Charles et Anna - Tome 2 - Katia Bertoldi - E-Book

Charles et Anna - Tome 2 E-Book

Katia Bertoldi

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Beschreibung

"Charles et Anna – Tome II" s’immerge dans les vies tumultueuses de Marjorie, Édouard et Junior, après l’union de leurs parents. Il est un tourbillon d’aventures, où amour, ruse et trahison s’entremêlent de manière délicate. À travers ce récit, vous voyagerez dans les émotions des personnages comme si elles étaient les vôtres. Préparez-vous à une lecture envoûtante qui vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière ligne.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Lassée des séries policières habituelles, Katia Bertoldi a profité du confinement pour écrire une histoire fascinante dont elle vous propose le second tome. Chacun de ses mots est empreint d’un style simple et élégant pour, non seulement, accrocher les lecteurs, mais aussi leur permettre de saisir toute la profondeur et la richesse de son œuvre.

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Katia Bertoldi

Charles et Anna

Tome II

Roman

© Lys Bleu Éditions – Katia Bertoldi

ISBN : 979-10-422-3580-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Première partie

Marjorie

Chapitre 1

Marjorie Beaumont

Les années passèrent très vite et petit Charles venait d’avoir vingt-six ans. On l’appelait désormais Junior. Il avait hérité de la séduction de son père et accumulait les conquêtes féminines ; de son côté, Marjorie était plus raisonnable. Rousse aux yeux bleus, c’était le portrait de sa mère. Pourtant, elle ne prêtait guère attention aux regards audacieux et enflammés des jeunes gens qu’elle côtoyait. Elle avait encore le temps avant de penser au mariage. Anna avait bien vieilli, la quarantaine passait sur elle sans laisser aucune trace. À part quelques rides et deux ou trois kilos en plus, elle était toujours aussi séduisante et faisait la fierté de son mari. Celui-ci, également, n’avait rien perdu de son charisme. Bien qu’il fut plus âgé qu’Anna, il aimait lorsque les femmes lui lançaient des regards coquins. Toutefois, il n’avait jamais trompé son épouse, alors que les occasions ne lui avaient pas manqué. Il l’aimait beaucoup trop pour cela. Leur troisième enfant, Édouard, était aussi très charmant, bien qu’il eut les cheveux roux de sa mère. Et malgré la différence d’âge avec son frère et sa sœur, il n’avait pas ses yeux dans sa poche et se plaisait à taquiner Marjorie, qui le rabrouait à chaque fois. Car Marjorie adorait galoper dans la campagne, avec son frère aîné et l’entraînait dans des courses folles qui auraient fait bondir plus d’une fois le cœur fragile de sa mère si elle avait vu ça. Mais elle était prudente et ne lançait son galop, qu’une fois très éloignée du domaine. Hors de portée, elle et son frère s’élançaient à toute vitesse sur les immenses plaines sans se soucier du danger. Un après-midi, alors qu’ils étaient partis ensemble, Marjorie dit à Junior :

— Alors grand frère ! Te sens-tu capable de me battre aujourd’hui ?

— Ma chère, je te bats quand je veux ! Jusqu’à présent, je t’ai toujours laissée gagner, répondit-il en riant.

— Quelle mauvaise foi ! Tu ne sais pas admettre que je suis plus rapide que toi. Allez, essaye donc de me rattraper. Et elle lança son cheval au grand galop.

— Comme tu veux sœurette, dit-il en claquant des éperons pour partir à sa poursuite.

Marjorie était folle ! Elle ne ménageait pas sa monture, se sentant grisée par la vitesse que seul, son cheval alezan était capable d’atteindre. Il avait une couleur peu ordinaire avec des reflets argentés, d’où son nom Silver. Elle parcourut une longue distance, avant de s’apercevoir que son frère n’était plus derrière. D’un coup elle freina l’étalon qui hennit et se cabra. Mais en bonne cavalière, elle ne tomba pas. Inquiète, elle mit sa main en visière devant ses yeux, pour scruter l’horizon.

— Junior ! appela-t-elle sans succès. Elle mit son cheval au pas et avança doucement. Cet endroit ne lui disait rien et elle se rendit compte qu’elle n’était jamais allée aussi loin. Était-elle perdue ? Où se trouvait-elle ? Des bruits de chevaux et la voix d’un homme retentirent non loin de là.

— Oh la ! Ho ! cria le cavalier en rassemblant ses chevaux. Puis il aperçut la jeune fille.

— Qui Diable êtes-vous donc pour avoir mis une telle pagaille dans mon troupeau ? s’exclama-t-il mécontent.

Marjorie le regarda, stupéfaite qu’on lui adresse la parole de la sorte. Il était beau, un chapeau sur la tête cachait ses cheveux et son regard gris clair lançait des éclairs. Il était plus âgé qu’elle, mais cet impudent n’avait pas le droit de lui parler comme cela.

Reprenant de l’assurance, elle lui lança d’un ton hautain :

— Vous ne vous êtes pas présenté monsieur, je ne suis pas censé vous parler.

L’homme vit qu’il avait affaire à une aristocrate blasée et répondit ironiquement :

— Veuillez excuser Votre Altesse. Harry Johnson, éleveur de chevaux et vous ?

— Marjorie Beaumont. Mon père est Charles Beaumont, planteur de coton du domaine de la vallée.

Elle avait pu voir ses cheveux blonds briller au soleil, lorsqu’il avait retiré son chapeau pour la saluer.

Il était vraiment très séduisant, mais le ton avec lequel il lui avait parlé ne lui plaisait pas du tout.

— Enchanté, mademoiselle Beaumont, dit-il en se moquant, car les mondanités n’étaient pas dans ses habitudes.

— Que faites-vous sur mes terres ?

— Vos terres ! s’exclama Marjorie étonnée.

