Charles et Anna - Tome 1 - Katia Bertoldi - E-Book

Charles et Anna - Tome 1 E-Book

Katia Bertoldi

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Beschreibung

Charles Beaumont, propriétaire d’une plantation de coton en Caroline du Sud, arrive en France afin de rencontrer son meilleur ami, Georges Vermer. En effet, il souhaite que ce dernier soit son témoin de mariage. Le soir même, à la taverne, il fait la connaissance de la jolie Anna, et c’est le coup de foudre. Cependant, Charles est fiancé à Catherine Grant, une riche héritière américaine. Pourtant, la veille de son retour aux États-Unis, oubliant tous ses principes, il s’abandonne dans les bras d’Anna et les deux amants vivent une nuit passionnée qu’ils savent éphémère. Quelques mois plus tard, Charles se marie. De l’autre côté de l’Atlantique, sur le port, Anna croise à nouveau le chemin de Georges, l’ami de Charles. Seulement, elle est accompagnée de son fils et ne souhaite pas être remarquée… Parviendra-t-elle à garder longtemps son secret ?


À PROPOS DE L'AUTEURE


Passionnée de littérature depuis toujours, Katia Bertoldi signe son premier ouvrage avec Charles et Anna - Tome I. Par le biais de celui-ci, elle espère communiquer à ses lecteurs le même bonheur éprouvé lors de la rédaction de l’histoire de la famille Beaumont.


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Katia Bertoldi

Charles et Anna

Tome I

Roman

© Lys Bleu Éditions – Katia Bertoldi

ISBN : 979-10-377-6062-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Première partie

Chapitre 1

Automne 1866

Charles était de retour. Il galopait dans la plaine, au loin, la lisière de la forêt, avait des couleurs flamboyantes. C’était le charme de l’automne en Bretagne.

Il était impatient de retrouver son ami Georges Vermer, qu’il n’avait pas revu depuis plusieurs années, et qu’il avait connu lors de ses nombreux voyages en France.

Grand, robuste, yeux noisette, cheveux bruns, il avait un visage aux traits fins, doré par le soleil et les embruns de la mer. Et ce grand séducteur avait beaucoup de succès auprès des femmes.

Sa propriété en Caroline du Sud, une plantation de coton, héritée de ses parents, était en faillite.

Un mariage avec une riche héritière, Catherine Grant, était envisagé afin de sauver la situation.

Accosté depuis la veille, dans le port de Saint-Malo, il était venu vendre sa cargaison de coton.

Après une longue chevauchée, il arriva chez son ami et posa pied à terre pour confier sa monture à un domestique. Georges sortit les bras tendus pour l’accueillir.

— Bonjour, Charles, comment vas-tu ? s’exclama-t-il en lui donnant l’accolade.

Il était aussi très beau garçon. Brun aux yeux noir, un peu moins grand que Charles, mais bien bâti également.

— Je vais bien, répondit-il en souriant. J’ai une nouvelle à t’annoncer !
— Viens. Allons boire à ton retour, et dis-moi tout.

Il le fit entrer dans sa maison. Elle était grande, et bien décorée.

Georges aimait les tableaux d’art, et on voyait par-ci par-là, quelques pièces rares, signe de richesse.

Les tentures ocre, sur lesquelles le soleil reflétait, avaient des lueurs d’or.

— Allons nous asseoir. Que veux-tu boire ? demanda Georges en se dirigeant vers le fond de la pièce en lui tournant le dos quelques instants.
— Un cognac ! répondit Charles en regardant autour de lui.

Il appela une domestique, une charmante jeune fille qui leur servit le liquide ambré, dans deux splendides verres de cristal.

En souriant, elle tendit son verre à Charles, qui apprécia d’un coup d’œil rapide, la beauté de la soubrette. Elle servit Georges et disparut lestement après lui avoir adressé un ravissant sourire. Pas farouche ! pensa Charles. Il sourit également en se disant que son ami, qui aimait aussi les jolies femmes, ne devait pas s’ennuyer avec elle.

— Alors que racontes-tu, Charles ? dit Georges, après avoir fait un clin d’œil discret à la jeune fille.

