Voyage au bout de son être - Laurence Lunelle - E-Book

Voyage au bout de son être E-Book

Laurence Lunelle

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Beschreibung

"Voyage au bout de son être" vous plonge dans l’intense complicité entre Laura, une mère de famille de trois enfants, et son fils cadet Ludo, un jeune homme plein de ressources, qui apprécie la fête et les rencontres amicales. Installé à Malicorne-sur-Sarthe, où il possède une terre agricole, Ludo doit surmonter de nombreux obstacles pour concrétiser son projet solidaire. Parviendra-t-il à réaliser son rêve et à devenir permaculteur aux côtés de son âme sœur ?




À PROPOS DE L'AUTRICE

Laurence Lunelle, auteure de neuf manuels scolaires et de plusieurs articles pédagogiques, jouit d’une carrière professionnelle diversifiée, tant dans le secteur privé que dans l’éducation nationale. "Voyage au bout de son être", son premier roman, est une tentative sincère de partager avec un large public le drame familial qui a profondément affecté sa vie et ses aspirations.

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Laurence Lunelle

Voyage au bout de son être

Roman

© Lys Bleu Éditions – Laurence Lunelle

ISBN : 979-10-422-2808-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mon fils adoré pour l’éternité

À mes filles chéries qui m’ont encouragé

Aux membres de ma famille, chaque jour bien aimés

Pour leur soutien inconditionnel à ce premier récit de vie

Chapitre 1

Malicorne-Sur-Sarthe

Dans le bureau de Maître Lacogne, Ludo relit avec attention l’acte notarié qui apparaît sur l’écran. Il relève avec pertinence une erreur de syntaxe commise par le rédacteur de l’acte.

Les vendeurs, Sylvette et Patrick, sont présents. Ils sourient et manifestent leur satisfaction de transmettre leur terre agricole à Ludo. Dans sa vingt-quatrième année, Ludo est porteur d’un projet de vie en autonomie et en harmonie avec la nature.

Avec six hectares, une mare et une grange pour abriter les outils agricoles et leur propriétaire, Ludo atteint aujourd’hui avec bonheur la première étape d’une quête démarrée quatre ans auparavant. Laura est également à ses côtés. Elle tient à partager ce premier jour d’un projet longtemps rêvé qui se transforme en réalité.

L’acte est signé électroniquement par les trois protagonistes. Bien qu’ayant financé majoritairement l’acquisition, Laura souhaite que Ludo en soit l’unique propriétaire. Elle pense naïvement que cela va contribuer à la réussite du projet ! Être propriétaire, pour Ludo, c’est être libre, n’avoir de comptes à rendre à personne et développer son projet agricole en toute autonomie. Vendeurs et acquéreurs partent fêter l’heureuse transaction autour d’un verre de l’amitié chez Sylvette et Patrick, à quelques kilomètres de Malicorne.

Dans une ambiance sereine et détendue, Ludo questionne les vendeurs :

« Qu’avez-vous cultivé toutes ces dernières années ? »

« Nous n’avons jamais produit de légumes ou de fruits. Nous avions un élevage de cent vaches laitières sur la parcelle », répond Patrick, heureux de l’intérêt porté par Ludo à son expérience d’agriculteur. Il ajoute, heureux de partager son expérience :

« Les six hectares sont en herbage et les foins sont fauchés chaque année courant juin par une entreprise partenaire. Nous produisons du maïs sur une autre terre que nous louons pour nourrir notre élevage de poulets : c’est notre activité principale. »

« Nous avons utilisé de l’engrais pour avoir de meilleurs rendements. Nous souhaitons préparer notre retraite : nous nous sommes installés très jeunes en tant qu’exploitants agricoles », précise Sylvette.

« Je veux me lancer en permaculture », affirme Ludo avec détermination.

« Nous sommes plutôt partisans d’une agriculture biologique, mais les investissements nécessaires à la conversion sont trop importants : nous n’avons plus le temps », argumente Patrick.

« J’aime mon métier d’agricultrice, mais les hivers sont longs avec uniquement les poulets à qui parler ! » témoigne Sylvette.

« Et les cent vaches laitières que vous éleviez sur la parcelle, que sont-elles devenues ? » demande avec curiosité Ludo.