— Oui, vous êtes sur les terres de mon ranch et vous avez effrayé mes chevaux !

— Je galopais avec mon frère, répondit-elle embarrassée, je l’ai perdu, je ne me suis pas rendu compte que j’étais allée aussi loin.

— Et vous excusez, ça ne vous arrive jamais, je suppose, continua-t-il arrogant, ne la lâchant pas des yeux.

Marjorie ouvrit la bouche, stupéfaite ; mais pour qui se prenait-il ?

— M’excuser de quoi ? demanda-t-elle quand elle eut retrouvé la parole.

— Mes chevaux auraient pu se blesser. Vous avez déboulé comme une folle dans ma prairie.

Il était visiblement fâché et attendait des excuses, mais c’était mal connaître Marjorie.

Elle le regarda droit dans les yeux et lança froidement :

— Vous pouvez toujours courir. Et elle éperonna son cheval avec violence, lui faisant reprendre un galop furieux.

Il se mit à rire. Son caractère rebelle lui plaisait bien.

Décidément, cette jeune fille ne le laissait pas indifférent.

— J’espère te revoir un jour ma jolie, dit-il en faisant demi-tour pour ramener son troupeau au ranch.

***

Charles vit sa sœur arriver à bride abattue. Celle-ci arrêta son cheval près de lui si brutalement qu’il souleva un nuage de poussière.

— Ou étais-tu passée ? demanda-t-il inquiet en essayant de calmer sa monture.

Marjorie reprit son souffle et répondit :

— Figure-toi que j’ai tellement galopé que je me suis retrouvée sur les terres de monsieur Johnson.

— Ah oui ? Tu as fait connaissance avec lui ? dit-il avec un sourire plein de sous-entendus.

— Ah ça oui par exemple !

— Et alors ? questionna son frère intrigué.

— C’est un mal élevé ! Il m’a houspillé, moi une Beaumont !

— Vraiment ? reprit Junior que ça semblait amuser, en caressant la crinière de son cheval.

— Oui, j’ai fait peur à ses chevaux, paraît-il !

— Il cherchait peut-être un prétexte pour t’aborder ?

— Eh bien, il s’y est très mal pris ! Je ne suis pas prête de le revoir.

Il se mit à rire aux éclats, ce qui irrita encore plus sa sœur.

— Ça, ma chère, ça m’étonnerait ! Il vient souvent au domaine. Père lui a déjà acheté des chevaux.

— Vraiment ! Je ne l’ai jamais vu et j’espère bien que ça continuera. C’est un insolent, il a exigé des excuses.

— Et tu lui en as fait ? demanda-t-il en levant un sourcil.

— Certainement pas ! Je l’ai envoyé promener.

— Tu vas te le mettre à dos, il n’aime pas qu’on l’importune.

— Et moi non plus !

Sur cela, elle repartit au galop en direction du domaine.

Son frère en fit de même en pensant : Elle va se rompre le cou un de ces jours ! Si mère savait ça, elle pourrait dire adieu à sa monture.

Et il rentra au domaine au galop.

Chapitre 2

Harry pense à Marjorie

Harry ne cessait de penser, à l’insolente jeune fille qu’il avait abordée la veille dans son prés.

Jolie, mais avec un caractère d’enfant gâtée ! Cependant, même dans son sommeil, elle hantait ses rêves et l’empêchait de dormir.

Charles Beaumont lui avait commandé un cheval et il devait le livrer dans la semaine.

Peut-être vais-je la revoir ? pensa-t-il en rêvassant.

Mais il chassa rapidement cette idée, car une relation avec Marjorie semblait impossible.

Elle faisait partie de la haute société et il n’était qu’un simple éleveur de chevaux.

— Quand est-ce que tu dois amener le cheval à monsieur Beaumont ? lui demanda Johnny, son employé qui l’aidait au ranch.

— En fin de semaine. Ça me laisse encore un peu de temps pour le dresser.

— Ça n’a pas l’air de te plaire ? continua le vieil homme.

— C’est mon plus beau cheval et je ne suis pas pressé de lui amener. Je passerais des heures à le regarder… C’est vraiment dommage de devoir m’en séparer.

L’étalon, noir de jais, secoua sa crinière et hennit dans l’enclos.

— Mais c’est un cheval pour un aristocrate, pas pour moi.

En disant cela, il avait éveillé la curiosité de son ami.

— C’est bien la première fois que je t’entends parler comme ça Harry ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

Il sembla hésiter, puis répondit :

— J’ai rencontré sa fille, hier dans le pré. C’est une vraie folle ! Si ce cheval est pour elle, elle va se rompre les os !

— Vraiment ! Et que penses-tu d’elle, à part cela ? Elle est jolie, paraît-il !

— Sacrément oui ! Je crois bien que c’est la plus jolie fille que j’ai jamais vue !

— Oh ! s’exclama Johnny en riant, il m’a l’air, qu’elle a fait grande impression sur toi !

— Mais elle a un caractère de chien ! dit-il en souriant repensant à leur rencontre.

— Mais toi aussi ! Ma foi, vous feriez bien la paire ! s’exclama-t-il en éclatant de rire.

— Elle est trop jeune et trop blasée pour s’amouracher d’un homme comme moi ! Allons, remets-toi au travail, au lieu de dire des bêtises.

— Bêtises si tu veux ! Mais je vois bien que tu rougis, quand tu parles d’elle.

Harry le toisa du regard ; ce regard sévère que personne n’osait contredire, sauf la jolie Marjorie.

Il rentra dans le ranch, car pas mal de travail l’attendait. Il avait soif et cette conversation n’avait que trop durée.

Johnny n’insista pas et le laissa tranquille. Il ne fallait pas le prendre à rebrousse-poil, il le connaissait bien.

Chapitre 3

Harry Johnson chez les Beaumont

La fin de la semaine arriva et Harry prépara l’étalon noir, pour l’amener au domaine.