Charles fit tourner le liquide ambré dans son verre, et répondit :

— Eh bien, tu ne vas pas me croire ! je vais me marier !

Georges ouvrit grand les yeux. Le célibataire endurci allait convoler ? Il n’en revenait pas.

— Oui, je suis venu te demander, si tu voulais me faire l’honneur d’être mon témoin.

Georges s’étrangla avec son cognac, et répondit avec enthousiasme.

— Ça alors ! pour une nouvelle, tu me fais un très grand plaisir de penser à moi pour ton mariage ! Et c’est avec joie, que j’accepte.
— Merci, merci mon ami, dit Charles visiblement ému.
— Comment est la future madame Beaumont ? demanda-t-il très curieux de la connaître.
— Elle est très jolie, et très riche, répondit simplement Charles.
— Et c’est sans doute pour cela que tu l’épouses ! s’exclama-t-il ironique.

Ils se mirent à rire tous les deux.

— Fini le célibat, les jolies filles, continua Georges.

Charles redevint sérieux, son visage changea, ses yeux aussi.

— Oui je vais enfin me caser. À trente ans il est temps.

Il disait cela comme s’il n’avait pas le choix, et c’était bien le cas. Il se mariait par obligation.

— Il faudra que je prévoie le voyage. Tu te maries dans combien de temps ?
— Au printemps. C’est très joli cette saison en Caroline.
— Oh ! Il me faudra trouver un bateau ! s’exclama Georges surpris.
— Pourquoi ? Tu peux venir sur le mien ! je finis de débarquer ma cargaison et je repars.
— Oh là ! Doucement mon ami, il faut que je prépare mes valises, et que je règle quelques petites choses avant de quitter la France.
— Tu as tout ton temps Georges ! Je ne reprends pas la mer, avant une bonne quinzaine de jours, dit Charles en regardant la soubrette qui était revenue remplir leurs verres.
— D’accord, je te dirais quand je serais prêt. Mais ça me plairait bien de trouver quelques filles pour m’amuser, histoire de me remémorer le bon vieux temps.

Celle-ci lança un regard coquin à son maître, confirment bien les soupçons de Charles.

— Oui, ça me plairait bien aussi, avant qu’on me passe la corde au cou, lança-t-il en la regardant.

Elle ne sembla pas s’effaroucher. Se trouver en présence de deux séduisants prédateurs ne l’effrayait nullement, et aurait été partante pour une soirée à trois, mais ce n’était pas dans leurs habitudes.

— Si tu veux, ce soir on peut faire une sortie en ville, dit Georges l’œil brillant. Il y a une auberge où je connais deux jolis brins de filles ! Et l’une d’elles te plairait bien.
— Hum, c’est très tentant. Après tout, pourquoi pas !

D’accord pour ce soir, répondit Charles.

Ils rirent ensemble et continuèrent leur conversation encore un bon moment, puis Charles prit congé.

Il monta sur son cheval et regarda son ami.

— C’est l’auberge du pêcheur, lui dit Georges.

Charles sourit et répondit :

— Je pense que je trouverais sans problème. À ce soir.

Il lui fit signe de la main, regarda encore une fois, la superbe demeure et repartit au galop.

Charles était un homme pressé. Il n’aimait pas laisser traîner les choses, et avait encore tant à faire sur le port. À cet instant précis, il ne savait pas que quelqu’un allait bouleverser sa vie.

Chapitre 2

Anna

Anna était une jolie fille. Vingt-deux ans, les yeux bleu très clair, avec de longs cheveux auburn.

C’était une fille de pêcheur, qui avait perdu ses parents, depuis plusieurs années.

Son père était parti en mer un jour de mauvais temps, et n’était pas rentré. On avait retrouvé son corps sur la plage, quelques jours après le drame, et sa mère était morte l’année suivante, emportée par la maladie. Elle survivait en travaillant à la taverne, et en lavant du linge.

Elle était souvent agacée par les hommes, qui ne manquaient pas de la prendre par la taille, pour la mettre sur leurs genoux, lorsqu’elle servait à boire, et ça ne manquait jamais un seul soir.

