Un si long voyage - Franck Aubert - E-Book

Un si long voyage E-Book

Franck Aubert

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Beschreibung

Inspiré de faits réels, "Un si long voyage" relate l’histoire d’un jeune homme perturbé mais passionné par l’art culinaire. Dans les années 1980, il se lance dans ce métier exigeant, héritant du savoir de chefs qui lui permettent de s’épanouir. Seulement, son parcours est semé d’embûches : parti à des milliers de kilomètres de chez lui, il se retrouve sans passeport et confronté à son destin. Entre expériences sentimentales, mésaventures, chance et chagrin, ce récit explore les thèmes de la passion, de l’organisation et du travail acharné, offrant un portrait authentique d’un homme en quête de son chemin.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Aventurier culinaire et artisan du goût, Franck Aubert a tracé son chemin sans attache formelle mais avec une passion inébranlable pour la cuisine. De pâtissier à cuisinier, il a sillonné le monde professionnel. C’est dans les enseignements de ses aînés qu’il a forgé son éthique du travail, mettant en avant le dévouement à l’excellence et le respect des produits.

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Franck Aubert

Un si long voyage

Roman

© Lys Bleu Éditions – Franck Aubert

ISBN : 979-10-422-3666-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce livre est dédié à la mémoire de Stéphanie

disparue en 1983,

à Claudia, Albert, Sabrina

et les autres, en 1985

Préface

Quelques noms dans cette histoire vraie ont été changés, ce livre retrace les quelques années d’un jeune homme perturbé mais passionné par son métier, parti en vacances pour se retrouver sans passeport à 9800 kilomètres de chez lui. Le récit de nouvelles expériences sentimentales dans un long voyage de mésaventures, de chance, d’exaltation et d’épreuves.

Chapitre 1

Le jeune Franck

Propriétaires de leur boulangerie-pâtisserie près de Nantes, mes grands-parents me gardaient très souvent quand j’étais petit. J’avais peut-être 6 ou 7 ans, j’aimais bien traîner dans le fournil de leur boulangerie après l’école, à jouer seul sous leur surveillance, à faire en premier des bêtises, puis à aider contreune récompense. Je me souviens que mes premiers labeurs ont été d’utiliser un pinceau dans de l’œuf battu avec de l’eau, du sel et de badigeonner les croissants, pains au chocolat et autres, de vaporiser de l’eau sur les pains variés ou baguettes qui levaient, de parsemer de la farine au-dessus avant que pépé les enfournât dans son four à bois. Plein de travaux pour mes petites mains, tout en apprenant mes tables de multiplication, à faire des soustractions ou à additionner de mémoire. Mon grand-père disait toujours que les boulangers-pâtissiers devaient les connaître de mémoire pour calculer rapidement et connaître les quantités pour toutes les recettes qu’ils confectionnaient. Contrairement au cuisinier, ce métier était une science, car les poids, les mesures, les températures ambiantes, celle des ingrédients, du four et le temps de cuisson rentraient en compte pour la finition parfaite des pains ou des excellentes pâtisseries.

Avec ma grand-mère, nous ramassions tous les légumes du grand jardin derrière la maison, haricots verts, poireaux, carottes, cornichons et autres pour en faire des bocaux de verre que nous appertisions pour les préserver dans les placards à l’abri de la lumière. La douzaine d’arbres fruitiers au fond du jardin nous permettait de confectionner, après ramassage qui était mien, tous les matins avec mon panier en osier plusieurs dizaines de pots de confitures ou marmelades. J’étais aussi avec ma tata son petit marmiton qui l’aidait à faire des plats mijotés dans de très grosses cocottes qui cuisaient doucement dans le four, tout dépendait de ce qu’il y avait dedans, grand-père râlait toujours quand il devait s’occuper des trois ; que ce soit de la choucroute, du cassoulet, du bœuf bourguignon, de la blanquette de veau, du couscous, du navarin d’agneau et plein d’autres délicieux plats mijotés. Les amis et clients venaient chercher les portions dans leurs récipients ou bocaux qu’elle préparait. Enfin, j’apprenais et faisais toujours quelque chose de manuel avec eux, grand-mère disait de moi à ses amies, si vous cherchez Franck chez moi, allez directement dans le garage à l’établi de mon mari, c’est là que vous le trouverez à démonter ou remonter quelque chose.

