Une vraie démocratie pour l’humanité - Louis Ledonne - E-Book

Une vraie démocratie pour l’humanité E-Book

Louis Ledonne

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Beschreibung

Il vous est présenté dans ces pages des solutions audacieuses face aux limites de l’économie néolibérale et de la démocratie actuelle. L’Espoyr, une nouvelle valeur d’échange universelle, est destiné à compléter les monnaies traditionnelles pour répondre aux défis de paix, de sécurité et de droits humains. L’économie contributive et la solidarité mondiale sont également explorées, avec une feuille de route pour une gestion écoresponsable des biens communs. Cet appel à l’action vous invite à co-construire une société plus juste, fondée sur des décisions collectives et des critères AAA.

À PROPOS DES AUTEURS

 Louis Ledonne, fervent admirateur de la structure des langages, de l’analyse des données et des sciences humaines, s’est intéressé aux divers aspects de la vie en société. Cet intérêt l’a conduit à écrire plusieurs essais philosophiques sur une politique socio-économique. Ses travaux proposent un modèle démocratique et institutionnel axé sur la justice et le bien commun.

Motivé par l’injustice et une prise de conscience lors de la construction de la Banque centrale européenne, Didier Loyens livre une réflexion percutante sur la création monétaire, qu’il identifie comme source de nombreux conflits. Cet essai humaniste va au-delà de la dénonciation et propose une réponse concrète pleine d’espoir, appelant à un réveil citoyen pour un monde plus juste.

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Didier Loyens

&

Louis Ledonne

 

 

 

 

 

 

 

 

Une vraie démocratie

pour l’humanité

L’Espoyr (l’espoir)

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Didier Loyens et Louis Ledonne

ISBN : 979-10-422-4140-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un outil pour développer une société réellement démocratique, égalitaire et respectueuse de son environnement et qui permet d’atteindre les objectifs de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

 

Didier Loyens

 

 

 

 

 

Cet essai est le fruit du travail initié par Didier Loyens, avec la complicité de Louis Ledonne pour la partie politico-philosophique et Pierre Fontaine pour les aspects plus concrets de nature financière. Cependant, au cours de cette entreprise, une équipe d’altermonnaie, dirigée par Luc Jacob et à laquelle je me suis joint, a contribué à améliorer et à enrichir les concepts présentés, rendant ainsi cet essai plus ouvert à la réflexion.

Il devient ainsi la première étape d’un processus où toute personne sensible aux défis rencontrés par nos sociétés pourra participer à la construction continue. La monnaie Espoyr envisagée dans cet essai n’est qu’un outil visant à libérer les potentiels en rassemblant différentes approches dans le but d’apporter une réponse véritable aux enjeux contemporains.

Les co-auteurs ou personnes qui ont influencé cet essai sont Geneviève Bouché, Luc Jacob, Claude Perigaud, Jean-Christophe Duval, Othman Kerrache, Patrice Orikam, Christophe Degang, Jean-Jacques Brucker (Foopgp) et Philippe Le Duigou (MLET).

Nos remerciements vont également, pour leur soutien dans la partie pratique, à Geneviève, Morgane, Céline, Pierre, Marie-Paule, Sylvie, Yris, Michel et Inès.

 

 

 

 

 

Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible.

 

Antoine de Saint-Exupéry

 

À force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel.

 

Edgar Morin

 

Que voulons-nous devenir ? Que voulons-nous vouloir ?

 

Livre Sapiens de Yuval Noah Harari

 

« Liberté, égalité, fraternité »… mais aussi « responsabilité ».

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

Ce livre propose des idées innovantes qui pourraient bien faire tache d’huile. Il a pour ambition d’appréhender les facteurs de changement auxquels nous sommes soumis actuellement.

Ainsi, notre système monétaire a été conçu puis façonné durant les deux siècles précédents. Le challenge de l’époque était de passer d’une économie plutôt locale, fortement agraire et accessoirement artisanale à une économie industrielle et conquérante.

Cette économie, qui a fait la force de l’Europe puis de l’Occident, a atteint ses limites. De ce fait, le mécanisme monétaire, qui lui a servi de support, devient toxique pour l’Occident.

Nous pouvons comprendre la volonté de nos argentiers de tenter de préserver leurs acquis, mais il leur est impossible d’entraver le cours de l’histoire. Alors, il nous revient de mettre en débat ce que pourrait être un système monétaire capable d’accompagner notre passage au chapitre suivant de notre évolution.

