Arvern legend - Tome 1 - Col Porther - E-Book

Arvern legend - Tome 1 E-Book

Col Porther

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Beschreibung

Arvern Legend est un tourbillon d’aventures épiques où les moments de répit sont rares, hantés par des cauchemars terrifiants et ponctués de réveils en sueur de sang. Entre Amazones, Vikings, dragons, la redoutable Zombie et ses sœurs, la magie et la féerie enveloppent chaque page, captivant le lecteur jusqu’à la mise à mort du roi des gnomes, Kroll, le père tourmenteur de la jeune et belle Zombie. Avec ce premier tome, préparez-vous à être emportés dans cette histoire palpitante, où chaque instant est une lutte pour la survie. Surtout, cramponnez-vous, et survivez avec Zombie.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Porté par son tempérament de globe-trotteur et de producteur audiovisuel, Col Porther a fait le grand saut du monde de la production vers celui de l’illusion : la rédaction de romans pleins de créativité. Dans cet univers imaginaire, toutes les fantaisies sont permises, en doses variables selon le sujet. Pour ainsi dire, si l’eau est source de vie, eh bien pour Col, c’est l’écriture qui nourrit l’esprit et l’âme qui prévaut.

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Col Porther

Arvern legend

Tome I

Zombie est mon nom !

Roman

© Lys Bleu Éditions – Col Porther

ISBN : 979-10-422-2800-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Les oubliés, fantastique, Éditions Livre Story,juin 2022

Au Nom du Fils, policier, Lys Bleu Éditions, mars 2024

On peut l’aimer, la détester, ou mal la connaître… mais l’ignorer est impossible.

Synopsis

Deux siècles avant l’ère chrétienne.

Les femmes battues se révoltent, et sous la houlette de Leïla elles forment un clan de guerrières sur le haut plateau des Combes Railles en terres Arvernes, les Amazones.

En luttes incessantes pour leur survie, elles libèrent au Mont d’Or une femme du nom de Zombie, emprisonnée depuis toujours. À défaut de comprendre, celle-ci découvre et apprend ce mode de vie qu’elle n’avait pas même imaginé. Si sa connaissance est très limitée, par défaut d’instruction, son intelligence et son discernement engendrent l’admiration des Amazones qui l’intègrent au conseil où elle fait très vite sensation.

La guerre contre son père Kroll, le roi des gnomes, est sa motivation première. Lui qui l’a humiliée, torturée et violée sans relâche, tout comme ses sœurs sans doute, doit périr et disparaître du paysage, pour en faire un monde plus beau, à l’image du peuple des Amazones.

Mais les choses ne sont jamais simples. Bien que libre, elle apprend à se battre, et avec les femmes Amazones, libère les Zombies au Mont Lusson. Kroll a fui, mais il leur déclare la guerre, concevant une nouvelle race de soldats sanguinaires.

Il tue les Gaulois, les enterre, et les ramène à la vie le lendemain, transformés en morts-vivants, semant la terreur à Avaricum, au Mont Rond, puis en terres arvernes, dans les plaines comme sur les monts. Son armée est prête et sa soif de pouvoir est sans limites. Mais il meurt au Beau Mont.

Son frère Kroll II, du Clair Mont jusqu’au Forez au Mont Morin où il trouve refuge est encore pire que l’aîné, tuant des enfants pour en faire une nouvelle génération de soldats.

Mais la Reine Zombie (Zed), acclamée par les Gaulois, ramènera sa tête sur une pique pour l’offrir à ses sœurs martyrisées.

La Genèse

Deux siècles avant l’ère chrétienne

Les terres arvernes, volcanique chaîne de montagnes, sont colonisées par les hommes.

Les clans, ou tribus lorsque plusieurs clans s’assemblent, sont gouvernés par des rois.

Au pied des montagnes, la dominante tribu Arverne impose sa puissance en guerres incessantes pour gagner des territoires.

Salomon, le roi du peuple Arverne, a pris pour épouse Leïla, la fille du roi des Monts d’Or, son allié.

Leïla, surnommée « sans ombre », est tourmentée jour et nuit par son cruel époux. Enceinte, craignant pour l’enfant qu’elle porte, elle décide de fuir avec deux autres femmes enlevées au clan des Eduens.

Mais elles ne sont pas les bienvenues dans ce clan, où le roi Fergus refuse, prétextant le risque de représailles par le roi Salomon.

Janis, la reine des Éduens, négocie avec Fergus son époux et leur alloue les terres arides des Hautes Combes, surnommées les Combes Railles.

Elles sont accompagnées de six femmes du clan, jugées rebelles et enfermées au cachot de la maison forte de

Gann At, la cité royale.

Voilà donc neuf femmes qui s’établissent sur ce plateau de tuf volcanique, aride et désertique.

Chapitre I

La Reine Leïla

Un an plus tard

Leïla a une fille, Noëla qui, à six mois fait preuve d’un esprit vif.

Le clan s’est agrandi de fuyardes et de traîne misères. Toutes sont de fortes têtes, travaillant sans répit avec une place pour chacune et chacune à sa place.

Lorsque le temps arrive de couper les blés, elles sont trente-deux à glaner et autant à botteler. La moisson est belle et prometteuse pour le prochain hiver.

À la fin de la récolte, les greniers sont remplis. Elles décident d’une fête, baptisée « fête des blés ».

L’alcool, celui qui enivre et affaiblit les hommes, est proscrit. Par contre le bon jus de pommes est à l’honneur, pour égayer ce moment de partage.

Suite à cette fête réussie, vient le moment des décisions.

Avec quatre-vingt-six membres donzelles, il faut établir une hiérarchie, désigner une reine et nommer son royaume.

Ainsi Leïla, la sans ombre, devient la première Reine des Amazones.

L’automne arrive, avec sa multitude de couleurs des arbres feuillus. Il annonce l’hiver, qui sur ce plateau se montre toujours long et rigoureux.

Les arbres n’ont pas encore perdu leurs feuilles quand sonne la trompe d’alerte.

Mais si la poussière soulevée est visible de très loin, la troupe qui accompagne Janis n’est composée que d’une dizaine d’hommes, peu armés.

La reine des Éduens leur fait visite pour que lui soit présentée Noëla, la plus jeune des amazones.

En cadeau, elle lui offre un cheptel de cinquante magnifiques chevaux.

Janis, reçue avec les honneurs, découvre un campement superbement élaboré, avec défenses, tours de guet, et habitat soigné.

Elle repart, plus tard, avec un sentiment de fierté d’avoir fait une bonne action en apportant son soutien à Leïla, aujourd’hui reine du clan, et mère d’une magnifique blondinette.

