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Au cœur de l’immensité stellaire, une guerre séculaire menace l’équilibre des mondes. Windora et Waré se livrent depuis des temps immémoriaux un combat acharné, plongeant la galaxie dans l’ombre du conflit. Un soldat windorien, exhumé de sa cryogénie, est ramené à la vie pour servir son peuple. Mais ses souvenirs lacunaires le mènent sur la piste des secrets qui entourent son réveil, confrontant des forces obscures tapies dans les recoins de l’univers. Son périple le conduira à des révélations bouleversantes, susceptibles de redessiner les contours de la réalité cosmique.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Ayant entamé l’écriture de "Windora – Tome I" à un jeune âge,
Sacha Alexander se trouve aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle étape : celle de partager son univers avec vous. Animé d’une flamme ardente et fortifié par son bagage littéraire, il aspire à offrir des récits de qualité, porteurs d’aventures inoubliables.
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Sacha Alexander
Windora
Tome I
Roman
© Lys Bleu Éditions – Sacha Alexander
ISBN :979-10-422-3676-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Année 2309/Automne/Station orbitale Beta
Un visage harmonieux s’éveilla d’un long sommeil. C’était un visage d’homme, jeune, mais qui dégageait déjà une certaine force. Ses yeux bruns en forme d’amende s’ouvrirent doucement. Ses cils vacillaient de haut en bas à mesure que ses yeux clignaient. Ce jeune homme avait les cheveux courts et en bataille, partant dans tous les sens, excepté une majorité qui tendait plutôt vers la droite. L’individu qui se tenait là dans une cabine arborait une barbe de trois jours, parfaitement taillée. Ses sourcils bien qu’épais ne le rendaient pas repoussant pour autant. Son nez semblait correctement proportionné. Il n’était ni trop gros ni trop petit et bien évidement ni trop long et ni trop court. Son nez, finalement, était parfaitement imbriqué dans cet ensemble facial masculin. Un ensemble qui au fil des secondes, laissait échapper une force tranquille. Ce jeune homme, qui devait avoir presque la trentaine, passa un moment à regarder autour de lui puis se figea en regardant l’intérieur de l’appareil dans lequel il était enfermé. Il sortait progressivement de sa torpeur et découvrait l’intérieur d’une cabine d’acier. Un intérieur gris et métallique, froid, presque glacial. La température ambiante qui englobait l’individu remontait progressivement. Il sentait que son corps lui revenait. Son dos et sa tête, tous deux ayant perdu leurs sensations, étaient appuyés contre les parties en mousse du module. La mousse synthétique qui retenait sa tête et ses membres était là pour protéger l’occupant et éviter de possibles séquelles physiques. Il s’agissait là d’un module de cryogénisation. Un modèle ancien, mais très bien entretenu.
Ce module, dans lequel il était, se trouvait au milieu d’une pièce remplie de terminaux reliés entre eux par des câbles arborant des lueurs bleues. Face à l’avant de la machine, il y avait une porte. Le jeune homme encore fatigué la regarda et se demanda s’il avait la force d’aller vers elle. Il se demanda ensuite ce qu’il pouvait y avoir derrière celle-ci. Cette porte était munie d’une ouverture ovale en verre d’où émanait une vive lumière blanche. L’homme observait autour de lui quand un son retentit dans toute la pièce. Une sorte de grincement métallique parcourut les murs dans une froide vibration. La porte de la pièce s’ouvrit et un individu vêtu d’une combinaison blanche s’approcha pour tenter de communiquer à travers le hublot de la chambre de cryogénisation.
Le jeune homme dans le module n’entendait rien jusqu’à ce que l’habitacle qui le retenait s’ouvrit. Aucun son ne fut accueilli par son ouïe. La lumière autrefois piégée envahit l’espace de toute sa puissance. Les yeux du jeune homme n’avaient pas eu le temps de s’habituer à cette source lumineuse intense. En effet il dû mettre un moment à recouvrer une vision optimale. Ce choc lumineux entraîna le temps d’un instant, un trouble dans son esprit qui le rendit confus. Après un temps bref, ses sens revinrent petit à petit et il lui semblait qu’il faisait moins froid qu’à son réveil. La couleur de la pièce ne participait pas à réchauffer son esprit et sa peau.
Les murs d’acier épais et froids ne laissaient que peu de place à la chaleur.
Le jeune homme perdu dans une brume mentale, réussi à sortit du brouillard et à regarder plus attentivement l’individu vêtu de blanc qui était là, debout, devant lui, le fixant de ses deux yeux. Ce devait être un homme du fait de sa carrure et de son lourd regard. La combinaison blanche ne laissait rien paraître de ce qui il y avait en dessous. L’inconnu étudiait et prenait des notes sur son carnet holographique. Il regarda rapidement de haut en bas le jeune homme puis passa vérifier certaines données sur les ordinateurs présents dans la pièce et reliés au module. Il regardait les écrans qui lui indiquaient l’état de santé du patient sorti de cryogénie. Tout semblait bien aller compte tenu de la gestuelle détendue de celui-ci. Il n’y avait dans sa démarche aucune précipitation ni aucune lourdeur comme s’il faisait cela depuis toujours. Il était sans doute guidé par son expérience du protocole médical et cela se voyait. Même le jeune individu, encore un peu étourdi par l’ouverture du module, avait remarqué ce comportement plein de calme et de sérénité. Après une brève observation, il décida de poser sa première question depuis son réveil.
— Où suis-je ?
Il dit cela en fixant l’individu qui se trouvait près des ordinateurs. Cette personne habillée d’une combinaison d’un blanc brillant se tourna vers lui et resta debout, droite.
— Bonjour. C’est un honneur pour moi de vous rencontrer, lieutenant. Je me présente. Je suis médecin spécialiste en cryogénie au sein de l’armée. Vous êtes actuellement dans la station orbitale Beta. Nous sommes en 2309 si cela peut vous aider à vous situer chronologiquement. Je pense que vous n’avez pas encore la totale capacité de votre mémoire. Cela est dû à la cryogénisation. Vous sortez d’un long sommeil.