« Nous avons dû nous en séparer, les cours du lait étaient trop bas pour que l’élevage soit rentable », explique le vendeur.

Ludo et Laura repartent pour la terre agricole tout juste acquise. Pour les citadins qu’ils sont, cette terre est insolite, immense et pleine de promesses !

Le choix de la parcelle n’est pas le fruit du hasard. Cela fait quatre ans que Ludo scrute toutes les annonces sur l’ensemble du territoire. Ses exigences sont précises : il lui faut un ruisseau ou une mare, des arbres et un grand espace qui puisse contenir son rêve de village solidaire.

Laura et Frédéric, le compagnon de Laura, ont réfléchi également au choix de la localisation, la santé de Ludo est fragile. La parcelle coche toutes les cases avec sa proximité avec le village de Malicorne-sur-Sarthe, la desserte de la départementale et les deux cent quinze kilomètres qui séparent la parcelle de leur domicile.

Le village de Malicorne-sur-Sarthe est accueillant avec sa base nautique, l’église Saint-Sylvestre le long de la Sarthe, son musée de la Faïence et de la céramique ainsi que son joli château sur la route de Pacé. Arrivés à l’avance au rendez-vous du notaire, la mère et le fils ont pris le temps d’une tasse de café au bar du village, non loin des rives de la Sarthe.

Ils ont découvert le pôle santé à l’entrée du village, juste à côté de la supérette Coccinelle Express : « Ce bar est bien sympa : tu pourras ainsi venir te réchauffer l’hiver ! » s’était enthousiasmée Laura.

Un jeune couple de voisins, proche des vingt-quatre ans de Ludo, vient de racheter la ferme enclavée pour la rénover et la transformer en un joli nid douillet. Ils n’y habitent pas encore, mais le chantier a bien avancé. Ils partagent un même chemin d’accès qui appartient à la propriété de Ludo.

La ferme était l’ancienne habitation du précédent propriétaire ce qui leur permet d’avoir un compteur d’eau, une adresse postale et un abonnement à l’électricité.

Avec la grange et les six hectares, Ludo ne bénéficie pas de tous ces avantages. Pour que cela soit possible, il faudrait qu’il devienne agriculteur.

Avec des parents issus du monde agricole, tout aurait été plus simple et aucune formation n’aurait été exigée.

La présence de la grange a charmé Laura : avec son toit de zinc refait à neuf et ses murs en vieilles pierres, elle constitue un abri pour Ludo et son projet. Les outils y sont déjà entreposés, mais il faudra dégager la paille encore présente au sol.

Ludo a beaucoup lu ces quatre dernières années sur la thématique de la permaculture1, l’agroforesterie 2 et les jardins agroécologiques3. Il a consulté de nombreux sites et tutoriels !

Son père, Thierry lui a recommandé de développer sa pratique de la permaculture en adhérant au réseau woofing4 : Ludo a traversé la France pour rejoindre Manu, propriétaire de cinq hectares en Ariège. Il a aidé à la construction d’un muret avec des Canadiens, mais aussi à la réalisation de buttes pour protéger les cultures.

« Pourquoi créer des buttes ? » avait demandé Laura à son retour.

« C’est pour reproduire la décomposition naturelle et favoriser la multiplication de micro-organismes et d’insectes qui enrichissent le sol », avait répondu patiemment Ludo.

L’expérience n’a pas été très longue, mais enrichissante malgré la difficulté pour Ludo de se placer sous l’autorité de Manu, pharmacien de formation ayant renoncé à un avenir tout tracé pour se lancer en permaculture. Au détour de la conversation avec son fils, Laura apprend que le pharmacien avait offert aux woofers débutants des champignons hallucinogènes, ce qui avait contribué quelque peu à précipiter le retour de son fils.

Le futur permaculteur s’est également beaucoup informé sur la gestion de l’eau, les possibilités de forage sur le terrain et leur réglementation. Laura s’inquiète un peu des investissements que cela nécessite : l’eau sera-t-elle au rendez-vous ? À quelle profondeur se situe la nappe phréatique ?

Ludo a affiné son projet de production maraîchère, plantations d’arbres fruitiers et de fleurs en termes de surface afin d’obtenir l’autorisation d’exploiter.