Mais elle savait comment s’en défaire, sans les offusquer, ni vexer la clientèle. Il n’en est pas moins qu’elle restait une jeune fille très sérieuse.

Le soir tombait, il lui fallait prendre son service. Elle alla chercher son amie Marjorie qui commençait en même temps qu’elle, et dit :

— Tu es prête ? Si nous arrivons en retard, nous allons encore, nous faire sermonner par le patron.

Celle-ci se mit à rire, et répondit :

— Oui j’arrive. Tu ne veux quand même pas que j’aille travailler toute décoiffée !

Marjorie était blonde, yeux bleu, la taille fine, une beauté également.

— Oui je me demande bien pourquoi ? dit Anna en la taquinant.

Marjorie éclata de rire. Anna avait deviné que la belle avait encore retrouvé un galant.

Elle avait une nature hors du commun cette fille, et les hommes le savaient bien.

Après avoir arrangé ses cheveux, elle demanda :

— Et toi ? Qu’attends-tu pour te trouver un homme ?
— J’attends ! Hum… j’attends de trouver l’amour, répondit-elle rêveuse.
— Ah l’amour ! Tu crois à ça ? Tu seras vieille fille que tu

l’auras pas encore trouvé. Cherche-toi quelqu’un pour te réchauffer la nuit. Tu verras, c’est très agréable !

— Mais je suis une romantique, tu le sais bien. Et j’ai tout mon temps !

Elles se remirent à rire et prirent le chemin de la taverne. Lorsqu’elles arrivèrent, le patron leur fit les gros yeux.

— Vous voilà enfin ! encore en retard ! Je me demande bien pourquoi je vous garde !

Il avait fait sa grosse voix, mais Marjorie le connaissait bien, et n’avait pas peur de lui.

— Parce que nous sommes les plus jolies filles du coin, et que les clients aiment venir ici, rien que pour nous regarder, répondit-elle avec aplomb, alors qu’Anna se faisait toute petite.

Il sourit, se déridant un peu, et reprit :

— Ce n’est pas faux ! mais les clients s’impatientent. Allez donc servir ses pauvres gens qui meurent de soif !
— Bien patron ! répondit Marjorie, suivie de sa copine.

Il n’y avait pas trop de monde à cette heure, ce qui permettait aux jeunes filles de servir et de pouvoir observer à leur aise.

Ils étaient banals, très ordinaires, lorsque la porte s’ouvrit.

Charles et Georges entrèrent.

Anna resta bouche bée, en le voyant. Il faut dire que Charles était très élégant dans son uniforme de capitaine.

Marjorie éclata de rire.

— Eh bien ! Je ne t’ai jamais vu comme ça ! s’exclama-t-elle en dévisageant son amie.
— Comme… comme quoi ? balbutia Anna à qui le rouge montait aux joues.
— Tu le manges des yeux ! Tu es fascinée par lui ! Cupidon aurait-il lancé sa flèche ?

Anna fronça les sourcils, essayant de retrouver son calme, car son cœur battait la chamade.

— Non je ne crois pas ! dit-elle en mentant un peu.
— Va prendre la commande, tu le verras de plus près ! dit Marjorie, n’en croyant pas un mot.
— Euh non ! Vas-y toi ! fit-elle timide, rouge comme une pivoine.

À ce moment-là, Charles tourna la tête, l’aperçut et reçut un choc. Jamais il n’avait vu une jeune fille aussi belle, aussi fraîche. Une fleur dans la rosée du matin.

Georges l’observait.

— On dirait que la copine de Marjorie t’a envoûté
— Tu as vu ? Quelle beauté ! Elle est magnifique ! Tu la connais ?
— Oui. Comme je viens ici tous les soirs, évidemment que je la connais ! Je t’avais dit qu’elle te plairait !
— Comment s’appelle-t-elle ?

Il était toujours aussi ébahi, ce qui amusait Georges.