***
La station orbitale Beta a été construite en 2286. Sa construction aura duré 4 ans. Elle sert de laboratoire de recherche dans différents domaines. Elle a été en partie détruite en 2290 lors d’un assaut ennemi. Un nouveau projet prévoit de transformer la station en bunker de secours militaire.
***
Le médecin regarda sa tablette puis continua de parler.
— Vos signes vitaux sont bons, même plutôt bons à vrai dire. Votre corps de militaire a résisté au processus. C’est impressionnant. Votre réputation n’est pas usurpée.
— Lieutenant ? Mais je ne suis pas lieutenant, je…
Il s’arrêta net, ne trouvant pas ses mots. Tout était flou dans sa tête et il ne se souvenait de rien. Son esprit sombra dans une spirale de questions lui infligeant un intense mal à la tête. Des sifflements et une douleur lancinante le torturèrent pendant un petit moment avant de disparaître aussi vite qu’ils étaient apparus. Le calme revint alors dans son esprit, lui accordant un moment de répit.
— Lieutenant si vous souhaitez je peux vous faire voir l’extérieur de la station. Je vous sens méfiant et c’est tout à fait compréhensible. Faites-moi confiance. Tout va bien se passer. On va y aller en douceur pour éviter la surcharge mentale.
Le médecin se dirigea vers les terminaux et enclencha un processus pour afficher la vue d’une caméra externe de la station orbitale. Un écran holographique sortit du plafond et afficha un paysage qui semblait familier au lieutenant. Cette image lui réchauffa le cœur et apaisa son esprit un moment. Les scintillements par milliers se tenaient là, posés sur la voûte cosmique et éclairant les ténèbres de l’espace profond. Certaines étoiles étaient grosses et d’autres toutes petites. D’autres encore illuminaient de toute leur force attendant le jour de leur disparition. Des constellations se trouvaient ici et là. Elles marquaient le langage des étoiles que l’Homme avait appris à lire. Le paysage spatial changea petit à petit par endroits, des débris métalliques de toutes sortes flottaient dans l’espace comme pour laisser indiquer le passage d’une civilisation. Le lieutenant posa alors son regard sur la face cachée d’une planète non couverte par le soleil. Il y avait là des lignes et des formes géométriques qui étaient visibles depuis l’espace.
Les lumières des mégalopoles reflétaient l’expansion gigantesque de l’urbanisation. Ces mégalopoles au fil du temps s’étaient rapprochées pour ne faire qu’un. Elles fusionnaient maintenant dans un bain jaune et orangé de lumière synthétique. Il était même possible d’apercevoir des voies à grandes vitesses sur des milliers de kilomètres. Ces voies formaient en quelque sorte les cicatrices de la planète où elles étaient construites. Ces cicatrices de lumière gravées sur une sphère se trouvant dans un vide noir, c’était cela que le lieutenant voyait. Puis d’un coup, plus rien. La projection s’éteignit et il n’y eut plus rien à observer. Le lieutenant avait fixé ce spectacle pendant presque une minute avant de sortir de son rêve éveillé.
— Lieutenant, pardonnez-moi, mais j’ai des consignes. Je dois vous mener jusqu’au commandant de la station. Habilliez-vous, je vous prie, on nous attend. Vous trouverez des vêtements dans le casier à côté de la porte de sortie. Faites bien attention en sortant du module. Ne vous précipitez pas et limitez les mouvements les plus complexes. Vos muscles doivent encore être un peu raides, je pense… Je vous attends.
Le lieutenant avança une jambe, puis l’autre, tout en se tenant sur les bords du module. Il en sortit sans trop de peine et posa ses pieds nus sur le sol blanc. C’était un sol en marbre synthétique qui contrairement à son opposé naturel était conçu pour garder une certaine température. Ce sol si finement imprimé n’agressa pas la voûte plantaire du lieutenant qui en apprécia la douceur. Il se fixa droit pour sentir la gravité alourdir son corps. Il regarda autour de lui pendant un bref instant et se dirigea vers le casier indiqué par le médecin. Celui-ci s’était assis dans un fauteuil et faisait face aux écrans de contrôle. Tout en commençant à s’habiller d’une tenue grise et blanche, le lieutenant s’adressa au médecin. Celui-ci lui tournait le dos et ne s’intéresser plus qu’aux données affichées.
— Écoutez, je… bah. Tant pis. Je viens de me réveiller le corps engourdi et l’esprit embrumé. Ma mémoire ne m’aide pas et je me retrouve ici dans cette station avec vous. J’aimerais…
Le lieutenant finit par s’habiller avec la tenue qui se trouvait dans le casier. Il pensa sur le moment qu’elle ne serait pas à sa taille en la voyant, mais finalement elle était taillée parfaitement pour lui. Dans la précipitation il ne prit pas le temps d’enfiler les chaussons fournis et s’empressa de retourner dialoguer avec le médecin pour en savoir davantage sur ce qui venait de lui arriver.
Celui-ci se tourna sur son fauteuil tout en restant assis puis regarda le lieutenant dubitatif.
— Si je vous dis Sèt ? Cela vous évoque quelque chose ?
— Sèt ? Je ne sais pas trop. Peut-être vaguement… Votre nom ?
— Il s’agit de votre prénom lieutenant. Je ne suis pas autorisé à vous en dire plus à votre sujet. Le reste devra malheureusement attendre votre rencontre avec le commandant de la station. Si vous êtes prêt, nous pouvons y aller.
À ces mots le visage du lieutenant changea radicalement. Son regard fermé et feintant un certain calme avait laissé place à un visage plus expressif. On devinait qu’il avait hâte de savoir, de tout savoir ou tout du moins de redécouvrir ce qu’il avait oublié. Tout ce vide laissé dans son esprit et aucune réponse ne pouvant le remplir le frustrait au plus haut point. Il cachait dignement cette frustration pour ne pas donner une mauvaise image auprès du médecin. C’était pour lui, rendre le respect et montrer de la sympathie envers cet étranger qui n’avait eu que des mots gentils et rassurants. Sèt savait qu’il pouvait avoir confiance et balaya la méfiance pour la chasser de la pièce.