Sur son terrain, il souhaite favoriser la repousse de chênes et de taillis.

C’est le premier jour et Ludo a tout prévu, les outils du permaculteur, les graines bio, la brouette : la fourche bêche permet d’ameublir la terre de culture, de la retourner au moment des labours, mais aussi de morceler le sol. Laura découvre avec étonnement la fourche écologique ou grelinette inventée par André Grelin. Cet outil permet de travailler le terrain sans retourner les différentes couches de terre. Ainsi, l’écosystème du sol est préservé ! Ludo dispose également d’un croc permettant de défricher, d’améliorer l’ameublissement et de niveler la partie à cultiver. La serfouette fait également partie de son outillage.

« À quoi ça sert ? » demande Laura intriguée.

« Avec la serfouette tu peux creuser des trous de plantation et biner.

Tu peux aussi tracer des sillons pour placer les semis, sarcler tes cultures vivrières et arracher les vieux plants de légumes », répond Ludo avec précision et rapidité.

Pelles, bêche, semoir et râteaux, plus classiques, complètent l’outillage, financé par son père Thierry.

Ludo est impatient de mettre en œuvre ses projets. Il est enthousiasmé par sa récente acquisition et exprime vivement sa satisfaction d’être enfin propriétaire d’une terre agricole.

Il fait la démonstration à sa mère de l’usage de la grelinette et prépare une petite parcelle.

Il souhaite semer au plus vite les premières graines de courgettes, car nous sommes déjà au début de l’été !

La mare remplie d’eau en février, lors de la première visite, est à présent presque vide ! L’été 2019 s’annonce très chaud et les ambitions de création d’un potager vont devoir être revues à la baisse, voire différées, compte tenu de l’absence d’eau momentanée.

Laura propose d’installer des gouttières le long du toit en zinc et des récupérateurs d’eau, non soumis à autorisation et moins coûteux.

La première nuit sur le terrain est spartiate : bâche à terre et couette pour une invitation à découvrir le ciel étoilé et lumineux par la large ouverture frontale de la grange. Les bruits de la campagne sont inédits pour elle : les nombreuses chouettes hululent, les chauves-souris grincent en prenant appui sur les poutres et l’âne brait au lointain, au petit matin. La température, idéale au coucher, est un peu fraîche le matin avec la rosée sur les herbes hautes. Le spectacle du lever du soleil est magique avec la brume qui flotte tout autour de la grange !

Que de belles surprises pour Laura qui s’invite pour une première journée au projet de Ludo ! Il est prévu qu’elle ne reste pas longtemps : des obligations professionnelles et familiales s’imposent à elle. La mère de famille repart vers son compagnon, Frédéric, vers la petite sœur de Ludo, Léa, et vers sa vie de femme socialement engagée. Elle ressent de la frustration à ne pas accompagner son fils plus longtemps.

La question de l’autonomie la préoccupe : jusqu’où son fils peut-il par lui-même développer son projet avec sa santé fragile ? Comment tenir compte de la situation de handicap reconnue l’année dernière ?

Ludo est un jeune homme brillant, plein de ressources qui apprend vite ! Il possède de belles qualités humaines. Il a, depuis son plus jeune âge, le goût des autres et des rencontres amicales.

Rester plus longtemps, n’est-ce pas lui imposer sa vision du monde et restreindre son espace de liberté ?

À travers les échanges, les réactions et le choix des mots, ne risque-t-elle pas de lui imposer une norme dans la manière de s’y prendre ?

Laura sait à présent que l’anxiété se transmet et elle ne souhaite pas endiguer l’enthousiasme de son fils avec ses appréhensions.

Comment oublier les épisodes traumatiques vécus ces trois dernières années avec la révélation de la maladie de Ludo ?

Chapitre 2

L’anniversaire

Ludo fête ses vingt et un ans avec ses amis du lycée dans un village situé au nord-est du Val-d’Oise. Le permis en poche et la voiture d’occasion, une Clio gris métallisé de 2005, offerte par sa grand-mère Charlette, il peut facilement franchir les cinquante-cinq kilomètres qui le séparent de son enfance et de son adolescence.

Le lendemain matin, anniversaire en famille dans l’Essonne avec Frédéric, le compagnon de Laura, Léa, sa jeune sœur de dix-sept ans et Élise, de trois ans son aînée, tant admirée par Ludo.

