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"Tu ne le comprends pas maintenant", second volet de la série Ce que je fais, dépeint la suite des aventures de Jeanne. La jeune femme se dévoile à travers son parcours, ses voyages, ses pensées et les imprévus de la vie qui jalonnent son chemin. Malgré les défis, elle partage avec le lecteur sa recherche constante de paix, une quête où elle s’égare pour mieux se retrouver.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Influencée par les écrits de Françoise Dorin, Daniel Pennac, Gilles Legardinier, Joseph Joffo et Patrick Cauvin,
Laurine Damour découvre sa voie créative. Ces auteurs lui ouvrent les portes de Paris, une ville qui nourrit son inspiration et dans laquelle elle croise le destin de son héroïne.
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Laurine Damour
Ce que je fais
Tome II
Tu ne le comprends pas maintenant
Roman
© Lys Bleu Éditions – Laurine Damour
ISBN : 979-10-422-2154-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour Olivier,
Matthieu et Anna, mes amours
À Celui à qui rien n’est impossible !
Cette histoire se déroule toujours en 2022, mais c’est un monde sans Covid, sans Brexit.
D’ailleurs j’ai pris la liberté de modifier quelques lieux, comme celui de « la colo » de Dinard, puisque j’ai transposé celle de Saint Lunaire dans un parc face à la plage du Prieuré !
Par contre, tout le reste est vrai !
Bonne lecture !
J’en suis là, à me poser toutes ces questions, quand mon téléphone vibre, un appel en visio d’Andrew. Je décroche.
— Hello Andrew !
— Hello Jane ! Comment vas-tu ?
— Ça va super bien ! Je n’ai en fait jamais été aussi bien de toute ma vie !
Son écran se tourne, montrant le visage curieux et souriant de Charlene.
— Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Je crois en Dieu !
Ils se regardent, un méga sourire aux lèvres. Hé ben, j’en fais des heureux aujourd’hui !
— C’est formidable ! Quelle bonne nouvelle !
— Oui, je suis très heureuse aussi !
— Tu es encore à Dinard ?
Je lui en avais parlé, avant mon départ.
— Oui, jusqu’à dimanche.
— Et après tu rentres sur Paris ?
— Oui, en fait, je dois rendre temporairement ma chambre pour le mois d’août, donc, je vais faire mes cartons et partir, je pense, le week-end du 30 chez mes parents, et après, je viens à Londres.
— Jane, j’avais un truc à te demander, reprend Andrew, est-ce que c’est possible pour toi de venir plus tôt sur Londres pour qu’on puisse commencer à répéter ?
— Plus tôt comment ?
— Si tu pouvais être là pour le 25, ce serait bien !
Le 25, c’est lundi en huit, ça. Houla…
Tout se bouscule. Mais, en fait…
— Ok Andrew, j’arriverai lundi 25, sans souci !
En fait, j’ai signé un contrat avec eux, alors c’est le boulot !
Et oui, certes, c’est le boulot de mes rêves, mais un engagement est un engagement, donc, ben, je vais me débrouiller !
— Mais, heu, y a un souci ? demande-je.
— Non, non, c’est juste qu’on a l’opportunité de répéter plus tôt et qu’on a besoin de toi !
— OK !
— Jane, tu nous dis quand tu arrives, on viendra te chercher à la gare ou l’aéroport ! lance Charlene.
— OK ! Alors à bientôt !
— Oui, à bientôt Jane !
Et on se quitte ainsi, et j’ai le cerveau qui va exploser tellement je pense à plein de trucs en même temps. Prévenir mon proprio-bailleur que je pars une semaine plus tôt et que du coup oui, je libère ma chambre pour la « pause augustine » comme il l’a nommée dans le contrat. Ensuite, mes colocs chéries. Et puis, mes parents, même s’ils m’ont dit qu’ils seront là. Peut-être.
D’ailleurs, sont-ils revenus de Melbourne ? Je ne sais pas… Ensuite, ah oui, les répètes pour le concours, Isabelle, Dorian, et Jacques. Surtout Isabelle, car on avait planifié pas mal de répètes la semaine en huit, avant nos départs respectifs de la capitale.
Donc… et, au fait, comment vais-je transporter mes cartons ? À l’aller, c’est mon père qui s’en était chargé. Mais là, je ne pense pas qu’il soit dispo. Bon, alors, ben, je vais louer une voiture, j’ai pas trop le choix.
Je ne suis pas fan de rouler 500 kilomètres, toute seule, mais bon, c’est vrai, je ne suis plus seule ! Quoique je doute fort que Dieu m’envoie un de ses anges pour me relayer au volant…
De mon portable, j’envoie le mail à mon : proprio, et je choisis l’option message pour Jacques et Dorian, ainsi que mes parents, parce qu’il doit être pas loin de 2 heures du matin à Melbourne, et s’ils sont encore là-bas, je ne veux pas les réveiller.
Penser à ce week-end où je vais les voir me met un peu la boule au ventre.
Car je sais que je vais avoir cette fameuse conversation que je veux avoir avec eux depuis mon retour de Genève.
Avec en plus, le dossier « votre fille croit en Jésus ! » (Qui dit comme ça, donne un air complètement allumé.)
Bon. On verra.
C’est pas aujourd’hui que je vais m’inquiéter de ce qui va se passer dans… une semaine.
Une semaine ! C’est vite là. C’est demain.
Bon, allez, arrête de flipper, et reviens à ta to-do-list, messages aussi à mes colocs chéries, surtout pour leur proposer une soirée « just nous three », la veille de mon départ, afin de célébrer dignement cette année, marquée d’ailleurs par leur succès dans leurs études, puisqu’elles ont validé leur année. Raison de plus pour fêter ! Ah oui, à elles aussi, j’aimerais partager ce que je viens de vivre. En fait, c’est tellement dingue, cette… sensation ? Non, c’est plus qu’une sensation, c’est une réalité, une prise de conscience, se rendre compte de.
Eh bien, c’est tellement bien, cette « prise de conscience », que j’ai envie de la partager avec tout le monde, comme un… gâteau au chocolat que j’ai envie de partager.
Et là, je bloque.
Serge. Je le revois me dire cette comparaison sur la passerelle du Pont des Arts.
Et je repense à ma réponse, sur le fait que ce gâteau puisse être indigeste pour certains.
Et je bloque, parce que là, à l’instant, j’ai eu la même comparaison.