Il lui passa une bride autour du cou, lui fit ses adieux et se mit en route.

Le soleil brillait dans le ciel, une belle journée s’annonçait. Il espérait revoir Marjorie et se surprit à sourire au souvenir de leur première rencontre.

J’espère que tu seras là ma jolie ! Histoire de me tourmenter l’esprit encore un peu, pensa-t-il tout bas, en sifflant gaiement.

Il arriva devant l’imposante demeure, aux quatre colonnes blanches et s’arrêta.

Un domestique sortit et ayant reçu des ordres, appela le maître du domaine.

Charles arriva et s’exclama en voyant Harry avec son cheval :

— Bonjour monsieur Johnson, vous m’amenez ma nouvelle monture ?

— Bonjour monsieur Beaumont. Oui c’est celui que vous m’avez acheté, répondit-il en mettant pied à terre.

— Il est magnifique ! Venez les enfants ! Venez voir ma nouvelle acquisition.

Ses deux fils sortirent et sifflèrent d’admiration.

— Père ! Il est sublime ! s’exclama Édouard qui, lui aussi, aimait les chevaux.

Charles Junior s’approcha de son ami pour lui serrer la main et celui-ci lui dit à l’oreille :

— Celui-là, ne le mettez pas dans les mains de votre sœur !

Anna, qui venait de sortir sur le perron, entendit cette phrase.

Elle fit un signe de tête à Harry pour le saluer et fronça les sourcils.

— Qu’est-ce que ça veut dire, ne pas le mettre dans les mains de ma fille monsieur ? demanda-t-elle intriguée.

Il sembla embarrassé, mais comme il n’aimait pas mâcher ses mots, il répondit :

— Madame, j’ai surpris votre fille galopant comme une folle sur mes terres. J’ai dû lui faire la morale, car elle avait effrayé mes chevaux. Mais je doute d’avoir eu raison d’elle. Je compte sur vous pour la remettre à l’ordre.

Marjorie venait de sortir à l’instant et était devenue blême en entendant ce monsieur Johnson parler ainsi d’elle.

Anna se tourna vers sa fille, ainsi que son mari.

— Je me doutais bien, en te voyant revenir échevelée que tu ne te contentais pas d’un simple trot ! dit-elle en colère.

Marjorie voulut parler, mais son père l’interrompit.

— Nous t’avions prévenue Marjorie ! Tu seras privé de sortie de cheval jusqu’à nouvel ordre.

Il avait tonné comme lorsqu’il donnait un ordre à ses hommes aux champs et il ne fallait pas broncher quand il était furieux.

Marjorie, dépitée, rentra dans la maison. Elle était très fâchée contre cet homme, qui l’avait dénoncée à ses parents.

Charles Junior rentra consoler sa sœur qui s’était réfugiée dans sa chambre, mais n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche.

— Quel rustre cet homme ! Avait-il besoin de dire cela ? Me voilà privée de sortie maintenant. Je le déteste, cria-t-elle, des larmes pleins les yeux.

Son frère n’aimait pas la voir pleurer. Depuis leur plus tendre enfance, il s’était attribué d’être l’ami, le frère, le protecteur de Marjorie. Il voulut la prendre dans ses bras, mais elle s’écarta.

— Je t’avais dit que si mère l’apprenait, ça ferait du bruit ! lui dit-il sans se vexer.

— J’aurais préféré qu’elle l’apprenne par quelqu’un d’autre que lui !

— Vraiment ! Pour quelle raison ? Harry te plairait-il ?

Marjorie prit un ton boudeur pour répondre :

— Tu l’appelles par son prénom, tu le connais si bien ?

— Oui, nous sommes amis depuis longtemps.

Dépitée, elle tapa du pied et reprit.

— Eh bien moi, il ne me plaît pas du tout.

Junior rit et s’approchant de l’oreille de sa sœur :

— Je ne crois pas. Depuis le début de la semaine, je t’ai trouvée bien rêveuse ! Ma tendre sœur.

Marjorie le fusilla du regard et s’écria :

— Sors de ma chambre. Toi aussi je ne veux plus te voir, tu n’es pas mieux que lui.

Il éclata de rire, ce qui énerva encore plus la jeune fille et sortit de la chambre, où Marjorie se remit à pleurer.

Son sale caractère s’accorderait bien avec celui du cow-boy. Un homme à poigne, c’est ce qu’il lui fallait et Harry n’était pas homme à se laisser marcher sur les pieds.

Chapitre 4

Les remords de Harry

Harry regretta bien vite d’avoir mentionné cette phrase à Charles Beaumont, car maintenant il n’aurait plus l’occasion de revoir Marjorie.

Son ami Johnny le trouva bien morose.

— Alors, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu n’as pas revu la demoiselle Beaumont ? demanda-t-il, inquiet.

Harry se retourna pour le regarder. Oui, il n’avait pas l’air de bonne humeur.

— Si, je l’ai revue. Et je crois bien que c’était la dernière fois ! dit-il tristement en détournant la tête.

— Pourquoi ? Vous vous êtes disputé ?

Le vieil homme s’approcha intrigué et Harry répondit :

— Même pas ; je n’ai pas eu le temps de lui parler. J’ai fait une énorme erreur.

— Quoi donc, tu as essayé de l’embrasser ! s’exclama-t-il en riant très fort.

— Arrête, je ne vais pas lui sauter dessus comme ça ! C’est une mondaine ; ces femmes-là, il faut savoir prendre le temps.

— Alors tu as fait quoi ? continua Johnny en tirant sur son cigare.

— J’ai dit à son frère de ne pas la laisser monter Éclair et sa mère est arrivée à ce moment-là. Anna Beaumont a l’oreille très fine, tu peux me croire ! Quand elle a entendu ça, elle s’est mise en colère et pas qu’un peu !