À son retour au château de Gann At, tout de bois bâti, Janis annonce crânement à son époux la réussite des femmes bannies et regroupées en clan sur le haut plateau des Combes.

Fergus, lui, ne voit pas cela d’un très bon œil.

— Combien sont-elles ?

— Une centaine environ ! Et superbement organisées !

— Si le roi Salomon apprend cela, il va piquer une colère noire !

— Si le roi Salomon était moins con, la situation serait bien différente ! Cette vérité n’est que le résultat de la merde qu’il a semée !

Qui sème le vent récolte la tempête, mon époux !

— Je ne serais pas vraiment surpris s’il décide de les éliminer, d’autant que les bannies arvernes les ont rejointes.

— S’il montait une opération de représailles contre elles, tu en serais informé ?

— Bien sûr, les Combes sont sur notre territoire !

— Alors tu as intérêt à me tenir au courant !

J’irai prévenir les amazones, et si comme je le pense elles lui collent une bonne raclée, il ne te regardera plus de son air dédaigneux !

— Tu as toujours été très douée mon épouse pour ce qui est de comprendre ! Et ta vision est reflet de sagesse !

Mais Fergus le Pleutre a une tout autre idée derrière la tête. En alertant Salomon, il remontera dans l’estime de celui-ci. Mieux vaut se faire l’allié du puissant Salomon, que celui d’un clan de donzelles habillées en hommes.

Deux jours plus tard, Fergus est devant la porte de la cité de Clair Mont et demande audience au seigneur du lieu.

Afin de bien comprendre qui est le seigneur et qui est le vassal, il devra patienter pendant plus d’une heure.

Mais qu’à cela ne tienne.

Il est introduit dans la grande salle de justice, d’où un condamné est traîné par deux soldats qui le tirent par les bras, jambes pendantes au sol.

— Il est mort ?

— Pas encore ! Mais c’est provisoire !

J’espère que ta visite est d’importance Fergus, j’ai encore trois jugements à prononcer ce matin !

— À toi d’en définir l’importance ! Je viens te porter des nouvelles concernant Leïla !

— Je l’ai bannie et remplacée, avantageusement d’ailleurs !

Mais je t’écoute !

Qu’as-tu donc à m’apprendre qui soit digne de retenir mon intérêt ?

Fergus lui confie la composition du clan des Amazones, sur le haut plateau désertique, sans trop entrer dans les détails.

— Ta femme a fait une belle connerie en leur venant en aide ! Je te conseille de la punir comme il se doit ! Et si tu ne le fais pas, je m’en chargerai personnellement !

Je me suis bien fait comprendre ?

— Oui, oui bien sûr ! Je voulais que tu saches avant de remettre Janis à sa place ! À son rôle d’épouse !

— Tu m’as dit que la fillette est blonde ?

— Oui ! Blonde comme les blés qu’elles ont récoltés !

— Donc elle n’est pas de moi ! Je suis aussi blond qu’un corbeau, et Leïla est rousse comme une carotte !

— Eh bien, je te laisse réfléchir à qui tu as bien pu la confier qui puisse justifier cette crinière !

— Ne te montre pas arrogant Fergus ! J’ai déjà tiré la déduction de cette origine !

— Le Viking ?

— Oui ! Je l’ai reçu en ami !

Nous avons festoyé et picolé plus que de raison ! Il regardait Leïla, ou plutôt la dévorait des yeux ! Alors je la lui ai offerte pour la nuit, pour sceller notre amitié nouvelle !

Tu penses bien qu’il a accepté la langue pendante !

— Et Leïla a accepté ?

— On peut dire ça ! Avec mon poing dans la gueule pour la persuader du bien-fondé !

Il l’a prise par-derrière sur la paillasse, et quand le moment est venu, je lui ai transpercé le cœur de mon épée !

Je pensais être intervenu à temps ! Faut croire que non !

— Et ses hommes d’armes ?

— Tous passés pendant la nuit ! Bourrés par la vinasse, ils n’ont rien vu venir !

— Et tu comptes faire quoi pour Leïla ?

— Ça, c’est mon affaire !

Tu retournes chez les tiens, et cette rencontre n’a pas eu lieu ! Et tu as intérêt à tenir ta langue si tu veux la garder entière !

Allez, file !

Fergus s’empresse de tourner les talons avant que le roi ne change d’avis à son sujet. Il récupère son cheval et quitte la place forte du Clair Mont.

Salomon échafaude déjà l’élimination des donzelles. Pas question de les laisser vivre en paix, il faut stopper les choses avant que le ridicule ne s’étende.

Il reprend sa journée de justice, interrompue par Fergus, mais sa capacité de discernement, au demeurant bien faible, se trouve encore diminuée du fait de la contrariété de la nouvelle.

Les six jugements qui suivent sont expédiés… coupables !

Il a beau tenter de penser à autre chose, les amazones reviennent le tourmenter sans cesse.

Cette rage, qui bientôt perturbe son sommeil, lui en rappelle une autre, similaire, qu’il pensait oubliée.

Il n’a jamais su réfléchir et encore moins compter. Toutes ses décisions ont été guidées par cette colère instinctive.

Il y a déjà quelques années… combien ? Pfuuut…

Considérant son père trop faible dans ses actes et sa mère trop chiante pour ses perpétuelles remarques, il a décidé qu’ils ne servaient à rien.

Deux nuits plus tard, leur sommeil est devenu éternel, tous deux emportés par un puissant poison, concocté par une sorcière qu’il a ensuite condamnée au bûcher.

Cet acte, abject, a déclenché son besoin de puissance, et pour l’assouvir il s’est lui-même posé la couronne de son père sur la tête, sans que le druide ait son mot à dire.

À l’âge de seize ans, le roi Salomon entame son règne de puissance dans le sang et la mort.

Au petit matin, après une nuit blanche (noire serait plus approprié), il a pris sa décision. Ce trouble dans sa tête doit être éliminé au plus vite, et pour cela la mère et la fille se doivent d’y passer. Dès le retour de son commandant, affecté à des représailles sur un clan du sud, l’expédition amazones sera vite bouclée.

Sur le plateau des Combes Railles

La druidesse, qui a rejoint le clan il y a deux jours, entame son rituel de chants et d’incantations ponctués de gestes, lents et vifs à la fois.

Elle met le feu à une fine baguette, qu’elle a amenée avec elle, en l’introduisant dans les braises du foyer à ses pieds. L’odeur que dégage cette fumée grise, pique les yeux et irrite les gorges, provoquant le recul des femmes stupéfaites par la tournure surnaturelle de cette messe.

L’image de la druidesse commence à danser et onduler au gré des volutes âcres.