— Je vais prendre le risque de vous faire confiance. Jusque-là il ne m’est rien arrivé. Je vais vous suivre donc. Allons-y. Je suis prêt.
Il attrapa les chaussons qui lui manquaient puis rejoignit le médecin qui l’attendait à la sortie de la pièce. Celui-ci observa le déplacement de Sèt en le fixant de haut en bas et en analysant le moindre de ses mouvements.
— Ai-je le droit de connaître votre prénom au moins ?
Le médecin fit un signe de la tête pour lui adresser une réponse négative puis entra un code sur un boîtier holographique. La porte de la salle s’ouvrit et Sèt regarda attentivement le coulissement mécanique des plaques révéler les couloirs de la station. Il n’y avait pas grand monde qui circulait. Ce couloir était fait de murs simples, lisses et blancs. Un blanc presque éclatant qui réfléchissait les petites pastilles de lumière bleutée ancrées au plafond. Il y avait par endroit des hublots ovales qui parsemaient la station. Ces fenêtres attirèrent toute l’attention de Sèt, qui s’arrêta devant l’une d’elles pour regarder à travers. Il vit alors de nouveau le spectacle d’un astre qui brillait de toute sa parure de lumière et resta immobile, comme hypnotisé par ce qu’il voyait.
— Lieutenant, je vous en prie. Ne perdons pas de temps.
— Oui pardon. J’ai vu cette planète tout à l’heure. C’est win… raaah ! Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à retrouver le reste. Ma tête ne répond pas à mes sollicitations…
Sèt chercha au plus profond de sa mémoire fractionnée pour retrouver le nom de la planète en question. Il ressentit une frustration terrible au fond de lui. La réponse était là, dans sa tête, mais il ne pouvait que l’entrevoir sans jamais pouvoir la toucher.
Il espérait de tout son cœur faire sortir le nom de cette planète, mais n’y arrivait pas. Le blocage ou plutôt le manque de quelque chose l’empêchait d’accéder à des informations enfouies dans ses souvenirs.
— C’est notre planète. Elle est notre maison, le berceau de notre civilisation qui est âgée de 3000 ans. Vous et moi venons de là-bas. Nous faisons partie des grandes nations de cette galaxie. Que ce soit notre réseau commercial étendu, notre agriculture développée ou encore notre puissante armée, nous sommes un modèle pour les autres nations. Je dis cela sans faire de propagande et en toute objectivité. Il y a très peu de défauts à notre civilisation et je sais à quel point d’autres citoyens galactiques nous envient. Je suis fier d’être windorien et d’autant plus fier que j’ai fait votre rencontre. Cela ne veut pas dire que nous sommes exempts de reproches…
Lors de ce bref échange Sèt et le médecin échangèrent des regards, des mots bienveillants empreints d’un respect mutuel. Le médecin lui se sentait honoré et fier de sa rencontre tandis que le lieutenant se sentait apprécié. Il sentait qu’une certaine importance lui était donnée et cela lui plaisait. Il en tirait une satisfaction particulière qui enthousiasmait son ego.
— Le commandant vous expliquera tout cela en détail mieux que moi… Et surtout pas un mot pour ce que je viens de vous révéler. Cela reste entre nous.
Les deux hommes marchèrent pendant cinq minutes à travers les couloirs et arrivèrent devant une grande porte blindée gardée par deux soldats. L’un des deux se trouvant devant l’interrupteur d’ouverture de la porte reconnut le médecin accompagnant Sèt. Il s’avança pour s’adresser à lui.
— Tiens, tu accompagnes notre invité chez le commandant ? Le réveil s’est bien passé à ce que je vois. Je vous présente mes respects, lieutenant ainsi que toute mon admiration pour votre contribution à notre grande nation. Entrez, je vous prie. Le commandant vous attend. En revanche vous entrez seul.
Le garde regarda le médecin d’un air complice.
— Eh bien, je vous laisse. Je retourne à mon laboratoire. Bonne continuation à vous lieutenant.
Le médecin tourna les talons et repartit. Le garde appuya sur un interrupteur pour enclencher l’ouverture de la porte. Là dans une grande pièce, en plein milieu se trouvait assit, un homme aux longs cheveux noirs qui arborait une fine cicatrice brune à l’œil gauche. Il lisait un document papier sur ce qui se trouvait être une table destinée à des réunions. Autour de lui, des chercheurs échangeaient des données et tapotaient sur leurs claviers holographiques. Ces chercheurs, voyant Sèt entrer dans la salle, arrêtèrent leur activité. Certains étaient debout tandis que d’autres étaient assis sur de vieux fauteuils à roulette. La grande majorité des personnels se trouvant-là étaient des jeunes.
Seul cet homme d’une cinquantaine d’années se trouvant au centre de la pièce faisait exception à la règle. Sèt regarda autour de lui et fini par croiser son regard plein d’autorité. Ce regard empli d’une maturité et d’un stoïcisme brutal impressionna tout d’abord Sèt, avant de l’amener à une certaine fascination.
— Bonjour Sèt Akin. J’espère que ton réveil ici n’est pas trop brutal. Passer 11 ans en cryogénie n’est pas une expérience des plus agréable pour le corps humain. Surtout pour le cerveau et la mémoire… Mais à ce que je vois, tu te portes bien en tout cas de prime abord. Ta vitesse d’adaptation est incroyable. Tu es bien le fameux personnage cher à notre nation.
— Bonjour. Je vous remercie de vous inquiéter pour moi. Je me sens bien pour l’instant mise à part quelques douleurs aux muscles, mais sinon rien de grave.
Le commandant de la base sourit avant de s’avancer en boitant vers Sèt. Une partie de sa jambe qui était robotisée dépassait de son long manteau de cuir et grinçait par instant. Sa jambe était un bijou de technologie militaire réservée aux personnes de hauts rangs dans l’armée.