Tout a changé quand mes parents ont décidé de déménager pour nous installer dans le Sud-Est de la France, à Antibes, 1128 kilomètres de Nantes. J’entendais à huit ans ma mère dire, concernant le climat là-bas, qu’il n’y avait pas de brouillard, trop de pluie, des gelées ou du verglas le matin, mais un soleil chaud, la mer Méditerranée, des plages de sable blanc, des montagnes, des palmiers et surtout un bon travail pour mon père, qui était parti en premier pour nous trouver un appartement. Quelques semaines après, ma mère, mon frère, les deux canaris dans leur cage, la chienne Picsou et moi sommes partis en train pour traverser la France, apercevant en cours de route de très beaux paysages. En m’endormant sur la banquette, j’entendais le bruit des roues du train rouler sur les rails, ce matin-là, mes yeux s’ouvrirent sur les rayons d’un soleil qui m’éblouissait, en voyant des palmiers en bordure de mer défiler à travers la fenêtre. Sous un ciel bleu étincelant, j’apercevais au loin une chaîne de montagnes enneigées qui tombaient dans la mer, c’était magnifique, à huit ans, je pensais être arrivé au paradis.

N’ayant pratiquement pas grandi avec un frère de trois ans de plus mon aîné, nous nous chamaillions beaucoup dans le Sud. Il était rare, à cet âge-là, que j’aie des vêtements neufs, car ma mère me refilait toujours ce que mon frère ne pouvait plus porter et ses reproches à chaque fois concernant ceci nous distançaient un peu plus. Cela n’a pas été facile pour un jeune garçon comme moi de trouver des amis, on m’appelait « Le Nantais », et à l’école c’était pire ; nous les jeunes d’ailleurs n’étions pas vraiment acceptés. Mes camarades étaient marocains, algériens ou d’autres régions de France, ce qui engendrait des clans et quelques conflits avec les locaux par des bagarres à la récréation ou en dehors de l’établissement. Mes meilleures amies à l’école n’étaient que des filles. Sylvie, Corinne, Isabelle, Véronique et moi traînions toujours ensemble à la sortie des classes et pour nous faire un peu d’argent de poche, en passant aux Galeries Pugnaire des rayons de disque 45 tours, nous nous organisions pour détourner le regard du surveillant pour mettre les disques sous nos vêtements et sortir sans rien acheter. La vente à 75 % du prix se faisait à la récréation de l’école le lendemain et le butin était toujours à partager en cinq, certaines d’entre elles recevaient même des commandes de disques à dérober. Ceci a duré quelques mois avant qu’ils réalisent la baisse de leur stock et ils avaient donc condamné une porte de sortie qui rendait nos braquages aux 45 tours plus compliqués. Alors, nous avions décidé d’un accord de ne plus jamais le refaire. Heureusement, car quelques jours plus tard dans le journal local Nice Matin nous avions lu que nous n’étions pas les seuls à faire ça, un groupe de cinq jeunes garçons s’était fait attraper la main dans le sac dans le même magasin. Une estimation d’une valeur de 200 000 francs leur avait été volée sur une période de quelques mois.

Je ne disais rien, mais mes grands-parents me manquaient beaucoup et avec les années qui sont passées, je suis devenu un adolescent plus grand que son frère et il fallait dorénavant m’acheter des vêtements neufs. Grand et blond aux yeux bleus à qui l’on n’a jamais offert un livre pour son anniversaire, j’ai fumé mes premières cigarettes mentholées avec ma mère et je ne me rappelle pas qui me faisait faire ma lecture ou mes devoirs d’école. Je devais donc affronter les bancs des classes avec de grosses lacunes et des difficultés dans certaines matières très importantes comme le français, l’histoire et la géographie. L’échec scolaire m’avait été inévitable, tout en traînant avec les mauvaises personnes.