— Ouille, ça c’est pas de bol ! dit Johnny en faisant une grimace.

— Oui, parce que maintenant, elle est privée de sortie, je ne risque plus de la revoir sur mes terres.

Et en plus, elle doit me détester.

Johnny vit son désespoir et essaya de le consoler :

— Bah ! laisse passer un peu de temps. Je connais le caractère de Charles Beaumont, j’ai travaillé pour lui au domaine. Il n’est pas méchant homme et il adore ses enfants. Je pense qu’il a voulu lui donner une leçon. Il a perdu son frère lors d’un accident de cheval et il a peur pour elle. Mais il adore sa fille et il cédera bientôt, tu peux me croire.

Harry le regarda, intrigué. Il n’avait jamais entendu dire que Charles avait eu un frère. Cependant avec Marjorie, ça allait être compliqué.

— Je voudrais bien que tu aies raison, répondit-il mélancolique en caressant son cheval.

— Le mois prochain, il y a le fameux bal de Charleston. Toute la bourgeoisie sera là ! Les Beaumont et leurs enfants seront présents comme chaque année.

— Faut-il qu’il lève la punition pour cela ? reprit Harry sceptique.

— Il le fera. Tu verras ta chérie, mon gars ! dit Johnny en lui tapant sur l’épaule.

— Ma chérie ! Comme tu y vas ! Pour l’instant, il n’y a rien entre nous. Qui dit qu’elle voudra d’un homme comme moi ? Et quand bien même, j’ai vu ses parents, ils ne sont pas genre à accepter que leur fille sorte avec un cow-boy.

— Et pourquoi pas ? Tu ne sais pas tout sur les Beaumont. Charles et Anna ne descendent pas de grande famille. Anna était serveuse dans une taverne, fille de pêcheur et Charles, son père a épousé une aristocrate, mais il n’était qu’un aventurier.

Harry n’en revenait pas d’entendre ça.

— Comment sais-tu tout cela ? demanda-t-il étonné.

— Je te l’ai dit, j’ai travaillé pour lui. On apprend beaucoup de choses quand on est au champ. Tu sais, lorsqu’ils se sont rencontrés, le domaine était en faillite. Il a épousé la riche Catherine Grant pour remonter son affaire. Mais comme il ne pouvait oublier Anna, il l’a ramené en Caroline.

Elle lui avait donné un fils qu’il a également présenté à sa femme et celle-ci a demandé le divorce.

Harry écoutait avec attention son ami Johnny. Il ne s’était jamais intéressé à l’histoire des Beaumont, mais maintenant ça le passionnait.

— Je ne savais pas qu’il avait été marié deux fois, dit-il, amusé.

— Tu vois ! Tu as toutes tes chances, mon gars. S’il a quitté sa riche héritière pour la femme qu’il aimait, il sait ce qu’est le sacrifice de l’amour.

— Dieu t’entende. J’espère que tu as raison.

Et sur cela, ils se remirent au travail, les chevaux attendaient leur pitance avec impatience.

Chapitre 5

L’annonce du bal

Le mois de mai passa lentement. Marjorie, privée de sa sortie préférée, se morfondait en faisant de la broderie avec sa mère. Celle-ci leva la tête pour lui dire :

— Fais attention à ce que tu fais ma chérie ! Une femme doit savoir broder, mais pas n’importe comment. Je trouve que tu n’as pas la tête à ton travail.

— Vous savez bien mère que je n’aime pas ça ! Je m’ennuie. J’aimerais tant pouvoir sortir, répondit-elle nostalgique en repoussant de la main une mèche de cheveux qui tombait dans ses yeux.

Anna sourit, elle connaissait bien sa fille et savait que c’était un garçon manqué. Monter à cheval, tirer au fusil, croiser le fer avec son frère, voilà tout ce qu’elle aimait.

— Je me désespère de faire de toi, une jeune femme bien élevée. Qui voudra d’une épouse qui ne sait ni broder ni coudre et pour la cuisine, je demande à voir ! Marjorie, il est temps de changer.

Elle avait poussé un long soupir en disant cela.

— Et elle va bientôt pouvoir nous le prouver ! dit son père en entrant. La semaine prochaine, c’est le bal de Charleston et je compte bien te voir danser cette fois-ci avec de jeunes hommes.

Marjorie releva la tête pour regarder son père et se piqua.

— Aïe !

— Attention ! s’écria Anna, tu vas tacher ton travail !

Elle lui tendit un mouchoir et dit : « Prends ceci en attendant que ça arrête de saigner. »

— Ce bal est d’un ennui à mourir et en plus je suis privée de sortie.

Elle pensa que pour une fois, la punition allait lui servir à quelque chose.

— De sortie à cheval ma belle, mais pas pour aller danser. Il est temps que tu te trouves un homme, reprit son père déterminé à la caser.

Marjorie soupira. Lever la punition pour ce bal idiot ! Elle avait contemplé Éclair dans l’enclos, de longues heures et brûlait d’impatience de le monter.

— C’est que je ne suis pas pressé de trouver un mari, j’ai encore le temps. C’est à Junior de se chercher une femme.

— Mais il en trouvera peut-être une, en attendant je vous veux tous les trois à ce bal et c’est non négociable.

Sur cela, il sortit de la pièce. Marjorie soupira et se remit à sa broderie. Anna lui adressa un tendre sourire qu’elle ne vit pas, puis dit doucement :

— Tu pourrais revoir ce jeune homme qui se préoccupe beaucoup de toi ! Ce Harry Johnson, il est charmant.

Marjorie releva la tête brusquement et regarda sa mère, stupéfaite de ce qu’elle venait d’entendre.

— Vous plaisantez mère ! C’est à cause de lui que je viens de passer un mois enfermée à la maison et vous croyez que j’ai envie de le voir ? Certainement pas. Si je vais au bal, je danserais avec mes frères et nul doute, je ne lui adresserais pas la parole.

