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Le "cavalier budgétaire" est une technique très compromettante qui permet d’introduire dans les lois de finances des dispositions législatives qui n'y ont pas leur place.
Cette pratique est très dangereuse car elle pollue le climat des affaires par l'instabilité juridique qu'elle peut provoquer dès lors que des dispositions de lois fondamentales sont abrogées ou amendées par le truchement de simples articles de lois de finances.
Cet ouvrage met en avant cette technique proscrite sous d'autres cieux mais abusivement utilisée en Algérie au point qu’il n'existe aucune branche du droit algérien qui a pu échapper à l'influence des cavaliers budgétaires.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Titulaire d'un magister en Droit des Affaires obtenu de l'université Alger 1,
Salem Ait Youcef est doctorant en Droit à l'université Panthéon-Assas Paris II. Il est cadre dirigeant dans une entreprise privée depuis plusieurs années et spécialiste en droit algérien et droits comparés.
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Salem Ait Youcef
Cavaliers budgétaires comme source du droit des affaires en Algérie
Essai
© Lys Bleu Éditions – Salem Ait Youcef
ISBN : 979-10-377-0530-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. »
Jean-Jacques Rousseau, Le contrat social
La recherche entreprise sous notre direction par Monsieur Ait Youcef Salem et intitulée « les cavaliers budgétaires comme source du droit des affaires en Algérie » s’inscrit dans le cadre des études de post- graduation en droit des affaires organisées à la faculté de droit d’Alger.
Elle s’inscrit plus précisément dans le prolongement d’un séminaire de recherche que nous avions dirigé et qui a été suivi avec beaucoup de sérieux par Monsieur Ait Youcef Salem et portant sur le droit public des affaires en Algérie.
Traditionnellement, le droit des affaires est présenté comme étant un prolongement du droit commercial et donc comme une branche du droit privé. Mais ces vingt dernières années, tout un courant de la doctrine juridique a pu établir l’existence, à côté d’un droit privé des affaires, d’un autre segment important, qualifié de droit public des affaires. Il s’agit de l’ensemble des principes et des règles juridiques qui encadrent la réalisation des affaires et qui participent du droit constitutionnel, du droit administratif, du droit des finances publiques et enfin du droit international public.
L’ouvrage de Monsieur Ait Youcef Salem contribue précisément à l’enrichissement du droit des finances publiques comme élément du droit public des affaires.
C’est souligner d’emblée à la fois l’intérêt mais également l’ampleur du chantier de recherche investi par l’auteur.
Le chercheur (il est actuellement doctorant) est parti d’un constat : le rôle extrêmement important des lois de finances, tant annuelles que complémentaires, en Algérie. Pratiquement, depuis plusieurs années déjà, tous les six mois, une loi de finances vient poser des règles et souvent, bouleverser des régimes juridiques afférents aux activités commerciales et économiques.
Ces dispositions insérées, indûment, dans les lois de finances, ont été dénommées par la doctrine française de « cavaliers budgétaires. »
Cette technique ou ce procédé assez singulier qui a de sérieuses incidences sur le climat des affaires a donc été emprunté au droit français. Sauf que, le législateur algérien (en fait l’administration publique vicieuse, au sens de non vertueuse, qui prépare les projets de loi de finances dans le cadre d’un État qualifié par bon nombre de politologues d’État administratif) en fait désormais un usage abusif, portant atteinte à la sécurité juridique. Pas un domaine n’a échappé et n’échappe à ce que l’on pourrait qualifier de véritable fléau ! C’est ainsi que le Code civil, le Code pénal, le code des investissements… (pour s’en tenir à ces trois monuments) sont modifiés et complétés au moyen de cavaliers budgétaires.
C’est donc ce procédé qui fait l’objet de cette recherche qui est, indéniablement, un travail original et donc une véritable thèse au sens de l’épistémologie, puisque cette thématique n’a jamais été traitée à ce jour en droit algérien. C’est là un des nombreux mérites de l’auteur qui n’a pas craint de s’attaquer à un tel sujet pour lequel, au risque de se répéter, il n’y avait aucune bibliographie.
Pour mener à bien sa recherche Monsieur Ait Youcef a procédé à un vaste dépouillement du journal officiel, exploitant toutes les lois de finances tant annuelles que complémentaires pour débusquer et extraire les dispositions méritant la dénomination de cavaliers budgétaires.