Il revient comme prévu le matin, après une courte nuit de fête : il a l’air absent, son regard est ailleurs. Laura lui a offert un manteau, l’occasion pour eux deux de partager un temps de shopping. Vingt et un ans, c’est l’âge de la vraie majorité.

C’est lui qui a choisi le restaurant asiatique situé à Crosne, un choix un peu étrange, car éloigné de la maison familiale et sans cachet particulier.

Les convives sont bien silencieux et les plats savoureux. La famille est heureuse d’être réunie autour de cette nouvelle étape de vie pour Ludo.

Il part le lendemain, avec sa voiture, à la recherche d’un travail dans un environnement compatible avec ses valeurs, une vie proche de la nature.

Au mois d’avril, son grand-père maternel est décédé d’un cancer du poumon et sa grand-mère Charlette, dont il est proche, souffre d’une grande solitude après cinquante-cinq ans de vie commune.

Il passera certainement la rejoindre dans le sud de la France, à Lunel, commune de l’Hérault, située entre Nîmes et Montpellier.

Laura est heureuse que son fils prenne son envol et sa destinée en main après une année passée à la recherche d’un travail. L’été 2016, c’est le début des plates-formes ubérisées, mais non encore réglementées et Ludo renonce aux vacances familiales en Corse pour la conduite rémunérée sur la plate-forme Heetch. Les courses sont tardives et aléatoires, mais il collecte quelques centaines d’euros. En septembre, après le dépôt d’un dossier de candidature au rectorat de Versailles et de nombreux entretiens de recrutement, il est finalement retenu au lycée professionnel Jean Perrin de Longjumeau sur un poste à temps partiel d’AESH5. Il s’agit pour lui d’accompagner deux élèves dont l’un d’eux est atteint d’un trouble du Spectre Autistique. La formation initiale de Ludo, un baccalauréat de Sciences et Technologies de la Gestion, suivi de ses deux années d’études supérieures en informatique, ont séduit la coordinatrice du groupe des AESH.

Les missions confiées sont exigeantes puisque Ludo doit entrer dans la pédagogie et le contenu du cours transmis par le professeur puis apporter une aide organisationnelle et méthodologique à deux élèves à peine plus jeunes que lui. La formation de 60 heures, prévue pour ce poste, tarde à venir. Au bout de trois semaines, il est effondré, il ne parvient pas à y retourner. La coordinatrice du groupe contacte Laura par téléphone et lui confie à quel point il a accompli un travail de qualité et gagné la confiance des jeunes.

Elle regrette son abandon de poste et surtout de ne pas l’avoir davantage accompagné dans ce nouveau métier. Ludo avoue de son côté avoir été désemparé par les comportements inadaptés de ses élèves et totalement démuni pour trouver les moyens à mettre en œuvre pour les aider.

Ce 7 novembre 2016, Ludo vient de fêter ses vingt et un ans : c’est une nouvelle étape dans la vie de Ludo, ce départ pour la province et la découverte d’un territoire plus rural avec la promesse de métiers en lien avec la nature ! Laura accueille la nouvelle avec bienveillance même si sa décision a été prise soudainement ! Elle est d’un naturel optimiste et confiant dans ses capacités à effectuer les bons choix.

Laura est passionnée par son travail. Elle sort d’une rencontre pédagogique organisée en partenariat avec la Maison de l’Économie de la Sorbonne quand Ludo la contacte par téléphone : il est bien arrivé chez sa grand-mère à Lunel et a trouvé un travail dans une halle biologique en Lozère. Le propriétaire de la halle veut développer une station écologique avec des bornes de rechargement pour les véhicules électriques et un espace de restauration et de vente de produits bio sur l’autoroute A75. Le patron, conscient des problèmes de logement rencontrés par les jeunes, lui propose même d’habiter un deux-pièces situé dans un château attenant à l’aire d’autoroute. Le château a été transformé en gîtes de luxe, mais il n’est pas ouvert à la clientèle pendant la saison d’hiver.

Laura relate la bonne nouvelle à Élise, revenue pour quelques mois au domicile familial, le temps de son deuxième stage de césure parisien. Confrontée elle-même à la difficulté de se loger à Paris, elle a du mal à y croire : un job déclaré, rémunéré au SMIC et un logement de fonction à cinq cents mètres de son travail, c’est trop beau pour être vrai !