Je me suis retrouvé à comparaître devant un juge au tribunal de Nice pour mineur pour un délit que j’avais commis avec deux connaissances dans mon quartier de la cité SNCF. Le jour de mon jugement, le juge me posa une seule question :

— Jeune homme, en regardant votre carnet scolaire, je vois que vous avez de très bonnes notes en mathématiques, science, dessin, travaux manuels, technologie, et que dans les autres matières, vous êtes nul. Pourquoi ça ? Quel métier voulez-vous faire plus tard ?

Après un temps d’hésitation.

— Comme mon grand-père, boulanger-pâtissier, monsieur.
— Mais ça, c’est un très beau métier, jeune homme.

En regardant ma mère qui était présente.

— Eh bien, alors, peut-être qu’une orientation vers un apprentissage en pâtisserie serait bien pour vous encadrer et vous éviter de faire de grosses bêtises dans le futur, qu’en pensez-vous, madame ?

Timidement.

— Oui, peut-être.

Le juge leva le ton de sa voix.

— Comment ça, « peut-être » ? Madame, votre fils a bientôt 16 ans, il vient de faire trois semaines de maison d’arrêt, il a déjà redoublé une classe, a été renvoyé une fois d’un établissement scolaire, vous dit qu’il veut faire comme votre père, je crois !
— Oui, monsieur, mon père.

Au moment de rendre la sentence de mon délit, le juge annonça :

— Cette cour du 10 octobre 1978 vous condamne à 3 semaines de prison ferme, 3 mois de prison avec sursis, 3 ans de mise à l’épreuve et vu que c’est la première fois que vous comparaissez devant un tribunal, vous êtes libre, jeune homme, libre d’apprendre un métier qui vous plaît, à condition que vous et vos parents vous engagiez au plus vite dans la voie du métier que vous désirez faire. Bonne chance à vous.

Ma mère pleurait au tribunal, elle m’embrassa à ma sortie de la maison d’arrêt de Nice, mon baluchon sous le bras, et en rentrant dans la voiture, j’appréhendais mal la confrontation avec mon père ce soir-là. Vu l’heure tardive, mon père toujours pas rentré, nous avions décidé une fois de plus de dîner sans lui. Elle m’ordonna d’aller dans ma chambre en me disant :

— Nous lui parlerons demain midi ! ce sera mieux !

Je l’embrassai et partis dans ma chambre. Comme à son habitude, le soir, mon père rentra vers 20 h 30 après son long détour à passer dans plusieurs bars pour consommer des bières. Le lendemain matin, elle me demanda de venir parler à son patron qui était président des pâtissiers d’Antibes, et qu’il aurait peut-être une solution pour moi. J’arrivai dans la pâtisserie où elle travaillait, après avoir dit bonjour à tout le monde ainsi qu’à Danis, son patron, qui me demanda de le suivre. En quelques minutes de marche, nous arrivâmes dans l’une des meilleures pâtisseries de la ville : « Le palais de la Friandise », chez monsieur Georges Rousson, un meilleur ouvrier de France en pâtisserie, chocolat confiseur. Il avait accepté de me prendre à l’essai une semaine pour voir si je pouvais m’adapter au travail que son équipe et lui faisaient et je commencerai demain à 8 h du matin. Au déjeuner, ma mère et moi avions parlé à mon père en lui montrant le rapport du jugement. Il nous répondit qu’il connaissait bien monsieur Rousson et que c’était parfait, la pâtisserie était juste à côté de son travail.