— Elle s’appelle Anna Ducan. C’est la fille d’un pécheur irlandais mort en mer, il y a plusieurs années, raconta Georges tristement, et elle a perdu sa mère peu après. Elle travaille ici pour gagner de quoi survivre.
— Quel dommage ! Un si triste sort pour une aussi jolie fille !
— Bon ! Et si nous commandions ? Anna ! s’écria Georges. Viens nous servir à boire, ma belle !

Anna se décomposa, et regarda Marjorie. Celle-ci haussa les épaules et dit :

— Désolée, c’est toi qu’on appelle, ma chérie.

Elle prit son courage à deux mains, s’approcha de la table, et fit de son mieux pour garder son sang-froid, et retrouver une apparence convenable. Éviter par la même occasion de regarder Charles qui ne se gênait pas pour détailler, sous toutes les coutures, attendant de croiser ses yeux magnifiques.

— Bonjour, messieurs, que désirez-vous ? demanda-t-elle en reprenant de l’assurance.
— Nous allons prendre une bière ma belle, et mon ami Charles aussi !

Il avait fait exprès de mentionner son prénom, voyant bien le trouble de la jeune fille.

Maintenant, elle savait comment il s’appelait !

— Bien, messieurs ! Deux bières alors ! Elle tourna les talons avec grâce, et partit d’une démarche souple et onduleuse comme la houle, qui acheva de conquérir notre marin.

La taverne était sombre et lugubre, mais il ne voyait plus qu’elle.

— Elle est sublime, je rêve ou je suis éveillé ? demanda-t-il à Georges qui répondit en riant.
— Non, tu ne rêves pas. Tu as devant toi la plus jolie fille de Saint-Malo !
— L’autre n’est pas mal non plus. Mais Anna a quelque chose de différent.
— Marjorie ? Je la connais bien, elle est plus frivole qu’Anna. C’est ça, la différence.

Anna revint avec deux pichets de bière, en posa un devant Georges, puis un devant Charles, et c’est à ce moment, que leurs yeux se rencontrèrent !

Elle reçut un choc en plein cœur, comme si elle venait d’être foudroyée par l’orage. Et Charles pareil ressentit des fourmillements dans tout son corps. Une chose qu’il n’avait jamais connue avec ses nombreuses aventures, mais qui l’avait bouleversé, en plongeant ses yeux noisette, dans les prunelles bleues de la demoiselle.

Georges amusé, assistait à la scène et jugea de rompre le charme.

— Merci Anna. Ta beauté est un réel délice tu m’ensorcelles à chaque fois.

Elle rougit et se retira discrètement, alors que Charles le fusillait du regard :

— Allons ne t’inquiète pas. Je ne fais que la complimenter. De toute façon, tu es presque marié !

Charles retrouva le sourire, et répondit en soupirant :

— Oui hélas.

Et ils burent leur bière en silence.

Mais Charles n’avait d’yeux que pour elle. Il se dit qu’il ferait son possible, pour la rencontrer ailleurs qu’à la taverne, afin de faire sa connaissance, loin de Georges, qui n’avait de cesse de le taquiner.

Oui, Anna était un beau brin de fille, et ce grand séducteur n’avait qu’une envie, c’est de la posséder avant son départ.

Chapitre 3

Rencontre sur le port

Cela faisait plusieurs jours que Charles était occupé, par la vente et la livraison de sa marchandise. Aussi n’avait-il pas remis les pieds à la taverne, depuis le soir où il avait rencontré Anna. Il avait hâte de la revoir, car il ne cessait de penser à elle. Et ce fut par hasard sur le port qu’il croisa son chemin. La jeune fille s’arrêta net, son lourd panier dans les bras. Elle revenait du lavoir, avec une lessive qu’il fallait mettre à sécher.

— Bonjour, dit-il en s’approchant. Quelle joie de vous revoir !

Anna baissa les yeux et rougit. Voyant son embarras, il continua.

— Quel beau temps ! N’est-ce pas ?

Elle pouffa de rire. Son approche était maladroite. Il s’en rendit compte et se mit à rire également.