— Laisse-moi me présenter avant de rentrer dans les détails. Je suis Gurd Lesser, mais tu peux m’appeler Gurd. Alors voilà, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tu es lieutenant, un héros de guerre qui a servi Windora, notre planète. Nous sommes en guerre avec les warens une autre espèce venant d’une galaxie proche et toi tu es ici pour nous aider à les vaincre. Étant donné que tu es un personnage iconique et même historique de la Grande Guerre, tu peux nous aider à forger des alliances avec d’autres nations. Ces informations je te les donne en espérant qu’elles fassent sens dans ton esprit.
Sèt se gratta longuement la tête avant de répondre.
— Comment vous aider ? En usant de mon statut ? Là est mon seul but ? Je vais avoir besoin d’un peu de temps. Histoire de me remettre dans le bain.
— Je sais que c’est déstabilisant tout cela et que rien n’est simple, mais en retrouvant ta place de militaire tu sauras ce qu’il faut faire. Tes réflexes de militaire reviendront. Nous avons plus que besoin de toi en ces temps de crise. La guerre est là, aux portes de notre galaxie. Des milliards de citoyens comptent sur nous.
— Je ferais de mon mieux…
— Enfin… Pour ce qui est des souvenirs ne t’en fait pas ils reviendront petit à petit. La cryogénie a beaucoup évolué ces dernières années, mais pas au stade du risque zéro. Alors accepte ceci, c’est un petit cadeau.
Gurd fouilla ses grandes poches intérieures et finit par sortir un flacon rempli d’un liquide bleu qu’il donna à Sèt.
— Ce flacon contient du Nitrom, c’est médicament enrichi en vitaprocalcium. Cela a les mêmes effets sur le corps qu’un repas complet. Comme tu vas avoir beaucoup de travail, cela te sera utile… Mais n’en abuse pas, ça ne remplacera jamais un vrai repas équilibré.
Sèt prit le flacon que lui tendait Gurd et en bu une gorgée. Il rangea ensuite le flacon dans une poche de sa ceinture et le remercia d’un timide hochement de tête. Bientôt, la fatigue physique vint accabler son corps et le rendit flasque. Il portait des cernes qui tombaient sous ses yeux.
Le contrecoup de la cryogénie se fit rapidement sentir. Malgré cela, Sèt tentait de lutter et de rester digne devant le commandant de la base. Il luttait pour ne pas exposer la fatigue sur son visage.
— Bien, maintenant que nous avons fait le point, je vais te laisser découvrir tes quartiers. Tu as une chambre qui est mise à ta disposition au fond du couloir à droite, chambre 62. Tu n’es ici que provisoirement… Dans deux jours tu te rendras à Eden la capitale de Windora.
Là-bas tu pourras reprendre les bases de ta formation militaire, t’entraîner et de nouveau pouvoir jouir de ton grade. Ensuite, les choses sérieuses vont commencer pour toi. Le séjour sur la station est court et je suis désolé de ne pouvoir t’accueillir plus longtemps, mais ici il n’y a rien qui pourrait intéresser un militaire de ton rang. Bon courage Sèt et bonne chance pour la suite.
Gurd lança un dernier regard bienveillant à Sèt et s’en alla s’asseoir à son bureau pour rendre compte à sa hiérarchie des événements de la matinée.
***
Eden, capitale de Windora. Elle fut construite en 2105 par le gouvernement windorien de l’époque pour devenir un centre important de la civilisation. Elle devient capitale sous le règne du dictateur Loma 1er en 2294. Grand centre économique, militaire et politique de la planète, Eden assure une administration et une stabilité solide à la société windorienne. Elle est le siège politique de l’actuel président, Lurn Haver.
***
Sèt tourna le dos à Gurd et partit en direction du couloir. Il le longea pendant quelques secondes en scrutant attentivement les numéros inscrits sur les portes puis arriva enfin devant la chambre 62. Il ouvrit la porte et passa sa tête pour s’assurer qu’il n’y avait personne à l’intérieur. Il regarda l’ensemble de la pièce puis entra. Devant lui était accroché un immense tableau orné d’alliages dorés et soigneusement sculptés. Ce tableau représentait un ancien général militaire, un grand monsieur portant une moustache démodée. Ce personnage se tenait sur un champ de bataille noyé par une fumée épaisse et grisâtre. On pouvait apercevoir des trous et des cratères dans le sol qui étaient dus aux explosions. Une petite colline était tout de même perceptible au loin grâce à la perspective du tableau. Cette œuvre avait happé l’attention de Sèt de par son atmosphère authentique. À droite du mur de la pièce où était accroché le tableau se trouvaient un lit simple et une petite table de nuit en bois blanc. Ce blanc paraissait presque éblouissant en reflétant la lumière blanche de la pièce dans le moindre de ses aspects photoniques. Sèt finit finalement par s’asseoir sur son lit pour se reposer un moment. Il réfléchissait, se demandait ce qu’il faisait là et même s’il avait ouvert un peu plus sa confiance aux personnes qu’il avait rencontrées. Il gardait en lui un doute, une certaine méfiance compte tenu de la situation. Sa réflexion l’amena à baisser la tête et à regarder le sol.
Il remarqua que dans la chambre il n’y avait aucun indicateur temporel ou même spatial. Aucun appareil électronique ou station d’assistance. Il n’y avait que la sobriété blanche et lisse. Tout était propre et neutre, presque sans âme et empreint d’une épuration angoissante. La découverte de cet univers nouveau n’avait pour le moment aucune saveur pour Sèt.