Didier Loyens fait partie des hommes courageux qui tentent une proposition et qui passent même à l’action à travers des expérimentations. Lire ce livre et réagir est une manière d’apporter une pierre à l’édifice immatériel que nous avons à construire. Nous ne serons jamais assez nombreux à prendre part à ce travail collectif.

Toutefois, mesurons l’urgence qu’il y a à fabriquer du consensus : certains pensent que l’urgence est climatique. La réalité est à plus brève échéance : l’Europe, berceau de l’ère industrielle et terre d’une continuité culturelle les plus riches au monde, doit innover et s’en donner les moyens.

L’ère industrielle a récompensé en priorité les entrepreneurs. L’ère que nous abordons en Europe est celle de la rationalisation quant à la manière de produire et de consommer. Pour cela, nous devons produire et consommer de manière plus intelligente. Notre priorité devient donc celle de l’intelligence collective de nos territoires. Cela passe par des citoyens engagés et capables de mettre en commun le meilleur de leurs savoirs et de leurs talents.

Les institutions deviennent des facilitateurs et la démocratie devient collaborative. Utopie ? Non, nécessité puisque les concitoyens éduqués souhaitent être engagés et reconnus pour leurs engagements en faveur de la collectivité. Ils savent que plus de liberté nécessite plus d’engagements.

C’est à ce prix que nous sommes assurés de gérer au mieux les devoirs et les droits de chacun. La « monnaie » Espoyr ouvre la réflexion sur un potentiel « monde d’après ». À chacun de décider de lui permettre d’advenir. Il ne nous impose pas un modèle de société, c’est à nous de le définir. Ne nous laissons pas imposer un modèle de société qui ne s’inscrirait pas dans la continuité renouvelée de notre patrimoine humain.

 

Geneviève Bouché, futurologue1

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Dans ce livre, nous voulons apporter une nouvelle dimension à la devise républicaine, égalité, fraternité » : celle de la « co-responsabilité », en rappelant que l’union crée la force.

Car si le progrès a été, pour l’homme, un facteur de libération des tâches pénibles et douloureuses, nous constatons dès à présent les conséquences désastreuses de cette évolution : pauvreté toujours existante, maladies éradiquées qui réapparaissent, dérèglement climatique, destruction de notre environnement, extinction d’espèces animales et végétales, mais aussi sur un plan plus social : méfiance par rapport à un système politique basé sur une démocratie déclinante, etc.

Au cœur de cette époque cruciale réside notre responsabilité individuelle. Face à la réalité qui nous interpelle, nous avons le choix de nous retrancher en faisant l’autruche. Cependant, en prenant en compte les actions déjà entreprises depuis des décennies, il est urgent et nécessaire d’intensifier nos efforts.

C’est dans ce contexte qu’émerge un nouvel Espoyr de perspective pour faire tomber les barrières qui entravent les actions nécessaires. Il pointe du doigt deux éléments restrictifs : la division partisane et la création monétaire dépendante du bon vouloir du système bancaire.

Il met à disposition de nouveaux outils concrets pour réaliser des échanges équitables dans son premier livret et une nouvelle organisation collaborative dans son deuxième livret, il remet en évidence l’intérêt du commun.

Ce projet permettra l’épanouissement personnel et collectif.

Nous expliquerons pourquoi la création de la monnaie2 plus précisément peut faire changer la trajectoire de l’évolution sociétale. C’est dans cette optique que des réformes structurelles doivent être mises en place de manière innovante pour redonner confiance à la démocratie.

Le but de cet essai est de proposer les bases d’une réelle alternative aux défis de notre société, qu’ils soient d’ordre économique, climatique, démocratique ou géopolitique. Il s’adresse à tout citoyen voulant construire un monde en paix, respectueux de son environnement, basé sur une société de partage et une gestion responsable des ressources de notre planète.

Il jette les bases d’une co-construction. Il a pour ambition aussi de déclencher une prise de conscience de notre puissance individuelle pour mettre en place les éléments nécessaires à l’évolution de notre organisation sociétale, non plus par de petits gestes certes utiles, mais par une réelle action collective.