— Je suis idiot, reprit-il. Pas très doué pour la conversation ! Après autant de temps en mer.
— Non, vous êtes charmant, dit-elle en le regardant. Mais je suis pressée, je dois aller mettre sécher ce linge très rapidement.
— Me permettez-vous de vous accompagner ? Je pourrais ainsi porter votre panier qui me semble bien lourd.

Il avait dans ses paroles, une élégance peut coutumière.

— Si vous n’avez rien d’autre à faire ! fit-elle ravie de le voir si aimable. Car d’habitude, les hommes ne songeaient qu’à la culbuter dans un coin.

Charles s’empara du panier, et ils marchèrent ensemble jusqu’à la cabane du pêcheur, où habitait Anna. Celle-ci n’était pas très loin du port.

— Voulez-vous que je vous aide ? dit-il en s’emparant d’un drap. Mais maladroit, il faillit le laisser tomber, et le rattrapa juste à temps.

Anna lui prit des mains et dit en riant :

— Merci, mais je crois que ça va aller ! Avancez-moi les pinces, si vous voulez m’aider.

Elle avait un magnifique sourire, et les picotements recommencèrent dans son corps.

— Que venez-vous faire en France ? demanda-t-elle, se trouvant de plus en plus à l’aise avec lui.
— Je suis venu vendre ma cargaison, répondit-il en lui tendant une pince à linge.

Elle avait une grâce naturelle, et était vraiment très habile. Il sentait son cœur battre plus vite.

Elle le dévisagea, intriguée.

— Et quel genre de cargaison, des épices, du rhum ?
— Non, des étoffes, du coton. J’ai une plantation en Caroline du Sud.
— Ah je vois ! Vous faites du commerce.
— Oui c’est ça ! Mais vous avez beaucoup de lessive ! demanda-t-il intrigué.
— Je lave pour les gens qui n’arrivent plus à le faire. Heureusement que j’ai beaucoup de place, pour étendre tout cela ! Et qu’il fait encore beau ! Nous avons un bel automne.

Courageuse, et généreuse en plus, elle avait toutes les qualités.

— Voulez-vous entrer boire quelque chose ? dit-elle quand elle eut terminé son travail.
— Avec plaisir, Anna !

Ils entrèrent dans la maison, et Charles put constater la pauvreté des lieux. Il n’y avait pas beaucoup de meubles, mais c’était décoré avec goût. Et touche féminine, un joli bouquet de fleurs ornait la table de bois brut.

— Je suis désolée, dit-elle en le voyant détailler son domicile, ce n’est qu’une maison de pêcheur ! Ce n’est pas le luxe de votre domaine, j’imagine.

Elle prit une bouteille de vin et deux gobelets.

— Ça n’a aucune importance, vous êtes si rayonnante, que vous donnez à ces lieux, un charme fou !
— Voilà ! Vous recommencez encore à être idiot ! s’exclama-t-elle en riant.
— Oh, je pensais que ça vous ferait plaisir, que je complimente votre intérieur.

Anna s’approcha et lui tendit son verre de vin, planta ses jolis yeux bleu, plein de malice dans les siens et dit en rougissant :

— Désolé. Mais je suis habituée à mainte tentative de séduction à la taverne, alors c’est ma façon de parler. Santé ! fit-elle en levant son verre.
— Santé ! dit-il dès que son trouble se fut dissipé, ne la quittant pas des yeux. Je me doute bien, que jolie comme vous êtes, vous n’êtes pas à votre première tentative de séduction.
— Vous non plus ! J’imagine qu’un homme, aussi charmant que vous, a toutes les femmes à ses pieds !

Il éclata de rire, ce qui fit écarquiller les grands yeux d’Anna.

— Quoi ? Vous n’allez pas me dire que vous êtes un saint ! s’exclama-t-elle surprise.

Il rit encore plus fort, reprit une gorgée de vin et répondit :

— Ah non, sûrement pas ! Je ne suis pas un saint croyez-moi !

Anna redevint sérieuse. À qui avait-elle à faire ? Un séducteur qui la laisserait après l’avoir possédée, ou un homme sur qui elle pourrait compter ?

Il vit son visage changer, et reprit :

— Oh je n’aurais pas dû vous dire cela ! Je ne voulais pas vous effrayer !