Le lendemain arrivé avant l’heure, je mis mon t-shirt blanc, monsieur Rousson me donna un tablier et il me présenta à tout le monde. J’étais en admiration devant le travail fait dans cette pâtisserie, avec toutes les différentes viennoiseries, les entremets, gâteaux avec des décorations sublimes de fleurs mangeables, des petits fours de toutes sortes ainsi que plusieurs variétés de chocolats délicieux. Peut-être que les premières semaines je grattais seulement les plaques noires du four, que j’avais la charge de la plonge, du nettoyage et de la propreté de l’intérieur des frigos, mais j’étais heureux de trouver un sens à ma vie. Je passai le test de la semaine haut la main, contrairement aux autres apprentis déjà en place. Je restais plus tard avec le patron pour l’aider à tremper les chocolats ou bien concevoir les décors de fleurs en pâte d’amande ou sucre pour les différents entremets en commande du lendemain.

Déjà dix-huit mois chez monsieur Rousson comme apprenti, je ne travaillais pas que pour les 600 francs (90 €) par mois mais pour apprendre tout ce que je pouvais, car j’aimais ce que je faisais. J’étais tellement bon que le jour où monsieur Rousson eut son accident de vélo, je n’avais même pas 18 ans, il demanda devant tous les ouvriers pâtissiers beaucoup plus âgés que moi que je prenne sa place durant son absence de plusieurs semaines de convalescence, à faire toutes les décorations, en écrivant sur les gâteaux d’anniversaire, à préparer les commandes, à faire les chocolats et les confiseries. Un très bon ami de monsieur Rousson venait souvent le voir, nous l’appelions monsieur Joe, nous savions qu’il était cuisinier mais ne savions pas qui il était et dans quel restaurant il travaillait. Comme je l’avais informé que mon oncle était aussi cuisinier, il me proposa devant monsieur Rousson de venir voir ce qu’ils faisaient comme desserts à l’assiette à son restaurant. Je trouvai cela banal mais quand monsieur Rousson me regarda.

— Oui, cela pourrait être intéressant pour toi, Franck, de voir ce qu’il s’y fait dans les très grands restaurants !

Alors me voilà arrivé un soir avec ma Peugeot 104 cyclomoteur, la veille de mon jour de congé à l’adresse du restaurant « La Bonne Auberge ». Ne sachant rien concernant les étoiles Michelin et la restauration, je ne savais pas où j’étais. Je me suis fait tout petit parmi cette grande brigade de cuisiniers en exercice, ne connaissant personne à part Philippe que j’avais vu avec monsieur Joe à la pâtisserie. Ce premier soir, qui était comme un stage pour moi, a été un élément d’influence sur ma motivation de vouloir apprendre toujours plus, alors je demandai à monsieur Joe si je pouvais encore revenir quelques fois dans la semaine pour aider en cuisine et en pâtisserie entre 14 h et 19 h et pour quelques services du soir à voir partir les assiettes.

— Oui, bien sûr, mais nous ne te payerons pas.

Je lui répondis du tac au tac.

— Oui, pas de problème, mais moi non plus ! Surpris de ma réponse, il me questionna :
— Mais que veux-tu dire par là ?
— Eh bien, parce que mon grand-père m’a dit qu’il y a très longtemps c’était la famille de l’employé qui payait le chef pour apprendre le métier.

Il me regarda en souriant.

— Oui, c’est exact. Et il partit en rigolant.

J’ai appris plus tard que son nom était Joseph Rostang et que son restaurant avait plusieurs étoiles Michelin, une institution culinaire gastronomique française de la région à l’époque où toutes les plus grandes personnalités, artistes français et étrangers venaient savourer cette cuisine méditerranéenne d’exception faite de produits frais locaux, créée par son équipe et lui-même.

Chapitre 2

La préparation

M’approchant de mes 18 ans, il était temps pour moi de passer mon permis de conduire et de m’acheter une voiture, alors il me fallait gagner plus d’argent très rapidement. J’ai donc pris la dure décision cette saison 1982 de démissionner de la pâtisserie tout en restant en excellents termes avec monsieur Rousson, pourtravailler les six prochains mois dans un restaurant du vieil Antibes avec une très bonne réputation, « Chez Paul le Pêcheur ». Le matin, je confectionnais les pâtisseries du jour, nettoyais à leur arrivée les poissons, les crustacés, préparais les filets et me changeais après pour faire le service du midi et soir. J’étais jeune, je travaillais dur et les journées étaient longues, mais je gagnais bien ma vie pour mon âge avec les pourboires, quinze à vingt fois plus que si j’avais continué mon apprentissage en pâtisserie. De plus, notre équipe de salle avait du succès avec les filles qui passaient ou venaient au restaurant.