Face aux crises à répétition, qu’elles soient de nature économique et dues à un ultra-libéralisme mortifère et prépondérant, face aux défis écologiques, sociaux et sanitaires en partie générés par la mondialisation et notre excès de consommation, et face aux défis humanitaires en général, nous devons agir en tant que citoyens.

Cette humanité est confrontée à deux possibilités : soit elle continue sa frénésie de conquête, d’accumulation, de consommation et de spéculation virtuelle, s’exposant ainsi à des coups de semonce de plus en plus fréquents et violents jusqu’à ce qu’un événement mette fin à son irresponsabilité, soit elle admet la nécessité de reconsidérer en profondeur l’organisation du monde ainsi que son comportement envers la nature et ses semblables.

Nous pouvons envisager une autre croissance : « être en plus d’avoir ». Il est possible, en effet, par une action individuelle de nous libérer de nos entraves pour concrétiser et atteindre, sans heurts ni révolutions, les objectifs des Nations Unies, mais aussi d’amplifier les actions de dizaines de milliers de citoyens qui réagissent déjà à travers le monde.

Au-delà du choix entre le néolibéralisme excessif et un contrôle excessif par l’État, il existe une voie alternative. Les concepts de « communs » offrent une perspective différente, dépassant l’opposition stérile entre un capitalisme sans frein, un socialisme en manque de cohérence ou une autre idéologie plus radicale basée sur le rejet de l’autre.

Le premier élément concerne la relation avec les services d’intérêt général. Cette perspective redéfinit le concept de « biens communs », en proposant une nouvelle vision des services publics en tant que biens inaliénables et non privatisables et souligne l’importance de leur accessibilité universelle.

Le deuxième élément est la création monétaire et la méthode de financement du service public. Chacun d’entre eux n’est accordé actuellement que sur base d’un profit exprimé par une augmentation de richesses, donc une consommation de produit ou d’énergie dont la limite physique existe.

L’heure est à l’intelligence collective.

Nous arrivons à la fin du puits. Paradoxalement, sans cet endettement généralisé (260 % du PIB mondial), il n’y aurait pas d’argent en circulation. Effectivement, s’il était possible de rembourser tous les prêts, il n’y aurait pas d’argent en circulation, mais aussi il n’y aurait pas de commerce possible.

Cette dette perpétuelle maintient un système de culpabilité : travailler plus pour rembourser plus ! L’argent devrait être un bien public au même titre que l’air qu’on respire : c’est ce qui nous permet de vivre. Or c’est un bien privé, c’est catastrophique, car ce qui vous permet de vivre est soumis à des intérêts privés. Des gens vont faire des profits sur ce qui devrait normalement permettre que des transactions.

 

Bernard Maris3

 

Effectivement, en s’appropriant la création de la monnaie sous d’autres règles, les citoyens de toutes régions peuvent, en respectant trois critères définis dans les pages qui suivent, reprendre d’immenses formes de pouvoir dans la manière dont ils s’organisent, produisent et échangent. Et ainsi recréer un tissu social disparu sous prétexte de liberté individuelle.

L’accent sera mis sur le développement et l’adaptation de la population à plus de démocratie par l’introduction progressive de l’Espoyr en complémentarité de l’économie actuelle.

Cette nouvelle organisation verra naître des assemblées citoyennes collaborant avec les institutions actuelles. Par la mise en place d’espaces communs de réflexion et de décisions relatives aux différents niveaux de compétences (voir annexe 1).

Les débats pourront aborder les grandes thématiques actuelles : la montée des inégalités sociales, la fracture numérique, l’environnement et le climat, mais aussi en priorité l’eau, l’alimentation, le logement, la sécurité, l’énergie, l’éducation et la santé.

Grâce à l’apport de la nouvelle valeur d’échange l’Espoyr, c’est à une nouvelle vision de l’avenir que ce livre nous invite. Moins dépendant de l’accélération temporelle du techno-capitalisme et plus en phase avec l’intelligence sociale et la réappropriation du temps pour soi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie I

L’économie financière

 

 

 

 

 

L’anthropologie du techno-capitalisme

 

 

 

En 2020, la pandémie du Covid-19 est venue bouleverser l’ordre établi de la planète. Que ferons-nous de cette épreuve ?

Nous étions résignés à l’extension toujours plus rapide et sans fin du capitalisme dont l’ultime outil de régulation sociale serait la finance et dont le but devrait en théorie être le progrès social.