Quant à l’ouvrage proprement dit, il est articulé tout logiquement autour de deux grandes parties : la première consacrée à l’étude des cavaliers budgétaires comme source du droit public des affaires ; alors que la seconde est dédiée aux cavaliers budgétaires comme source du droit privé des affaires. Ces deux grandes parties ont été précédées par un chapitre préliminaire portant sur le cadre juridique, la notion et le fondement de ce redoutable procédé.
Le résultat est un remarquable travail soutenu avec brio et dont l’intérêt est certain. L’ouvrage se veut ainsi une contribution et donc un enrichissement du droit des affaires qui, faut-il le souligner avec force, est encore en gestation dans une économie algérienne en transition vers l’économie de marché.
Dans la réalisation de cet ouvrage, l’auteur a fait montre de beaucoup de sérieux et de méticulosité ; de même qu’il a apporté la preuve qu’il avait un esprit d’analyse et de synthèse tout en maîtrisant parfaitement les opérations d’interprétation et de qualification indispensables à tout juriste digne de ce nom.
Indéniablement, l’ouvrage sera d’une utilité certaine aussi bien aux universitaires qu’aux juristes d’affaires.
Professeur Chérif BENNADJI
Professeur à la faculté de droit d’Alger
L’étude de la thématique des cavaliers budgétaires n’est certainement pas une chose aisée, compte tenu, notamment, de l’absence quasi totale de travaux scientifiques consacrés à ce sujet. Malgré cela, j’ai préféré prendre le risque de lever le voile sur cette pratique épineuse qui est la parfaite illustration d’une abdominale dictature juridique.
La thématique du cavalier budgétaire est un sujet très passionnant qui ne laisse personne indifférent étant donné son influence limpide et tentaculaire sur les différentes branches du droit. Ceci m’a motivé davantage à travailler sur cette source cachée de la législation algérienne qui présente une équation paradoxale, voire énigmatique, dans la mesure où elle reste (très) ignorée malgré le fait qu’elle soit extravagamment utilisée.
Faudrait-il souligner par ailleurs que le choix de consacrer cet ouvrage à l’étude de la technique compromettante des "cavaliers budgétaires" comme source d’une branche spécifique du droit, "le droit des affaires" en l’occurrence, ne veut nullement dire que les autres branches du droit ont échappées à l’influence de cette technique. Le contraire est plutôt vrai puisque nous avons pu vérifier, dans ce modeste travail de recherche, qu'hormis le code de la famille, toutes les branches du droit sont largement impactées.
Sans vouloir anticiper le développement du fond de notre sujet, il ne serait pas d’une vaine utilité de justifier le choix d’étendre l’examen du degré de l’influence de la technique du cavalier budgétaire à la filière du "droit public", au lieu de se limiter à l'étude de son impact sur la filière du "droit privé". Il va sans dire que l’objectif recherché est de mettre en exergue l’appartenance du droit des affaires à la branche du "droit public" au moment où cette appartenance semble diluée, voire remise en cause, à force d’insister sur sa classification quasi systématique comme une branche du droit privé.
Le droit des affaires remplace la dénomination traditionnelle du « droit commercial ». Si l’on parle aujourd’hui de droit des affaires c’est que le vocable permet de regrouper des domaines plus vastes que l’expression traditionnelle de droit commercial. La vie économique actuelle balaye un champ plus large que celui du droit commercial et l’on se rend compte que la vie économique ne peut être restreinte aux commerçants1.
Pendant longtemps cette matière a été désignée par l’expression "droit commercial". Cette dénomination n’était pas à l’abri des critiques car le droit dit "commercial" régissait à la fois les activités de distribution (commerce au sens habituel du terme) et la plupart des activités de production (industrie). Aujourd’hui on parle plus volontiers de droit des affaires, voire de droit économique ou droit de l’entreprise2.
La notion de droit des affaires est attractive en ce sens qu’elle concerne l’ensemble des règles de droit qui s’appliquent aux acteurs économiques. Elle recouvre la question de leur organisation, mais également celle de leurs échanges.