Il posa sa main sur la sienne, et une décharge d’électricité le transperça de part en part.

Décidément, elle ne le laissait pas de marbre. Son sang se mit à bouillir dans ses veines.

Il sentit l’adrénaline monter et son sexe durcir, et comprit qu’il était temps de partir avant qu’il ne puisse plus se contrôler.

D’un coup sec, il vida son verre et se leva.

— Merci pour ce verre, Anna. J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir, avant mon départ.

Et sur cela, il sortit de la maison sans rien ajouter, la laissant seule avec son trouble. Car elle aussi avait ressenti des choses lorsqu’il lui avait pris la main. Elle soupira en pensant qu’il était bien étrange d’avoir pris la fuite ainsi, et finit son verre en espérant le rencontrer à nouveau sur le port.

Chapitre 4

Marjorie

Marjorie était une fois de plus, en retard pour son service. Anna la vit arriver à bout de souffle le visage encore troublé, par ses ébats.

— Où as-tu encore été ? demanda-t-elle courroucée.
— Eh bien ? J’étais avec un galant figures toi ! répondit-elle en essayant de défroisser sa robe.
— Tu es vraiment impossible. Un jour le patron va se lasser, et te faire ton compte. Et le mien aussi par la même occasion, car j’arrive en retard, à cause de toi.
— Mais non… Il a l’habitude. Et en plus se sont ses clients que je satisfais, alors il ne peut pas me congédier ! Et ton beau capitaine, comment s’appela-t-il ? Charles je crois ?
— Chut ! fit-elle en prenant des couleurs, je l’ai revu.
— Et où ? Raconte-moi ! Marjorie frétillait, à l’affût de détail croustillant.
— Je l’ai croisé sur le port en fin de matinée, alors que je revenais du lavoir. Je l’ai fait entrer chez moi.
— Et vous l’avez fait ? s’exclama-t-elle curieuse.
— Oh ! Mais pour qui me prends-tu ! demanda Anna vexée.
— Mais bon ! Vous avez fait quelque chose quand même ! Un petit baiser ?

Anna prit un air déconcerté et entra dans la taverne.

— Eh bien non ! Je lui ai offert un verre, et parce qu’il m’a touché la main, monsieur est parti précipitamment, comme s’il avait le diable aux fesses.
— Ça, pour sûr que tu lui fais de l’effet, pour qu’il réagisse comme ça !
— Ce n’est pas l’impression que j’ai eue, ma chérie ! dit Anna déçue.
— Oh que si ! Tu peux me croire, tu l’as harponnée ton beau capitaine !
— Arrête de dire des bêtises, les clients attendent pour boire. Allons prendre les commandes.

Anna sentait la chaleur monter dans son corps, et voulait esquiver les commentaires.

— Comme elle se défile celle-là ! la taquina Marjorie. Je parie que tu n’as qu’une envie, c’est de le voir débarquer, là maintenant !
— Allez, un peu de sérieux, au travail ! Et Anna s’élança, avec cette grâce féline qu’elle avait, vers une table de clients.
— Bonjour, messieurs. Que désirez-vous ? demanda-t-elle avec son charmant sourire.
— Toi ma belle ! répondit un homme barbu et laid en la prenant par la taille.

Anna avait l’habitude de ce genre d’attaque, et d’un mouvement souple de hanche, se dégagea.

— Allons, un peu de sérieux ! Je ne fais pas partie des consommations monsieur. Que voulez-vous boire ?
— Amène-nous des bières, répondit un autre, tout aussi laid que le premier.
— J’y vais de ce pas ! dit-elle heureuse de se débarrasser d’eux, quelques instants.

Comment se faisait-il, qu’elle trouvait tous les hommes laids. Était-ce parce que Charles était d’une beauté hors du commun ? Elle se ressaisit, il ne fallait pas qu’elle pense à lui, surtout pendant le service, elle risquait de renverser les consommations.

Elle rapporta les bières, et le premier essaya encore de l’attraper, mais sans succès, et c’est à ce moment-là, qu’elle l’aperçut.