Nous pouvons nous interroger et observer la réponse des économistes qui suggèrent l’endettement, la relocalisation et la croissance du PIB comme moyens de maintenir l’autonomie économique ainsi que l’augmentation du taux d’emploi. Est-ce la bonne réponse ? Cette approche pourrait encore intensifier la concentration du pouvoir aux mains des marchés. Et nous pouvons dès lors nous poser la question : les marchés ont-ils une conscience de l’impact provoqué par leur frénésie productiviste sur l’équilibre du monde vivant ?

D’un autre côté, nous avons vécu un événement, posant un défi majeur, outre la crise financière de 2008, l’épidémie de Covid-19 qui a offert un répit de courte durée à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de CO24 d’origine fossile ont en effet connu d’une part une baisse record de 7 % en 2020, soit 2,4 milliards de tonnes, liée aux mesures de confinement selon le bilan annuel 2022 du Global Carbon Project et d’autre part le développement du télétravail qui a été partie prenante dans la baisse de ces émissions.

Certaines personnes voient le techno-capitalisme comme la solution aux problèmes. Est-ce la bonne réponse ?

Ne faudrait-il pas réévaluer notre notion de progrès social ? La crise a montré que le progrès ne peut pas être simplement mesuré par la croissance économique, « le PIB », mais qu’il doit par ailleurs prendre en compte des facteurs sociaux, environnementaux et de bien-être. La prospérité de la société devrait être évaluée en fonction de l’équité, de la qualité de vie, de l’accès aux soins de santé, de l’éducation et de la protection de l’environnement.

La baisse temporaire des émissions de gaz à effet de serre pendant la période de confinement a souligné la nécessité de revoir nos pratiques de consommation et de production : ne faudrait-il pas promouvoir la durabilité environnementale ?

Les décideurs politiques envisagent des solutions timides qui encouragent une transition vers une économie plus durable, basée sur des énergies renouvelables, des technologies respectueuses de l’environnement et une gestion responsable des ressources naturelles et du capital humain. Mais ces mêmes acteurs n’ont ni les structures, ni les moyens financiers et les outils de contrôle indispensables à leurs ambitions.

Ne faudrait-il pas redéfinir les priorités économiques : plutôt que de poursuivre une croissance économique effrénée, ne devons-nous pas examiner attentivement quels secteurs et industries sont réellement essentiels pour le bien-être de la société, car pendant la pandémie, nous avons constaté des dysfonctionnements importants dans notre modèle économique ?

Il est évident que le bien-être collectif consiste à offrir à chaque citoyen les moyens de satisfaire les besoins les plus élevés dans la pyramide de Maslow. Tous ces objectifs impliquent de soutenir davantage les domaines de l’alimentation, de la santé, de l’éducation, de la recherche scientifique, de l’innovation verte et des infrastructures durables, plutôt que de se concentrer uniquement sur les secteurs à forte intensité de capital et à rendement rapide.

La crise a mis en évidence la vulnérabilité de certaines chaînes d’approvisionnement mondiales : ne faudrait-il pas encourager la résilience économique ?

La relocalisation de certaines industries stratégiques pourrait être une solution, mais il est également essentiel de développer des partenariats internationaux équitables et de favoriser une coopération mondiale pour faire face aux défis mondiaux dus au changement climatique.

 

 

 

 

 

Une brève histoire du capitalisme

 

 

 

Un des grands tournants dans l’histoire du capitalisme est l’instauration des lois maritimes et du commerce, en raison de leur impact profond sur l’organisation internationale de la société. Cela a généré d’immenses richesses et a stimulé le développement de techniques financières avancées telles que le crédit, les assurances maritimes et les bourses de commerce. Les banques et les compagnies commerciales ont joué un rôle central dans le financement des expéditions et le développement du commerce mondial.

Par ailleurs, la découverte scientifique de la possibilité de transformer l’énergie fournie par la combustion en énergie mécanique (la machine à vapeur en 1769) est le point de départ d’une autre transformation profonde de la société.

Effectivement, le transport par le rail a changé l’organisation du travail aux États-Unis. Le bétail était déplacé vers des centres d’abattage où la division du travail permettait une économie d’échelle. Le moteur à explosion va, par sa réduction de taille et de poids, permettre de se déplacer à travers tout l’espace géographique et ainsi concentrer les espaces de production là où c’est le plus économiquement rentable.