Oui, c’est sûr, on est vraiment en phase parfois.
Mais. Mais, mais, mais…
C’est point le moment !
Et la « disparition » des papillons ne doit pas m’inquiéter plus que ça !
Parce que si Dieu veut, ça reviendra. Ou pas.
Cette dernière option me gêne un peu.
Bon, Jeanne, focus, alors, qu’est-ce qu’il te reste à faire ?
Isabelle. OK, elle, je l’appelle, c’est plus simple.
— Coucou Isa, ça va, je ne te dérange pas ?
— Salut Jeanne, non ça va.
— Bon, en fait, j’ai un petit souci pour les répètes, rien de grave, mais je dois partir à Londres plus tôt que prévu, donc, je ne serais pas là la semaine en huit.
— Sérieux ? Pfffff… (elle a l’air bien en pétard.) Bon, ben, on va essayer de caler toutes nos répètes la semaine prochaine. Donc, tu viens lundi à, pfff…, disons 10 h 30 chez moi, tu te souviens de l’adresse ?
— Oui, oui pas de soucis, et je suis vraiment désolée, pour ce contretemps, Isabelle, tu sais.
— Oui, bon, c’est pas grave, on a le temps avant le concours, mais bon. Tu me raconteras lundi. Bon week-end, Jeanne.
— Merci, toi aussi. Bye.
— Bye !
Bon, voilà, ça c’est fait.
Je revérifie mon billet de train retour, que je ferai seule, puisque Joëlle repart directement pour Genève en avion.
Dinard, 15 h 39/Paris, 18 h 7. OK, c’est bien.
Bon, ben j’ai devant moi une semaine bien bien chargée !
Mais ça va.
Je me lève, secoue le sable de mon jean, et je retourne au centre où a commencé la soirée.
Au programme, jeux de société.
Je m’assois à côté de Joëlle.
— Ça va ? T’étais passée où ?
— Sur la plage. Andrew m’a appelé, je dois aller à Londres une semaine plus tôt, et j’ai dû tout réorganiser. Mais ça va. J’attends juste la réponse de mes parents pour voir s’ils seront à la maison, et aussi, Jacques et Dorian pour les répètes. Je me suis arrangée avec Isabelle…
— Elle l’a mal pris ?
— Au début, un peu, mais franchement, ça va.
— Et si tes parents ne sont pas rentrés ?
— Ben, j’ai toujours les clés de la maison. Mais je préférerais quand même qu’ils soient là. Ça fait longtemps que je ne les ai pas vus.
— C’était pas à Noël ?
— Si.
— Alors, on joue à quoi ici ?
— Tu tombes bien, me dit-elle avec un grand sourire, c’est le Taboo.
On se regarde.
— Il va manquer mon cousin !
— Oui, il va manquer !
Je ne savais pas encore à quel point !
Nouveau jour, de ce que j’ai l’impression d’être ma nouvelle vie.
Tout est neuf. Tout est beau. J’ai une joie dans le cœur dont j’ignorais l’existence. Je ne savais pas que ça existait réellement, ce genre de joie qui ne fait pas bondir de joie, mais juste… ne plus se plaindre, ne plus râler, comme si le gris du cœur avait disparu, les nuages dans le cerveau aussi, et, sans aller jusqu’aux licornes, mais, juste, une joie. Toute simple.
Je suis bien. Toujours bien dormi.
Réveil. Douche. Direction petit-déj avec les filles.
La soirée d’hier soir fut vraiment fun. Plein de fun… et de foi !
Expérience unique, inédite et qui restera à jamais dans mon cœur !
On retrouve les autres, on parle, on sourit, on rit, l’ambiance est vraiment bonne, et les jeunes viennent des quatre coins de la France. Même de Belgique. Ça fait de la route, quand même pour venir en Bretagne ! On voit la motivation !
Après le petit-déj, Joëlle et moi prenons un temps, juste toutes les deux.
Je vois qu’elle veut me parler de quelque chose, elle n’ose pas.
— Vas-y, dis-moi.
Même plus étonnée de voir que je lise ses pensées, elle se lance :
— J’ai peur de te blesser, Jeanne.
— Pourquoi ?
— En fait, toi, tu as choisi d’écouter ta petite voix qui te demande de prendre du temps pour toi, mais moi, sache que je n’ai pas ressenti la même chose quand je suis revenue à Dieu.
— Oui, mais on n’est pas obligées de vivre les mêmes choses. C’est à propos de Sylvestre ?
— Oui. Non seulement je n’ai pas ressenti ce besoin d’être seule, mais en plus, mes sentiments pour lui s’amplifient de jour en jour. Je vis un vrai calvaire en répètes, je le vois tous les jours, limite tout le temps, et plus ça va, plus j’en peux plus de garder ça pour moi, je crève d’envie de tout lui dire, mais je ne sais pas si c’est la chose à faire.
— Mais pourquoi veux-tu que ça me blesse ?
— Ben, parce que… je ne suis pas comme toi, je n’ai pas fait le même choix que toi.
— Mais attends, c’est n’importe quoi ce que tu dis ! Enfin, pardon, mais tu t’entends ? Qu’est-ce que tu dirais si c’était la situation inverse ?
— Je t’engueulerais, comme tu viens de le faire.
— Bon, alors ? Enfin, quoi, je sais pas, mais ne suis-je pas ta meilleure amie ? Et que doit faire une amie ? Écouter, comprendre et surtout se réjouir pour son amie si ça tourne bien, et lui apporter un énorme pot de glace si ça tourne mal !
— Merci ma Jeanne.
On se prend dans les bras.
— Bon, alors, raconte-moi !
Et elle me parle, me raconte, les journées à Vandoeuvre, tous les moments passés avec lui, à être, à jouer, à chanter, à parler, à rire, avec lui. Elle me raconte toutes les phases par lesquelles son cœur passe. Espoir, tristesse, désespoir à nouvel espoir, bonheur et bim à nouveau décrépitude totale de toute trace de bonheur. Et pour finir :
— Je ne sais vraiment plus quoi faire du tout…
— Tu veux qu’on prie pour ça ?
— Oui, je veux bien. Que Dieu s’occupe de tout ça, parce que je vais péter un câble, et ce sera pas beau à voir… Et heu, est-ce que je peux prier aussi, pour toi, par rapport à Serge ?
Je la regarde. Je comprends le souci qu’elle se fait pour son cousin.
