Viruse - Nike Juclal - E-Book

Viruse E-Book

Nike Juclal

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Beschreibung

Un virus mystérieux décime la planète, tandis qu’un vaccin miracle promet de sauver les humains. Pourtant, l’extinction semble inévitable. Un groupe de résistants, au bord du désarroi, cherche désespérément une solution. Henry Marfaing, sans le savoir, pourrait bien détenir la clé pour contrer ce danger apocalyptique. Mais qui orchestre cette tromperie derrière le traitement préventif prescrit ? Quelles sombres motivations se cachent dans l’ombre ? Le destin de l’humanité repose sur un fil. S’en sortira-t-elle ? Plongez dans cette intrigue où chaque page révèle un nouvel espoir ou une menace à venir.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nike Juclal voit la littérature comme une porte vers l’évasion, un univers où les mots se mêlent en une alchimie subtile pour tisser des intrigues captivantes. Pour lui, rien n’est figé ; tout se dévoile au fil de la plume, donnant vie à des récits imprévisibles. C’est ainsi qu’il définit son état d’esprit face à l’écriture et sa manière unique de l’appréhender.

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Couverture

Page de titre

Nike Juclal

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Viruse

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Nike Juclal

ISBN : 979-10-422-4304-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Viruse

 

 

 

 

 

— Wouasshhhhh...

 

Vite de l’air, un manque d’air insupportable comme après une apnée un peu trop longue. Je me redresse et force ma respiration pour accélérer la ventilation de mon corps. Peu à peu, je reprends mes esprits.

 

Que s’est-il passé et où suis-je ? Sur un lit, ça, c’est indéniable, a priori dans une chambre d’hôpital, en tous cas c’est ce que me laissent penser le mobilier minimaliste, les murs blafards et le lit médicalisé sur lequel je me trouve.

 

Que fais-je ici ? Aucun souvenir… Je perçois du bruit derrière la porte.

 

— Il y a quelqu’un ?

 

Pas de réponse, je repose la question un peu plus fort et quelques instants plus tard une infirmière aux courbes partonesques fait son entrée. Son visage angevin et ses formes prêtes à faire sauter les boutons de sa blouse me rassurent et m’apaisent. Le réveil suffoquant est déjà un vague souvenir et je m’apprête à me lever pour aller à sa rencontre, mais… mon bras gauche ne suit pas le reste de mon corps ! Mon poignet est menotté à la glissière du lit médicalisé.

 

Avec ce réveil étrange, illogique puisque dans mon sommeil je n’avais aucune raison de manquer d’oxygène, je n’avais même pas remarqué que mon bras était entravé par des menottes.

 

— Mais pourquoi je suis attaché ? La tonalité de ma question traduit mon angoisse qui refait surface. Détachez-moi, vite ! La panique du réveil revient et les attentions de la belle infirmière ont du mal à dissiper ma peur.
— Calmez-vous, tout va bien, c’est pour votre sécurité.
— Ma sécurité ? Mais pourquoi, je ne comprends pas ? Que s’est-il passé ?
— Vous ne vous souvenez pas ? La police vous a amené ici hier soir, vous étiez couvert de sang, une arme à la main en criant : « Je l’ai tué, je l’ai tué. »

 

La stupeur s’ajoutait à l’angoisse et visiblement mon visage le trahissait…

 

— Vous ne vous en souvenez pas ?
— Non de rien…
— Le médecin va venir.
— Mais pourquoi je n’ai pas de sang sur moi ?
— On vous a lavé en arrivant.

 

J’étais perdu. J’aurais tué quelqu’un, mais pas le moindre souvenir ? J’étais angoissé, mais pas par le crime qu’on m’attribuait… ou plutôt que j’avais revendiqué la veille. Cette panique était plutôt due au lieu, comme une espèce de claustrophobie, même si la chambre était spacieuse et lumineuse. Cette même sensation qu’au réveil quelques minutes auparavant.

 

L’infirmière restait au pied de mon lit sans rien faire comme si sa seule compétence était de me calmer grâce à ses formes plantureuses et son minois de gravure de mode.