Nous sommes entrés dans l’ère de la vitesse, où le temps a changé de dimension, et le gain de temps est devenu l’objectif fondamental. Le sentiment d’être est broyé par l’envie d’avoir toujours plus. Cette accélération permanente est due à un nouveau concept de production : on peut mesurer, comparer, diviser le nombre de pièces par le temps presté, etc.

En août 1908, l’industriel Henry Ford présente la première voiture produite en grande série : le modèle T. Dans les vingt années qui suivront, son entreprise en vendra quinze millions d’exemplaires. Le fordisme, étendu à toute l’industrie manufacturière, va déboucher sur une double révolution : la société de consommation et la mondialisation industrielle ainsi qu’une concentration urbaine. Ce qui va à terme nous déconnecter de la nature.

Cette doxa économique nous a conduits à consommer de plus en plus rapidement (course à la rentabilité et au profit) : ce qui nous dirige inexorablement vers une impossibilité de renouvellement des ressources de notre planète, impossible à percevoir, mais démontrable depuis le milieu du XXe siècle.

Cette globalisation va engendrer une augmentation radicale de la productivité du travail, un allongement des flux d’échanges à travers le monde et des progrès inconnus jusqu’alors dans les techniques logistiques. C’est ainsi que le fordisme, dans son sens le plus général, peut être considéré comme la matrice d’une nouvelle relation au temps et à l’espace : « toujours plus loin, toujours plus vite ».

Cette évolution pose à la science économique les premiers problèmes fondamentaux de cette création en grande série. Qui va pouvoir consommer, comment, et combien de temps encore ?

Car si au début, les plus aisés peuvent consommer cette production, celle-ci ne demande qu’à s’étendre pour augmenter les bénéfices des possédants. Donc, il faut permettre l’accès à la consommation, donner un pouvoir d’achat, donc des salaires pour consommer et dès lors organiser le prêt ou l’endettement d’une plus large part de la population.

Walter Lippmann, dès les années 1930, tirera l’enseignement majeur de cette modernité : la doctrine libérale du laisser-faire ne peut résoudre le grand problème anthropologique posé par cette deuxième révolution industrielle : l’inadaptation progressive d’une large partie de la population aux temps nouveaux.

À partir de cette critique naît une nouvelle doctrine politique : le néolibéralisme. Celui-ci appelle à une politique active, continue et invasive pour réadapter les hommes aux exigences du capitalisme moderne. Promouvoir sans limites la liberté individuelle amène dès lors à déstructurer toute réflexion sociétale.

Par cette politique active, l’homme est de moins en moins attentif à sa responsabilité sociétale et à son engagement en vue de maintenir les structures d’un commun, source de cohésion sociale.

Bien que la tenue de comptes existait 4000 ans avant notre ère en Mésopotamie, en France, c’est seulement en 1942 que le premier plan comptable général est publié, permettant ainsi de comparer la rentabilité des investissements, ce qui a ouvert la voie à une accélération des rendements du capital.

Il faudra attendre quarante ans pour que, à la fin des années 1970, les quatre grands leviers de cette politique commencent à se déployer dans nombre de pays développés : une gouvernance d’experts, un ordre juridique souple et de plus en plus invasif, l’égalité des chances et la puissance autorégulatrice du marché. L’arrivée massive des outils de communications déstructure nos sociétés par la division et le renfermement dans une catégorie dissociée de la réalité globale.

Nous subissons par ailleurs les conséquences de la non-intégration, dans les théories économiques, d’outils de mesure de l’impact et du développement de la globalisation en termes de nuisances et de coûts indirects toujours supportés par la collectivité.

Nous avons bien évidemment tous connaissance de l’influence croissante de la consommation d’énergie fossile depuis le début de l’ère industrielle et sa conséquence, entre autres, de la concentration exponentielle de CO2 dans l’atmosphère. Celui-ci n’est qu'un des gaz qui influence l’augmentation de la température sur la terre.

À la fin du XXe siècle, bien plus qu’un projet managérial, l’arrivée massive du numérique va faire basculer le monde dans un nouveau mode de régulation : la régulation techno-capitaliste. Celle-ci reprend le projet néolibéral « d’adapter » l’espèce humaine au contexte d’une vie accélérée, mais avec des moyens différents et beaucoup plus radicaux.