Elle cesse danse et chant dans un geste brutal, et porte son index à sa bouche pour demander le silence…

— Aux armes ! L’ennemi approche !

— Mais comment demande Leïla ?

— Je les vois, je les entends et je les sens ! Ils seront sur nous avant le soleil de midi !

— Combien sont-ils ?

— Une vingtaine de cavaliers, peut-être vingt-cinq !

— Peux-tu me dire qui ?

Il vient pour tuer ! C’est le roi Salomon !

Ce nom provoque une accélération immédiate dans la réaction des amazones, pour le recevoir dignement.

— Reine Leïla, laisse-les se préparer à l’affrontement et écoute-moi !

— Qui es-tu druidesse, ta clairvoyance m’effraie ?

— J’ai entendu ton appel l’autre nuit ! Alors, à la demande de Merlin je suis venue t’apporter mon aide !

— Qui est Merlin ?

— Le roi des mages et des enchanteurs !

Leïla pose son derrière sur une grosse pierre et réfléchit un instant. Elle ouvre ses deux bras ensemble, paume vers le ciel pour accompagner sa phrase.

— Mais ce n’était qu’un rêve !

— Non, un songe !

— C’est la même chose !

— Non ! Tu peux rêver d’un bon fruit bien mûr, ou d’un bel amant ! Un songe a une valeur bien différente, une valeur matérielle engendrée par des faits !

— Mais je n’ai imploré personne en particulier !

— Si ! Mais sans le savoir ! Et Merlin t’a entendue !

— Quel est ton nom druidesse ?

— Je suis Lucille de Loup D’Eac, surnommée la Bretonne, et petite-fille de Merlin !

Mais seule, ma clairvoyance sera insuffisante pour faire face à ton sanguinaire époux !

Si tu es d’accord, en cas de nécessité absolue, deux de mes amies viendront à ma demande ! Cela te fera trois amazones de plus !

— Qui sont-elles ?

— Thorette, fille de Thor le dieu du feu ! Et Lola, l’égérie des dieux grecs !

— Et comment vont-elles venir à nous, il est déjà trop tard ?

— Ferme les yeux, et pense très fort à elles si tu les souhaites à tes côtés !

Quand je claquerai dans mes mains, tu les ouvriras !

Leïla s’exécute et commence un songe éveillé et puissant. Les choses s’animent dans son esprit. Elle voit, elle entend, elle perçoit des personnages inconnus, des lutins et des trolls, des lucioles et des nains… Mais tout n’est pas que d’amour, ce serait trop beau !

Elle perçoit aussi des démons ! Des personnages sanguinaires à l’apparence humaine qui dissimulent leurs travers en déguisant leurs défauts et en simulant la compassion pour mieux vous tromper ! Ils hantent vos nuits et ternissent vos jours ! Ils maquillent leurs apparences hideuses pour se faire vos amis et se servent de vous pour accomplir leurs méfaits. Trompeurs, mesquins et assassins, ils collectionnent tous les défauts et jouent de votre vie. Voilà leur passion morbide.

L’avenir ne sera pas rose, et le présent encore plus noir.

CLAC…

Elle ouvre les yeux et découvre trois femmes qui se tiennent par le cou, le sourire aux lèvres et les yeux pétillants de malice lumineuse.

— Je suis Lola ! La plus jeune des trois !

— Et moi je suis Thorette, la moins jeune des trois !

Leïla éclate de rire à cette blague qui libère son esprit !

— Et toi Lucille ? Tu es pile entre les deux ?

— Oh, je sais que nous allons très bien nous entendre reine Leïla !

Si tu commençais par nous présenter ta fille Noëla !

La reine riboule deux grands yeux ahuris.

— Je suis clairvoyante !

Je savais son nom le jour de sa conception !

Le fait d’un viol terminé dans un bain de sang !

L’image des voleurs de vie revient la tourmenter.

Comme dans un rêve, Leïla s’éloigne et revient avec sa petiote dans les bras, qu’elle pose assise au sol.

— Je vous présente Noëla ! Elle n’a pas de père, mais qu’importe !

— On s’en fiche maman !

— Oui ma chérie, on s’en fiche !

Les trois nouvelles amazones, d’un genre pour le moins spécial, écarquillent des yeux, surprises par la réaction spontanée de la fillette qui parle déjà.

— Eh ben quoi les fées !

Vous allez rester plantées là comme des gourdes ou vous me serrez dans vos bras ?

— Oh oh, cela me rappelle une certaine capricieuse du même acabit ! C’est trop génial !

— Sois la bienvenue parmi nous fée Noëla !

— Mais ! Elle n’a rien d’une fée, ma gamine !

— Oh si ma reine ! Elle le tient d’un dieu scandinave, qui ne peut être que son géniteur !

— Maman, c’est quoi comme bestiole un géniteur ?

— Tu comprendras quand tu seras plus grande ma fille !

— Ah d’accord, j’ai compris toute seule ! C’est celui qui se charge de mettre la petite graine pour concevoir un enfant !

— Je t’avais prévenue Reine Leïla ! Ta fille est une fée !

Es-tu capable d’entendre les chevaux arriver, fée Noëla ?

La fillette écoute et cherche à comprendre ce qu’on lui demande.

— Merde ! Maman, ils viennent pour nous tuer !

Aux armes !

— Nous allons les combattre, comme il se doit !

À nouveau les images des maléfiques reviennent en force.

Les portes fortifiées du village sont fermées lorsque les guerriers Arvernes arrivent en se déployant.

Ils ont compris l’accueil qui les attend du fait du silence et de l’inactivité. Ils ont donc été repérés de très loin.

Deux hommes se détachent du groupe et s’avancent lentement.

Le Roi Salomon et son commandant.

Ils stoppent, hors de portée de flèches, et mettent pied-à-terre.

Muni d’un porte-voix en forme de cône, Salomon hurle…

Montre-toi Leïla ! Je sais que tu es là !

Sors avec ta fille et viens avec nous ! Nous laisserons les autres en paix !

— Le temps d’échauffer ma lame et j’arrive, seule ! Nous allons combattre à l’épée !

Si tu gagnes, tu deviens le roi des Amazones ! Et si tu perds, je redeviens la reine des Arvernes en récupérant mon dû !

— Mon commandant se propose pour te mettre la raclée que tu mérites, pour oser t’adresser de la sorte à ton souverain !

Il serait malvenu de le contrarier concernant sa demande !

— Alors, dis-lui bien de prier ses dieux pour avoir une place au Walhalla1 !

Si seulement les esprits maléfiques pouvaient s’en occuper.

Il a choisi son jour et son heure ! Je n’ai pas non plus l’envie de le décevoir !

Après je m’occuperai de ton propre cas, et ma sanction sera identique !