Avec notre tenue vestimentaire de petit marin, le béret de la marine nationale française sur la tête, elles voulaient toutes toucher le pompon rouge qui soi-disant portait bonheur. Je passais toujours dans son laboratoire dire bonjour à monsieur Rousson et au restaurant de monsieur Joe pendant certaines de mes coupures de travail. La saison se terminait, fin septembre arrivait et les vacances étaient déjà dans nos têtes, chacun de nous avait ses propres projets de destination.

Pour ma part, plusieurs clients me disaient d’aller visiter les USA, la Californie, la Floride ou New York, je rêvais d’y aller, car j’avais eu une relation avec Barbara, une très belle jeune femme américaine pendant le festival du film de cannes. Elle m’avait écrit à plusieurs reprises de venir la rejoindre là-bas en vacances avec Didier, un ami qu’elle connaissait déjà, alors cette année 1982, je pris la décision de faire le plus long voyage de ma vie et de la rejoindre à Beverly Hills en Californie où elle vivait et travaillait dans l’industrie cinématographique. Mon anglais était à vrai dire nul mais elle parlait très bien le français. J’aimais aller avec des femmes plus âgées que moi, car je faisais plus vieux que je ne l’étais, profitant des balades avec Barbara en Porche dans l’arrière-pays cannois, être auprès d’une séduisante femme ne me déplaisait pas du tout, au contraire. La fille de mon patron, Paul le Pêcheur, m’appelait « Le Bembo de service », elle disait cela, car j’avais refusé plusieurs fois ses avances indécentes.

Je devais l’annoncer à mes parents et cela était délicat, car après ce court passage en maison d’arrêt, l’étouffement moral que je subissais toujours chez eux m’influençait sur le désir de m’envoler de mes propres ailes pour affronter les chalenges de la vie. J’avais purement et simplement perdu leur confiance, il me donnait l’impression que je n’existais plus. Il y en avait que pour mon frère Patrick, car lui était rentré à l’université de Jules Ferry de Cannes.

Alors après avoir pris ma décision, je suis allé voir ma mère sur son lieu de travail pour lui annoncer que je partirai le 2 octobre en vacances à Los Angeles aux États-Unis. En lui disant, je pus lire sur son visage une petite angoisse.

— Eh bien, tu iras l’annoncer toi-même à ton père !

Notre relation, mon père et moi, n’était plus la même, car en passant dans la rubrique des faits divers du journal local Nice Matin, j’avais déshonoré le nom de notre famille, quelques personnes le connaissant lui en avaient même fait le reproche. Bien sûr, je ne lui en ai jamais voulu, je respectais sa décision, mais je ne comprenais pas pourquoi il ne voulait pas me pardonner après toutes ces années déjà passées. Mon frère, quant à lui, me disait d’un air sournois :

— Dans la vie, tout est permis, seulement, il ne faut pas se faire attraper.

Marchant et réfléchissant comment lui annoncer, j’arrivai à la boucherie où il travaillait. Surpris de me voir, il me demanda :

— Que veux-tu ?

Là avec un temps d’hésitation, je lui annonçai mon intention de partir en vacances en octobre aux USA. Sans aucune vraie réaction et toujours à parer sa viande et répliqua :

— Très bien, eh bien, tu vas le dire à ta mère !

Moi ne sachant plus quoi lui dire avec un petit sourire aux lèvres.

— Je ne peux pas !
— Et pourquoi ça ?
— Parce que, c’est elle qui m’envoie.
— Ah bon, eh bien alors, à ce soir.

Après avoir dit au revoir à tout le monde dans la boucherie, je pris la direction de l’agence de voyages en cyclomoteur pour rejoindre mon copain Didier qui devait déjà être sur place.