Le degré de développement du climat des affaires dans chaque État est à juste titre étroitement lié à la notion du droit des affaires. L’existence d’un cadre juridique promouvant le respect des droits humains, la justice sociale, la protection des personnes et des biens, assorti d’un système judiciaire indépendant et apte à en assurer l’application cohérente et uniforme est la caractéristique d’un régime de droit. Cela participe à l’assainissement du cadre juridique des activités économiques d’un pays. Elle constitue également, un prérequis au développement du secteur privé, à l’attraction de l’investissement national et étranger, à l’intégration du pays dans l’économie mondiale et nécessairement à l’amorce d’un développement durable3.
En Algérie, les mutations qui ne cessent de s’opérer sur les différentes branches du droit des affaires influent inexorablement sur le climat des affaires. D’ailleurs, nonobstant des résistances aux changements qui ont considérablement retardé la transition à l’économie de marché, force est de constater que les réformes mises en œuvre ont déjà généré d’importantes mutations auxquelles on n’osait même pas penser durant les vingt premières années de l’indépendance. L’autonomie de gestion, la liberté des prix, la concurrence et l’obligation de résultats se sont substituées au fonctionnement administré des monopoles de l’État et l’entreprise privée, à laquelle les textes doctrinaux des années 1970 (charte nationale, constitution) avaient pratiquement dénié le droit d’exister, a fait des progrès prodigieux à la faveur du processus de libéralisation enclenché à la fin des années 19804.
Beaucoup de chemin a déjà été accompli dans ce long et périlleux processus d’édification d’une économie de marché, sur les décombres d’un système socialiste qui a profondément marqué la société Algérienne. Toutefois, d’aucuns, parmi les observateurs de la scène économique algérienne considèrent que l’Algérie est aujourd’hui un pays mûr pour l’investissement5. Le classement de l’Algérie dans le dernier rapport établi par la banque mondiale sur le climat des affaires " Doing Business 2018" est venu justement corroborer ce constat peu reluisant dans la mesure où l’on trouve que l'Algérie est positionnée à la 166e position sur 190 pays étudiés. Ce classement donne une mesure supplémentaire du climat des affaires dans notre pays qui, faut-il le souligner, ne cesse de se dégrader6.
Un climat économique propice aux affaires nécessite la réunion de plusieurs ingrédients, la stabilité juridique entre autres. Pour que l’entreprise, quel que soit son statut, puisse naître et s’épanouir, il faut absolument que son promoteur y trouve un environnement des affaires favorable, soit la stabilité juridique requise pour concevoir les stratégies et asseoir ses prévisions7. Malheureusement, en Algérie, la transition à l’économie de marché, pourtant engagée dans l’enthousiasme à la fin des années 1980 s’éternise et, souvent même, opère des régressions à coup de nouvelles lois insidieuses introduites dans des lois de finances et des lois de finances complémentaires, qui comme chacun le sait, échappent au contrôle du parlement8.
L’instabilité qui caractérise le droit des affaires en Algérie est largement critiquée par les chefs d’entreprises et par les institutions internationales telles que le FMI et la banque mondiale. Cette instabilité résulte d’un mode de production très discutable9. En effet, plusieurs branches du droit des affaires, à l’exemple du droit foncier, du droit des investissements, du droit des marchés publics, sont inscrites dans une spirale vertigineuse de modifications/abrogations, à l’origine d’une situation inextricable, désarçonnant les juristes les plus chevronnés ainsi que tous les intervenants à l’acte d’investir10.
Le cycle de vie de certains segments du droit des affaires, tels que le droit de la concurrence, le droit des investissements et le droit foncier, est très court. Le droit devient ainsi volatile, éphémère et versatile enfermant, dans un tourbillon, les praticiens du droit ainsi que les dirigeants d’entreprises11.
Interpellé pour donner son avis sur la situation délabrée du climat des affaires en Algérie, le Professeur émérite Mohand ISSAD n’a pas manqué de mettre en exergue sa corrélation avec l’instabilité juridique :
" L’instabilité juridique pollue le climat des affaires et quand on change du jour au lendemain, comme on a tendance à le faire trop souvent, des dispositions de lois fondamentales au moyen de simples articles de lois de finances ou de circulaires gouvernementales, vous n’êtes assurément pas en situation de stabilité juridique. Chaque année on assiste, malheureusement, à ce genre de pratiques consistant à changer les textes fondamentaux du pays que sont le Code civil, le code fiscal et le code de commerce, par des dispositions glissées subrepticement dans des lois de finances annuelles et complémentaires12… ".
