modèles supplémentaires, et je pourrais les amener dans un mois.
15 juin 1927
— Maintenant que les deux appareils sont réalisés, il me faut écrire une lettre explicative à ces deux voyageurs du temps.
En quelle année vais-je les faire voyager ? Les années 1970 me semblent les plus appropriées, car elles poseront le moins de problèmes pour le passage des frontières. Après, cela deviendra beaucoup plus compliqué. Le voyage s’effectuera donc en 1970.
En 2050, le voyage serait nettement plus rapide. Cependant, l’argent, tel que nous le connaissons, n’existera plus. Cela posera un problème supplémentaire qu’ils n’arriveront pas à surmonter avec leurs connaissances.
Que leur faut-il pour entreprendre ce voyage ? Voici les éléments nécessaires :
Demain, j’irai faire les emplettes en 1970 et 1848. Je dis cela comme si j’allais à l’épicerie du quartier. Incroyable !
20 juin 1927
— Maintenant que les achats sont faits, en route pour le 26 juin 1889 à trois heures du matin, ainsi le risque de me croiser tend vers zéro. En principe.
26 juin 1889
(Après une bonne nuit de sommeil, monsieur Rossa, reposé, descend à son atelier. Il n’a pas encore réussi à interroger ses confrères sur une miniaturisation possible de son engin. Mais cela n’a plus aucune importance au vu de ce qu’il découvre.)
— Eh bien, cette journée de repos m’a fait le plus grand bien. Allons voir cette machine et réfléchir au problème de la miniaturisation ?
Mais qu’est-ce que tout ceci ? Des vêtements ? Un livre : histoire du monde de 1900 à 2000 ? Trois enveloppes numérotées ? Une lettre ?
Que s’est-il passé ici cette nuit ? Qu’est-ce que cette lettre ? Qui me l’a écrite ? Et pourquoi me la poser à l’atelier et ne pas me la transmettre par coursier ? Et surtout, comment est-on entré sans que Marie et moi-même l’ayons remarqué ? Voyons quand même ce qu’elle raconte.
« Mon cher toi, ou plutôt mon cher moi,
Mais oui, c’est toi qui t’écris à toi, ou si tu préfères, moi qui t’écris à moi, le 15 juin 1927. Nous sommes toujours de ce monde en 1927, à septante-neuf ans.
Prends le temps de digérer cette nouvelle, je te l’accorde, elle est assez incroyable, non, elle est totalement invraisemblable. Pourtant, absolument vraie.
L’idée qui a surgi le 25 juin 1889 était absolument correcte. Il fallait aller vers le futur pour réduire notre engin. Mais cela n’a pas été simple de découvrir tous les éléments. Cela a même été extrêmement compliqué. Trente-huit années, il m’a fallu.
Mais maintenant, avec ce courrier, je vais te donner la possibilité de réaliser notre rêve de vivre l’aventure des prospecteurs d’or en 1848, sur les traces de Johann Sutter.
Donc, en 1927, j’ai enfin réussi à réduire l’encombrement de notre machine, et donc de nous donner la possibilité de nous déplacer avec elle en toute discrétion, en la plaçant dans une valise. Ce début de siècle n’a pas été particulièrement prolifique en découvertes et évolutions techniques, du moins pour ce qui nous concerne. J’ai donc dû sauter quelques dizaines d’années. Je t’expliquerai cela une autre fois.
Lors de mes voyages dans le futur, j’ai même découvert qu’un farfelu a créé une machine à voyager dans le temps en partant d’une voiture (regarde dans le livre que je t’ai également apporté pour savoir ce qu’est une voiture). En soi, l’idée est bonne, mais elle ne permet que de se déplacer dans le futur ou dans un passé très proche.
Pour simplifier, dès qu’il n’y a plus de route, la machine ne peut atteindre la vitesse nécessaire pour le déplacement temporel. Cette vitesse ne peut être atteinte qu’avec l’aide d’un carburant à base de pétrole, ce qui entraîne un réel risque de panne si ce combustible venait à manquer, comme cela lui est déjà arrivé. Mais ça, c’est une autre histoire.
J’ai donc cherché une source d’énergie qui ne risque pas de manquer à toutes les époques visitées et qui nous laisse toute liberté quant au choix de l’épisode historique que nous souhaitons vivre. La seule source inépuisable, bien que limitée à la journée (je te l’accorde), c’est le soleil. Heureusement, nous pouvons stocker cette énergie pendant la journée et l’utiliser la nuit.
Après de nombreux allers-retours entre le passé et le présent, j’ai réussi à réduire la machine à ses éléments essentiels :
— une veste, ou plutôt une sorte de veste, tissée avec un fil très spécial que tu ne peux pas connaître et que j’ai découvert en 2075. Ce fil, aux propriétés mystérieuses, capte les rayons du soleil, qui se transforment ensuite en énergie. Pour la charger du combustible nécessaire, il te suffira de l’exposer au soleil.
Sois extrêmement soigneux, car le tissu ne doit pas être endommagé. Tu ne peux la plier qu’aux articulations, ce qui te permettra de la transporter dans une valise. La fermeture de cette pièce se fait grâce à un fermoir appelé fermeture éclair, qui sera ensuite sécurisé avec deux bandes rugueuses en les pressant l’une contre l’autre. Rien de mieux n’a été inventé pour l’instant.
Le casque est un assemblage de matériaux qui n’existera que dans un futur lointain. Tu dois le raccorder à la veste à l’aide de pièces carrées appelées prises, situées à gauche et à droite. Emboîte-les soigneusement et protège-les également avec les bandes velcro. Pour te déplacer, abaisse la visière du casque, qui obstruera complètement ta vue pour éviter l’aveuglement causé par l’éclair du départ et de l’arrivée, que tu connais bien et que je n’ai pas réussi à supprimer.
Ensuite, tu trouveras un avant-bras de commandes, également appelé tableau de bord, à placer sur ton avant-bras gauche. Raccorde-le à la veste en utilisant les prises que tu vois en dessous. Les commandes sur ce tableau de bord t’informeront de trois dates essentielles : celle où tu te trouves actuellement, celle où tu souhaites te rendre, et celle d’où tu viens. Tu y trouveras également le niveau de charge, ou d’énergie, de la veste, indiqué par trois couleurs :
Une fois la date de ta destination choisie, abaisse la visière du casque, appuie sur le bouton marqué « GO », et tu ressentiras la veste et le casque vibrer pendant plusieurs secondes, exactement comme la machine originale. Instantanément, tu te retrouveras à la date sélectionnée.
Ne sois pas surpris par l’évolution de la machine.
J’ai consacré trente-huit ans à atteindre ce résultat. J’ai effectué de nombreux voyages jusqu’à ce que je découvre les composants permettant les déplacements temporels, et surtout, jusqu’à ce que je comprenne l’évolution des mathématiques, de la physique, de l’électronique, de la microtechnique et d’autres sciences qui te sont encore inconnues. Je m’arrête là dans l’énumération, car elle risquerait de t’embrouiller davantage.
Grâce à la légèreté et à l’encombrement réduit des différents éléments, tu pourras enfin réaliser notre rêve de te rendre à Sacramento, tel que nous l’avions imaginé ce 23 juin 1889, soit avant-hier pour toi.
Maintenant, il est temps de te déplacer, accompagné d’Antoine, jusqu’en Amérique. Ce voyage te prendra environ vingt heures. Ne sois pas surpris, car tout va beaucoup plus vite désormais. Preuve en est : l’homme a atterri sur la lune le 20 juillet 1969. Mais rassure-toi, nous ne visiterons pas la lune, seulement l’Amérique.
Voici comment procéder :