Anna n’insista pas et se remit à son travail. Marjorie était une enfant têtue et elle savait qu’il ne servirait à rien d’insister.

On verra bien, pensa-t-elle, moi je suis certaine du contraire et qu’il te plaît.

Chapitre 6

Le bal

Pour le bal Charles et Anna avaient revêtu leurs plus beaux atours, ainsi que les garçons qui voulaient plaire aux filles. Mais Marjorie s’était contentée d’une robe toute simple et peu voyante.

Elle se voulait discrète pour ne pas se faire remarquer.

Anna fronça les sourcils, en regardant sa fille.

— Oh ma chérie ! N’as-tu rien de plus joli à mettre ? Cette robe n’est pas pour un bal comme celui de Charleston ! Toute la haute société sera là ! Veux-tu nous faire mourir de honte ?

— Mais elle est très jolie mère ! répondit Marjorie en regardant sa robe, qui était plus adaptée pour une promenade à la campagne que pour un grand bal.

— Non non. Va mettre celle que ton père a fait faire pour l’occasion. Il n’est pas question que tu mettes celle-là !

Le ton était impératif et Marjorie en soupirant, alla se changer.

Lorsqu’elle réapparut, la différence sautait aux yeux. Sa jolie robe neuve brillait de mille feux.

Rose, ornée de pierres et de dentelle, elle était ravissante.

— Voilà qui est mieux, dit Anna en la regardant.

Charles arriva avec la calèche et s’exclama :

— Oh ! Vous êtes tous très élégants ! Allons pressons nous, je ne voudrais pas que nous arrivions les derniers.

Ils montèrent dans la calèche, tirée par un beau cheval blanc et prirent la route de Charleston.

***

Lorsqu’ils arrivèrent, comme d’habitude, les yeux se tournèrent vers eux. Toute la bourgeoisie et aristocratie de la ville se trouvait là. Georges et Catherine n’étaient pas encore arrivés, ce qui plut à Charles qui n’aimait pas être le dernier. Allez savoir pourquoi !

Ils descendirent de la calèche et allèrent saluer les invités. Marjorie chercha du regard du côté du peuple, car les riches et les pauvres ne se mélangeaient pas, pour voir si Harry Johnson était là.

Mais elle ne le vit pas.

— Ouf, il a dû penser que ce n’était pas pour lui, alors tant mieux.

Junior la rejoignit, le sourire aux lèvres.

— Que cherches-tu dans cette direction, ma chère ? Ne serait-ce pas ce Harry Johnson qui t’a profondément troublé ?

Marjorie pouffa de rire et répondit en se moquant :

— Profondément troublé ! où as-tu trouvé cela ? Ton imagination te joue des tours mon cher frère !

Il sourit et avec un air réjoui, pointa du doigt quelqu’un.

— Oh non ! s’exclama-t-elle en l’apercevant, déjà que je n’avais pas envie de venir. Il n’a pas intérêt à venir m’inviter à danser.

Son frère éclata de rire et lui dit : « Je vais le saluer, tu viens avec moi ? »

— Le saluer ? Certainement pas. Mais tu le connais donc si bien ?

— Oui, il m’invite souvent pour le débourrage des chevaux. Et je peux te dire que c’est un champion !

Aucun cheval n’a réussi à le mettre à terre jusqu’à présent.

— Tu ne m’as jamais dit que tu allais voir ça ! Pourquoi ?

— Ce n’est pas un truc pour les filles, c’est très dangereux.

— Mais tu sais que j’aime les chevaux ! J’aimerais bien voir comment ça se passe.

— Eh bien ma chère, si tu sais t’y prendre ce soir, il t’invitera peut être pour le prochain rodéo.

Marjorie fusilla son frère du regard et répondit :

— Certainement pas ! Va le saluer tout seul. Je préfère rester avec père et mère. Je te l’ai déjà dit, je n’aime pas cet homme.

— Dit plutôt, qu’il te fait peur, répondit Junior en s’en allant.

— Personne ne me fait peur ! Tu devrais le savoir Charles Junior Beaumont ! cria-t-elle.

Il continua de rire et alla retrouver Harry de l’autre côté. Il n’aimait pas cette différence sociale.

Il avait sympathisé avec lui et personne ne l’empêcherait d’aller lui dire bonjour.

Chapitre 7

Marjorie

Harry avait vu Marjorie. Elle était ravissante dans sa robe rose et des pensées érotiques lui montèrent à la tête.

— Hum ! Que j’aimerais bien lui enlever cette robe ! Mais pour l’instant, c’est mal parti avec elle ! Il va falloir être patient et très adroit.

Marjorie l’évita toute la soirée, dansant avec ses frères, son père et Julien, le fils de Georges et Catherine. Ce dernier le rendit un peu jaloux.

Puis ce fut le moment d’un quadrille et par un pur hasard, elle se retrouva, au bras du jeune homme.

— Mademoiselle Beaumont ! dit-il en souriant quel plaisir de vous revoir ! Je me demandais combien de temps vous alliez encore m’éviter.

Il avait ce ton ironique et insolent qu’elle n’aimait pas et le fusilla des yeux.

— Monsieur Johnson, répondit-elle sur un ton ironique. La réponse à votre question est que depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, j’ai été privée de sortie par mes parents. Et cela à cause de vous, si je me souviens bien.

Elle avait un charme fou lorsqu’elle minaudait comme cela et il sourit avant d’être séparé par la danse.

Lorsqu’il la retrouva à son bras, il reprit :

— Toutes mes excuses mademoiselle, j’ai été maladroit. Je ne pensais pas que votre mère allait sortir à cet instant.

— Eh bien, c’est raté. Gardez vos excuses, je ne suis pas prête d’oublier ce malentendu.