— Oui, bien sûr.
Et nous prions, demandant à Dieu, tout simplement, d’agir, dans la relation entre Joëlle et Sylvestre, qu’Il puisse parler aux cœurs. Et Joëlle prie, pour moi, pour son cousin. Et je prie aussi pour Serge, en notifiant que je ne comprends pas ce qui se passe en moi, mais que je fais confiance à Dieu, et surtout, que Serge ne souffre en aucune manière.
Quand nous avons fini, je la prends dans mes bras.
Nous devons y aller, c’est l’heure de la première réunion de la journée.
Et comme les autres, cette journée se passe si vite !
Remplie de moments forts, de profonde communion avec Dieu, sans passer pour une allumée (encore), de partages, de sourires, de rires, et de rencontres.
Ah oui, je vais repartir à Paris en m’étant fait pas mal de nouveaux amis !
D’ailleurs, c’est bizarre, je n’ai jamais eu de relation de ce genre avec quiconque, ce sont mes frères et sœurs en Christ, cette expression qui m’avait semblé si bizarre, si improbable, je la vis de l’intérieur, c’est aujourd’hui dans mon logiciel interne.
La relation entre nous est particulière, car c’est comme si on faisait partie de la même famille, avec à sa tête un Papa merveilleux.
Des amis qui habitent aux quatre coins de la France, et même au-delà !
Je me suis très bien entendue avec Elsie et son frère Daan, qui viennent de Bruxelles, à qui les parents néerlandais ont donné des prénoms… néerlandais. Alors, voilà, je suis la bienvenue chez eux ! C’est pas cool, ça ? Bon, certes, je ne vais pas pouvoir y aller tout de suite, mais ça me ferait tellement plaisir ! En plus, Daan fait aussi du théâtre et du cirque.
Et là, Joëlle lui a demandé s’il connaissait la Compagnie Internationale, et oui, « comme par hasard », il connaît très bien, il y a été pendant trois ans !
Je lui demande s’il connaît Andrew et Charlene et oui, bien sûr, il les connaît !
Et Serge ? Oh là, là Serge ! C’est son super pote !
Il a joué avec eux, étant dans la même « unité » pendant leur engagement en cette Compagnie.
OK, ça peut paraître énorme, non ? Et ben en fait, il faut savoir que le monde chrétien est tout petit ! Et que ce genre de truc, ben ça arrive souvent, à ce qu’il paraît…
« Hasard » est le nom que Dieu se donne pour passer inaperçu.
Bon, ben voilà. Et mon cœur ? Ben, rien. Enfin oui, enfin non. Enfin je ne sais pas.
C’est marrant, parce que j’ai « toujours » cru que le jour où je serais fixée sur ma foi, et bien « Serge » ça découlerait de même, mais en fait, non. Pas du tout. Limite au contraire.
C’est vraiment comme si tous les papillons, tous leurs cocons, s’étaient volatilisés.
Y en a plus.
Et le fait d’entendre son prénom ne résonne plus comme avant.
En fait, si, mon cœur chauffe, mais parce que ce que j’éprouve pour lui n’a rien à voir avec tout ce que j’ai pu vivre avant, avec tous les autres.
Alors, oui, je l’aime, mais pas dans le sens romantique.
Je l’aime, car c’est Serge.
Il a une résonance en moi.
Mais aujourd’hui, il est mon ami. Rien de plus. Parce que je ne veux toujours pas mettre la charrue avant les bœufs. Je me demande s’il va vraiment faire ce qu’il m’a dit lors du gala, quand on dansait « Je t’attendrai », non, je ne sais pas s’il va avoir la patience. Ou même si je ne vais pas le décevoir. Parce que là, dans l’instant T, je suis juste incapable de savoir si je vais l’aimer comme une femme aime un homme.
Je suis juste incapable de penser au lendemain !
Alors oui, on s’est exclamés avec Daan, cette incroyable coïncidence, car Serge est mon cousin (ça, c’est Joëlle), et c’est mon ami, c’est grâce à lui que j’ai fait la connaissance de Charlene et Andrew (ça, c’est moi !) !
Et oui, on est tous surpris ! Et on rit, et c’est cool !
Le soir, nous sommes plusieurs à faire une belle balade sur les bords de mer.
Le dernier jour de ce séjour se résume à une matinée, un culte sur le lieu du centre.
Je chante, je prie, j’écoute, je suis heureuse. Vraiment.
Comme si un lampion était posé en moi, à la place du trou que j’avais.
Le repas de midi se passe, tout le monde parle, c’est à la fois triste, car nous avons échangé, partagé des moments forts en relation fraternelle, et aussi, la joie de repartir avec ce quelque chose de différent propre à chacun.
Pour moi, j’ai trouvé un trésor.
Cécile et moi sommes vraiment émues, et nous échangeons nos coordonnées, avec la ferme intention de nous revoir incessamment sous peu !
Idem pour Elsie et Daan, et ce dernier m’avoue ne pas avoir contacté Serge, faute de temps, et puis, la vie…
Mais du coup, il est motivé pour le revoir, et pourquoi pas qu’on vienne tous faire un tour à Bruxelles ? Oh ben oui ! Pourquoi pas ?
Joëlle se prépare à partir, une navette en pose certains à Rennes, comme les Belges, pour prendre l’avion. On se dit au revoir. Ça me fait mal de la quitter.
— Bon tu prends soin de toi ma grande, je compte sur toi, enfin sur Lui je veux dire, me dit-elle en essayant de me gronder pour masquer son émotion.
— Oui, ben toi aussi, hein, fais pas de bêtises, et surtout, tu me tiens au courant pour ce que tu sais ! T’as plutôt intérêt de me tenir au courant ! dis-je en essayant d’être menaçante.
Mais sous nos airs de warriors, on en mène pas large.
Voilà, elle est partie.
Ah là oui, je ressens un vide. Il est vraiment bizarre mon cœur depuis que je l’ai donné à Dieu, comme si je ne le reconnaissais pas. Il réagit de façon très inattendue.
Oui, je crois vraiment que j’ai besoin de temps pour apprendre.
Maintenant, c’est à mon tour de partir. Ces aux revoirs m’ont vidée. Elsie, Daan, Cécile, les autres, et Joëlle… À croire que je suis la seule sur Paris, mais non y en a d’autres. Notamment le batteur de l’équipe de louange (de l’église de Cécile), Samuel. Sa batterie et lui voyagent séparément. Il rentre à Paris pour deux jours, et repart sur Lyon (retrouver sa batterie).