Charles venait d’entrer, et assister à la scène. L’œil noir qu’il lui envoya ne lui échappa pas, aussi se dit-elle qu’il valait mieux qu’elle s’occupe de lui.

Elle lui sourit et s’approcha de la table où il était assis.

— Rebonjour capitaine, que puis-je pour vous ?

Il planta ses yeux glacials dans les siens, et elle comprit qu’il était fâché.

— Une bière mademoiselle ! répondit-il sèchement.
— À vos ordres, capitaine ! dit-elle en pouffant de rire tout en tournant les talons.

Il lui saisit la main et lui fit faire volte-face.

— N’allez pas sur ce terrain-là, Anna ! lança-t-il toujours en colère, car il n’aimait pas qu’on se moque de lui.
— Vraiment ? dit-elle, le cœur battant, troublée par ce contact.
— Oui, après ce que je viens de voir, je ne suis pas d’humeur.
— Et qu’avez-vous vu ? Un homme qui a essayé de me mettre sur ses genoux ! Ça arrive tous les jours ici. Je sais me défendre ! dit Anna sèchement.

Maintenant c’était elle qui était fâchée, et ses yeux avaient changé de couleur. Ils étaient bleu profond, comme l’océan par mauvais temps.

Il lâcha sa main, comprenant sa maladresse, et la laissa partir. Elle revint poser sa bière brutalement sur la table, prit les pièces qu’il tendait, et devant son visage plein de tristesse, craqua.

Un sourire naquit sur ses lèvres, et le soleil revint après la tempête.

Charles soupira, vaincu.

— Je suis désolé Anna, je n’avais pas à vous parler comme cela !
— C’est oublié ! dit-elle en quittant sa table pour reprendre son travail.

Il ne la quittait pas des yeux. Elle était tellement imprévisible. Elle passait de la colère à la bonne humeur en si peu de temps. C’était une nature exceptionnelle.

Georges entra :

— Bonjour, Charles, je me doutais que je te trouverai ici ! s’exclama-t-il en s’asseyant à sa table.
— Bonjour, Georges. Je ne suis pas revenu depuis la dernière fois où nous avons trinqué ensemble. Mais j’ai revu Anna ce matin, et j’avais envie de la revoir ce soir.
— Dis-moi, tu sembles bien accroché ! Elle t’a pris dans ses filets, cette jolie fille de pêcheur !
— Peut-être ! Mais je suis promis à une autre, répondit-il tristement en buvant sa bière.
— Oh oui ! Un gros poisson, harponné par la plus jolie fille de Saint-Malo !
— Merci pour moi ! s’exclama Marjorie qui venait prendre sa commande.
— Oh, excuse-moi, ma belle ! Vous êtes les deux plus jolies filles de la ville, se reprit-il.
— Ouais ! Tu essayes de te rattraper gredin ! Alors qu’est-ce que tu veux boire ? Une bière, comme d’habitude ? dit-elle en tapant du pied.
— Tu as tout compris Marjorie, comme tu me connais bien !

Marjorie tourna les talons pour aller chercher sa bière, puis se ravissant, elle se tourna vers Charles pour dire :

— Si vous voulez tout savoir, elle craque pour vous ! Mais attention, elle est encore vierge. Alors, allez-y doucement !

Charles, ébahi par le franc-parler de Marjorie, ne sut quoi répondre, et s’étrangla avec sa bière, ce qui fit rire Georges.

— Eh oui, c’est Marjorie, elle n’y va pas par quatre chemins quand elle dit quelque chose !

Mais Charles restait intrigué par les origines d’Anna.

— Tu m’as dit que le père d’Anna était Irlandais ?

Georges posa sa chope de bière et répondit :

— Oui, mais Anna est née en France. Ses parents sont venus ici pour travailler, pensant se trouver plus à l’aise qu’en Irlande. Mais la pêche, c’est partout pareil ! C’est un métier difficile et peu gratifiant. Cependant, ils sont tombés amoureux de la Bretagne et n’en sont jamais repartis.
— Anna Ducan. Qui aurait cru qu’une Irlandaise me bouleverserait ainsi !