Un deuxième appel téléphonique de Ludo succède au premier, porteur de mauvaises nouvelles : il ne va pas bien, il se sent menacé. Il pense que des bandits armés vont s’en prendre à sa vie. Il appelle Laura à l’aide et envoie de longs textos à son père Thierry. La mère de Laura est désemparée et demande également, à juste titre, de l’aide pour accompagner son petit-fils. Ce matin, il s’est levé, a rasé sa magnifique chevelure dont il prenait grand soin et qu’il coiffait en catogan. Il tient des propos incohérents. Laura quitte ses obligations professionnelles pour rejoindre Lunel : il n’est pas concevable que sa mère de soixante-quatorze ans gère toute seule cette situation inédite et inexpliquée ! Ludo et Charlette attendent l’arrivée de Laura pour partir aux urgences du pôle santé de Lunel. Il est conscient de la nécessité d’obtenir une aide médicale compte tenu de la gravité des symptômes dont il souffre.

L’urgentiste qui reçoit rapidement Ludo a travaillé quelque temps dans un service psychiatrique. Son diagnostic est rapide : il faut absolument rallier au plus vite une unité psychiatrique pour que Ludo puisse être pris en charge.

Laura hésite entre Montpellier et Orsay, l’hôpital psychiatrique le plus proche de son domicile, mais la santé de Ludo ne lui permet pas d’accomplir un si long trajet !

Direction les urgences du CHU de Montpellier avec Charlette qui conduit et Ludo, qui se sent très mal et qui s’est installé à l’arrière du véhicule. Le trajet semble interminable, mais finalement l’équipée atteint sa destination. Laura, Charlette et Ludo s’installent dans la salle d’attente des urgences. Ludo continue de regarder son téléphone portable. Il a dû se renseigner sur la maladie qui le guette et la prise en charge qu’elle nécessite :

« Je vais m’en prendre pour quinze jours d’hospitalisation ! » dit-il à sa mère malgré le triste état où il se trouve. Ludo et Laura sont auditionnés par deux médecins. Ludo tient des propos incohérents et Laura essaie d’expliquer de manière précise la chronologie des faits.

Il doit être hospitalisé, mais seul. Laura appelle le père de Ludo pour échanger sur l’hospitalisation sous contrainte à la demande d’un tiers. Thierry lui confirme que c’est la bonne décision pour leur fils. Ludo était venu chercher de l’aide, mais à présent la chambre qu’on lui présente lui paraît hostile, les odeurs de peinture l’incommodent et il ne comprend pas pourquoi les fenêtres sont fermées : il a besoin de respirer !

L’infirmière lui administre un calmant et Laura quitte la chambre et son fils.

Le choc est rude et plonge Laura dans l’insomnie : que se passe-t-il dans la vie de Ludo qui le plonge dans une telle confusion ?

A-t-il fait de mauvaises rencontres récemment ? A-t-il fait l’objet de menaces ou bien de violences physiques ?

Habituellement très respectueuse de la vie privée de son fils, elle recherche dans ses effets personnels restés chez Charlette des traces numériques expliquant la situation si aberrante et inédite.

Combien de temps va durer cette première hospitalisation ? Va-t-elle réduire à néant la proposition d’emploi que Ludo a obtenu à la force du poignet ?

Compte tenu des derniers propos tenus par Ludo, sa promesse d’embauche est-elle bien réelle ? Et si Élise avait finalement raison et que cette opportunité d’une nouvelle vie n’était qu’une pure invention ?

Laura en doute : cela ne ressemble pas à son fils de fabuler à ce point.

Fort heureusement, deux jours après son hospitalisation, Ludo obtient l’autorisation de passer des appels téléphoniques !

Il lui explique qu’il lui faut absolument prendre son poste de travail à la halle biologique au premier décembre : son employeur ne comprendrait pas le motif d’un retard à une première journée de travail planifiée il y a quelques jours.