On a réussi à se mettre à côté, profitant d’une place vacante.
Du coup, on a bien parlé de Paris, de Lyon, de musique et bien sûr de foi, de Dieu, du chemin avec lui.
D’ailleurs, il m’a vraiment touchée par ses paroles quand il m’a donné son témoignage, la façon dont il a rencontré Dieu : il Lui a donné sa passion pour la batterie.
Oui, ça a eu une répercussion, car je me suis dit « et moi, si je Lui donnais le théâtre ? ».
Ça me donne un sujet de réflexion pour plus tard.
Donc, rencontre fortement sympathique ! Et puis, c’est nettement plus agréable de voyager avec quelqu’un que seule. Enfin, tout dépend des fois. Mais là, c’est plutôt cool.
On se dit au revoir à la Gare Montparnasse, et je prends « mon » métro, la 4 c’est direct.
Je dois dire que je suis un peu ailleurs. J’ai plein de flash-back dans la tête.
Et surtout, ce changement profond. Je ne suis plus une plume qui flotte au gré du vent.
J’ai un sens à ma vie.
Profondément, j’ai trouvé un sens à ma vie.
C’est une révolution.
En rentrant chez moi, je suis seule. Je le savais, les filles ont répondu à mon message pour dire qu’elles seraient là vendredi. Laurel est chez Éric, et Soizic est à Nantes, bal des pompiers et feu d’artifice obligent, Noah est revenu dans sa caserne pour le week-end avec sa douce.
Seule, mais vraiment pas grave du tout !
Je respire, pleine de cette nouvelle liberté.
Oui, vraiment « Libérée-Délivrée » !
Le pire, c’est que je ne sais pas encore de quoi exactement.
J’ai du mal à cibler… et je chante, justement, cette chanson de La Reine des Neiges !
Je m’éclate ! Et ensuite, j’enchaîne avec des cantiques, des chants entendus dans ma petite église, au séjour aussi.
Oui, je peux passer pour une allumée, mais en fait, ça ne me fait absolument rien !
Tous ceux et toutes celles qui ont vécu cela peuvent comprendre.
C’est à présent :
« Mais comment ai-je pu passer à côté de Lui toutes ces années sans Le voir ? ».
Parce que cette liberté après laquelle j’ai couru, je l’ai.
Oui, je suis libre. Mais tellement !
Certes, j’ai toujours plein de questions, et puis mes inquiétudes, surtout en ce qui concerne mes parents et la façon dont ils vont réagir.
Et ce changement par rapport à Serge.
Mais, oui, les inquiétudes viennent, mais je sais que Dieu s’en occupe ! Je Lui fais confiance !
Oui, j’ai bien entendu ma part à faire, mais m’inquiéter n’en fait pas partie !
Je regarde autour de moi, cet appart que j’aime vraiment, avec sa belle vue traversante salon-cuisine. Je vois la main de Dieu qui m’a conduite ici. Le fait d’avoir trouvé un travail chômé en août, c’est assez exceptionnel ! Et c’est grâce à ça que j’ai pu vivre ici. Avec deux étudiantes. Mes chères colocs. J’ai envie de faire un truc pour elles.
Alors, malgré ma fatigue (parce que je suis claquée !) je m’affaire en cuisine, et leur prépare des cupcakes à la framboise !
J’ai un grand besoin de faire une to-do-list, pour mettre de l’ordre dans ma tête, dans mes pensées.
Nous sommes lundi matin, je dois partir dans une heure pour rejoindre Isabelle. Je suis dans la cuisine, à boire mon café. Je vois que j’ai reçu cette nuit un message de Joëlle, me demandant de la rappeler aussi vite que possible. Bon, ben, je l’appelle alors, au pire si je tombe sur sa messagerie…
— Jeanne ! Tu ne vas pas me croire, j’ai un truc de dingue à te raconter !
— Salut, Joëlle, comment vas-tu ? T’as fait bon voyage, dis-je avec un sourire, car j’entends qu’elle est déchaînée.
— Oui, oui, mais c’est pas de ça que je veux te parler ! Si tu savais…
— Quoi ? Vas-y dis, quoi ? (parce qu’à force, elle titille ma curiosité !)
— Alors, Sylvestre est venu me chercher à l’aéroport hier… dit-elle en laissant traîner sa phrase.
— Et… ?
— Et après, sous prétexte de me reconnecter avec Genève, il m’a emmené sur les bords du lac…
— Et, vas-y, dis !
— Et on était en train de marcher, puis, il s’est arrêté, et m’a mise devant lui, et là, il m’a dit.
— Purée, Joëlle, arrête de faire de pauses ! Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Qu’il est comme un fou depuis qu’on est entrées dans la grange, le premier jour où Serge nous a présentés à la troupe, que quand il m’a vu, il avait l’impression d’être arrivé à la maison, qu’on se connaissait depuis des années. Que c’était comme si on s’était reconnu et qu’il n’en peut plus de se taire, parce que c’est vraiment trop fort, qu’il a essayé pendant tout ce temps d’être un ami, de me laisser du temps pour avancer dans la foi, et… qu’il m’aime !
Je huuurle de joie ! J’ai mon cœur qui explose de bonheur pour elle !
— Et après ? dis-je très impatiente de savoir la suite.
— Et ben, je lui ai dit que moi aussi que tout ça est réciproque, et… il m’a embrassé, enfin, on s’est embrassé !
Nouveau huuuurlement de joie.
Les deux chouettes sous le coussin sont passées au décibel supérieur !
Que je suis heureuse pour elle ! Depuis le temps qu’elle se morfondait ! Et je savais que c’était réciproque (certes, j’avais pas percuté de suite, mais bon) !
Oui, enfin tout le monde le savait sauf eux !
— Et après ?
— Ben, on a pris notre temps, puis on est rentrés à la Maison, et vu qu’on se tenait par la main, ben tout le monde a été vite informé ! Mais ce qui était surprenant, c’est que personne n’a semblé être surpris. Comme s’ils s’y attendaient… Tout le monde était heureux, ça oui, mais absolument pas surpris !
— Mais parce qu’il n’y avait que vous qui doutiez de votre amour réciproque ! Tout le monde l’a vu !
— Ah bon ? J’ai essayé d’être discrète pourtant !