J’arrivai à l’agence « Nouvelles Frontières », Didier était là, nous rentrâmes pour en savoir plus sur le prix du billet et de nos obligations documentaires de ce voyage. Grâce à Pascale, la sœur d’une copine qui travaillait ce jour-là, nous apprîmes que les Français devaient avoir un visa pour visiter les USA, sur un passeport qu’il me fallait aussi et que le mieux était d’obtenir un « Visa multiples » mais que seulement l’ambassade américaine de Paris, du Mexique ou bien du Canada en délivrait et pas celle de Marseille qui était la plus proche de chez nous. Comme Didier, mon copain, et moi voulions faire un voyage de vacances, nous décidâmes de prendre un aller multiples villes et un retour open d’un an. Alors voilà le plan, avec le budget qui était le nôtre. Nous partirions de Nice pour Madrid, deux nuits, puis Montréal Canada, trois autres nuits, puis Mexico City au Mexique une semaine, et là nous irions à l’ambassade des USA, pour y prendre ce fameux Visa multiples et achèterons un billet aller-retour open pour Los Angeles. Nous avions un an pour être dans l’avion à Mexico City pour ne pas perdre notre billet du retour pour la France. Ayant obtenu de Pascale la liste des documents requis pour ce passeport, comme hier j’avais eu dix-huit ans, je montai à la sous-préfecture de Grasse en cyclomoteur pour y faire la demande et revenir la semaine d’après le récupérer.

J’étais très excité de faire ce premier grand voyage avec Didier, qui parlait un peu espagnol, le fils d’un ami à mon père. Le 2 octobre se rapprochait, je devais le rejoindre à l’agence pour payer les billets et prendre les quelques réservations d’hôtel. Arrivé sur place, j’appris par ma copine que Didier ne pouvait plus venir, car il n’avait pas réussi à réunir l’argent pour voyager, il comptait sur ses parents pour l’aider un peu. Seulement ses parents avaient décidé cette année-là de divorcer et ne pouvaient pas participer à ce voyage. Alors me voilà à l’agence avec mon argent, mon passeport et tous les documents requis à réfléchir aux conséquences de partir tout seul. J’étais tellement en colère après Didier que je n’ai même pas réfléchi longtemps, en quelques minutes ma décision était prise, j’avais mes billets d’avion, mes réservations d’hôtel dans ma sacoche. J’avais bien vu Didier le soir même, et lui avais demandé de ne rien dire à personne avant le jour de mon départ, car il devait me déposer à l’aéroport. Après il dira ce qu’il voudra, je m’en fous, moi je pars, à moi les vacances, Hollywood, les stars et tout ce qui va avec, je pars…

Chapitre 3

Madrid et Montréal

Dû aux restrictions économiques que le président français actuel, monsieur Mitterrand, avait instaurées aux frontières pour stabiliser le Franc. Quelques décrets avaient été mis en place pour que les touristes français ne sortent pas trop d’argent en vacances à l’étranger, il y avait une certaine limite en devise étrangère et 1000 Fr en poche comme assurance de dépannage. Mais comme j’avais eu des dollars, des deutsche marks, des francs suisses, des florins et de la livre sterling en pourboires cette saison, donc j’avais au moins 1600 $ cachés sur moi qui pouvaient être échangés dans les aéroports. Parti un samedi de l’aéroport de Nice sous un beau soleil, j’arrivai après un voyage de quelques heures à Madrid à 15 heures sous une pluie fine et une forte humidité. Une personne m’attendait à la sortie pour me conduire à mon hôtel du centre-ville. Mon enregistrement fait, je montai dans ma chambre pour prendre une douche, la chambre était spacieuse, éclairée et bien meublée. Ayant fait la fête la veille au soir et malgré un peu de fatigue, je redescendis à la réception pour demander où je pouvais changer mes dollars pour acheter des cigarettes en ville. La réceptionniste qui parlait bien français me répondit qu’aujourd’hui à cette heure-ci les banques étaient fermées, qu’elles seront ouvertes lundi matin et en attendant l’hôtel pouvait me changer quelques de mes devises. À cent mètres d’ici dans un magasin où flotte un drapeau espagnol devant, je pourrais les acheter ainsi que des cartes postales et timbres.