La technique qui consiste à introduire, d’une manière insidieuse, dans des lois de finances annuelles ou complémentaires des dispositions législatives qui lui sont étrangères, est connue de la doctrine sous le qualificatif : "cavalier budgétaire".
Le recours abusif du législateur algérien à cette technique reste la meilleure preuve de l’instabilité juridique qui fragilise le climat des affaires en Algérie. Ceci est d’autant plus vrai que cette situation prête à croire qu’il y ait une ferme volonté d’intégrer cette technique compromettante parmi les sources du droit des affaires reconnues par la doctrine13.
Ce faisant, il est nécessaire d’étudier minutieusement cette source non déclarée de la législation algérienne en général et, du droit des affaires en particulier. Cette étude nous permettra de mesurer l’étendue de l’influence des cavaliers budgétaires sur le droit des affaires en Algérie. D’ailleurs, c’est sous le prisme de cette problématique ayant trait à « L’impact descavaliers budgétaires et le droit des affaires en Algérie " que nous comptons développer la présente étude.
Dans le cadre du traitement de cette question cardinale, notre démarche méthodologique est basée sur une recherche bibliographique et documentaire visant, d’une part, à exploiter et analyser tous les ouvrages, articles, rapports et documents officiels se rapportant à notre sujet et, d’autre part, les différents textes juridiques et réglementaires (lois, décrets, ordonnances, règlements…). Nous tenterons ainsi, sur la base de la documentation existante, d’évaluer l’impact des cavaliers budgétaires sur la législation du droit des affaires en Algérie.
Dans la perspective de développer notre sujet de recherche, nous avons opté pour un plan de travail structuré comme suit :
Le traitement du statut juridique de la technique des cavaliers budgétaires passe nécessairement par la recherche des éléments de réponses aux problématiques suivantes :
Comment le cavalier budgétaire se définit-il ?
Dans quelle mesure le cavalier budgétaire se différencie-t-il des autres dispositions cavalières ?
Quel est le statut de l’application des cavaliers budgétaires dans le temps ?
Dans le droit algérien ; la technique des cavaliers budgétaires serait-elle légale ou proscrite ?
La résolution de toutes ces interrogations requiert la définition du cavalier budgétaire et le traitement de la problématique de son application dans le temps (section I), avant d'examiner le degré de sa légalité (section II).
La compréhension de la notion du "cavalier budgétaire" nous impose de cerner, de prime abord, sa définition et de mesurer les aspects qui pourraient la distinguer des autres dispositions cavalières (sous-section I). Il conviendrait ensuite d’étudier l’effet et l’application du cavalier budgétaire dans le temps (sous-section II).
SOUS-SECTION I : LA DÉFINITION DU CAVALIER BUDGÉTAIRE.
Le terme "cavalier " désigne, dans le jargon légistique, les dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n’ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a prétendu les faire figurer14.
Les dispositions cavalières peuvent être réparties en trois catégories : "cavalier législatif ", "cavalier social" et "cavalier budgétaire".
Le "cavalier social" est une notion qui existe exclusivement dans les pays qui légifèrent une loi spécifique à la sécurité sociale appelée "Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS)". Il est considéré comme cavalier social, toute disposition dont la présence dans une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est proscrite par la Constitution et/ou la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Quant au "cavalier législatif", il est défini comme une mesure introduite dans les autres types de lois ordinaires par un amendement dépourvu de lien avec le projet, ou la proposition de loi, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie15.
S’agissant du "cavalier budgétaire", il est défini comme une disposition dont la présence dans une loi de finances est proscrite par la Constitution et/ou la loi organique relative aux lois de finances.
Nonobstant de l’ancrage limpide de la technique du "cavalier budgétaire" dans les systèmes juridiques de plusieurs pays (à l’instar de l’Algérie), cette notion reste insuffisamment traitée, que ce soit par les spécialistes de la matière juridique ou, encore moins par la doctrine. Force est d'admettre néanmoins que les rares travaux doctrinaux consacrés à cette technique ont le mérite lui avoir donné une définition limpide dénuée de toute ambigüité. À titre non exhaustif, on peut citer la définition donnée par les professeurs RAYMOND GUILLIEN et JEAN VINCENT, lesquels ont qualifié le cavalier budgétaire comme étant :
« Une disposition législative étrangère, par sa nature, au domaine des lois de finances et irrégulièrement introduite dans l’une d’elles pour des raisons de simple opportunité, ce qui la voue à être privée d’effet par le Conseil constitutionnel en cas de saisine de celui-ci 16».