Et on rit ! Et ça fait du bien !
Et je suis tellement heureuse pour elle !
— On peut dire que Dieu a entendu notre prière !
— Oui, c’est sûr ! Par contre, reprend-elle sur un ton plus sérieux, c’est mon cousin qui m’inquiète.
— Pourquoi ? demande-je, avec une crainte sous-jacente.
— Alors, oui, il était heureux et même hyper heureux, son meilleur ami -enfin de ses ! – avec sa cousine, c’est génial ! Mais, une fois l’explosion de joie passée, j’ai senti chez lui, comme une tristesse, un spleen, je ne sais pas comment te dire…
— Tu crois que c’est à cause de moi ?
— Je ne sais pas, oui, peut-être, mais c’est pas pour te culpabiliser que je te dis ça. Vraiment pas. Mais tu pourrais peut-être l’appeler…
— Tu crois ? Oui, en fait, j’en ai envie. Tu crois qu’il est dispo maintenant ?
— Oui, oui, vas-y, il est dehors, là, tout seul, je l’ai vu y a deux minutes.
— OK, merci, je l’appelle.
— OK, super, merci Jeanne.
— Mais, de rien.
Et avant qu’on raccroche :
— Hé, Joëlle !
— Oui ?
— Je suis tellement, mais tellement heureuse pour toi, pour Sylvestre, pour vous deux !
— Merci ma Jeanne ! Bisous !
— Bisous !
Je raccroche, le cœur tout en émoi.
Oh oui, je suis vraiment heureuse pour elle !
Bon, Serge.
Je ne comprends toujours pas ce que je ressens pour lui.
Je n’arrive toujours pas à mettre le doigt dessus.
— Hé, salut Jeanne !
— Salut Serge ! Comment vas-tu ?
— Ben, ça va, ça va même bien ! Ça m’étonne que tu m’appelles d’aussi bonne heure !
— C’est juste que je voulais avoir de tes nouvelles ! Et puis, te raconter la fin de mon séjour, si tu veux !
— Ça fait plaisir ! T’es bien rentrée ? Joëlle m’a dit que vous avez fait des rencontres fortement sympathiques ?
— Ah, elle t’a déjà parlé de Daan et Elsie ? Truc de dingue, non quand même ?
— Oui, c’est vrai que ça peut sembler incroyable, mais tu verras, ça t’arriveras plus souvent que tu ne penses ! Le monde est petit !
— Oui, je vois ça !
— Mais c’est vrai qu’il faut que j’appelle Daan, ça fait une éternité que je ne l’ai pas vu !
— Oui, il m’a dit la même chose de toi.
— C’est vraiment quelqu’un de super, il est génial ce mec, il est drôle, il aime Dieu, il est calé en histoire et théologie, j’ai passé des heures à parler avec lui. Franchement, j’ai trop envie de le revoir ! Et toi, du coup, tu comptes aller à Bruxelles ?
— Heu, oui, pourquoi pas ? Je ne sais pas quand, mais oui !
— Moi aussi, il faudrait que j’y aille, ça fait longtemps qu’il m’a invité ! Et sinon, toi ça va ?
— Ben en fait, Andrew m’a demandé de venir une semaine plus tôt, du coup, j’ai dû tout réorganiser, mais ça va, c’est juste qu’il va falloir que je loue une voiture pour ce week-end, pour faire mon déménagement.
— T’as besoin d’une camionnette ?
— Non, non, juste une voiture, même une petite, je pense que je vais avoir, je ne sais pas, environ quatre ou cinq cartons, plus une valise, donc, non, j’ai pas besoin de gros espace, car c’est un meublé, donc, je n’ai que mes affaires.
— Ben, tu veux que je t’aide ? Je veux dire, je vais sur Paris jeudi (tu ne me l’avais pas dit ça…) pour faire des voix, et je peux te ramener sur Lyon avec toutes tes affaires.
— Mais tu ne prends pas le train ?
— Non, parce que je dois ramener des trucs que ma Nonna donne à Fabienne.
— Mais je ne vais pas te faire un si grand détour…
— Lyon-Genève, c’est à quoi ? Deux heures de route ? C’est bon, c’est pas la terre Adélie ! Et puis, je n’ai pas d’obligations à être à Vandoeuvre avant dimanche soir, donc, j’ai le temps ! Si j’arrive le samedi soir tard, ça ne dérange personne !
— T’es sûr que ça ne te dérange pas ?
— Non, franchement, ça me fait plaisir de te rendre service !
— OK, dans ce cas, j’accepte avec grand plaisir ! Merci, franchement, tu m’enlèves une épine du pied !
— Mais tu ne m’as pas dit, t’es bien rentrée de Dinard ? T’as fait bon voyage ?
— Oui, en fait, je n’étais pas seule, j’étais avec Samuel, le batteur du groupe de louange, un Lyonnais, de la même église que mon amie Cécile, d’ailleurs, je t’ai dit que je l’avais revue ? Tu sais, Cécile, je ne sais pas si je t’en ai parlé pendant nos balades, mais c’est une fille que j’ai rencontrée pendant mon BTS…
— Ah oui, effectivement, ça me dit quelque chose, c’est elle qui t’avait parlé de Dieu ? Et du coup tu l’as revu ?
— Oui, c’était incroyable ! On peut dire qu’elle a vu le fruit de ses prières !
— Et sinon, donc ton retour avec… Samuel, c’est ça ?
— Oui, c’est ça, réponds-je (sans relever la légère pointe de… je-ne-sais-quoi dans le ton de sa voix), et ben, rien, on a super bien parlé, de Lyon, de Paris, parce qu’il y passe beaucoup de temps aussi, de musique, il m’a raconté son témoignage, ça m’a beaucoup touché, parce qu’il m’a raconté comment il avait donné sa passion pour la batterie à Dieu, et voilà, quoi…
— Et… vous allez vous revoir ?
— Oui, peut-être, je ne sais pas.
Je rêve ou bien il est jaloux ?
Wouha… heu, non quoi, franchement, non.
Comment lui dire que c’est juste un « frère en Christ », que personne d’autre que lui, l’Anglo-Suisse, ne peut prendre cette place si particulière dont il a pris possession en mon cœur ?
— On ne s’est pas échangé nos numéros, et à part le fait qu’il soit dans la même église que Cécile, je ne vois pas comment je vais le revoir, ni surtout pour quelle raison. C’est vrai qu’on a bien parlé, mais ça va. Sans plus, comme on dit.