Je restai dans le restaurant de l’hôtel pour mon dîner et avant de monter dans ma chambre, je demandai au concierge Edouardo de me réserver pour demain après-midi un taxi pour aller à 14 h 30 assister au match de football Real de Madrid contre Barcelone que m’avait programmé Pascale ma copine de l’agence. Par chance, Edouardo qui parlait un peu français aussi m’informa qu’il y allait avec des amis et que si je voulais, je pouvais me joindre à eux, que j’étais le bienvenu. Je lui répondis : « Plus on est de fous, plus on s’amuse. » Il me regarda en souriant.

— À demain 14 h ici !

Je lui fis d’un signe de la main mon pouce levé. J’avais déjà assisté à quelques matchs de football de l’équipe de l’OGC Nice au stade de Ray avec une ambiance de folie dans les gradins, mais là où nous venions d’arriver dans ce stade du réal de Madrid, trois fois plus grand, alors l’ambiance était très impressionnante, Eduardo m’informa que les deux équipes étaient en duel pour gagner la place du premier au championnat de la ligue espagnole. L’euphorie des spectateurs pour leurs équipes grandissait jusqu’à la dernière minute de jeu. Au sifflet final de l’arbitre, une explosion de joie et de mécontentement pouvait se faire ressentir dans les airs au résultat du match de 3 pour le Real et 1 pour Barcelone. La sortie du stade pour moi a toujours été le plus pénible à faire, mais là, définitivement, attention aux confrontations avec les supporters adverses, me disait Edouardo. Enfin arrivé à l’hôtel 1 h 30 après la fin du match, je remercie Eduardo pour la superbe après-midi passée avec ses amis, montai dans ma chambre pour me doucher et me reposer avant de redescendre pour dîner. Mon avion pour Montréal était vers 11 h le lendemain matin, alors après dîner et avoir écrit, je postai mes cartes postales, je remontai dans ma chambre pour préparer ma valise et me coucher.

Montréal

Notre atterrissage s’était bien passé, malgré la neige qui tombait à gros flocons, un vent glacé soufflait et faisait balancer l’avion à notre descente sur le tarmac, rien de plus effrayant pour que certains passagers applaudissent une fois l’avion arrêté. Nous arrivions à l’intérieur de l’aéroport tout en suivant les panneaux de signalisation en direction pour retirer nos bagages. Comme à mon arrivée en Espagne, ma valise était arrivée parmi les dernières sur le carrousel. Passant l’immigration après un « Bienvenue au Canada » avec un petit accent de l’agent qui me fit sourire, je m’avançai pour passer la douane et sortis de l’aéroport par deux portes électriques coulissantes. Devant moi, je vis une personne tenant un carton avec mon nom un peu écorché.

— Monsieur, bienvenue à Montréal ! Suivez-moi, s’il vous plaît !

Après un court moment dehors pour accéder à la navette de l’hôtel, je m’aperçus du froid glacial qu’il faisait ici. Pourtant bien couvert je ne ressentais plus le bout de mes doigts. Maintenant je comprenais pourquoi tout le monde ici portait des gants. Au bout de 15 minutes de route et commençant à vraiment me les geler. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps en arrivant à l’hôtel pour attraper mes bagages et m’incruster à l’intérieur du hall pour aller me réchauffer les mains près d’un radiateur. Ma clef en main, il fallait que je prenne l’ascenseur pour arriver à ma chambre située au 5e étage. Là aussi la chambre était grande et spacieuse, bien chauffée et aménagée avec goût. Je pris un bain chaud, enfilai le peignoir de bain avant de m’allonger sur le lit, pris la carte du « Room service » pour voir ce qu’il y avait et combien cela coûtait. Une bouilloire avec des sachets de thé, café instantané et infusions était posée sur une sorte de bureau avec une porte frontale devant le lit, porte qui contenait le petit frigidaire, bien rempli de produits et boissons divers. J’avais bien vu une liste avec les prix des articles de la contenance de celui-ci, est-ce que les prix reflétaient la difficulté de descendre, sortir de l’hôtel pour marcher avec une sorte de tempête de neige en essayant de trouvé un magasin avec un prix peut être équivalant. J’ouvris la porte, attrapai une ou deux barres de chocolat avec un coca-cola pour commencer, avant de commander un croque-monsieur classique et du jus d’orange en room service. Je me suis dit : « pas très diététique, mais bon dans un voyage de plusieurs jours, qui regarde son alimentation ? » Quelle chance que je n’aie rien de prévu pour les trois nuits à passer ici, avec le temps qu’il y avait dehors ! J’allumai la télévision pour voir si je trouvais ce que sera la météo pour les prochains jours et comme je m’en doutais, un temps partiellement le même que celui d’aujourd’hui.