Georges rit et répondit :

— Mais c’est qu’il y a aussi de jolies fleurs, en Irlande.

Charles restait pensif. Anna l’obsédait. Et à cet instant précis, il aurait bien aimé la tenir dans ses bras.

Qu’importe l’endroit où ils se trouvaient. Avec un peu de jalousie dans le cœur, il comprenait pourquoi ce rustre avait essayé de la mettre sur ses genoux. Elle faisait s’enflammer les hommes et réveiller les passions.

Georges le laissa rêver, savourant sa bière, en pensant : Eh bien, mon ami ! Si tu es tombé amoureux d’elle, que vas-tu faire ? Et ton mariage ?

Mais Charles avait les pieds sur terre, et il se dit qu’il prendrait la bonne décision.

Chapitre 5

Le départ

Voilà plusieurs jours que Charles n’avait pas revu Anna. Les préparatifs pour son retour en Caroline du Sud étaient terminés, et le départ s’annonçait.

Son ami Georges allait finalement faire le voyage avec lui. Il avait déposé ses affaires, dans une cabine voisine de celle de Charles, pensant aux moments qu’ils passeraient ensemble, à se remémorer leurs aventures.

Il s’affairait sur le port, lorsqu’il aperçut la silhouette gracieuse d’Anna. Elle avait le don de captiver toute son attention, et il s’arrêta net pour la regarder.

— Bonjour capitaine, comment allez-vous ? vous nous quittez déjà ? demanda-t-elle en se dandinant.
— Oui, Anna, je pars demain, répondit-il tristement, ses yeux plongés dans les siens.
— Demain ! Oh ! Elle avait l’air déçue par sa réponse.
— Oui il me tarde de rentrer chez moi.

Anna baissa la tête, réfléchit et reprit avec insistance :

— Quel dommage, j’aimais bien bavarder avec vous !
— Moi aussi. Mais la vie d’un capitaine n’est pas faite que de bavardage, je dois rentrer au plus vite.

Anna poussa la curiosité, à demander :

— Une belle vous attend ?
— Oui, ma fiancée, répondit-il sèchement en évitant son regard.

Elle pâlit et son joli sourire disparu.

— Désolé ! reprit-il j’aurais dû vous le dire plus tôt. Mais après tout, il faut bien sauter le pas un jour ! Et se marier fait partie de la vie d’un homme !
— Pour sûr, fit-elle en retrouvant son assurance. Mais j’aimerais bien vous inviter à souper ce soir, la taverne n’a pas besoin de moi, et discuter avec vous encore un peu, avant votre départ me ferait grand plaisir !

Charles sembla hésiter.

— Enfin si vous pouvez vous libérer de vos obligations ! insista-t-elle.

Le soleil donnait à ses cheveux des reflets de feu, ses yeux brillaient d’espoir, et il ne put refuser cette dernière faveur.

— D’accord, à quelle heure dois-je venir ?
— Vers 19 heures, cela vous convient-il ?
— Ça me va. Merci pour l’invitation.
— À tout à l’heure ! dit-elle en lui jetant un coup d’œil malicieux.

Il pensa que même s’il devait se passer quelque chose entre eux, il ne serait plus là demain, et que ça serait une aventure sans suite. Son mariage avec Catherine était d’une importance vitale, s’il voulait garder la plantation, et le domaine que ses parents avaient eu tant de mal à obtenir.

S’il n’y avait pas eu cette maudite guerre de Sécession, le court du coton ne serait pas tombé de la sorte, et il n’aurait pas été obligé de faire un mariage d’affaires. Certes sa future épouse était jolie, mais il ne l’aimait pas. Du moins, il ne ressentait pas pour elle ce qu’il ressentait pour Anna.

Nous verrons bien, pensa-t-il, peut-être qu’une fois la mer reprise, je l’oublierais.

C’est ce qu’il pensait, mais ça n’allait pas se passer comme ça.

Chapitre 6

Le souper

Anna avait fait mijoter un repas très alléchant, pour son invité qui sentait bon dans toute la maison. Elle avait soigné sa coiffure, et sa tenue pour lui.