Selon l’économiste Renaud Vignes, cette révolution numérique provoque une deuxième phase de compression de l’espace-temps qui sera tellement fulgurante à laquelle les États eux-mêmes ne pourront s’adapter.

Mais il est exclu de laisser les initiatives privées prendre le dessus sur les intérêts communs. Sans compter l’arrivée des algorithmes qui traitent une multitude d’informations personnelles afin de cibler la consommation au plus près.

L’individu est ainsi pris au piège de la tentation et de la consommation immédiate. Le consommateur est isolé dans sa décision absurde de consommer, jamais satisfait, et ce, jusqu’à l’étranglement dû au surendettement ou la déconnexion totale de la réalité.

Le plus important, dans le cadre de cette analyse, réside dans la nouvelle vision de l’homme sur laquelle va s’appuyer le déploiement de ce mode de régulation. Dans celui-ci, l’homo sociabilis n’a plus sa place. Trop lent, trop relationnel, tout comme l’État, il apparaît comme un frein au déploiement de la promesse d’une vie accélérée, intense et porteuse de toujours plus d’opportunités. L’employé des multinationales est devenu un numéro, soumis à des exigences qui l’exploitent toujours plus jusqu’à sa destruction (burnout).

Il doit être remplacé par un homme mieux adapté au monde contemporain : l’homo numericus. À l’aise dans un monde devenu liquide, il est mobile, léger, hyperconsommateur, et surtout, il croit dans le progrès techno-scientifique comme facteur de résolution des grandes questions de notre temps. Rien ne doit empêcher ce nouvel homme de jouir sans entrave des « expériences » que cette société liquide lui propose.

Cette tendance libertaire de l’homo numericus doit nous faire prendre conscience qu’il faut nous protéger de l’illusion d’une insatisfaction permanente liée à une hyperconsommation, destructrice de notre bien-être et de notre environnement.

Depuis plusieurs années déjà, l’écologie a fait son apparition par la prise de conscience non seulement des limites physiques de la terre, mais aussi de l’impact de la technique sur notre environnement : augmentation de la température, désertification, destruction de la biodiversité avec comme seul appétit de certains le fait de s’enrichir égoïstement au détriment de la communauté humaine.

Rares sont les économistes qui tentent d’intégrer ces nouvelles dimensions dans leur approche théorique, bien que certains voudraient que la comptabilité des entreprises intègre d’autres critères que la rentabilité économique, comme tenir compte des défis sociétaux et environnementaux. (Par exemple : la comptabilité en triple méthode CARE5 ou la responsabilité sociétale et environnementale RSE). Mais cette logique est complexe à mesurer, or il faut des chiffres pour entrer dans des diagrammes pour voir l’évolution et donner une perception.

Si le techno-capitalisme a pu s’imposer aussi rapidement, c’est parce que l’informatique, l’internet, la puissance des ordinateurs couplée à l’intelligence artificielle (IA) et les « big data » donnent l’accès à la bourse en temps réel par tout un chacun, permettant une spéculation débridée et l’accumulation du capital au-delà de l’imagination. Et ceci en dehors de l’économie réelle.

Cette évolution débute dans les années 1970. À partir de là, les marchés financiers prennent le relais des banques et deviennent la principale source de financement des entreprises, mais génèrent aussi des gains énormes en dehors du monde réel (on gagne plus à spéculer qu’à produire).

Dans les années 1980, les flux financiers se mondialisent. Partout, les contrôles de capitaux sont abattus et les places financières libérées. Ce qui supprime le rôle de l’État en tant que gardien de l’intérêt collectif, comme de toute décision de maintenir ou pas certains secteurs stratégiques. L’État se trouve ainsi dans un système de roulement de la dette qui réduit progressivement son rôle de redistribution.

Dans la logique financière, le capital n’a plus à passer par le détour de la production pour fructifier, sa simple circulation engendre une concentration théorique : c’est la spéculation qui fait varier sans raison la valeur d’un actif. C’est ce qui conduit à la construction de bulles financières.

Ce propos parfaitement contre-intuitif peut être illustré par un autre phénomène qui a connu un fort développement à la fin des années 2010 : le rachat d’actions par l’emprunt. Le nombre et l’importance des rachats d’actions sur les places boursières américaines ont connu, ces dernières années, une croissance exceptionnelle.