— Comme vous voulez. Mais moi au moins je me suis excusé.

Il faisait allusion à leur première rencontre. Lorsqu’il lui avait demandé de s’excuser d’être venue sur ses terres affoler ses chevaux et elle pâlit.

Le quadrille s’acheva et fit place à une valse. Sans attendre sa permission, il la prit par la taille, la serra contre lui et l’emmena dans cette danse comme un chef.

Marjorie n’eut pas le temps de protester, qu’ils étaient déjà au milieu de la piste.

Elle sentait la chaleur de son corps, la puissance de ses muscles, le parfum de son eau de toilette.

Il avait soigné sa personne, rien que pour elle, car depuis le début du bal, il n’avait invité aucune jeune fille à danser.

Marjorie leva les yeux et leurs regards se croisèrent. Un trouble puissant l’envahit et elle commença à suffoquer.

— Désolé, dit-il en desserrant son étreinte, j’avais peur que vous m’échappiez.

— Vous êtes vraiment un arrogant personnage, lui dit-elle dans un souffle.

Il rit et répondit :

— Mais c’est ce qui vous plaît en moi ! N’est-ce pas ?

— Vous pouvez toujours vous imaginer, ce que vous voulez, jamais je ne vous fréquenterais.

— Nous verrons bien, dit-il doucement à son oreille.

Marjorie frémit en le sentant si près et le repoussa un peu.

— C’est tout vu !

La valse s’acheva et elle en profita pour quitter ses bras.

Il rit. Elle était incroyable ! Aucune femme ne lui avait résisté de la sorte.

Il rejoignit son ami Johnny et ils burent une bière ensemble ne pouvant détacher les yeux de cette jolie fille qui le troublait autant.

— Pas mal la fille Beaumont ! dit Johnny pour le sortir de sa rêverie.

— Oui, une beauté, mais pas facile à apprivoiser, répondit-il en buvant une gorgée de bière.

— Bah, les femmes, c’est comme les chevaux ! Il faut savoir y faire. Tu sais bien apprivoiser les chevaux sauvages, c’est pas plus difficile avec une fille.

Harry le regarda en riant, il faisait là une drôle de comparaison !

Entre Marjorie et un cheval, il y avait tout un monde.

— Mais dompter une femme comme elle, il va en falloir de la patience et du temps, reprit-il enfin en reposant son verre.

— Et de la douceur, renchéri Johnny, beaucoup de douceur et ça, je ne sais pas si c’est vraiment ton truc, à voir comment tu l’as obligé à valser avec toi.

— Que veux-tu ? Je ne voulais pas qu’elle m’échappe, mais finalement, je crois qu’elle a aimé ça.

— Hum hum ! dit Johnny sceptique, patience mon gars, patience.

Et ils reprirent une bière, la soirée n’était pas terminée, mais il ne regardait qu’elle. Marjorie Beaumont était entré dans son cœur et il le savait bien.

Chapitre 8

Marjorie et Junior

Le lendemain matin, Marjorie se leva très fatiguée. Non seulement, elle s’était couchée tard, mais en plus, elle avait très mal dormi.

Le souvenir de la valse dans les bras d’Harry l’avait troublé au point de perturber son sommeil.

Junior entra dans la cuisine pour prendre un café et s’exclama en apercevant sa sœur à moitié endormie :

— Mal dormi sœurette !

Marjorie releva la tête et fit un sourire forcé.

— Nous sommes rentrés tard, avec ce satané bal ! Tu ne te souviens pas ?

Il rit et répondit en sucrant son café.

— Oui, mais je suis certain qu’il n’y a pas que cela ! Harry n’y serait pas pour quelque chose ?

— Non, pitié ! Arrête de parler de lui ! Tu as vu comment il s’est conduit hier soir ?

— J’ai surtout vu qu’il t’a bien serré contre lui, lorsque la valse a succédé au quadrille !

Heureusement que père et mère n’ont rien remarqué, continua-t-il en la taquinant.

— Sinon, j’aurais encore été punie à cause de lui.

— Oh je ne pense pas, mais ils t’auraient fait pas mal de réflexions.

— Junior, je t’en prie ! Va faire un tour ; faisant un geste las.

Il éclata de rire et sortit. Puis, se ravisant, il passa la tête à la porte de la cuisine.

— Au fait, je sais pour le prochain rodéo !

Marjorie se redressa d’un bond et s’écria :

— C’est quand ? Le rouge lui était monté aux joues, elle était ravissante.

— Oh ! voilà qui éveille ta curiosité ! C’est la semaine prochaine, euh quel jour ? Samedi, je crois !

— Et comment tu sais cela ? questionna-t-elle soudainement passionnée.

— Harry me l’a dit.

— Et ?

— Quoi ? demanda son frère en faisant l’indifférent.

— Tu lui as demandé si je pouvais venir ?

— Ah non !

Marjorie afficha une mine déçue. Mais Junior ne pouvait rester longtemps sur un mensonge.

— Mais oui, je lui ai demandé. Il a dit, à condition que tu fasses attention, car c’est très dangereux.

— Oh ! Comme il est attentionné, lâcha-t-elle moqueuse.

— Ah ! Si tu commences comme ça, je ne t’emmène pas.

— Oh, je t’en prie, je serais sage ! s’écria-t-elle en se ravisant. Je promets d’être gentille avec lui.

Je suis impatiente, j’ai hâte de voir ça !

Junior fronça les sourcils, il avait quelques doutes sur cela.

— Cette dernière phrase me laisse un peu sceptique ! Mais n’oublie pas de bien te tenir, il ne faudrait pas que tu sois encore punie.

— Ne t’inquiète pas, je te jure de bien me conduire.

Il la regarda en riant. Elle se trémoussait comme une enfant impatiente.

