Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Ève, enfant puis adolescente en crise, décide de quitter prématurément le nid familial pour fuir sa réalité ainsi qu’elle-même. Après être tombée dans la prostitution, et malgré sa hargne, un drame vient détruire sa vie, la ramenant vers l’essentiel. Entre secrets de famille et tourbillon émotionnel, cet ouvrage est un hommage vibrant au temps qui est capable de tout.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Accompagnante d’élève en situation de handicap,
Émilie Hoffmann écrit depuis ses 9 ans. Elle s’est illustrée dans de nombreux ouvrages, dévoilant continuellement sa délicatesse et son élégance.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 76
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Émilie Hoffmann
Une dernière berceuse
avant de fermer les yeux
Roman
© Lys Bleu Éditions – Émilie Hoffmann
ISBN : 979-10-422-4454-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les souvenirs étaient devenus une quête d’images, de ressenti et d’identité.
Obscurité. Nuit partielle. Nuit coupée.
Je voyais constamment ces ombres fantomatiques qui dansaient sur les murs et le plafond de ma chambre.
Le radio-réveil, avec ces gros chiffres rouges qui clignotaient, ajoutait une ambiance quasi « fête de nuit » au décor. 0 h 3. J’ignorais ce que signifiaient ces chiffres. Était-ce le début, la fin ou le milieu de quelque chose ? Je souffrais de terreurs nocturnes. C’est à partir de cet âge que mes insomnies ont commencé. Je n’ai pas vécu de réel traumatisme. Mais depuis l’enfance, je pense à l’avenir. Le futur m’obsédait déjà. La mort aussi. Mais qu’est-ce qui a fait qu’un jour le temps était devenu un ennemi redoutable ? Le temps était ma peur. De toute façon, je n’ai jamais été comme les autres. Plus tard, les peurs enfantines telles que les sorcières et autres chimères deviendront mes amis imaginaires qui m’accompagneront dans ma solitude. Et je serai, plus tard, à la recherche des ténèbres. Il y avait bien cette tête coupée, dans un coin de mon plafond qui m’observait chaque soir. Que me voulait ce type ? Qui était-il ? Et pourquoi une tête coupée ? Et puis mes murs se mettaient à pisser le sang.
Nous habitions à proximité d’une église, et comme je ne savais pas encore lire l’heure, j’avais pris l’habitude d’entendre les heures sonner tour à tour. Ce repérage dans le temps me rassurait tout comme il m’épuisait puisque je ne dormais pas de la nuit.
Et puis, ça rassurait maman aussi. « Ainsi, tu es et tu resteras plus proche de Dieu ! C’est bien le seul qui ne nous trahit pas, ne se venge pas et reste à nos côtés jusqu’à la fin. Ne t’écarte jamais du chemin de Dieu ! » répétait-elle souvent. Parlait-elle vraiment de Dieu ?
Ma famille me répétait souvent : « Tu as le temps. » Ou bien cet homme, un jour, dans cette rue qui avait entendu la conversation, avait secoué la tête, s’était penché sur moi et m’avait soufflé : « Le temps, petite fille, n’est pas linéaire, la vie passe comme un TGV. » J’avais pris pitié devant sa pauvre apparence. Puis il avait poursuivi son monologue : « Tu dois t’accomplir, avant d’être dans le caveau. » Ma mère, furibonde, m’avait pris par le bras en toisant méchamment le type. Pourtant, sa phrase, un brin alcoolisée, résonna des années durant dans ma tête.
Commença alors le sermon sur l’interdiction de parler aux inconnus. Je suivis cette règle, jusqu’à un certain point de rupture.