Visiblement, ça fonctionnait en partie et l’angoisse que je sentais parcourir mon corps restait sous contrôle en sa présence.

 

Ma main se soulève et mon index se redresse lentement, comme engourdi, à l’image du reste de mon corps.

 

— Votre front, sur votre front…

 

Miss avantages porta sa main à son front sur la cloque qui s’était formée, un attribut difforme sur une plastique parfaite. L’infirmière stationnée au pied de mon lit fit subitement volte-face et quitta la pièce rapidement en m’indiquant que le médecin allait passer.

Je comprenais la gêne et la sortie précipitée de mon infirmière… comment remplir son rôle apaisant si sa silhouette pulpeuse était éclipsée par cette petite cloque disgracieuse qui venait de se former en plein milieu de son front.

 

Malgré le départ de mon ange gardien, l’arrivée rapide du médecin empêcha la panique de me submerger à nouveau. Il était accompagné d’un policier, ce qui semble somme toute logique au regard des accusations à mon encontre.

 

Tous deux prennent une chaise et s’installent au bord du lit. Poliment, avec une voix douce, le policier commence à me poser des questions.

 

— Quand nous vous avons arrêté hier, vous disiez avoir tué quelqu’un ? C’était qui ?
— Je n’en ai plus aucun souvenir. Croyez-moi, je ne me souviens de rien de ce qui s’est passé hier.
— Vous n’aviez pas non plus de papier sur vous. Pouvez-vous me décliner votre identité...

 

Tiens, mais c’est vrai ! Mes premières interrogations après le réveil avaient été de savoir où j’étais et pourquoi, mais qui suis-je ? Seule la question du policier me fait prendre conscience que je ne me rappelle pas mon nom ! En fait, après quelques secondes de réflexion supplémentaire, je me rends compte que je ne me souviens d’absolument rien de ma vie.

 

Soudain l’angoisse remonte et me submerge tel un tsunami qui balaie toutes retenues sur son passage et même le retour de mon infirmière qui avait perdu sa cloque ainsi qu’un bouton idéalement positionné sur sa blouse, ne peut endiguer ma frayeur.

 

Le médecin intervient pour tenter de me rassurer :

— Vous avez visiblement eu une expérience extrêmement choquante hier et cela arrive alors de perdre la mémoire, on appelle ça une amnésie traumatique, ne vous inquiétez pas, la mémoire va vous revenir.
— Mais pourquoi je me rappelle que ça, c’est un lit, que vous êtes médecin, lui policier, mais rien de ma vie passée, pas même mon prénom ?
— C’est la complexité de notre cerveau. Vous avez conservé une mémoire procédurale qui vous permet de vous rappeler à quoi servent les objets qui vous entourent.
— Et si jamais ma mémoire ne revenait pas ? Je deviendrai un homme sans passé…
— Allez, on va trouver. Déjà, s’il y a un cadavre, on va le retrouver et on en saura un peu plus. Et puis maintenant que vous parlez, on sait que vous êtes français ! Vous voyez, vous n’êtes plus tout à fait une personne !

 

Les voix calmes de mes interlocuteurs font baisser peu à peu mon niveau de stress, couplé avec de temps à autre, un petit coup d’œil sur le bouton dégrafé de mon infirmière qui me laisse entrevoir le galbe de sa poitrine généreuse… visiblement ça fait partie de la mémoire procédurale, et c’est tant mieux.

 

Les questionnements du policier se poursuivaient, mais tournèrent vite au monologue faute d’éléments de réponse de ma part.

 

Mais comme précédemment avec l’infirmière, mon index se redresse lentement pour désigner le front du médecin… une cloque similaire à celle de sa gracieuse collègue gonflait sur son front. Si l’effet était moins défigurant sur le médecin que sur l’infirmière, c’était tout de même très curieux.

 

Certes, j’étais devenu amnésique, partiellement du moins, mais je ne me rappelle pas avoir déjà vu pareil phénomène auparavant !

 

Et visiblement, ce n’était pas très normal puisque le médecin, comme l’infirmière précédemment, quitta aussitôt la pièce.