Dans le même temps, et pour attirer l’épargne des entreprises, de grandes politiques continues de baisses d’impôts sont engagées, ce qui assèche les capacités d’investissement public. L’ouverture des marchés, l’internationalisation des entreprises par leur fusion-acquisition leur permettent de déplacer les bénéfices afin de se soustraire à l’impôt.

L’impossibilité des gouvernements respectifs à se coordonner pour supprimer cette logique de concurrence stérile est patente. Celle-ci est affirmée ouvertement par Madame Thatcher, pour laquelle « l’État doit être au service du capital et de l’entreprise ».

Les gouvernements englués dans cet endettement n’ont aucune possibilité de réaction. La troïka (le FMI, la BCE, la Commission européenne) est là pour faire régner l’ordre et empêcher toute logique contraire à l’intérêt supérieur du capital. L’exemple de la Grèce, démantelée au profit des pays européens ou asiatiques les plus riches, a conduit son peuple à la soumission totale.

Les gouvernements sont sous le contrôle des agences de notation (PIB, taux d’emploi et autres indices qui seront utilisés pour déterminer la solvabilité des pays demandeurs). Or l’emprunt est indispensable. En Belgique, par exemple, un jour de travail sur dix permet de payer uniquement les intérêts du capital.

Par ailleurs, dans la plupart des pays, le système politique a mis en place une administration lourde, grevée par une multitude de niveaux de compétences, des règlements de plus en plus complexes, mal orientés ou inadaptés, avec un coût difficilement supportable pour les petites entreprises. Et tout ceci est dicté par des multinationales au travers desquelles se déroule l’influence des lobbies.

Cette mondialisation amène aussi le pouvoir politique à réguler par des normes de plus en plus strictes, ce qui engendre des surcoûts non supportables par les producteurs locaux qui les répercutent, en dernier ressort, sur le consommateur. Un produit sain a-t-il besoin d’autant de règles alors qu’il est utilisé localement depuis la nuit des temps ?

Combien de temps faudra-t-il pour que la population ainsi que les hommes politiques prennent conscience de cette situation et agissent enfin ? Tout est progressivement mis en place pour contrôler les citoyens : caméras de surveillance, suppression progressive de la monnaie papier, contrôle de leurs déplacements et de leur consommation, tout cela sous le prétexte de la sécurité de l’État.

Le trait saillant du néolibéralisme ne se manifeste pas seulement par une opposition marquée de classes sociales (actionnaires et travailleurs). En cinquante ans, notre modèle est passé de performant à sous-optimal, illustrant l’inefficacité du rôle social supposé des entreprises.

Elles sont devenues sources d’inégalités, d’épuisements professionnels et de dégradation environnementale. L’espoir que les entreprises, par leur autonomie, généreraient un progrès social s’est révélé un échec flagrant. Les politiques, dans leur majorité, ne s’opposent pas à ce modèle ultralibéral en raison de liens profonds d’endettements qu’ils ont contractés vis-à-vis des marchés.

L’employé, aujourd’hui, n’est qu’un numéro tant que sa rentabilité sera avérée et deviendra une machine, demain, dans ce type de capitalisme. Ceci conduit à une démission de la jeunesse, elle qui a perdu le sens de son existence dans sa participation inconsciente et/ou contrainte à ce modèle économique.

La finance s’est imposée comme le langage partagé par les entreprises pour évaluer leur performance. De proche en proche, par petites touches, elles ont modifié la façon de donner une valeur à la production, au travail, pour prouver aux investisseurs financiers qu’elles étaient attractives.

D’après Renaud Vignes, les entreprises doivent désormais proposer sans cesse de nouveaux projets, des innovations, des ruptures. Elles se réorganisent, éclatent toujours plus leur chaîne de valeur pour montrer qu’elles sont en mouvement, qu’elles accélèrent et peuvent ainsi générer encore plus de profits.

Le processus de désagrégation de nos sociétés peut être compris au travers du principe d’accélération sociale proposé par Hartmut Rosa. Cette accélération à laquelle nous assistons est un véritable défi pour nos démocraties, car elle s’accompagne de la dépossession de la maîtrise humaine.