Le manque substantiel de travaux doctrinaux traitant de l’acception du « cavalier budgétaire », est semble-t-il comblé par les instances parlementaires de certains États. Ceci est d’autant plus vrai que les parlements de plusieurs nations ont pris l’initiative de donner des définitions, homogènes de surcroît, par le truchement des dictionnaires parlementaires, les glossaires parlementaires et/ou les lexiques parlementaires.
Si l'on doit illustrer par des exemples, on peut évoquer le "lexique des termes budgétaires17 " de la République Islamique de Mauritanie qui a défini le "cavalier budgétaire" comme une "disposition à caractère non financier contenue dans une loi de finances. Peut-être censurée par le Conseil constitutionnel comme contraire aux dispositions de la constitution et de la loi organique des finances".
Le parlement français a également qualifié les dispositions cavalières, selon les termes de son "petit lexique parlementaire18", comme étant une "disposition législative qui n’a pas sa place dans le cadre d’une loi de finances. Les cavaliers budgétaires sont proscrits afin d’éviter un « gonflement » des projets de loi de finances et un allongement inconsidéré des débats budgétaires ".
Le glossaire budgétaire19de la chambre des représentants de Belgique, a en outre défini le " cavalier budgétaire" comme " disposition reprise dans le dispositif d’une loi budgétaire autorisant à déroger aux principes de la comptabilité de l’État ou à la législation permanente ".
Quant au parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles20, il l’a défini comme étant une « disposition d’ordre normatif, dans un projet de décret contenant un budget ».
En dépit d'une infime dissimilitude dans les terminologies usitées dans les différentes acceptions, il demeure limpide que toutes les définitions convergent vers le même sens, soit :
" Le cavalier budgétaire est une disposition législative étrangère, par sa nature, au domaine des lois de finances et irrégulièrement introduite dans l’une d’elles ".
Cette acception, somme toute unanime, semble poser un sérieux problème lié à l’application de ces dispositions cavalières dans le temps, surtout que les dispositions des lois de finances sont limitées dans le temps dans la mesure où elles sont applicables pour une année civile seulement, alors que les dispositions législatives demeurent valables tant qu’elles ne sont pas amendées ou abrogées.
Lorsqu’une loi nouvelle succède à une ancienne, il s’avère parfois délicat de déterminer la loi applicable à une situation donnée. En effet, on se demande souvent jusqu’à quand la loi ancienne est applicable et à partir de quand s’applique la loi nouvelle ?
La solution de principe à cette problématique est posée par l’article 2 du Code civil21, lequel dispose ce qui suit :
« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif.
La loi ne peut être abrogée que par une loi postérieure édictant expressément son abrogation ».
Il va sans dire que les dispositions de cet article mettent en exergue trois principes :
Premier principe, "la non-rétroactivité de la loi nouvelle" : La loi ne s’applique pas aux situations juridiques passées. Ainsi, elle ne remet pas en cause les situations juridiques qui se sont entièrement réalisées. La loi nouvelle ne s’applique pas non plus aux effets passés d’une situation en cours ;
Deuxième principe, "la loi ne peut être abrogée que par une loi postérieure" édictant expressément son abrogation.
Additivement aux deux principes cités ci-dessus, l’on doit ajouter celui de "l’application immédiate de la loi", lequel est instauré par l’article 4 du Code civil algérien qui stipule, ce qui suit :
"Les lois promulguées sont exécutoires sur le territoire de la République Algérienne Démocratique et Populaire, à partir de leur publication au Journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire.
Elles sont obligatoires à Alger, un jour franc après leur publication et partout ailleurs dans l’étendue de chaque daïra, un jour franc après que le Journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire qui les contient, soit parvenu au chef-lieu de cette daïra.
La date du cachet de la daïra apposée sur le Journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire, en fait foi".
Les principes généraux cités ci-dessus sont ceux qui encadrent le principe de l’application des lois dans le temps. Cependant, ces derniers ne peuvent en aucun cas s’appliquer aux lois de finances dans la mesure où ces dernières sont régies par des dispositions particulières portées par l’article 3 de la loi n° 84-17 du 7 juillet 1984 relative aux lois de finances22, lequel stipule ce qui suit :
« La loi de finances de l’année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges de l’État ainsi que les autres moyens financiers destinés au fonctionnement des services publics et à la mise en œuvre du plan annuel du développement ».