Les personnes qu’il avait rencontrées lui avaient semblé être des archétypes posés là, comme dans une mise en scène. Leurs mots étaient toujours bien choisis et ne donnaient qu’une quantité d’information précise à chaque son. Sèt se prit la tête et releva les yeux pour de nouveau scruter la chambre. Son ventre lui envoya un signal clair : il fallait manger. Il prit le flacon de vitaprocalcium que lui avait donné Gurd et en but une grosse gorgée. Le liquide bleu n’avait aucune saveur. Il n’était pas exactement fluide comme l’eau, mais avait une consistance singulière. Sèt posa ensuite ses chaussures au pied du lit et s’allongea doucement. La fatigue venait l’assommer et le sommeil venait l’emporter. Il s’endormit sans peine et son esprit put se reposer un temps. Ce repos salvateur laissa en suspens ses pensées erratiques.
Ce fut là une détonation soudaine, suivie par d’autres petites détonations. Un concert répétitif se faisait entendre. L’écho se faisait lourd et l’ensemble architectural vibrait au rythme des ondes de choc. Une alarme stridente retentit, réveillant les endormis et les léthargiques de la station. Elle réveilla brusquement Sèt. Il dormait profondément et s’était perdu dans ses rêves. Ses yeux pris de panique observèrent rapidement les alentours. Il mit ses chaussures et s’approcha de la porte. Il colla son oreille et entendit des hurlements mêlés à des cris de panique. Le bruit des bottes des soldats venait accompagner le vacarme des explosions. Sèt ouvrit la porte de sa chambre et se retrouva dans le couloir. Une secousse d’une ampleur inégalée fit trembler la station orbitale au même moment. Les murs se fissuraient par endroits. Des morceaux de plafond tombaient et faisaient voler la poussière environnante. Des câbles pendaient et laisser crépiter l’électricité au-dessus des têtes effrayées. Des grondements se faisaient entendre de toutes parts comme si la foudre s’était abattue sur la station. Le personnel courait dans tous les sens et Sèt lisait sur leurs visages la peur, mais aussi la détermination face à ce problème. Sèt courut et se dirigea vers le poste de commandement. Les hommes et les femmes étaient tels des fourmis, certaines que la ruche était attaquée. Des blessés se comptaient par dizaines, gisant sur le sol. Ils survivaient dans la poussière. Certains saignant de la tête ou du nez, d’autres se tenaient les bras meurtris par la chute de morceaux de bétons. Une grande partie du personnel vacillait de fatigue, la poussière agressait les yeux et s’infiltrait dans les poumons. Des toussotements et des cris se faisaient entendre à des fréquences soutenues. On voyait des groupes de médecins militaires arriver sur les lieux. Ils prirent rapidement en charge les blessés, les morts et les traumatisés. Sèt ne savait pas quoi ressentir devant cela et continua sa route vers la salle de commandement. Il voulait aider toutes ces personnes, mais n’étant pas médecin, il n’aurait apporté aucune aide utile, il n’était que soldat après tout. Son rôle était de se battre et de tuer. Son endurance physique lui permit d’arriver dans la salle de contrôle en une course. Dans la pièce, les ordinateurs avaient pris feu et avaient explosé. Certains scientifiques étaient à terre, inconscients. La panique semblait totale malgré cela, un homme avait gardé son sang-froid. Il se tenait là, fort comme un rocher devant les écrans de contrôle et dictait les manœuvres de défense. Il était assisté de ses techniciens qui lui rapportaient les informations sur l’attaque.
C’était le commandant Gurd, œuvrant avec ses seconds pour défendre la station orbitale. Celui-ci se tourna au bon moment pour remarquer l’arrivée de Sèt et s’empressa de le rejoindre en boitant.
— Que se passe-t-il Gurd ?!
— Nous sommes attaqués ! Les radars détectent quatre vaisseaux ennemis ! Caporal Heix ! Activez les tourelles à distribution explosives ! Réacheminez l’énergie interne de la base vers le bouclier. Coupez tout ce qui n’est pas nécessaire ! Envoyez un message d’alerte à l’état-major sur Windora… voyez s’ils ont des renforts à nous envoyer.
— Commandant, les tourelles à distribution explosives sont activées. Le bouclier principal est enclenché. L’énergie est dérivée pour nous donner un maximum de puissance au bouclier. J’envoie le message d’alerte…
Dehors dans le froid et le noir de l’espace, plusieurs vaisseaux de l’Empire Waren bombardaient la station orbitale. Ils s’acharnaient sur les systèmes d’énergies principaux pour couper la distribution d’électricité. Leurs lourdes bombes avaient creusé considérablement les parois de défense de la station. Les parties endommagées étaient désormais vidées de tout oxygène, en proie au néant sidéral. Les portes de sécurités les reliant à la station s’étaient fermées. Le bombardement incessant continuait ainsi depuis une dizaine de minutes quand il fut soudain interrompu par un grand flash suivi de plusieurs autres flashs.
Les tourelles automatiques s’étaient mises à riposter. Des salves de projectiles explosifs et guidés déversaient toute leur puissance sur les vaisseaux ennemis.
— Commandant nos boucliers sont à 65 % ! Les radiateurs de refroidissement des canons sont au vert pour le moment.
— Je vois. Activez en complément les modules à missiles… nos canons seuls ne pourront détruire ces lourds vaisseaux.
— Bien reçu commandant.
Le bombardement se faisant ressentir dans toute la station. Un combat acharné se déroulait entre les vaisseaux bombardiers et les défenses de la base. Il y eut un déploiement de centaines de projectiles explosifs telle une nuée d’oiseaux pourchassant sans relâche leurs proies. Ces oiseaux militaires volaient et se fracassaient contre l’épaisse cuirasse des vaisseaux bombardiers. Les uns après les autres, les bombardiers warens explosaient violemment. Deux d’entre eux réussirent à s’enfuir malgré les tirs de représailles de la station orbitale. Les vaisseaux restants furent détruits en un nuage de débris flottant dans le grand vide galactique, tournoyant autour de la station. La fin du combat s’annonça et à peine la bataille terminée, les drones de nettoyage de la station se mirent en service pour recycler et récupérer les pièces intéressantes des vaisseaux détruits. Dans la salle de commandement de la station, le calme réapparut progressivement et l’heure était à la mise en place des secours pour ceux qui en avaient le plus besoin. Les blessés se faisaient soigner et les valides enveloppaient les morts dans des tissus pour les cacher aux yeux des âmes sensibles. Partout dans la station se trouvaient des sacs recouvrant des corps meurtris et inanimés.