Mon regard restait fixé sur ma petite veilleuse. Ce point lumineux auquel je m’accrochais et qui me maintenait en vie. « Si je m’endors, je risque de mourir. » Suspendue à ces pensées qui me torturaient, la porte de ma chambre s’ouvrait, mon père apparaissait alors dans l’encadrement de la porte. Instantanément, les ombres et toutes les choses étranges et effrayantes disparaissaient comme par magie dès qu’il faisait son apparition. À cet instant, j’étais partagée entre soulagement et ridicule. Je craignais toujours qu’il ne me croie pas. En général, j’étais déjà tout en sueur et en panique lorsqu’il venait me délivrer de ces hallucinations nocturnes. Il s’arrêtait, parcourait ma chambre du regard, avec une certaine méfiance et me demandait alors :
Car rien n’était plus important que cet instant où il accourait tel un chevalier.
Il s’asseyait au bord de mon lit, me bordait.
Je regardais mon père, dubitative. J’étais assez sceptique. Je savais qu’il ne s’agissait pas d’un vrai train. Depuis toujours on essaie de me faire croire à des choses comme la petite souris ou le père Noël. J’écoutais et j’acquiesçais gentiment en souriant, comme cela ils étaient contents. Les adultes se sentent fiers de leurs propres mensonges. Et puis, il faut garder une certaine magie.
Si le train de sommeil ne fonctionnait pas, il entonnait « Sunday Morning », cette berceuse du groupe « Velvet Underground », universelle, mais qui n’appartenait qu’à nous. Depuis, je suis coutumière des trains. Les ombres avaient pris leur pause, rejoint pour un temps les ténèbres dans lesquelles elles habitaient et voulaient m’entraîner.
Il restait près de moi, s’il le fallait plusieurs heures, jusqu’à ce que je m’endorme enfin. Car ma tête, enfin reposée, me disait, à partir de cet instant, que demain serait un autre jour.
Il était tout, ma béquille, mon sauveur, mon héros. Il aurait mis ma vie entre ses mains.
Tu m’étonnes ! À l’âge où toutes les petites filles portaient des chouchous et boucles d’oreilles, moi je m’habillais comme un garçon. Aux heures où les Barbie faisaient fureur, moi je m’amusais avec mes Lego et mon skate.
Maman fusilla du regard la caissière, qui avait osé s’immiscer dans une conversation à laquelle elle n’avait pas été conviée, et celle-ci baissa la tête aussitôt.
***
Pardon papa. J’oubliais. Tu as toujours souhaité avoir un garçon. Ce détail m’avait échappé. Ton rêve s’est écroulé à ma naissance quand tu as vu que j’avais un vagin au lieu d’un pénis ! Je décidai donc d’avoir les cheveux très courts, je bannissais le rose, les robes ou tout ce qui faisait « fille ». Maman voulait absolument me mettre des boucles d’oreilles. Je n’ai jamais su qui j’étais au fond.
Un costume. Tout le monde en porte un dans ce monde, par envie, ou par dépit. Personnellement, je n’y arrivais pas. J’ai toujours voulu me battre pour défendre mes idéaux, toujours frapper du poing sur la table, me blessant la plupart du temps.
À l’école, j’étais souvent seule, mise à l’écart. Ma bizarrerie, sans doute. Il faut dire que je le voulais bien. Je trouvais les autres vides, cons et insipides. Se forcer à être normale dans un monde bancal n’était pas fait pour moi. Je l’ai donc créé. Un animal, mi-écureuil, mi-chien. À vrai dire, je ne savais pas trop ce qu’il était. Et je m’en moquais. Il m’a accompagnée une bonne partie de mon enfance, jusqu’à mon adolescence. Je le détestais. Au début nous étions inséparables. Il avait toujours réponse à tout, m’empêchait de penser par moi-même.
J’aurais dû m’en défaire il y a longtemps, je sais. Cela m’aurait évité bien des déconvenues de vie ! Et je serai ainsi rentrée dans la case « normalité » que veut la société.
***
Les devoirs ! Je détestais ce moment. Car je n’aimais déjà rien devoir à personne. Surtout les mathématiques, quelle horreur ! Ma bête noire. Des hiéroglyphes sans queue ni tête.