Tu ne rejoindras pas ton royaume Salomon !

En redescendant l’échelle du rempart, la reine Leïla se retrouve nez à nez… avec elle-même.

— Je suis Lola, et j’ai pris ton apparence ! Bien malin celui qui s’en apercevra !

Maintenant je suis la reine Leïla et je vais combattre à ta place ! Les deux ensemble puisque leur piège est aussi grotesque que leur bêtise est grande !

Pendant ce temps, les Amazones se sont déployées pour encercler les soldats du roi Salomon ! Elles sont guidées par fée Lucille en contact avec Thorette, déguisée en Amazone.

Lola ne perturbe pas mon esprit donc elle n’est pas une des maléfiques qui me rongent, pense la reine (à surveiller) !

Avant qu’elle ne puisse intervenir, la mystérieuse Lola ouvre le battant du grand portail et se pointe à l’extérieur avec ce même port altier qui caractérise la rousse Leïla.

L’air décidé à en découdre, elle marche au-devant des deux hommes, en agissant avec précision pour ne soulever aucune suspicion de leur part.

Le commandant l’interpelle…

— Tu m’as l’air bien sûr de toi pour une reine sans trône !

— Je suis la reine du peuple des Amazones, et cela me convient parfaitement puisque je suis heureuse !

Ton rôle de petit chien du roi Salomon n’aura jamais la possibilité de te procurer pareille satisfaction !

— Oh si, bien sûr que si !

Puisque mon roi m’offre le soin de mettre un terme à ton rang imaginaire, comme à ta vie… devenue gênante !

— Connais-tu mon surnom comme je connais le tien… tête de con, c’est bien ça ?

— Fais-moi donc le plaisir de m’apprendre qui je vais occire !

— On m’appelle « sans ombre » ! Sais-tu pourquoi ?

— Un surnom aussi con que le mien sans doute !

— Vois-tu une ombre au sol, comme la tienne ?

Le commandant riboule deux grands yeux en constatant ce phénomène improbable.

— Comment est-ce possible ? Salomon, tu savais ?

— On s’en fout ! Tue-la et fais pas chier !

— Je vais éclairer ta lanterne, et l’éteindre aussitôt avec ta vie !

Je suis une immortelle, et les immortelles n’ont pas d’ombre !

Fou de colère, l’homme se jette en avant, l’épée haute, en poussant un grognement bestial…

Rahaaa…

Il termine embroché, transpercé par la lame de Lola qui siffle très fort en ressortant de son corps.

C’est ton tour Salomon ! Tu manques cruellement de rapidité, et ton plan est foutu !

Tes hommes ont les yeux rivés sur toi !

Si tu choisis la fuite, tu seras déchu par les tiens !

Si tu choisis de me remettre sur le trône Arverne, ta vie sera épargnée, mais tu ne seras plus jamais le roi et seras banni du clan !

Si tu choisis de me combattre, commence à implorer une place au Walhalla !

Salomon tire son épée du fourreau et entame une déstabilisation par des mouvements rapides, le regard haineux et méprisant.

Il bondit en avant et tente un moulinet puissant en tenant son épée des deux mains, hurlant comme un forcené.

— Crève !

Mais il ne frappe que le vide ! Sans ombre a disparu !

Il stoppe net, cherchant à comprendre…

Plop… plop… fait la lame en frappant deux fois son épaule.

Il se retourne brutalement, comme un soudard qu’il est, pour faire front de nouveau.

Il se retrouve face à cette lame, à hauteur de sa gorge.

— Crève toi-même, petit roi !

L’épée fait gicler le sang avant de ressortir par sa nuque, provoquant un gargouillis qui efface la parole sortant de sa bouche.

Il s’écroule sur le dos, mort avant de toucher le sol.

Non ! Elle ne peut pas être une hideuse maléfique !

D’un seul coup d’épée bien placé, sa tête roule avant d’être stoppée par une pierre.

La reine l’attrape par les cheveux et l’empale sur sa lame, qu’elle dresse devant les soldats qui s’énervent.

— Tuez-les tous, hurle-t-elle !

Une pluie de flèches, les fauche, tous. Aucun ne rentrera au château de Clair Mont.

Lola, toujours dans l’apparat de la reine, revient dans la grande cour du village fortifié, sous les cris de joie des Amazones qui descendent des remparts.

— Plantez-moi cette tête sur une pique et dressez-la devant la porte ! Demain nous la ramènerons à son grand vassal Fergus ! Il comprendra son erreur !

En pénétrant dans la salle principale, Lola reprend son apparence et s’adresse à Leïla.

— Reine des Amazones, tu viens d’asseoir ta notoriété !

Désormais nul n’osera te défier ou s’attaquer à ton peuple.

Tu seras crainte et respectée, personne ne te tiendra rigueur d’avoir éliminé ce con prétentieux qui se prenait pour un dieu !

— Mais c’est toi qui as accompli tout le travail, en prenant des risques !

— Non, c’est toi ! Toutes les Amazones t’ont vu à l’œuvre ! Elles vont te respecter et te vénérer !

Je n’ai fait que t’apporter mon soutien, avec mes amies !

Quant à mon changement d’apparence, c’est mon ami Li, un Else homme et demi-dieu, qui m’a enseigné et transmis le don de la transformation !

— J’aimerais savoir manier l’épée comme toi !

— Nous commencerons bientôt les leçons de combat ! Je sais que tu apprendras vite !

Demain nous descendons chez les Éduens, avec la tête de Salomon dans un sac de jute ! C’est le roi Fergus qui l’a poussé à venir te tuer et tu dois faire preuve de discernement et de fermeté à son égard !

— Comment sais-tu que Fergus nous a vendus ?

— Lucille voit tout et entend tout ! Druidesse et devineresse, moi j’ai encore beaucoup à apprendre !

— Et Thorette ?

— Elle est la foudre et le feu ! Sa puissance est sans limites !

— Incroyable ! J’ai l’impression de faire un rêve, éveillée !

— Ta fille est l’enfant d’un demi-dieu !

Ses pouvoirs vont grandir rapidement et elle en sera perturbée, hésitant entre naturel et surnaturel ! Il te faudra l’aider, la guider, et surtout lui faire confiance !

— Vous pensez, tes amies et toi, que nous allons avoir des ennemis ?

— Tes amis seront bien plus faciles à compter que tes ennemis, en effet !

— Explique-moi pour quelle raison, je ne comprends pas !

— Parce que ta présence est nouvelle ! Tu leur fais peur et les hommes ont une peur panique de l’inconnu ! Pour eux le seul moyen d’éliminer la peur est d’en supprimer l’origine !