Cet article laisse entendre que les dispositions d’une loi de finances ne sont valables que pour une année civile qui commence à partir du 1er janvier pour prendre fin au 31 décembre de la même année.
Ainsi-donc, dans la mesure où le " cavalier budgétaire" est défini comme une "disposition législative" insérée dans une loi de finances, il y a deux problématiques qui mériteraient d’être élucidées :
Il semblerait que cette question est partiellement tranchée par l’article 67, alinéa 3, de la loi n° 84-17 du 7 juillet 1984 relative aux lois de finances, dans la mesure où il prévoit ce qui suit :
"Il est fait distinction, dans le projet de loi de finances entre les dispositions législatives permanentes et celles ayant un caractère temporaire. Toute disposition proposée, pour laquelle une période d’application n’a pas été expressément fixée, est réputée avoir un caractère permanent ".
Il ressort des termes de cet article que les dispositions législatives constituent une exception par rapport aux autres dispositions contenues dans les lois de finances du point de vue de leur application dans le temps.
Ce faisant, cet article a fait la distinction entre les dispositions permanentes et les dispositions temporaires en précisant que toute disposition proposée, pour laquelle une période d’application n’a pas été expressément fixée, est réputée avoir un caractère permanent. Cela dit, la probabilité de la validité du cavalier budgétaire pour une année civile est totalement écartée.
Il importe de souligner que cet alinéa fut abrogé par la loi n° 88-05 du 12 janvier 198423, modifiant et complétant la loi n° 84-17 du 7 juillet 1984 relative aux lois de finances, sauf qu'il a été aussitôt réintroduit par la loi n° 89-24 du 31 décembre 198924, modifiant et complétant la loi relative aux lois de finances.
S’agissant de la problématique de la date de l’entrée en vigueur du cavalier budgétaire, elle reste très loin d’être tranchée dans la mesure où l’ambiguïté qui l’entoure demeure encore non élucidée. Par conséquent, il est difficile de se prononcer d’une manière catégorique sur la date de leur prise d’effet, ce qui contraint plus souvent le législateur à déterminer expressément la date de prise d’effet desdites dispositions.
Si le cavalier budgétaire pose énormément de problématiques qui rendent son acception très complexe. Quid du degré de sa la légalité ?
La loi de finances est la source d’un ordre juridique particulier qui ne se moule qu’imparfaitement dans le schéma traditionnel du principe de légalité25.
Les lois de finances, votées à la fin de chaque année, revêtent une importance tout à fait particulière et se distinguent des autres lois ordinaires en raison de leur portée, de leur domaine et de la consistance des mesures budgétaires et fiscales qu’elles prévoient.
Ces lois déterminent, au titre de chaque année budgétaire, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des dépenses de l’État ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en découle. Elles autorisent, également, la perception des ressources de l’État et les impositions y afférentes.
Les spécificités des lois de finances et leur rôle déterminant dans le fonctionnement de toutes les structures de l’État et l’évolution de la vie économique ont rendu nécessaire l’institution de règles claires, précises et concises régissant la structure, les domaines et le contenu de ces lois, ainsi que les procédures de leur élaboration.
En Algérie, la loi n° 84-17 du 07 juillet 1984 relative aux lois de finances, promue au rang de loi organique26, prévoit un ensemble de dispositions régissant les lois de finances dans leurs composantes budgétaires et fiscales ainsi que la procédure de leur préparation, examen et vote.
La recherche du degré de légalité de la technique du "cavalier budgétaire" requiert une analyse profonde de la loi n° 84-17 du 07 juillet 1984, pour parvenir, in fine, à trancher sur la question cruciale du bien-fondé de considérer cette loi comme l’indicateur exclusif du degré de légalité de cette technique. Cet exercice nous emmène ainsi à étendre notre recherche à la période antérieure à la promulgation de cette loi.
SOUS-SECTION I : LA PROHIBITION (CATÉGORIQUE) DU CAVALIER BUDGÉTAIRE AVANT LA PROMULGATION DE LA LOI RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES.
L’analyse du statut du "cavalier budgétaire", durant la période antérieure à la promulgation de la loi organique des lois de finances, nécessite l’étude de deux périodes distinctes ; l’ère coloniale et la période postcoloniale.