Il prit une brioche dans le panier et sortit sans rien ajouter d’autre.

Elle ne voulait pas l’admettre, mais c’était Harry bien plus que le rodéo qui alimentait cette agitation.

— On va bien voir, comment nôtre champion mâte les chevaux ! dit-elle en souriant.

Chapitre 9

Marjorie et son père

La semaine parut interminable à notre jolie Marjorie. Elle était dans le salon à regarder sa broderie : c’est vrai qu’elle n’était pas douée pour cela ! Elle attendait avec impatience le rodéo et trouvait le temps long. Ce divertissement était plus dans ses cordes.

Son père entra et s’étonna de la voir aussi mélancolique.

— Comment va la deuxième femme de ma vie ? Et il se pencha pour lui faire un baiser sur le front.

Marjorie lui sourit, mais ce sourire était triste et il s’inquiéta.

— Qui a-t-il ma belle ?

Il y avait, dans son regard, un amour paternel qui donna un peu de courage à Marjorie pour aborder le sujet.

— Euh ! Je ne sais pas comment vous demander père ! répondit-elle timidement.

— Et quoi ? Dis-moi tout, continua-t-il en examinant le travail qu’elle venait de réaliser.

Ce n’était pas la broderie d’Anna, qui soignait son ouvrage à la perfection et il fit la grimace.

Mais sa fille ne la vit pas, car elle avait la tête baissée. Toutefois elle prit son courage à deux mains et se lança :

— Junior m’a dit qu’il y avait un rodéo au ranch de monsieur Johnson, samedi. Et j’aimerais bien y aller avec lui.

Voilà, c’était fait ! Il lui fallait s’attendre à subir les foudres de son père ou son indulgence.

— Encore ses satanés chevaux ! C’est devenu une vraie passion ! Ne peux-tu pas t’intéresser à des trucs de femmes ! la couture, la broderie, la cuisine ! Tu tiens bien de ta grand-mère !

Marjorie releva les yeux, étonnée et demanda :

— Pourquoi dites-vous cela père ?

— Ma mère avait cette attirance pour les chevaux. Elle était excellente cavalière. Un galop furieux dans la campagne ne lui faisait pas peur. Jusqu’à ce que mon frère ait ce terrible accident qui lui coûta la vie.

Marjorie ouvrit la bouche étonnée. Il ne lui avait jamais dit qu’il avait eu un frère.

— Vous n’en avez jamais parlé père ! s’exclama-t-elle stupéfaite.

Charles la regarda tendrement pour lui répondre :

— C’est un très douloureux souvenir, je n’aime pas parler de cela. Je sais que tu fais la même chose que ma mère Charlotte. Que tu galopes comme une folle lorsque tu es hors de portée de la maison.

— Oh ! C’est Junior qui vous a raconté ça ? s’exclama-t-elle en colère contre son frère.

— Non. C’est moi qui t’ai vue lors d’une sortie à cheval. Ton frère ne te dénoncerait jamais, même s’il a peur pour toi.

Sa voix était douce, il voulait être conciliant, même s’il savait qu’Anna n’apprécierait pas.

— Écoute, je veux bien que tu ailles voir ce rodéo. J’en parlerais à ta mère. Mais tu y vas avec ton frère et tu prends toutes les précautions nécessaires.

Marjorie sauta de joie au cou de son père, pour l’embrasser.

— Et surtout, pas de galop fou furieux pour y aller promis ? dit-il en riant de son enthousiasme.

— Tout ce que vous voudrez père ! Je vous aime ! je vous aime ! je vous aime ! s’écria-t-elle en laissant tomber son ouvrage au sol.

— Fais bien attention à toi, ma chérie, dit-il en essayant de contrôler son émotion, tu es tellement précieuse pour moi et ta mère me tuerais s’il t’arrivait quelque chose !

— Je serais prudente, je vous le promets. Merci, merci, merci !

Et après l’avoir embrassé, une deuxième fois, elle partit en courant annoncer la bonne nouvelle à son frère.

Chapitre 10

Charles, Anna et le rodéo

C’était le jour du rodéo. Marjorie était dans un état de nervosité pas possible. Son frère faisait de son mieux pour la calmer, mais c’était plus fort qu’elle.

— Si tu continues comme cela, je ne t’emmène pas avec moi ! dit-il en la grondant tendrement.

— Oh Junior ! Tu ne sais pas comme je suis excitée ! J’ai hâte d’être là-bas ! répondit-elle folle de joie.

— Ah oui ! Ce n’est pas parce que tu vas voir Harry ? reprit-il en la taquinant, un sourire aux lèvres.

Elle fronça les sourcils.

— Tu sais bien que je n’en ai rien à faire de celui-là !

— Pourtant il m’a tout l’air qu’il t’aime bien ! Il t’a invitée au rodéo, alors que tu n’as pas été très gentille avec lui.

— C’est lui qui s’est mal comporté le premier jour ! Il n’avait pas à me parler comme ça !

— Il n’avait sans doute pas vu à qui il avait à faire ! Il a dû bien regretter lorsqu’il s’est aperçu qu’il avait en face de lui une charmante jeune fille.

— C’est lui qui t’a dit ça ?

— Disons qu’il me l’a fait comprendre.

— Eh bien, nous verrons comment il va se comporter. Il a l’air très caractériel ton ami !

— Oh crois-moi, il va marcher sur des œufs ! Ce n’est pas pour dire, mais toi aussi, tu as un sacré caractère. Mais je parie que tu rêves de lui en secret et que tu as hâte de le revoir !

— Revoir qui ? demanda Anna qui venait d’entrer dans la pièce.

— Bonjour mère ! dit Junior en riant. Je disais que Marjorie était impatiente de revoir Harry.

Johnson.

— Oh ! s’écria Marjorie en rougissant, fort embarrassée.