Demain je veux que tu te concentres à étudier le roi Fergus !

Si son regard est fuyant, il ment !

S’il bafouille, il a peur de toi !

— Quoi d’autre ?

— Si ses mains tremblent de panique, il est l’incarnation du mal et représente le danger immédiat !

Et si son front se perle de sueur, alors il faut agir vite !

Tu es la reine du peuple des Amazones ! Ton discernement doit être sans failles, tout comme tes décisions !

— Je ne suis pas certaine d’être à la hauteur Lola !

— Moi j’en suis certaine ! Et de toute façon tu n’as plus le choix !

Si nous sommes là pour te guider, c’est de par la volonté des Dieux !

Tu viens de remporter ta première bataille, et contre un homme féroce qui t’a fait souffrir ! Demain, ou après-demain, d’autres vont te provoquer ! Pour montrer qu’ils sont plus forts que ne l’était Salomon !

— Je vais aller en montagne demander l’aide de mon père !

— Tu as entendu cela Lucille ?

— Oui ! Ton père, Reine Leïla, t’a vendue à Salomon ! J’ai bien dit vendue, ton mariage était une monnaie d’échange pour sceller une alliance ! Cette même alliance que tu as rompue en prenant la fuite, dans ta quête de liberté ! Donc il a perdu la face par ta faute, et ne la retrouvera que par la mort qu’il lui faut t’infliger !

— Tu veux dire que mon père est devenu mon ennemi ?

— Ton pire ennemi dans l’immédiat, et aussi le plus dangereux pour ton clan !

— Alors je suis naïve ! Totalement naïve !

— Ignorer quelque chose ne relève pas de la naïveté, simplement du manque de connaissance ! Tu vas apprendre à connaître tes alliés, à reconnaître tes ennemis, à comprendre qui est qui, et qui fait quoi !

Ton peuple va grandir, beaucoup grandir ! Sais-tu pourquoi ?

— Heu…

— Cherche à comprendre ! Analyse le pour et le contre ! Que représentes-tu à leurs yeux, à toutes ces femmes ?

— La liberté ?

— Bravo ! Analyser, discerner, comprendre, et agir ! N’oublie pas que tu devras rendre la justice, et qui dit justice dit juste !

La reine n’a pas droit à l’erreur en matière de justice ! Nous te guiderons aussi en ce sens ! Je sais que cela fait beaucoup de choses à ingurgiter, mais tu t’adapteras très vite !

Maintenant, occupe-toi de ta fille et n’oublie pas de donner tes consignes pour évacuer tous les cadavres ! J’ai aperçu une rivière dans la vallée proche, cela devrait faire l’affaire !

— Pas de sépultures ?

— Oublie ! Cela serait perçu comme une faiblesse !

Nous autres avons des choses à vérifier au plus vite ! Nous nous retrouverons au matin !

Le lendemain

Un groupe de douze amazones descend du plateau des Combes en direction Est, guidé par la position du lever de soleil.

La trompe retentit quand elles arrivent face à la lourde porte de la cité de Gann At, et le garde hurle…

— Holà ! Qui va là ?

— Je suis Leïla, du peuple des Amazones ! Nous portons un cadeau au roi Fergus ! Je suis une amie de Dame Janis !

— Je sais qui tu es, Leïla la rouquine ! J’envoie porter ton message, patiente un instant !

Après quelques minutes, le battant droit est ouvert, et le groupe pénètre sur la place.

Vous allez devoir déposer vos armes pour être conduites au palais ! Une seule personne avec toi Reine Leïla, les autres attendront ici !

— Va avec elle Lola, et reste en contact avec nous !

Elles sont accompagnées, ou plutôt escortées, jusqu’à l’entrée principale du palais bâti de bois solide et formant un donjon avec créneaux et meurtrières pour les archers.

Les voilà donc introduites dans la salle du trône où est rendue la justice.

Assis sur les deux trônes de l’estrade, le roi Fergus et son épouse Janis les reçoivent, sans salut et sans bouger leurs derrières.

— Que nous vaut cette visite impromptue ma vassale ?

— Tu as eu l’amabilité de nous organiser la visite de Salomon, le roi des Arvernes, depuis son fief de Clair Mont !

Nous l’avons accueilli comme il se doit, avec sa troupe !

— Et donc ?

— Il nous a chargés d’un message à te transmettre en main propre !

— Qu’est-ce ?

— Une offrande, pour te remercier de ton geste chaleureux qui a permis d’éviter une guerre !

— Il aurait pu le faire par lui-même !

— Manque de temps, à ce que j’ai compris !

Elle lui donne le sac, qu’il ouvre sans méfiance aucune.

Rahaaaa !

Bordel de merde !

Il jette au loin le sac et la tête roule au sol, jusque contre la cloison de bois.

— Prends-le comme un avertissement Fergus !

Tout roi que tu es, s’il te vient l’envie de nous chercher querelle, tu sais à quoi tu t’exposes !

— Tu as osé me trahir, s’insurge Janis !

— Je n’ai fait que défendre nos intérêts !

Le clan des Amazones va devoir quitter nos terres, avant le coucher du soleil, et sans rien emporter !

Je pense avoir été clair, et j’ai horreur de me répéter !

Janis, qui s’est levée de son trône, contourne par derrière celui du roi, qui dans sa colère ne la regarde pas, fixant sa haine sur les deux Amazones.

La courte lame courbe, lui tranche la gorge d’une oreille à l’autre, laissant gicler le sang jusque sur la tête de Salomon.

La tête de Fergus pend sur son poitrail, inerte.

— Partez maintenant ! Je vais m’occuper de ce porc qui a osé me trahir !

— Tu peux venir avec nous si tu es en danger !

— Non ! Je suis leur souveraine ! Ils me remercieront d’avoir eu l’audace de me rebeller !

Je vais rapidement mettre quelqu’un à sa place ! Si ça tourne au vinaigre, je monterai vous rejoindre au clan des Combes !

Allez, filez avant que la nouvelle ne se répande !

Les Amazones sont de retour en leur fief.

— Où est passée Lucille ?

— Elle est restée sur place, totalement invisible !

— Je n’aime pas ça du tout ! En cas d’insurrection elle est

en danger !

Lucille en danger !

— Si c’était le cas, elle ne nous aurait pas confié son cheval !

— Et comment va-t-elle revenir, par la voie des airs ?

— Possible ! Nous allons surveiller le ciel, je pense qu’elle ne tardera pas !

Peu avant que le soleil ne se couche sur l’horizon, les oiseaux s’enfuient en criant, tous dans la même direction.

— Ça pue la merde, Lola ! On nous attaque !

— Non, regarde là-haut ! C’est lui qui fait peur aux oiseaux !