— Ah oui ?
Le ton est comme soulagé. Un poids en moins.
Et on est juste amis.
Certes, « amis spéciaux ».
— Alors du coup, tu pars à Londres quand exactement ?
— Ils m’attendent pour lundi 25.
— Et tu vas y aller comment ?
— Je pense par l’avion, car je partirai de Lyon, c’est quand même le plus simple. Je demanderai à mon père, ou ma mère s’ils peuvent m’y amener, sinon, je prendrai le tram !
— Et Lyon-Londres (c’est dur à dire !), tu mets combien de temps en avion ?
— Ça dépend des vols, mais le moins long, c’est 1 heure 35.
— Ça va, c’est rapide.
— Oui.
Petit silence.
— Et sinon, tout le monde va bien à la Maison ?
— Oui, oui, ça va ! Je suppose que t’as déjà eu Joëlle et sa grande nouvelle ?
— Ouiii ! Je suis tellement heureuse pour eux !
— Oui, moi aussi, vraiment, de les voir ensemble tous les deux. Même si on voyait qu’ils s’aimaient, c’était pas couru d’avance qu’ils soient ensemble.
Heu, y a un message subliminal ou bien ?
Si c’est le cas, pas très subtil quand même…
Je choisis de ne pas relever, parce que ce n’est pas le moment d’avoir ce genre de conversation.
Et puis, je ne me sens vraiment pas à l’aise, limite je culpabilise.
Non. Je n’ai pas à culpabiliser. Je ne lui brise pas le cœur, j’ai juste besoin de temps pour y voir plus clair.
C’est quand même pas compliqué à comprendre…
Comment trouver les mots pour le rassurer sans toutefois le faire trop espérer ?
Je tente une approche :
— C’est sûr, personne si ce n’est Dieu ne peut connaître l’avenir, mais quand des sentiments naissent, pour certains, il faut le temps de les laisser pousser, pour voir quelle plante s’épanouit, une fleur, un arbre, un légume… Parfois, juste la graine ne détermine pas vraiment la plante. Enfin, ce que je veux dire, c’est qu’il faut laisser du temps au temps. Sans non plus prendre l’autre pour un pigeon. Je ne sais pas si je suis bien claire…
— Heu…
Non, mais qu’est-ce que je viens de raconter ? Non, mais n’importe quoi !
Tu tapes dans les métaphores agricoles maintenant ? Super pour une citadine ! Bravo !
— Laisse tomber, je m’expliquerai une prochaine fois, samedi si tu veux on pourra en parler.
— Avec plaisir Jeanne. Bon, je vais te laisser. Je viens chercher tes affaires et toi samedi vers 8 - 9 h, ça te va ?
— Oui, parfait ! On se tient au courant ! Merci encore !
— De rien Jeanne, avec plaisir, à samedi.
— À samedi Serge.
Bisous ?
Non, pas bisous.
Ami.
Pas autre chose.
OK. C’est quoi la suite ?
Va falloir que je réfléchisse à ce que je vais lui dire.
Et puis, franchement, ce truc de « rassurer sans trop laisser espérer », c’est limite de la manipulation, non ? Ça me donne l’image d’une maîtresse et son petit chien.
Quelle horreur ! T’es sérieuse, Jeanne, t’as vraiment pensé comme ça ?
Ouais, ben j’ai vraiment du chemin à faire moi…
Voilà, Serge, mon preux chevalier, vient encore une fois à mon secours et me sauve d’une location de voiture, d’un trajet de 500 kilomètres que je redoutais de faire seule.
Je suis vraiment touchée par sa gentillesse.
Et pour l’instant, je ne veux pas voir plus loin.
Ce n’est pas le moment. Je le sais.
J’espère juste qu’il ne va pas perdre patience.
Ou sinon, ben, tant pis.
Non, pas tant pis, non, ce serait…
OK, n’y pense pas !
Mais je me vois mal lui dire « j’éprouve des sentiments pour toi, mais je ne sais pas ce que c’est et surtout je ne veux pas le savoir maintenant, parce que ce n’est toujours pas le moment, donc, merci d’attendre gentiment le temps que je me décide à savoir si c’est de l’amour ou de l’amitié ».
Non, vraiment, non. Je ne peux pas lui dire ça.
C’est pourtant ce que je ressens.
Alors, du moins, pas comme ça.
Peut-être une autre façon de lui dire ?
OK ! Bon, « Show Must Goes On » (Le Spectacle Doit Continuer) comme dit Queen.
Je mets ce… « discours » de côté, et tiens, si je demandais à Dieu Son aide pour le faire ?
Je replonge dans le courant de ma vie.
Bon, alors, oui, les répètes pour le concours du Conservatoire.
Effectivement, il est dans huit ou neuf mois, selon la date à laquelle je serais convoquée. Et oui, il faut au moins ce temps-là, voire même plus pour m’y préparer. Je pense aux scènes à choisir, quatre dont une en alexandrins, un monologue, une avant 1980, une après 1980. Pour ça, je n’ai pas trop de difficulté, c’est plutôt bien choisir mon personnage, il faut éviter tout contre-emploi.
J’ai plusieurs moments de « travail » (si je peux utiliser ce mot pour mes répètes) prévus cette semaine. Avec Isabelle, avec Dorian, et en cours avec Jacques et tous ceux qui présentent le Conservatoire, et d’autres écoles, puisque les concours tombent tous en même temps ou presque. Il est vrai que j’aurai pu m’inscrire à d’autres concours. Pas cette année. Je verrai l’an prochain. Là, je me concentre uniquement sur le Conservatoire.
Blocage ?
Je ne sais pas.
Stress au ventre ?
Oui, complètement !
Bon, quoi d’autre ?
Préparer mon déménagement. Comme si je ne revenais pas.
Mais, forcément, je vais revenir, puisque j’ai le Concours !
Les filles ne sont toujours pas rentrées.
Seule, mais pas seule.
Bon, allez, j’y vais, sinon, Isabelle va m’attendre.
Les jours s’écoulent. Quand j’ai revu Isabelle, elle m’a dit qu’elle hésitait sur plusieurs scènes, et que du coup, elle ne savait pas si elle aurait besoin de moi comme réplique. Mais en attendant, elle veut bien que je répète avec elle, au cas où elle choisirait celles qu’on travaille ensemble. OK…
Moi, j’ai besoin d’elle pour une de mes scènes.