 

***

 

— Wouasshhhhh...

 

Vite, de l’air, un manque atroce d’oxygène, comme si on m’avait plaqué un oreiller sur la bouche, me prend à la gorge. Je me redresse du lit sur lequel je suis allongé pour me diriger vers la fenêtre et remplir mes poumons d’air, mais je suis bloqué, mon poignet gauche est attaché au lit avec des menottes.

 

Mon angoisse se démultiplie, c’est un cauchemar, je dois encore dormir, je hurle de peur.

 

Une infirmière aux formes exagérées, tout droit sorties d’un Tex Avery fait irruption dans la pièce. Tex Avery, plus hôpital, plus menotte, ça n’a ni queue ni tête, c’est sûr c’est un vilain rêve… Mais comment en sortir ?

 

Elle me parle, me dit d’une voix suave de me calmer, rapproche son décolleté abyssal de mon visage, mais la peur ne me quitte pas. Mes hurlements redoublent et attirent un médecin et un policier, que rien ne semble distinguer à part l’uniforme. Deux individus dont la bonhomie du visage aurait dû calmer mon oppression, mais cette impression étrange de visages dupliqués, jusqu’au grain de beauté sous l’œil droit, comme un copier-coller, rajoutait au côté surréaliste de la scène ! Il n’y a que dans les rêves qu’on voit ça. Mais toujours pas d’échappatoire ; les Dupont et Dupond prêtent main-forte à la pin-up en blouse blanche pour tenter de me rallonger sur le lit tandis que des bulles gonflent sur leurs fronts respectifs… quel rêve ! Le Dupont au stéthoscope demande alors d’une voix monocorde qui tranche avec mes cris, de m’injecter une dose de calmant… voilà, game over, terminé ce songe ubuesque, je vais me réveiller.

 

Mais non, je suis groggy, comme KO après un bel uppercut, étendu sur le lit ; je distingue des formes diffuses allant et venant dans la pièce, très loin des lignes épurées de la pin-up. D’ailleurs, pourquoi introduire dans mon cauchemar une fille aux formes sculpturales ? Le fantasme et la peur ne font pas bon ménage. Alors est-ce vraiment un rêve ?

Progressivement, les formes se font plus nettes et je perçois quelques bribes de phrases incompréhensibles : injecte… reviens après… ça a marché… augmente encore…

 

Un ange se penche vers moi et me susurre à l’oreille :

— Vous allez mieux ?

 

Rêve ou réalité, en tous cas je suis toujours dans cette chambre d’hôpital, attaché au lit, avec en guise d’ange, à coup sûr l’égérie de Russ Meyer. Si les bulles que j’avais cru voir sur son front pendant mon délire avaient disparu, le bonnet a lui assurément pris une taille. Est-ce vraiment possible ?

 

Le policier, d’une voix douce, totalement anachronique avec ses propos, m’explique les raisons de sa présence et pourquoi je suis attaché. Ces révélations qui devraient me stupéfier glissent sur moi comme l’indifférence. Est-ce l’effet du calmant ou les incohérences d’un rêve ?

 

— Excusez ma question, mais est-ce que je suis en train de rêver ?

 

Ma question est naïve, car si je suis en train de rêver mon inconscient ne va casser mon songe en me disant le contraire !

 

— Non monsieur, encore une fois, nous vous avons retrouvé hier soir ensanglanté, une arme à la main en vociférant que vous aviez tué quelqu’un.

 

Le policier employa un ton plus martial sans doute pour donner du crédit à son propos. Mon regard balaya la pièce en quête de certitudes.

 

— Comment vous appelez-vous ?

 

Tiens c’est vrai ça, comment je m’appelle ?

 

— Il n’y a que dans les rêves qu’on n’a pas de nom, non ?
— Vous vous souvenez de quoi ?
— De rien, étrange non ?
— Pas forcément, renchérit le médecin, vous pouvez avoir une amnésie post-traumatique, me tendant un miroir. Ce visage vous parle ?