Le chef de la base, Gurd, analysait les données du scanner de la station pour faire un point sur les zones les plus touchées.
— Caporal, pendant le chargement des données, envoyez deux groupes de six hommes armés, vérifiez les brèches de la station. Faites-les équiper avec des tenues de survies. Il faut vérifier si la station n’a pas été infiltrée par des unités furtives.
— Bien commandant. Le scanner confirme que tous les vaisseaux ennemis sont détruits excepté ceux qui ont réussi à s’enfuir.
Pour ce qui est de la station, nous avons perdu les systèmes d’énergie trois et cinq. Les réparations seront longues… Je vais demander du personnel supplémentaire à Windora. Espérons qu’ils répondent favorablement.
— Faites votre possible pour avertir en premier lieu Windora. Qu’ils nous envoient de l’aide technique, matérielle et militaire en urgence. Sèt, toi tu retournes à ta chambre, un garde va t’accompagner et te mener à quelqu’un qui t’aidera pour la suite.
— Gurd ?
Sèt ne comprenait pas pourquoi Gurd le renvoyait ainsi dans sa chambre et sans explications. Il resta perplexe et hésitant sur la réponse à donner.
— Ne discute pas mes ordres. J’ai du travail qui m’attend. Nous nous verrons plus tard. Si vraiment tu ne souhaites pas rester dans tes quartiers, alors tâche de te rendre utile. C’est toi qui vois.
Gurd se figea et fit machinalement un tour sur lui-même. Conscient de l’ampleur des dégâts, son visage se remplit d’une haine profonde. Ses yeux devinrent aussi noirs que l’espace lui-même et d’eux jaillissait maintenant le désir de vengeance. Ce désir fut rapidement éteint par le sang-froid et l’expérience de Gurd qui réussit à rester calme malgré la situation. Il tourna le dos à Sèt qui fut raccompagné hors de la salle de commandement par un garde. Sur le chemin Sèt et le garde discutèrent tout en regardant le triste spectacle qui s’étendait à leurs yeux : des décombres, des cadavres et cette maudite poussière de béton empoisonnant l’oxygène de ses microparticules.
— Lieutenant ?? Tout va bien ?
— Tout va bien oui… Je suppose que c’était les ennemis d’on m’a parlé le commandant.
— C’était des bombardiers warens, oui. C’est la neuvième attaque depuis deux mois. Nous ne pourrons pas tenir sous leur feu éternellement. Malgré les nombreuses demandes de sécurisation supplémentaire de la zone, le conseil d’Eden n’a rien fait. Ils nous disent toujours que la guerre fait rage dans d’autres secteurs. La totalité ou la quasi-totalité des forces spatiales sont engagées dans les combats. Nous sommes tout proche de la planète, mais apparemment c’est trop loin pour envoyer des vaisseaux. On doit se débrouiller seul ! C’est ainsi depuis un moment déjà. La guerre contre les warens coûte à la nation des moyens colossaux et des sommes astronomiques. Pardonnez ma colère, lieutenant…
— Je la comprends totalement. Elle m’est très familière pour tout dire. Vous êtes ici depuis longtemps ?
— Cinq ans. J’ai des amis qui sont morts aujourd’hui…
— J’en suis sincèrement désolé.
— Merci lieutenant…
— Dites-moi, êtes-vous sûr que vous n’avez pas besoin de moi ici ? Vous manquez de monde pour réparer et nettoyer. Je pourrais aider. Peu importe ce que je dois faire pour me rendre utile.
— Vous êtes revenu de 11 ans de cryogénie, ce n’est pas pour rester sur la station orbitale. Votre place est sur le terrain à combattre et à diriger par votre talent si légendaire qui a aidé à sauver notre nation autrefois. Les hauts responsables vous attendent sur Windora et… il faut d’abord vous mener au capitaine Kadi.
— Le capitaine Kadi ?
— Vous verrez dans cinq minutes.
Ils traversèrent le couloir principal et arrivèrent tous deux devant une grande salle qui semblait être à la fois la pièce d’accueil, le hall des rencontres et le carrefour principal de la station. Une grande salle majestueuse accueillait les deux visiteurs avec ses hautes voûtes portées par des colonnes de marbre synthétique. Cette salle, solide, et bien ancrée dans les fondations de la station, avait bien résisté aux bombardements. On ne voyait que très peu de fissures dans les murs. Au milieu de cet ensemble passait du personnel dont des médecins, des techniciens et des soldats. Depuis l’attaque c’était le lieu de regroupement de beaucoup de blessés. Des lits et des matelas occupés étaient posés à même le sol. Les médecins recouvraient les corps de ceux qui n’avaient pas survécu. Dans cette foule de personnages se distinguait avec puissance une jeune femme de taille moyenne. Elle avait des cheveux blonds et courts. Sa coiffure arborait une frange parfaitement taillée. Ses yeux fins et ornés d’une couleur verte embellissaient son visage. Son corps était en tout point équilibré de haut en bas. Sa poitrine généreuse était perceptible en dessous de son uniforme militaire légèrement moulant. Cette jeune femme regardait les écrans géants d’informations pour se tenir informée des récentes données.
Elle était entourée de soldats qui attendaient, attentifs à ses instructions tels des robots. La jeune femme ne regardait plus les écrans désormais. Elle avait posé son regard triste sur une zone spécifique de la salle : c’était le lieu de dépôt des cadavres recouverts de bâches plastiques de conservation. Ses yeux devinrent perdus, fuyant la scène d’horreur devant eux. Dans la fuite, ils finirent par tomber sur Sèt et sur le soldat l’accompagnant. Son regard se durcit d’un coup et elle fit signe de la tête aux deux visiteurs de venir à elle. Sèt et le garde la rejoignirent pour se présenter à elle. Le soldat présenta tout d’abord ses respects à la jeune capitaine qui attendait avec impatience que celui-ci lui présente Sèt.