Un énorme dragon arrive dans leur direction, et en se rapprochant on distingue un humain grimpé sur son col, se cramponnant à sa crinière et gesticulant pour se montrer.

— Elle ramène Janis avec elle !

— Quoi ! Tu me prends pour une nouille, c’est un dragon !

— Non, c’est une dragonne ! Et elle s’appelle Lucille !

On va mettre ta cervelle en ébullition ! Que s’est-il passé pour que les choses prennent cette tournure ?

— Pour revenir de cette manière, si tu dis vrai, il y a eu rébellion au camp des Éduens !

— Bien ! La déduction commence à prendre du coffre !

— Maman ce n’est pas dur à comprendre ! Tu devrais aller accueillir Lucille pour lui dire que tu as tout compris !

— Oui ma fille, tu as raison ! Allons-y !

Ouf ! J’ai bien cru que les maléfiques arrivaient !

Le dragon s’approche et les Amazones fuient dans tous sens, en pleine panique.

— Ne fuyez pas, hurle la reine !

Accueillons-les dignement au contraire !

Alors toutes surmontent leurs craintes et rejoignent la reine Leïla dans la cour en formant un grand cercle sur lequel la dragonne vient se poser.

Janis descend de cette monture improvisée, et court se jeter dans les bras de Leïla.

— Sois la bienvenue chez nous Janis !

Pfuuuu ! Une amazone chevauchant un dragon ! Les hommes vont devoir apprendre ce que veut dire le respect !

— Je ne suis pas venue seule, mais en éclaireur, ou en éclaireuse ! Elles sont plus de trois cents avec moi, et elles arrivent, bien décidées à vivre en femmes libres !

Lucille change son apparence, sans se cacher. Une bonne moitié des femmes, braves, mais pas habituées à un tel phénomène, tombent dans les pommes.

— Ne soyez pas inquiètes Amazones ! Je ne suis ni sorcière ni ensorcelée ! Je suis une fée du monde druidique, le monde de la magie !

Ma force et ma connaissance seront bientôt de votre quotidien !

Merlin, l’enchanteur, m’a chargée de vous venir en aide !

J’ai quitté ma forêt de Brocéliande pour vous rejoindre, me voilà donc, en amie des Amazones !

Je peux prendre l’apparence de n’importe quel animal, mais j’ai une faiblesse pour la noblesse du Dragon, cracheur de feu si besoin ! Il va donc falloir vous habituer à me côtoyer dans cette tenue !

— Tu sais aussi cracher les flammes ?

— Tu auras l’occasion d’assouvir ta curiosité jolie Noëla !

D’autant qu’un autre dragon nous rejoindra bientôt si notre reine donne son accord !

— Et il a une apparence humaine, tout comme toi ?

— Oui ! C’est un Else, de la plus grande tribu des magiciens du Sud.

— Tu veux dire un homme ?

— Pas tout à fait ! Moitié Homme et moitié Dieu !

Si tu ne souhaites pas sa présence, il repartira sans préjugé aucun !

— A-t-il comme vous une spécialité ?

— En un battement de cils, il peut prendre n’importe quelle apparence !

Mais pas que l’image ! La voix, les qualités et les défauts, les mimiques et les grimaces, tout est à l’identique, chez le copié comme chez le copieur !

— C’est un sorceleur ? demande la fillette.

— Oui ! Un Shiner, dans son pays d’origine !

— Alors il s’appelle Li et il vient de Corée !

Il m’a prévenue dans mon sommeil !

La reine est abasourdie par ce qu’elle vient d’entendre. Comment sa fille, si petite, peut-elle comprendre des choses qu’elle, sa mère, ignore totalement ?

— Tu as sûrement rêvé ma chérie !

— Oh non ! Tu verras, il a des yeux bizarres !

— Comment ça bizarres !

— On dirait des yeux de serpent, très fins ! En tout cas c’est un très bel homme !

— Houlà, dis donc ! T’es un peu jeune pour tenir un tel langage !

— Oh non maman ! Je voulais dire un très bel homme pour

toi !

— Je n’ai nullement besoin d’être casée ma fille ! Et encore moins par toi !

— Tu la ramèneras moins quand tu l’auras vu !

— D’accord, je capitule !

Lucille et Thorette sont pliées de rire, tandis que Janis se précipite au-dehors, percevant le bruit des sabots.

— Elles arrivent Leïla !

Toutes foncent derrière Janis pour accueillir les nouvelles Amazones.

— Oh ! Et moi je fais la potiche ?

Lola prend la fillette dans ses bras, avec un « viens-là, chipie ».

— C’est quoi une chipie ?

— Une espiègle petite coquine ! Je t’en montrerai une tantôt !

Ou non tiens, tu n’auras qu’à demander à ton beau sorceleur quand il arrivera !

La poussière soulevée par le troupeau est impressionnante ! Elle augmente avec l’approche et le martèlement des sabots sur le sol dur et caillouteux des Combes.

— Tu m’as dit trois cents Janis ? Elles font un raffut d’enfer !

— Seules les plus âgées et les malades sont restées à Gann At ! Et regarde qui les guide !

Janis pointe son doigt en direction du ciel, et Leïla dresse la tête.

— Voilà ton Shiner maman ! Beau comme un dragon !

— Il n’a pas l’air de péter le feu !

— Alors, regarde bien ! Je lui demande une démo !

Lola fait les gros yeux et lui dit qu’elle exagère de haranguer sa mère de la sorte.

— Ça c’est la poêle qui se moque du chaudron ! Je peux t’en sortir des belles te concernant ma poulette !

VROOHOU…

Leïla sursaute de stupeur. La langue de feu change, au moment précis où le dragon se pose au sol.

— Alors maman ! Il ne pète pas le feu ton nouveau futur copain !

— Tu es lourde ma fillotte !

Le dragon change son apparence et redevient Li, le sorceleur qui se prosterne devant la reine, genoux au sol, en formant une boule de lumière qui s’atténue rapidement.

La tête baissée se redresse et le regard se tourne vers Noëla.

L’homme à la carrure impressionnante se relève.

Sa longue chevelure gris blanc, nattée sur la nuque, lui confère un air sévère et ses yeux d’un bleu lumineux détonnent sur son visage buriné.

— Alors maman, ça pique !

L’homme vient vers elle, sans un mot, et dans son dos, la poussière soulevée par les chevaux rehausse encore son impression de puissance.

Il chope la fillette par le colbac et la décolle du sol comme une brindille qu’elle est.

— Salut chipie !

Si tu commençais par arrêter d’emmerder ta mère avec tes bêtises ! Histoire de te montrer plus grande et sage comme il est réellement dans ta nature !