 

Pour le coup, mon visage grêlé et légèrement barbu tranchait avec leurs visages purgés de tout défaut.

 

— Non, rien.
— Vous pouvez nous parler de votre enfance ? De quelque chose sur votre vie, un détail, un prénom, un lieu…

 

Je fis un effort pour me souvenir, mais le tableau était noir, totalement noir… désespérément noir.

 

— Reposez-vous, ça ira mieux demain.

 

L’infirmière réinjecta une dose de tranquillisants ; les formes se floutèrent progressivement ; les paroles ne devinrent plus que quelques mots épars : « changement »… « réveil »… « calme »

 

***

 

Mes paupières lourdes, comme après une belle gueule de bois, tentent de s’ouvrir et de faire mentir Newton. C’est la clarté que je remarque en premier, accentuée par les murs blancs de la pièce et une grande ouverture sur l’extérieur, baignée de soleil.

 

Me voyant bouger, une jeune femme se penche vers moi en souriant. Je ne la connais pas, mais son visage m’inspire confiance et ne parlons pas de ses lourds attributs sur lesquels tombent mes yeux… et rien à voir avec la loi de Newton, mais beaucoup à voir quand même !

 

C’est seulement après que je remarque sa blouse blanche.

 

— Je suis dans un hôpital ? Où suis-je ? Je le lui demande simplement.
— À l’hôpital, ne vous inquiétez pas.

 

Bizarre comme le simple fait de vous dire de ne pas vous inquiéter est inquiétant !

 

— Mais pourquoi ?
— La police vous a recueilli hier ensanglanté, avec un pistolet à la main, c’est pour ça que vous êtes attaché, mais le médecin et la police vont arriver.

 

Si sa voix lascive et ses formes exquises m’apaisaient, ses propos avaient tout pour inquiéter… mais non, une sorte de zénitude l’emportait et ma réponse en est la parfaite expression :

— D’accord…

 

Effectivement, deux individus dont l’accoutrement correspond à celui d’un policier et d’un médecin entrent dans ma chambre. À tour de rôle, ils m’expliquent les raisons de ma présence, pourquoi je suis menotté, et qu’il ne faut pas m’inquiéter de mon amnésie post-traumatique.

 

Est-ce le fait de me répéter à longueur de phrase de ne pas m’inquiéter ou bien simplement parce que je suis maintenant parfaitement réveillé, mais un mélange d’anxiété et d’agacement commence à monter en moi. Je ne me souviens de rien, je suis enchaîné et je suis accusé de meurtre… le tableau n’a rien de réjouissant.

 

— Quand suis-je arrivé ici, m’avez-vous dit ?
— Hier soir, reprennent en cœur les deux hommes.
— Hier soir ? Et quelle heure est-il ?
— Presque 18 h, votre plateau-repas va bientôt vous être servi, répond enjouée mon infirmière.
— 18 h ? Et j’ai dormi jusque-là ?

 

La zénitude m’a maintenant quitté. Je m’interroge, tente de me rappeler des bribes de mon passé, je cherche un fil auquel me rattacher… mais la bulle qui gonfle sur le front du médecin interrompt ma réflexion…

 

Avant que je ne puisse lui faire remarquer qu’une cloque poussait à vue d’œil au milieu de son front, l’infirmière positionnée face à lui, l’alerte par de grands gestes. Bizarrement, le médecin ne pose aucune question, ne porte pas la main à son visage comme on aurait pu l’attendre, se lève précipitamment et quitte la pièce. Dans son empressement, le badge de sa blouse se décroche et tombe sur le rebord de mon lit.

 

Machinalement, je pose ma main dessus.

 

— Nous reprendrons notre discussion demain en espérant que vous aurez retrouvé la mémoire, me dit posément le policier.

 

Il se lève et invite l’infirmière à le suivre. Au même moment, une autre infirmière, tout aussi bien dotée par dame nature, m’amène mon plateau-repas.

 

Seul dans ma chambre, je m’interroge sur ces moments surréalistes depuis mon réveil. Si je peux croire à cette amnésie temporaire due à un choc qui m’a fait tout oublier jusqu’à mon prénom, plusieurs détails me chiffonnent et rendent le tableau incohérent.