— Bonjour capitaine. J’accompagne le lieutenant sur ordre du commandant.
— Je vous remercie. Vous pouvez disposer, soldat.
Le soldat partit sans se retourner. Il ne prit pas la peine de dire au revoir à Sèt et disparu dans la foule, cherchant sa future tâche à accomplir.
Sèt se retrouva avec la capitaine. Elle le regarda de haut en bas d’un air dur, presque glacial puis s’arrêta sur son visage pour mieux le découvrir. Au fil des secondes son regard perdit en froideur et elle esquissa un léger sourire de satisfaction. Elle venait d’accepter la personne qui se trouvait en face d’elle.
— Bonjour Sèt. Je suis le capitaine Anadria Kadi. Je sers dans l’armée d’infanterie windorienne comme officier de terrain. Comment allez-vous depuis votre réveil ? Pas trop dur ?
Sèt la regarda pendant un instant puis entama un discours de salutation gêné souligné par une soudaine timidité. Il ne savait pas comment réagir face à cette jeune femme dont émanait une chaleureuse lumière. C’était un concentré de force et de douceur recouvert d’un uniforme militaire parfaitement repassée.
— Bonjour Capi…
— Nous devrions nous tutoyer ? Qu’en dis-tu ? Pour moi, Anadria, ça suffira amplement.
— Comme tu voudras…
— Bien. En parlant de ça… Tu es un cas un peu particulier et je suis là pour t’accompagner tout au long de ton voyage de réinsertion dans la vie militaire. Nous allons partir dans vingt-quatre heures sur Windora. Le conseil militaire se réunira prochainement pour statuer sur la suite à donner à ton retour parmi nous. En attendant, je reste avec toi, donc si tu as des questions je suis là.
— La première question que je me pose est assez claire finalement… je suis revenu il y a de ça quelques heures et je ne sais pas si j’ai envie de continuer ce que mon ancien moi avait commencé. Pourquoi serais-je obligé de combattre encore alors que j’ai déjà donné ma vie pour la nation autrefois ? Ai-je une obligation quelconque envers le peuple ? Et si mon souhait était de vivre tranquillement et d’abandonner le combat ? Personne ne m’a demandé ce que je voulais… Depuis que je suis revenu, on ne fait que m’imposer des personnes, une histoire et une situation géopolitique dont je ne sais rien. Je me sens perdu, en colère même… sans savoir pourquoi.
— Sèt je… Je comprends que tu sois perdu, que tu aies peur. Il faut seulement te donner du temps. Je vais faire en sorte de t’en donner malgré le fait que la hiérarchie pousse et veut des résultats rapides. Rien ni personne ne t’obligera à faire quoi que ce soit si tu n’en as pas envie. Ce sera ta décision et je ferais partie de ces gens qui l’accepteront. Néanmoins, étant donné ta position, il faut te satisfaire de ta situation pour le moment… en tout cas le temps que les choses te concernant se tassent un peu. Tu comprends ?
— Qu’en sera-t-il des gens qui ne l’accepteront pas ? Voilà que je reviens d’un long sommeil et la station se fait attaquer. J’ai un mauvais pressentiment sur la suite…
— C’est fréquent les attaques de nos ennemis. Ce n’est pas un acte isolé. Et… pour les personnes qui ne l’accepteront pas et bien cela dépendra de leur rang dans la chaîne hiérarchique.
Tu n’es qu’un simple lieutenant et devant un capitaine tu devras obéir… Après je vais souligner quelque chose de très important : ton dossier est dans des mains bien plus importantes que tu ne le crois. Cela dépendra en partie de ça logiquement. C’est toujours bon à savoir.
— Merci de tes réponses, Anadria.
— Que dirais-tu si nous allions voir une amie à moi ? C’est une femme très sympathique. Elle s’occupe de la coordination des biens et des personnes dans la station. Elle aura peut-être du travail à nous donner. Je ne pense pas que tu veuilles ne rien faire alors que la situation exige des bras ? N’est-ce pas ?
— Tu as raison, autant se tenir disponible le temps que nous repartions.
— Je pense que l’on partira un peu plus tard demain. J’avais pour ordre de te ramener en vingt-quatre heures, et ce, dans un laps de temps maximum de quarante-huit heures.
— Il nous reste une bonne grosse journée devant nous.
— Absolument. Cette station a besoin de personnel et nous sommes deux militaires. C’est aussi notre travail d’aider quand il le faut… surtout après l’attaque.
— Tu penses que nous aurons des renforts de Windora ?
— Quasiment aucune chance. L’état n’aide pas énormément ses bases extérieures et ses colonies. Généralement ils injectent beaucoup d’argent au début et ensuite ils laissent l’autonomie grandir pour ne plus avoir à s’en occuper.
— Logique.
— Tu trouves ?...
— Oui, du point de vue politique bien sûr. Pas du mien.
Sur le chemin menant au bureau de l’amie d’Anadria, Sèt regardait les dégâts que l’attaque avait causés. Il y avait des débris dans les couloirs, certaines lumières clignotaient comme si elles avaient perdu le rythme électronique. Au fil des pas, marchant mécaniquement, Sèt détourna son regard du couloir pour bifurquer sur le visage d’Anadria. Il était tout d’abord stupéfait par la couleur de ses yeux. Un bleu si clair, si pur, presque scintillant, qui venait se marier avec le blond d’or de sa chevelure. Le visage de la jeune femme semblait serein et en même temps, tendu par des années d’expérience militaire. Un visage plein de calme et d’assurance, une assurance prête à toute éventualité.
Sèt la regardait longuement, mais faisait mine de regarder devant lui pour ne pas se faire remarquer. Du coin de l’œil il la voyait marcher à ses côtés d’un pas assuré. Cette assurance, elle lui transmettait comme si elle était une connaissance familière. C’était comme s’il la connaissait depuis longtemps et que la confiance se trouvait là, entre eux deux. Il était pour le moment seul, réveillé dans ce monde et elle était là pour l’accompagner. Elle le rassurait dans son for intérieur pour les événements à venir.