Sûre de moi, pour celle-ci. « L’invitation au Château » de Jean Anouilh.
Scène où Diana (elle) et Isabelle (moi) se frittent (message subliminal ?).
Les répètes avec Dorian se passent bien, je n’ai jamais été proche de lui, mais c’est un bon heu… collègue !
Jacques nous fait travailler sans pitié et c’est parfait.
J’ai appelé mes parents. Enfin !
Oui, ils sont revenus, oui, ils seront là pour m’accueillir !
Quelle bonne nouvelle !
Non, si, sérieusement, je suis quand même très heureuse de les revoir, c’est mon Papa et ma Maman quand même !
Je leur ai parlé de Serge, et je leur ai demandé s’il pouvait rester la nuit de samedi à dimanche, dans la chambre d’amis.
« Oui, sans problème, c’est très gentil à ce garçon de t’aider pour ton déménagement, tu sais nous on l’aurait bien fait, mais avec notre emploi du temps… d’ailleurs, nous repartirons en août pour Amsterdam, on ne te l’a pas dit ? »
Tiens, Amsterdam… en août… non, je ne vais pas leur dire tout de suite. On va attendre ce week-end. J’ai tellement peur d’être déçue, encore, d’une excuse qu’ils trouveront pour ne pas venir me voir sur scène. Je préfère m’y préparer.
J’ai envie de lui faire visiter Lyon.
Non, Jeanne, le peux-tu ? Ne va-t-il pas se faire des idées ?
Non, non, c’est mon ami ! On passe juste du temps ensemble, entre amis !
Mercredi soir, il m’a rappelé, et ça m’a fait super plaisir !
On est restés plusieurs heures au téléphone. On n’a pas abordé le « discours ».
On a parlé de plein d’autres choses.
Il a accepté avec plaisir l’invitation et est heureux que je lui fasse visiter « ma » ville.
C’est tellement fluide de parler avec lui !
Je ne me suis jamais sentie aussi proche de quelqu’un…
J’ai écrit à Brian, mon pasteur, pour tout lui raconter, car depuis une semaine, il n’y a plus les études bibliques et cultes du soir, pause estivale. Du coup, je lui ai écrit un mail long comme le bras pour tout lui raconter « Dinard » et aussi le prévenir de mon absence jusqu’à fin août, début septembre.
Il m’a répondu assez rapidement, me disant à quel point il était heureux pour moi, et qu’il avait hâte qu’on puisse en parler plus longuement, et que ses prières m’accompagnent.
Il me souhaitait aussi de bonnes vacances, et un très bon festival.
J’ai réussi à empaqueter toute ma chambre. J’ai nettoyé, astiqué, enlevé toutes mes photos. Ça m’a fait bizarre. En décrochant tous ces moments vécus avec Serge.
Ce que j’éprouve pour lui, je ne l’ai ressenti pour personne d’autre.
Oui, je sais, je l’ai déjà dit, mais c’est parce qu’à chaque fois où je pense à lui, c’est toujours la même conclusion !
Je n’ai pas les codes, pas le langage, c’est aussi pour ça que j’ai besoin de temps, pour savoir, pour comprendre.
Nous sommes vendredi.
Mes colocs sont revenues toutes les deux lundi après-midi et elles ont aimé être accueillies par des cupcakes aux framboises !
Ce soir, on s’est prévu une soirée juste toutes les trois. Mojitos et Billy Idol.
Pour fêter notre année.
Notre amitié née de notre vie à trois.
J’ouvre la porte d’entrée.
— Salut, Jeanne, alors ça y est, prête à partir ? me dit-il en me faisant la bise.
— Salut Serge, oui je crois que je suis prête, du moins, mes affaires, moi c’est autre chose…
Il jette un œil à la cuisine où gisent les cadavres de la veille, rhum, citrons, saladiers avec des restes de chips, des verres…
— Je vois que vous avez bien fêté !
— Oui, il nous fallait célébrer de façon mémorable cette année qui le restera ! dis-je d’un ton volontairement emphasé.
— Je vois, je vois, dit-il avec un sourire goguenard. Et ça va la tête ? Pas trop mémorable la gueule de bois ?
— Ça va, ça va… mais parle moins fort, merci ! dis-je en répondant à son humour.
Nous rions.
Les filles se lèvent, quasi en même temps, attirées sûrement par l’odeur du café que je viens de faire couler (et pas du tout par la voix de Serge !). J’en propose un à Serge.
— Tiens, dit-il en me tendant un sac de la boulangerie, j’ai ramené ça.
— Oh merci, c’est super gentil ! dis-je en prenant le sac pour le mettre sur la table.
— Salut Serge, merci, c’est super sympa ! dit Laurel en croquant dans un croissant.
On s’installe tous autour de la table basse du salon avec nos mugs et viennoiseries.
Et on papote, tranquillement, sur notre colocation, on raconte à Serge nos « aventures », la fois où un pigeon s’est incrusté dans la cuisine, ou quand la machine à laver a avancé jusqu’à la porte de la salle de bain, ou la fois, tu te souviens, oh là là, ce délire quand le copain de la voisine, un Italien, lui a fait la sérénade dans la cour à 3 heure du matin !
Et on rit, et on est bien. Et je ne pense pas au fait que je vais bientôt les quitter.
À ce moment-là, je crois que je vais les revoir dans quelques semaines.
La soirée d’hier soir fut vraiment un moment à part, comme quelque chose de nouveau, un pas de plus dans notre amitié à toutes les trois.
Je leur ai raconté ce que j’ai vécu à Dinard, ma foi toute neuve, ce trou, ce vide, à présent rempli, comblé.
Elles m’ont écouté, quelque peu sceptiques, et pourtant, elles m’ont posé des questions, et même si elles ne s’interrogent pas sur Dieu, nous avons pu avoir un échange, et j’ai senti qu’elles ne me jugeaient pas.
« Du moment que tu sois heureuse », ont-elles conclu.
Le petit-déj finit, Serge et moi nous préparons à charger.
Il entre dans ma chambre.
— Ah oui, ça fait vide d’un coup !
Son regard s’attarde sur les murs vides de nous.
— C’est comme si j’étais parti de ta vie… dit-il sans réfléchir.
— Mais dis pas de bêtises, tu ne pourras jamais…
Je me tais subitement, j’en ai trop dit ou pas assez, rattrape-toi Jeanne, rattrape-toi !