D’un point de vue médical et c’est le plus important dans le processus de décision des médecins du service, Ludo n’a aucun antécédent psychiatrique et n’a jamais séjourné dans un hôpital, pour quelque raison que ce soit ! C’est un être sociable qui communique avec aisance quand il est mobilisé sur une idée. Elle est sûre qu’il saura convaincre l’équipe des soignants de l’intérêt de retrouver au plus vite sa liberté pour aller travailler !

La bonne nouvelle est confirmée : ce premier séjour d’hospitalisation n’aura duré que huit jours ! Il faut à présent que Laura s’organise pour rejoindre Charlette à Lunel et être présente pour la sortie de son fils.

Dans le TGV pour Montpellier, Laura repense aux qualités humaines et à l’ouverture d’esprit de Charlette, sa mère, qui a su prendre soin de Ludo et l’accueillir.

Quel courage pour assumer seule, sans formation, sans vécu professionnel, un jeune adulte dans la détresse souffrant de symptômes peu connus du grand public et de leur famille ! Avec le travail, la vie de couple et les enfants encore à charge, Laura se dit qu’elle devrait prendre le temps de séjourner plus longtemps chez sa maman veuve depuis peu. Il est vraiment dommage d’attendre d’être au pied du mur pour s’organiser et prendre le temps de partager les moments tristes, mais également les moments heureux.

Charlette conduit la Toyota Yaris et active le GPS : vive la technologie ! Aucune erreur de parcours malgré l’émotion qui monte et la tension des retrouvailles avec Ludo. Le séjour à l’hôpital est-il parvenu à apaiser les souffrances ressenties par son fils ?

Laura part à la rencontre de Ludo pour le guider jusqu’à la voiture garée au parking.

Résolument optimiste, elle ne pensait pas le retrouver dans un tel état : sous l’emprise du traitement, Ludo marche à deux à l’heure pour rejoindre la voiture.

Elle commence à mesurer à quel point la prise de poste va être compliquée !

De retour chez Charlette, elle prend connaissance du compte rendu écrit d’hospitalisation et du traitement prescrit.

C’est un nouvel univers qu’elle découvre avec de nombreux mots inconnus tels que voyage traumatique, bouffées délirantes, traitement antipsychotique, Abilify et le Valium qui semble être la cause du ralentissement des gestes et de l’élocution de Ludo.

La consultation de nombreux sites l’amène à une description théorique de la schizophrénie et de la bipolarité qui correspondent aux maladies indiquées dans la notice du traitement prescrit. Mais la conclusion du rapport reste ouverte, sans diagnostic précis, compte tenu du caractère éphémère de la crise.

Ludo se sent mieux et c’est l’essentiel : le traitement prodigué fait effet sur les mauvaises pensées !

Laura a pris soin de libérer de l’espace professionnel pour l’accompagner en Lozère.

Charlette encourage chaleureusement Ludo pour sa prise de poste et souhaite une bonne route à sa fille et son petit-fils, qui se sent en capacité de conduire malgré les effets du traitement.

Chapitre3

La halle bio en Lozère

Ludo conduit lentement, sans prendre de risque ! Il n’a jamais eu d’accident jusqu’à présent, que cela soit en scooter ou bien depuis qu’il a décroché son permis.

Il faut dire que sa Clio Diesel 2005 cinq chevaux enregistre déjà cent quatre-vingt-cinq mille kilomètres au compteur ! Ludo et Laura empruntent l’autoroute A75 en direction de Clermont-Ferrand.

C’est l’occasion d’échanger avec son fils sur cette première hospitalisation : qui a-t-il rencontré ? Que lui ont dit les médecins, les infirmiers ? Ludo reste bien concentré sur la route et répond de manière claire et explicite aux interrogations de sa mère. Il ne semble pas traumatisé par la confrontation avec d’autres patients, sensiblement plus âgés que lui et plus gravement atteints. Il est même heureux d’avoir fait la connaissance de deux jeunes hospitalisés comme lui pour un court séjour. Pour supporter la privation de liberté, Ludo a fait des pompes, fidèle à son goût pour la gymnastique et l’exercice physique !

Les paysages sont somptueux, éclairés par un beau soleil et l’autoroute déserte, ce qui rend la conduite très agréable. En chemin, ils ont emprunté le viaduc de Millau qui enjambe le Tarn. Avec ses filins d’acier en forme de voile, ils avaient eu la sensation de flotter au-dessus de la vallée.