Elle réussissait de par sa seule présence à calmer le stress et la colère latente de Sèt. Il continuait de la regarder tout en marchant et se demanda si elle lui plaisait, mais se raccrochait à l’idée qu’elle était plus comme une amie au sein de l’armée windorienne. Il la regardait encore et encore du coin de l’œil à tel point qu’elle finit par le remarquer et lui lança un regard porté par une infime dose de moquerie. Elle s’arrêta net puis se tourna vers Sèt en reprenant un air sérieux.
— Oh… avant que nous entrions dans son bureau, je dois te dire qu’elle a perdu un œil lorsqu’elle était enfant. Surtout, ne fixe pas ce qu’elle considère être comme un défaut… elle pourrait mal le prendre. En tant que femme, son ego en prendrait un sacré coup. Donc pas de fixette sur son cache-œil hum ?
— Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas mon genre de fixer les gens de la sorte.
— Bien évidemment…
Anadria esquissa un sourire et lui tapa sur l’épaule comme le ferait un bon camarade soldat avant de finir sa phrase.
— Je préfère te prévenir au cas où.
— Je te remercie du conseil.
Anadria frappa à la porte d’un bureau se situant dans l’aile droite de la station. C’était le bureau de gestion et de la logistique. La porte s’entre ouvrit et une tête apparue sortant de nulle part pour questionner les deux visiteurs.
Le visage d’une femme d’une quarantaine d’années apparues derrière la porte en fixant Sèt et Anadria. Cette femme était plutôt grande et portait un manteau blanc avec un écusson spécifique d’administration équipé d’une poche à stylo. On pouvait entrevoir dans le bas de sa tenue des bottes à talon carré. Anadria lors de sa brève description de son amie n’avait pas menti, en effet la personne qui se trouvait devant Sèt avait un cache-œil sur le côté gauche. Sa chevelure rousse semblable à des flammes recouvrait légèrement le morceau de cuir cachant l’œil en moins. L’autre, était tout petit, mais semblait animé d’une certaine vivacité comme pour pallier l’absence de l’œil manquant. Il était accompagné d’un cerne noir, vestige des longues heures de travail nocturne. La porte s’ouvrit enfin. La femme qui avait ouvert tenait dans ses mains un cahier rempli de feuilles. Elle regarda d’abord Sèt puis Anadria.
— Hey, Ana. Comment vas-tu ?
— Salut Rey. Je suis venue accompagnée du lieutenant Sèt Akin pour voir si tu avais besoin de notre aide. Comment se passe le travail depuis l’attaque ?
— Oh ! Tu sais, comme d’habitude. Je dois traiter beaucoup de paperasse concernant la base, mais avec cette attaque je vais devoir accélérer une fois de plus la cadence. Et tu me dis que tu es accompagnée du lieutenant Sèt Akin ? Hum… Enchanté, monsieur Akin. Je suis Reylane Kno, responsable personnel et logistique de la station. J’ai beaucoup entendu parler de vous. Mais bon, je suis sûre qu’on vous le dit assez souvent depuis votre retour.
— C’est un plaisir partagé de vous rencontrer. Oh, ce n’est rien. Je vais devoir m’y faire.
— Suivez-moi, ne restons pas debout. Venez prendre un thé bien chaud.
La jeune femme invita Anadria et Sèt à venir s’asseoir dans son canapé de réception. Elle s’absenta une petite minute le temps d’aller chercher des tasses et une boisson chaude à base de plante exotique. Elle donna une tasse bien remplie aux deux militaires puis pris une chaise de son bureau pour venir s’asseoir devant eux. Elle commença à souffler sur son breuvage pour le refroidir avant de débuter confortablement la conversation.
— Alors qu’est-ce qui t’amène précisément ici Ana ? Te rendre utile ?...
— Il nous reste un peu plus de vingt-quatre heures sur la base avec Sèt et je voulais voir si tu…
— Si j’avais toujours le dispositif technologique extra-windorien ?
— Oui.
— Tu sais que cette technologie alien est interdite… je la garde uniquement comme objet de collection. Je sais à peine comment cela fonctionne. Si je te la prête que comptes-tu faire avec ?
— Tu en as une petite idée, je pense. C’est quelque chose de très limite… mais la hiérarchie n’est pas obligée de tout savoir. Cela devra impérativement rester entre nous trois.
— Il vaudrait mieux en effet.
Sèt buvait son breuvage sans rien dire. Il écoutait les deux femmes, mais ne comprenait rien des réels enjeux. Il était comme exclu et pourtant il sentait que cette discussion avait un rapport avec lui. Il finit sa tasse et la posa sur la table de réception. Anadria et Reylane ne parlaient plus et regardaient maintenant Sèt. Anadria, elle, se tourna vers lui pour expliquer le sujet important de la discussion sous l’œil presque impatient de Reylane.
— Alors Sèt, l’appareil alien dont nous parlons avec Rey est très spécial. Je pense à mon avis que si tu l’utilisais… ne serait-ce qu’un instant… tu pourrais retrouver des fragments de ta mémoire. Il n’est pas normal que tu n’aies pas retrouvé la quasi-totalité de tes souvenirs. Cet appareil pourrait t’y aider.
Rey finissait de boire sa tasse puis coupa net Anadria dans son explication.
— Ana ? Peut-être serait-il important de lui dire pourquoi cet appareil est interdit d’utilisation ?
Anadria se gratta la tête et but une gorgée de sa boisson avant de répondre. Sèt attendait impatiemment qu’elle lui explique le fin mot de cette histoire. Il avait confiance en Anadria, mais tout ce mystère qu’elle gardait pour elle le faisait réfléchir. Que devait-il faire pour redevenir ce soldat que tout le monde réclamait ? Il ne savait pas. Il était perdu, en proie au doute, sur lui-même et les autres. Anadria remarqua aisément ce doute dans le regard de Sèt et décida de poser la main sur son épaule avec une grande bienveillance.