La proscription des cavaliers budgétaires, durant la période antérieure à la promulgation de la loi relative aux lois de finances, trouve toute son origine dans la législation française.
Il importe de souligner d’emblée que les textes français de cette époque ne laissent aucune ambiguïté sur la prohibition des cavaliers budgétaires dans la mesure où ils comportent une interdiction explicite et absolue. Les cavaliers budgétaires furent ainsi prohibés par le truchement de textes divers, notamment l’article 105 de la loi du 30 juillet 1913.
Sous la quatrième république, l’interdiction des cavaliers budgétaires fut élevée d’ailleurs au rang de norme constitutionnelle. Selon l’article 16, alinéas 1 et 2, de la constitution du 27 octobre 1946 :
"L’Assemblée Nationale est saisie du projet de budget. Cette loi ne pourra comprendre que les dispositions strictement financières ".
Le décret de 1956, en vertu de l’article 58, vint largement compléter la prohibition dégagée en l’étendant à tous les amendements parlementaires, y compris ceux de la commission des finances dans la mesure où ledit article prévoit que :"aucun article additionnel et aucun amendement à des projets de loi ne peuvent être présentés, sauf s’ils tendent à supprimer ou à réduire effectivement ces dépenses, à créer ou accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques ".
L’ordonnance du 2 janvier 1959 reprend cette prohibition dans des termes pratiquement identiques27. Ainsi, l’interdiction des cavaliers budgétaires prenait une valeur à la fois absolue et constitutionnelle.
En outre, pendant cette période coloniale et avec le développement des richesses de l’Algérie, l’idée de doter cette colonie d’un budget spécial est devenue une question d’urgence.
La loi du 19 décembre 1900 prévoit, en effet, un budget propre à l’Algérie. Un budget permettant aux Algériens de s’intéresser à la gestion de leurs propres affaires, aux excédents de recettes dont ils bénéficient, aux diminutions de dépenses et aux économies dont ils peuvent profiter28.
Cette Autonomie financière proclamée par la loi du 19 décembre 1900 n’exclut pas pour autant l’autonomie politique. L’Algérie continue d’être considérée comme une collectivité locale décentralisée malgré la progression de son budget (65 millions de francs en 1900, 25 milliards de francs en 1947 et 110 milliards en 1954) ce qui conduira les autorités françaises à le sectionner tout comme le budget de la Métropole29.
Le budget Algérien fut caractérisé par des traits coloniaux pendant de très nombreuses années. Ultérieurement, il sera restreint à cause des circonstances de la guerre qui vont conduire à des réformes prévoyant une réglementation financière intéressant l’Algérie. En effet, la loi du 2 juillet 1959 soumet le budget algérien aux mêmes règles d’élaboration et d’adoption que le budget français qui est régi par l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances30.
À l’issue de l’indépendance de l’Algérie en 1962, les autorités politiques algériennes, dans le souci de ne pas laisser le pays sans lois, mettent en place une constitution et préfèrent reconduire la législation en vigueur au 31 décembre 1962. C’est ainsi que l’ordonnance française du 2 janvier 1959 sera reconduite31.
L’Assemblée nationale constituante qui s’est mise en place dès l’indépendance, a siégé pour la première fois dans le courant de deuxième semestre de l’année 1962. À la fin de la première cession de cette assemblée, les autorités politiques algériennes déclarent dans l’exposé des motifs accompagnant la loi n° 62-157 du 31 décembre 1962, ce qui suit :
" Les circonstances n’ont pas encore permis de doter le pays d’une législation conforme à ses besoins et à ses aspirations et comme il n’est pas possible de laisser le pays sans loi, il y a lieu donc de reconduire la législation en vigueur au 31 décembre 1962, sauf dans ses dispositions contraires à la souveraineté nationale algérienne jusqu’à ce que l’Assemblée nationale puisse donner au pays une législation nouvelle32".
Devant l’inexistence de textes nationaux régissant les finances publiques, l'on peut déduire, à la lumière de la déclaration ci-dessus, qu’en matière budgétaire, les autorités politiques de cette époque ont reconduit la législation financière appliquée à la veille de l’indépendance, notamment et essentiellement l’ordonnance française du 2 janvier 1959 portant dispositions financières intéressant l’Algérie33.