Il revient vers la reine, figée de stupeur.

Je sais tout de toi Reine Leïla !

Ta fille m’a tout raconté à travers ses songes !

La reine a du mal à déglutir pour pouvoir répondre.

— Sois le bienvenu sorceleur Li ! L’avenir proche nous dira si tu peux rester ou non parmi nous au camp !

Mais ce sont les Amazones qui en décideront par le vote, et je me conformerai à leur choix !

Janis accueille les femmes qui posent pied à terre et se prosternent devant leur nouvelle reine, la flamboyante Leïla, qui ne porte ni couronne ni dorures.

L’une d’entre elles se relève et vient s’annoncer.

— Je suis Hilde la Druidesse des Éduens !

Je me suis jointe aux autres pour suivre les dragons qui nous ont guidées jusqu’à toi Reine des Amazones ! Si les dragons ont ta confiance, je m’incline et t’accorde la mienne !

L’union des humains avec le monde de la magie ne peut être que puissance ! Et si cette union existe, c’est par la volonté des Dieux !

Ils m’avaient annoncé ta venue ! Force est de reconnaître qu’ils ne m’ont pas trompée !

Par ta sagesse tu inspireras le respect et l’admiration !

Ta grandeur n’a d’égale que ta beauté, et ta fille illumine encore plus ton éclat !

Je suis fière d’être à tes côtés désormais !

Je suis fière d’être à ton service…

Jusqu’à la mort !

« Jusqu’à la mort », hurlent, genoux au sol, les quelques trois cents nouvelles Amazones… et ça fait du bruit.

D’un geste des deux bras, Leïla leur demande de se relever.

— Soyez les bienvenues, nouvelles Amazones !

Nous allons devoir nous serrer un peu dans l’immédiat, mais nous avons le temps, les moyens, et la volonté nécessaires pour améliorer rapidement notre habitat avant le prochain hiver !

Et puis nous avons désormais des alliés de poids, des dragons pour veiller sur nous !

Nul autre n’a jamais eu ce privilège à ma connaissance !

Puisque les Dieux nous sont favorables, nous allons nous efforcer de mériter la confiance accordée !

Pas question de copier les hommes dans leur quête perpétuelle de conquête de territoires !

Nous grandirons selon le bon vouloir des Dieux…

Nous grandirons dans la sagesse et le respect des autres, quelle que soit la couleur de leur peau et quelles que soient leurs croyances !

Dès demain nous formerons un conseil !

Aucune reine ne peut, à elle seule, décider de tout !

Donc aujourd’hui jour de fête, et demain toutes au boulot !

— Vive notre bonne Reine, hurlent les Amazones !

La fête, jusque tard le soir, permet de nouer des liens nouveaux. Des liens d’amitié, de confiance, et de respect mutuel.

Mais la nuit est de nouveau très perturbée par des monstres.

Comme si des morts pouvaient revenir de l’au-delà.

Au matin, un premier conseil est formé.

Douze Amazones, dont Janis est la garante, sont désignées pour mener chaque groupe en fonction des compétences de chacune.

Le plus compliqué demeure la défense du clan par des guerrières, et Janis reconnaît sa grande faiblesse en ce domaine, en matière de connaissance.

Lola se propose pour tenir ce rôle le temps nécessaire à former celle qui endossera cette lourde responsabilité.

— Je peux former au combat, Reine Leïla, mais seule je n’aurai pas assez d’une vie !

Je propose au conseil l’intervention de Li, il est le meilleur des maîtres d’armes dans cette discipline !

À nous deux, le groupe de défense prendra corps rapidement !

— Va le chercher Lola ! J’aimerais connaître son sentiment sur le sujet !

Guidé, Li arrive en la salle du conseil.

— Lola m’a tout expliqué Reine Leïla !

Ma réponse est oui, je formerai tes guerrières avec Lola, mais il y a des conditions pour cela !

— Nous t’écoutons Shiner !

— Elles doivent être volontaires, jusqu’au bout des ongles, et pour cela elles choisiront chacune leur nom personnel de guerrière, et elles choisiront ensemble le nom de leur groupe !

Quels qu’ils soient, leurs choix devront être respectés par l’ensemble du clan.

Avec Lola, nous découvrirons les dons de chacune ! Toutes les femmes ont des dons, mais ils sont occultés de force par les hommes dès la naissance ! Eh oui, retenez bien cela, de nature, les hommes ont peur des femmes !

— Très bien Shiner !

Tu détiens la force, mais aussi la sagesse, ce qui est plutôt rare chez les hommes !

Aussi nous saurons te consulter et puiser conseil en ta connaissance !

Peut-être sait-il quelque chose sur les étranges songes qui rongent ses nuits.

Trois semaines se sont écoulées.

Les guerrières Amazones progressent à une cadence incroyable. Le seul fait de bientôt devoir affronter les mâles, engendre une soif effrénée d’apprendre à se défendre, et rapidement la phase attaque décuple une frénésie précise et féroce.

À la quatrième semaine, les plus fortes, à trois contre un, prennent le dessus sur Li, contraint à lever la main pour capituler.

— Bientôt, je devrai capituler avec chacune d’entre vous !

Votre ténacité n’aura plus d’égal chez vos adversaires !

Hilde, tu es capable de parer tous mes coups ! Lis-tu dans mes pensées ?

— C’est vrai ! Je lis en toi et je sais exactement ce que tu mijotes et à quel moment tu agiras !

— Est-ce la même avec Lola, ou les autres Amazones ?

— Toutes, sauf Lola ! Mais j’ai compris pourquoi !

— Et quel est donc mon secret, druidesse !

— Tu n’es pas du même monde que nous, tout comme le Shiner ! Tes pouvoirs dépassent largement les limites de mes connaissances ! Mais à vos côtés j’apprends, et j’apprends très vite !

Sans le savoir, vous me donnez des leçons que j’assimile et range précieusement au fond de ma tronche !

— Explique-lui Lola, moi elle ne me croira pas !

— Eh bien, avec Li, nous t’avons choisie pour commander le groupe des guerrières ! Ton nom est déjà inscrit en haut du tableau ! « La commandante Hilde ».

Les cours particuliers vois-tu, nous les gérons pour toi, à ton rythme !

Et dès demain c’est toi qui prends la tête de la formation !

Li et moi devons nous absenter pour savoir ce que prépare le père de Leïla ! Et aussi, sans doute, ce qu’il cache !

Mais tu es déjà au courant, pas vrai ?

— Oui, vous pouvez partir tranquilles ! Je sais que vous me tiendrez informée en cas de danger !

— Très bien commandante ! Alors nous partons maintenant ! Si tu as la moindre difficulté pour nous capter correctement…

— Je sais ! Je demande à Lucille !