— … et tu vois bien que non, puisque t’es là !
Et je lui souris, d’un sourire honnête, sincère, et sans ambiguïté. Il me sourit en retour.
Et nous commençons à déménager.
Effectivement, il y a cinq petits cartons, une valise et un gros sac.
Les filles nous aident à descendre tout ça.
Dernier carton. Nous sommes tous en haut. Serge leur dit au revoir.
Nous tombons toutes les trois dans les bras l’une de l’autre.
Dix mois passés ensemble, dix mois de papotages, de soutien affectif, d’écoute, de coups de pied aux fesses, de mojitos, de crêpes au chocolat, de cupcakes aux framboises, de fous rires.
Dix mois de partages.
Voilà, ça y est, je suis dans la voiture.
Bye-bye Paris, à… bientôt ?
C’est Serge qui a pris le volant en premier.
J’aime toujours autant sa façon de conduire. Sûr de lui, confiant, pas fou, fair-play et qui sait s’imposer quand même (nécessaire quand on conduit à Paris !)
Nous prenons l’autoroute.
Notre conversation est pour l’instant légère, amicale.
En sera-t-il ainsi tout le long du trajet ?
Ah ben non, apparemment :
— Jeanne, tu ne voulais pas me dire quelque chose ? À propos de graines, de légumes… j’espère que ce ne sont pas des salades, ou que…
— … je ne vais pas te prendre pour une bonne poire, jusqu’à en tomber dans les pommes…
— Sinon, je ferais chou blanc !
Wouah ! On est en super forme tous les deux !
— Non, sérieusement, tu voulais pas me parler de quelque chose ?
— Oui, enfin, non, enfin si, faut bien en parler…
— Ça n’a pas l’air d’être bien plaisant…
— Non, si, c’est pas ça, en fait, heu…
— Oui ?
— Je veux être honnête avec toi, et ne pas te prendre pour un imbécile, mais c’est pas facile à dire. En fait, tu vois, je pensais que le jour où je dirais oui à Dieu, tout deviendrait clair pour toi et moi. Je croyais que j’allais comprendre tout, que j’allais savoir ce que j’éprouve vraiment pour toi.
— Et ce n’est pas le cas ?
Je secoue la tête négativement.
— Non, je ne peux même pas te dire où j’en suis. Non pas que je ne veux pas, mais je ne peux pas…
— OK… (petit silence). Je te remercie pour ta franchise. Si tu veux, on peut continuer comme ça, en « amis spéciaux », et on peut prier aussi, et quand tu sauras où tu en es, ben, on avisera à ce moment-là. D’accord ?
Non, mais ce mec est vraiment d’une… coolitude absolument exceptionnelle !
Il est juste incroyable !
— Mais, ça ne te fait rien toi, d’attendre sans savoir si…
Aire d’autoroute, il se gare. Et se tourne vers moi.
— Si, mais je n’ai pas vraiment le choix ! Je ne vais pas te sauter dessus si tu n’es pas prête !
— Heu… oui ? Merci ?
Un peu surprise quand même par son côté direct !
— Je t’ai dit que je t’attendrai, donc, voilà, j’attendrai que tu sois sûre de toi. Et pour l’instant, je n’ai pas envie de changer quoi que ce soit entre nous.
— Moi non plus, je ne veux rien changer.
Et on se regarde, je vois ses yeux verts, ses boucles brunes bien souples, sa barbe de trois jours, son sourire…
Et je n’ai toujours pas les papillons.
C’est comme s’il y avait un voile, comme ces statues, ou ces œuvres d’art qu’on recouvre d’un tissu pour les protéger, et qu’on dévoile au dernier moment, avant l’exposition.
Un voile qui me dit « Ce n’est pas le moment ».
Mais qui ne me dit pas l’issue, si cela débouchera sur vivre avec Serge un amour, ou une amitié.
Non, pitié, pas la chanson de Céline Dion…
Et on se sourit.
Et je n’ai jamais rien ressenti de semblable de toute ma vie.
Et ça me gonfle. Prodigieusement.
Il redémarre la voiture.
— Bon, alors, t’as déjà pris ton billet d’avion ? dit-il en changeant de sujet.
— Ouiii, ça y est ! Je pars lundi matin à 10 h 20 et j’atterris à Heathrow à 11 h 5 heure locale.
— Tu te sens prête à vivre à Londres, au milieu d’Anglais ?
Je ne vois plus les sous-entendus possibles, les allusions plus ou moins subtiles sur le fait que j’y serai sans lui.
Enfin, je ne les vois presque plus, parce que sinon, je ne l’aurai pas mentionné…
— Carrément ! C’est à la fois de l’excitation et une sorte de peur, mais qui me stimule !
— Mes grands-parents m’ont dit qu’ils souhaiteraient te revoir.
— Oui, pourquoi pas ? Y a ta maman aussi qui m’a demandé si je serais disponible. Après, je ne sais pas comment vont se dérouler les répètes avec la troupe.
— C’est vrai que cela risque d’être intense, monter une pièce en quatre semaines, ça peut paraître complètement fou ! Mais je me souviens qu’Andrew travaille souvent ainsi, dans l’urgence, et il s’avère qu’il est très bon ! Et toi ?
— Oui, c’est vrai que l’urgence me porte pas mal, en fait, quand j’ai le temps, c’est là que je paresse… dans l’urgence, je gère mon stress. Du moins, j’essaye !
Et nous continuons à parler, sans nous arrêter, autant lui que moi.
À une station-service, on profite de faire une pause, le plein et on change de chauffeur.
Je prends le volant. Il y a quand même du monde, même si fort heureusement, ce n’est pas un de ces week-ends chassé-croisé de juillet-août. Il fait chaud.
Je me concentre sur la route. Serge ne dit plus rien.
Je pense à ma pièce, à mon texte que je suis en train d’apprendre.
Je partage avec Serge mes appréhensions, et il propose de me faire répéter. J’accepte.
Je le laisse fouiller dans mon sac à la recherche de mon livre.
Je le laisse entrer dans la caverne de mon intimité…
Il trouve le bouquin, et commence, acte I, scène 2.
Ô double difficulté, me concentrer à la fois sur la route et mon rôle de Viola-Cesario.
En anglais, of course (bien sûr).
Du coup, je bute souvent, heureusement sur mon texte et non sur la route.