 

Je suis arrivé depuis moins de 24 heures, je l’ai bien fait préciser, et pourtant quand le médecin m’a présenté le miroir, c’est une barbe de plusieurs jours que j’ai vue sur mon visage. J’ai tout oublié de ma vie, mais je n’ai pas oublié ce qu’est une barbe naissante, et celle qui orne mon visage a plusieurs jours. Alors certes j’ai pu arriver avec cette barbe, mais le détail m’a chagriné. Et puis, ces corps à la plastique irréprochable comme photoshopés et cette cloque qui pousse sur le visage et qui provoque comme seule réaction… la sortie de la pièce.

 

Mais le détail le plus étrange n’est pas là… j’ai remarqué sur poignet gauche une large plaie rouge due au frottement du métal des menottes. Mais cette plaie n’a en aucun cas pu être faite en quelques heures.

 

La taille de la barbe et la plaie à mon poignet coïncident : je suis ici depuis plusieurs jours. Mais pourquoi me mentir sur ce point ? Autant qu’un médecin cache à son patient la gravité d’une maladie ou qu’un policier ne communique pas au suspect toutes les informations en sa possession, cela a un sens, mais mentir sur ma date d’arrivée à l’hôpital… non décidément je ne comprends pas.

 

Cette réflexion m’amène à tout remettre en question. Pourquoi m’attacher ? Bien entendu, je suis suspecté de meurtre, mais le ton bon enfant du policier ne collait pas avec mon prétendu crime. Plus généralement le physique et les propos des personnes qui rentraient dans ma chambre avaient je ne sais quoi d’étrange même si je suis incapable de le définir avec précision. À moins que ce ne soit simplement dû à mon amnésie ?

 

Drôle d’amnésie d’ailleurs qui me fait tout oublier de ma vie personnelle, mais me permet de cogiter sur la singularité de la situation !

 

Fini de méditer, il faut agir ! Le badge du médecin qui était opportunément tombé sur mon lit devrait pouvoir me servir grâce à l’espèce d’épingle à nourrice qui permet de l’attacher. Je ne sais pas quel métier je fais dans la vie, mais je me dis qu’il doit être possible d’ouvrir cette menotte à l’aide de la pointe de l’épingle.

 

Après quelques instants à trifouiller dans la serrure de la menotte, je sens que je suis au contact du mécanisme d’ouverture. J’y vais prudemment en tendant l’oreille sur les bruits venant du couloir. Malgré leur air bienveillant, je ne suis pas sûr qu’ils apprécieraient ma démarche.

 

— Clic !

 

La menotte s’ouvre et mon poignet se libère… je me lève prudemment et m’approche de la fenêtre. Je suis manifestement dans une grande ville avec de nombreux immeubles de caractère. L’environnement m’est familier même si je suis incapable de dire où je suis. Je peux lire les panneaux de signalisation, ce qui signifie que l’amnésie n’a pas touché cette partie du cerveau. Mais ces indications ne m’apportent pas d’éclairage sur le lieu où je suis, même si manifestement je suis dans mon pays puisque je comprends la langue, mais cette information je l’avais déjà, car je parlais normalement avec le personnel de l’hôpital.

 

Je sais donc décrire et énumérer tout ce qui constitue mon environnement sans pourtant en déduire le lieu où je suis.

 

Mais surtout, une atmosphère étrange se dégage de ce que je contemple. Comme pour ma chambre d’hôpital j’ai du mal à en exprimer l’origine… les gens peut être… les piétons surtout qui semblent se déplacer machinalement… mais n’est-ce pas le propre d’un piéton dans une grande ville ? Et puis ce calme, pas ou peu de bruits, pas de coups de klaxon intempestifs, ni de cris, personne qui court, pas d’enfants qui jouent dans le petit square de l’autre côté de la rue… Une ville aseptisée en somme à l’image de cette chambre.

 

Je tente d’ouvrir la fenêtre, non pour m’échapper, car ça fait un peu haut pour sauter, mais pour humer l’air. Est-il également aseptisé ? Mais la vitre est bloquée.