Après plusieurs nuits bloquées dans mon hôtel à regarder les programmes francophones à la télévision et à préparer une quinzaine de cartes postales, me voici de retour à l’aéroport pour embarquer dans mon avion pour Mexico City.

Chapitre 4

Mexico City

Je me réjouissais, car ils annonçaient 28 degrés Celsius à destination. Comme je me trouvais avec des pièces de monnaie de trois pays différents maintenant et que j’avais appris que les bureaux de change aux aéroports ne changeaient que les billets et pas les pièces, alors je plaçai toutes mes pièces dans un petit sac en plastique dans une de mes chaussettes dans ma valise qui sera dans la soute à bagages et je garderais sur moi toutes mes devises avec mon passeport.

Diriger et installer dans la rangée du milieu où il y avait 4 sièges, nous n’étions pour l’instant que deux personnes, j’allais pouvoir utiliser le siège à côté de moi pour être plus confortable. De charmantes hôtesses aidaient les passagers à trouver leurs places, avec le bruit des moteurs, nous entendions les compartiments du dessus s’ouvrir et se refermer. Chacun d’entre nous rangeait ses affaires soigneusement en haut avant de prendre ce qui lui était destiné sur le siège, de s’installer et de mettre sa couverture et son casque sur les oreilles pour écouter de la musique. La seule personne dans ma rangée à quelques sièges plus loin sur ma gauche devait avoir une trentaine d’années, d’origine sud-américaine. Il essayait de me parler en français mais je n’arrivais pas à le comprendre, son français était comme mon anglais ou espagnol, plus que passable. Après la démonstration et la vérification de notre ceinture de sécurité par les hôtesses, nous voilà dans les airs. Le moniteur contre la cloison central nous informait de la durée du vol à notre destination ainsi que le titre du film que nous allions voir plus tard. Les hôtesses commençaient déjà à passer entre les allées avec leurs chariots pour donner les plateaux-repas à chacun pendant que le défilé des personnes attendant leurs tours aux toilettes les gênait à faire cette distribution. Une hôtesse se pencha sur moi en me disant :

— Volaille ou poisson ?
— Volaille, s’il vous plaît !
— Et avec cela, que voulez-vous boire ?
— Seven-up, s’il vous plaît ! merci !

Elle me tendit ma boisson et passa à mon voisin derrière moi. Le déjeuner fini, je pausai le plateau sur le côté et parti aux toilettes attendre mon tour. L’attente fut brève, je m’incrustai dans cette toilette compacte pour une dizaine de minutes puis retournai à ma place, mon plateau toujours là avec mon verre de Seven up, je le bus d’un coup sec et m’assis dans mon siège. Mes écouteurs sur la tête, je décidai de regarder le film en me couvrant de ma couverture, car avec cette climatisation, je commençais à avoir froid.

Les yeux fermés, je ressentis une main tapant sur mon épaule qui me réveilla :

— Monsieur, il faut mettre votre ceinture maintenant, nous allons bientôt atterrir !

Moi surpris, regardant mon interlocutrice en tournant ma tête de droite à gauche, un peu encore endormi.

— Déjà !