À cette vitesse, le pouvoir politique est pris par un système qui décide à sa place. L’État n’est plus qu’une machine à suivre ce que le marché édicte. En ce sens, la déformation sociale du temps est l’un des tout premiers facteurs explicatifs de l’impuissance du politique.

En effet, le phénomène d’accélération est un facteur majeur de désynchronisation entre les différents régimes de notre existence, car la distorsion du temps transforme nos modes de vie, nos relations sociales, notre rapport au monde.

Parfois, des citoyens parviennent à faire prendre conscience au monde politique des inepties de leur action en acceptant des Traités de libre-échange, avec l’instauration de juridictions privées au-dessus des États (exemple : le TTIP). Heureusement, dans ce cas, des citoyens vigilants sont parvenus à infléchir les accords.

La gouvernance n’arrive plus à ajuster les institutions par rapport au système techno-économique. Elle finit, désabusée, impuissante, par se débarrasser de tout volontarisme, préférant les rustines à une politique coordonnée et à long terme ou à en donner le contrôle ou l’expertise à des sociétés privées. Elle est en déshérence, incapable de se restructurer pour des raisons électorales.

Le savoir et la recherche financés par les États développés, dans de hautes écoles ou des universités, sont passés sous le contrôle du privé qui oriente, à sa guise, les résultats des recherches dans sa direction. Ce qui anéantit ainsi toute possibilité d’émettre des contre-propositions.

De nouvelles normes apparaissent, toujours liées au principe d’accélération : rapidité, performance, flexibilité, mobilité, réactivité, proactivité. L’entreprise qui a de l’avenir est celle qui est portée par les valeurs de l’entrepreneuriat : l’agilité, l’appât du gain rapide et le changement permanent.

Dans le monde d’aujourd’hui, ce n’est pas le gros qui mange le petit, mais le rapide qui dévore le lent. Cela nous indique que dorénavant, le temps et la rapidité d’action constituent l’avantage concurrentiel décisif.

C’est pour cette raison que les États doivent absolument modifier leur mode de fonctionnement par un usage numérique plus collaboratif afin de créer un réseau d’échange d’informations et d’actions intégrant une plus grande participation citoyenne ; ce qui conduira à accélérer l’adaptation de leur organisation.

La philosophe Hannah Arendt6 avait déjà perçu les conséquences d’une telle atomisation. Elle nous explique que cette rupture peut conduire à une situation de désolation, qui consiste en un sentiment d’inutilité, de non-appartenance au monde, de déracinement. Il y a perte d’un « monde commun », notion fondatrice dans l’œuvre de cette philosophe.

L’homme n’est plus une fin en soi, il est devenu un moyen, un objet de consommation. Mais, il reste un besoin de sens qui n’est pas comblé par la démocratie providentielle et qui a été mis à mal par l’économie libérale à tous crins.

Ainsi de ces groupes hétéroclites de travailleurs qu’ont été les Gilets jaunes ou d’autres révoltes sociales dans le monde. Fustigés par le pouvoir au nom du populisme, on n’y retrouvait ni le processus habituel de lutte des classes censé expliquer les révoltes populaires ni les traditionnelles revendications portées par les médias classiques et les corps intermédiaires (institutions, syndicats, etc.).

Les pouvoirs en place ont fait preuve d’impuissance et n’ont pas été en phase avec la puissance populaire. En phase non pas pour céder à des revendications souvent « déstructurées et difficilement intégrables » et bien souvent contradictoires, mais pour trouver de nouveaux modes de régulation du vivre ensemble.

En revanche, les Gilets jaunes ont retrouvé des liens entre eux qu’ils n’imaginaient pas au départ exister. Ce mouvement de contestation, qui a refusé toute structuration interne ou toute proposition des élites, leur proposant des pistes, a eu un capital de sympathie d’une population enchaînée aux loyers, aux prêts, aux dépenses systémiques, etc.

Ce qui n’a pas permis la modification structurelle de la société. La seule arme leur restant est la fausse démocratie, qu’ils dénoncent par un abstentionnisme de plus en plus marqué ou la montée d’opportunistes d’extrême gauche ou droite qui font miroiter des solutions miracles.

Et c’est dans ce terreau vide de pensées que renaissent les nouveaux totalitarismes et les idéologies théocratiques faites d’un terrorisme sans nom qui n’est que l’inverse d’un monde dans lequel certains ne trouvent plus leur place.