 

Je retourne sur mon lit pour faire le point, mais je me retrouve nez à nez avec le médecin que je n’ai pas entendu rentrer dans la pièce. La stupeur passée, c’est l’instinct qui me guide ; d’un mouvement rapide, je mets une balayette au médecin, le fais tomber par terre et lui passe mon bras au tour du coup pour l’empêcher de crier, mais de toute façon aucun son ne sort de sa bouche. Après quelques secondes de cette prise, il ne bouge plus. Est-il évanoui ou mort, je n’en sais rien, mais j’agis rapidement en enfilant sa blouse sur laquelle je remets tant bien que mal le badge qui m’a servi à me détacher.

J’allonge le médecin sur le lit, l’attache avec les menottes et le recouvre du drap pour que l’infirmière ne puisse pas le reconnaître en rentrant dans la pièce.

 

Maintenant, il faut quitter cet hôpital, mais trois étages me séparent de la rue. J’entrouvre la porte et scrute le couloir qui semble calme. Allez, je me lance. Je referme la porte. À gauche, c’est un cul-de-sac, il me reste donc le long couloir à droite. Tête baissée, je tente de repérer une signalétique qui indiquerait la sortie. Je passe devant une pièce vitrée, sans doute la salle des infirmières, où je distingue plusieurs silhouettes informes, mais je ne veux pas tourner la tête et poursuis tout droit. Enfin, j’aperçois un petit dessin signalant des escaliers, mais au même moment de derrière retentit un « hep monsieur »… je ne me retourne pas et hâte le pas, j’ouvre la porte menant à la cage d’escalier… Derrière le ton devient plus insistant : « S’il vous plaît, monsieur, arrêtez-vous. »

 

On m’appelle « Monsieur » et pas « Docteur », mon déguisement n’aura pas fait long feu. Plus le temps de faire marche arrière. Je m’élance dans les escaliers en dévalant les marches quatre à quatre. Quelques secondes plus tard, j’atterris dans le hall de l’hôpital essoufflé et transpirant, comme un chien dans un jeu de quilles. Les quilles me regardent comme ils l’auraient sans doute fait avec un extra-terrestre. Je fonce vers la porte d’entrée en évitant les deux malabars qui tentent de m’arrêter. Une alarme stridente retentit alors que je franchis la porte.

 

Sur ce grand boulevard qui longe l’hôpital où aller ? Je suis perdu. Mon instinct me dit de prendre à droite… dans le sens de la descente… pas bête mon instinct ! Je cours comme un dératé slalomant au milieu de piétons qui me dévisagent. Me suit-on ? Je ne prends pas le temps de vérifier et poursuis ma course folle. J’arrive au bout de l’avenue. Sur la gauche, un parc, un jardin plus exactement, « Jardin des Plantes », je peux lire et en face un pont qui enjambe une rivière. Faisant fi des voitures, je reprends ma course en direction du pont. Les voitures sont pile devant moi, mais aucune ne klaxonne, j’arrive sur le trottoir d’en face et alors un homme me saisit par le bras.

 

— Viens, suis-moi, dit-il simplement.

 

Qui est-il ? A-t-il de bonnes intentions ? Je n’en sais rien, mais qu’ai-je à perdre ? Je ne peux pas courir sans fin dans une ville que je ne connais pas et où je suis un étranger. Je me retourne. La ville est comme figée, me regardant dégoulinant de sueur.

 

L’homme exerce une petite pression de la main en sa direction pour me faire comprendre qu’il n’y a pas de temps à perdre, il faut y aller. Je le suis. On descend un escalier en pierre qui rejoint les bords du fleuve. Il se met à courir, j’en fais de même. Soudain, il s’arrête, scrute à droite, à gauche et tire une lourde porte se situant dans le mur en contrebas des quais.

 

Nous nous y faufilons. Il referme la porte derrière nous. Il fait noir.

— Reste bien derrière moi, se contente-t-il de me dire.