— Merci Hilde ! La reine et Janis sont déjà informées, à bientôt !

Très vite l’énorme dragon prend Lola sur son dos et s’éloigne dans les airs, salués par les guerrières admiratives.

— J’aimerais bien essayer aussi ! clame Hilde. Dans les airs, je n’arrive même pas à imaginer…

Lucille arrive avant la fin de sa phrase.

— Alors, prépare-toi ! Ton tour est arrivé !

La fée Lucille se transforme en dragonne, et Hilde ne se fait pas prier pour tenter l’aventure.

À l’envol, le cri de trouille se transforme en cri de joie, tant le moment est grandiose.

Hilde n’a jamais connu pareil instant. Ce sentiment de puissance dépasse ce que son imagination, pourtant fertile, n’osait pas même ébaucher.

Le survol du camp, de plus en plus haut, laisse l’impression d’une fourmilière aux yeux de la cavalière du ciel.

Au sol les Amazones ont stoppé leurs activités, et les têtes tournées vers le ciel scrutent les circonvolutions du dragon, avec Hilde cramponnée sur son dos.

Et voilà le retour au sol dans la cour, sous les clameurs et les applaudissements de toutes.

— Hilde, ton cours d’aujourd’hui est tout dressé.

Tu vas expliquer à ton groupe et décrire ton expérience de ce voyage dans les cieux.

Dès demain je veux que chacune de tes guerrières soit capable de tenter la même chose, avec une bride sur mon encolure pour les aider à franchir le cap !

— Les filles, dès demain votre formation passe en mode « attaque ». Je veux que vous soyez toutes prêtes quand Lola et Shiner reviendront des montagnes !

Qui n’est pas d’accord ?

Toutes répondent par un pied de nez ponctué d’une huée.

— Merci commandante… hurlent les guerrières émoustillées !

Dès le lendemain débute cette formation, loin, très loin de ce à quoi elles s’attendaient.

Et le jour suivant, une seule main sur la bride, l’autre armée d’une lance ou d’une épée.

À la fin du sixième jour, toutes les Amazones juchées sur le col du dragon sont capables de trancher la tête d’un mannequin de paille ou de l’empaler à la lance.

L’armée de Hilde est prête à combattre.

Cette nuit-là encore, n’apporte guère de sommeil à la reine.

Elle sent le cauchemar arriver avec les angoisses.

Elle s’efforce de garder les yeux ouverts, avec une chandelle allumée pour ne pas sombrer d’épuisement. Cette belle journée est effacée par les démons maléfiques qui tentent vainement de pénétrer son esprit.

— Qui êtes-vous ? hurle-t-elle, en plein rêve noir, peuplé de femmes affreusement torturées.

Ce matin, Shiner le dragon et sa cavalière Lola sont de retour, avec des nouvelles qui n’ont rien de réjouissant.

Le père de Leïla, le roi Enguerrand, qui signifie « en guerre », a levé une puissante armée basée sur les Monts d’Or, avec l’alliance de Hu Lice, roi de Gergovia.

L’ensemble des deux clans, représentant près de deux mille guerriers, reste malgré tout hétéroclite et mal organisé, avec un passif de plus de dix ans de guerre entre eux.

Les rois en ont décidé ainsi, mais les soldats se haïssent cordialement. De plus la discipline des hommes, qui forment l’ensemble des clans de la Gaule, n’a jamais été un point fort des guerriers Gaulois.

Ce sont des hommes solidement charpentés, des colosses pour certains, mais qui ne connaissent absolument rien d’autre que le combat et la beuverie.

Bon, on peut aussi ajouter leur passe-temps favori. Forcer les femmes, le plus souvent à plusieurs, est pratique régulière dans ces tribus de rustres.

De surcroît ils sont persuadés, de par leurs croyances, que les Dieux les accueilleront dans une autre vie s’ils sont morts au combat. Pour se donner du courage, l’hydromel est utilisé plus que de raison, et la plupart du temps c’est totalement ivres qu’ils affrontent leurs ennemis, tous aussi ivres qu’eux.

— Ils quittent les Monts d’Or dans deux jours pour marcher sur le plateau des Combes ! Mais les guerriers sont à pied, seuls les chefs ont des chevaux.

— Quel est le plan de mon père, dans sa finalité ?

C’est Lola qui lui répond…

— Il veut anéantir le clan des Amazones, capturer la reine, et la brûler vive sur le bûcher en place de Clair Mont, devant la populace, pour servir de leçon et empêcher les femmes de rejoindre le plateau des Combes !

En exécutant sa propre fille, il veut asseoir sa grande puissance et régner en maître absolu sur les peuples gaulois.

— Alors il nous faut les prendre de court et les attaquer avant qu’ils n’entrent dans la plaine de Limagne où ils pourront rester concentrés.

La meilleure défense, c’est l’attaque !

— Tu as raison Hilde !

Nous avons déjà exploré toutes les possibilités, et vu leur nombre ils n’ont qu’un seul passage possible dans les montagnes pour garder l’union de la troupe !

Réunis tes guerrières, nous partons maintenant ! Il faut leur couper l’herbe sous les pieds pour les empêcher de grossir leurs rangs !

— Je propose de commencer par Gann At, histoire d’échauffer tes guerrières !

— Bonne idée Janis ! Tu viens avec nous ?

— Qui, pourrait bien m’en empêcher ! Ils ne s’attendent pas à me voir revenir de sitôt !

Vingt minutes plus tard, toutes vêtues de rouge, les guerrières s’élancent sur leurs magnifiques chevaux, eux aussi grimés de rouge, crinières et queues teintées, pour impressionner l’adversaire.

Leïla a des comptes à régler avec son père concernant ses cauchemars, peuplés de femmes meurtries, avec un nom qui semble se préciser… zombies.

Chapitre II

Désillusion et désolation

Le silence qui règne en arrivant au bas de la colline provoque l’inquiétude.

Au premier poste de garde, Hilde stoppe la cavalerie et demande le silence et le calme. Elle pose pied à terre et se dirige, sa machette à la main, vers le mirador en bois qui permet de surveiller l’horizon Nord.

Rien, aucune réaction…

Intriguée et sur la défensive, elle grimpe l’étroit escalier de bois et arrive sur la plateforme équipée d’un toit pare-flèches.

Rien non plus, mais ses pieds collent au sol avec un bruit de succion… du sang, beaucoup de sang.

Elle redescend rapidement, essuie ses chausses dans l’herbe humide, et remonte sur son cheval.

— Janis ! Ils ont été tués ici et emportés, morts !

Combien de gardes surveillent ce mirador ?