 

Je m’exécute et le suis dans ce dédale de couloirs obscurs. L’air est saturé d’humidité. Nous descendons des escaliers. Les marches sont glissantes. Des petits bruits qui se rapprochent… des rats. L’homme ne s’en émeut pas et continue d’avancer… une autre porte et derrière enfin de la lumière.

 

Nous entrons dans une petite pièce aveugle, mais éclairée et sommairement équipée : un canapé hors d’âge sur lequel sont avachies deux jeunes femmes, une table, quelques chaises dont l’une est occupée par un autre homme, un peu plus âgé, et un chien s’acharnant sur un os. Quelques étagères et un vieux lit complètent le mobilier.

 

Le changement de décor en quelques instants est saisissant. Ici les corps sont meurtris, le mobilier brinquebalant, l’odeur fétide, l’atmosphère glauque… ai-je bien fait de suivre cet homme ?

 

***

 

— C’est qui ? demandent à l’unisson les trois personnes présentes dans la pièce.
— T’es qui ? me demande mon guide.
— Je ne sais pas !

 

J’ai conscience que cette entrée en matière n’est pas à même de créer un climat de confiance, aussi je précise…

 

— Je suis amnésique…
— En tous cas, ce n’est pas un des leurs, précise mon guide à ses compagnons.
— Un des leurs ?
— Vu comment tu courrais comme un taré ça ne fait aucun doute ! Et si je ne t’avais pas intercepté tu n’aurais pas fait long feu en surface !
— Je ne comprends rien à ce qui se passe…
— Tu ne te souviens d’absolument rien ? Tu venais d’où comme ça ?
— De l’hôpital…
— Quel hôpital ? me coupe immédiatement l’homme attablé.
— Je n’en sais rien, celui qui un peu plus haut…
— La Salpêtrière ! C’est chez eux ! Tu y es depuis quand ? Tu t’es enfui ?
— Ils disaient que j’étais arrivé hier, mais ça ne collait pas avec plusieurs trucs et notamment l’état de mon poignet… je me suis donc enfui.
— Et s’il était…
— C’est trop tôt pour le savoir, il faut attendre au moins 24 heures.
— De quoi vous parlez, je ne comprends rien ?
— On va tout t’expliquer, mais assieds-toi parce que si tu ne te souviens de rien, tu ne vas pas y croire !

 

Décidément, je m’étais enfui d’un hôpital parce que leur discours comportait de trop nombreuses incohérences, pour tomber dans les bas-fonds de la ville où on me promet une histoire encore plus dure à croire !

 

***

 

J’étais installé au fond du canapé entouré des deux jeunes filles certes pleines de défauts en comparaison de mes infirmières, mais ça restait incontestablement la meilleure place de la pièce !

 

Mon guide, qui ne s’était toujours pas présenté, mais moi non plus d’un autre côté, avait pris une chaise… et un air grave… qu’il avait placé face à moi… sa chaise… et son air grave aussi puisqu’il l’avait sur lui !

 

— Voilà, tout a commencé il y a un an environ. Un virus, très mortel et très contagieux, s’est répandu sur la planète. Un taux de mortalité de près de 10 % qui frappait indifféremment les jeunes, les vieux, les hommes ou les femmes. C’était la panique. Chaque pays fermait ses frontières, tout le monde se confinait, mais le virus s’en moquait et continuait à décimer des villes entières. Après trois mois très durs, la maladie a commencé à reculer. On pensait que c’était fini, mais peu après elle revint en force en ayant muté sous une forme encore plus mortelle.

Après cinq mois de pandémie qui avait tué des centaines de millions d’humains, une société chinoise annonça avoir trouvé un vaccin !

 

C’était la stupeur et l’espoir. Sans réfléchir, tous les états foncèrent tête-bêche et commandèrent des millions de doses et vaccinèrent à tour de bras. La peur n’est pas bonne conseillère et le bon sens aurait voulu qu’on demande des explications à cette société et notamment comment elle avait pu fabriquer aussi vite un vaccin, mais non, la panique était telle, la pression de l’opinion était si forte, qu’on se contenta de vagues explications.