— Ce mal élevé ! s’exclama Anna qui s’est très mal comportée au bal avec toi ! J’espère bien que tu ne vas pas avoir une relation avec lui ?

— Non mère. Si je vais au ranch cet après-midi, c’est juste pour voir comment on dresse les chevaux.

Anna ouvrit grande la bouche d’étonnement, mais son mari entra et expliqua rapidement.

— Oui, j’ai autorisé Marjorie à y aller avec son frère, je voulais vous le dire, mais je n’ai pas eu le temps ma chérie.

— Charles ! Vous encouragez votre fille, à être un garçon manqué.

Il lui coupa la parole, en l’embrassant, il savait qu’il obtenait toujours tout d’elle, après cela.

— Ma mie, elle est passionnée par les chevaux que pouvons-nous y faire ?

— Oui. Je me demande bien de qui elle tient ça.

— Désolé mon amour, mais c’est de sa grand-mère.

Anna écarquilla les yeux, ouvrit la bouche et dit une fois son étonnement passé :

— Que me cachez-vous encore sur votre famille Charles ! Vous ne m’avez jamais parlé de votre mère !

Il prit une tasse de café et fit face à sa femme :

— Ma mère descendait de la noblesse. Balade à cheval, chasse à courre, elle adorait tout cela. Elle a dû y renoncer quand elle a épousé mon père et qu’ils sont venus tenter leur chance en Caroline. La vie était très dure pour elle et lorsque le domaine a fructifié et qu’ils ont pu reprendre un train de vie plus confortable, elle a recommencé à monter à cheval. Une passion ne s’éteint pas aussi facilement ma chérie et Marjorie en a hérité.

Anna, interloquée, avait écouté son mari sans rien dire.

Elle reprit, très émue :

— Eh bien ! Je vois que je n’ai pas mon mot à dire ! Soit, je suis obligée de me plier à vos désirs, mon cher mari. Mais j’espère bien qu’elle fera attention. Junior, je compte sur toi pour veiller sur elle.

— Oui mère, je ne la lâcherais pas d’une semelle, répondit-il sérieux pour une fois.

Anna leva les bras en signe d’abdication et retourna dans le salon sans rien ajouter d’autre.

Ils se mirent à rire tous les trois, la partie était gagnée.

Chapitre 11

Le rodéo

Charles Junior et Marjorie prirent la route du ranch au petit trot.

Anna avait bien recommandé ; pas de galop. Et Marjorie, se souvenant de sa punition, avait acquiescé de bonne grâce.

Ils arrivèrent au ranch, il y avait du monde pour assister au débourrage des chevaux et cela mit la jeune fille plus à l’aise.

Harry les aperçut et vint les saluer. D’abord Junior qu’il connaissait bien, puis il plongea ses yeux clairs dans ceux de Marjorie, qui rougit.

— Bonjour mademoiselle Beaumont, c’est un plaisir de vous revoir !

Son frère lui avait recommandé d’être aimable, aussi fit-elle un effort pour lui répondre :

— Mais moi de même, monsieur Johnson.

Il sourit et lui proposa de l’aider à descendre. Bien qu’elle n’en eut pas besoin, elle accepta et se retrouva entre le cheval et lui ce qui la troubla quelque peu.

Ce moment magique ne dura pas longtemps, car il y avait du monde et il ne voulait pas mettre mal à l’aise la jeune fille.

— Je vous propose de vous mettre là-bas, dit-il en désignant l’enclos. Vous serez à l’ombre et il n’y a pas trop de monde. Vous ne perdrez rien du spectacle.

— Merci, dit Junior en entraînant sa sœur.

Celle-ci se remettait de ses émotions ; son cœur encore une fois s’était emballé au contact du jeune homme.

Harry ordonna qu’on commence par les juments, elles étaient moins redoutables que les étalons.

Un cow-boy monta sur l’une d’elles et elle se mit à faire des bonds pour désarçonner son cavalier.

Celui-ci serra les jambes pour ne pas tomber et eut raison d’elle, au bout de quelques minutes.

— Maintenant, elle a accepté son cavalier. Expliqua son frère, elle sera toujours docile.

— Vraiment ! elle ne risque pas de retrouver son instinct sauvage ?

— Non, une fois débourré, un cheval devient domestique. Expliqua Harry qui était revenu à côté d’eux. Marjorie se demandait ce qu’il faisait encore là ! N’avait-il pas un cheval à monter ?

Mais elle ne savait pas qu’il gardait cela pour la fin.

— Je vous laisse, dit-il en la voyant réticente à sa présence, je dois donner des ordres pour la suite.

Il quitta Marjorie à grand regret, se demandant bien comment il allait réussir à l’apprivoiser.

— Regarde Marjorie ! dit son frère en posant sa main sur son bras, elle est belle cette jument !

Elle avait une robe café au lait, la crinière et la queue blanche.

Puis ils lâchèrent la corde et avec obstination, elle essaya de désarçonner son cavalier.

Celui-ci au bout d’un moment, lâcha prise et se retrouva dans la poussière.

Marjorie porta ses mains sur sa bouche pour étouffer un cri.

Mais l’homme se relevait déjà, il n’était pas blessé.

— C’est vraiment dangereux ! s’exclama-t-elle horrifiée, il pourrait se rompre le cou !

— Ils ont l’habitude. C’est leur métier. N’importe qui ne pourrait faire cela. Moi-même je ne resterais pas en selle très longtemps.

La jolie jument se défendit encore une fois, mais finit par céder à son cavalier et à l’accepter.

Plusieurs chevaux y passèrent et en fin d’après-midi, ce fut le tour d’un superbe étalon blanc.

Harry se l’était réservé pour la fin.

Marjorie, malgré elle, sentit son cœur battre très fort.

Lorsqu’ils lâchèrent l’animal, il se défendit longtemps.

Elle se demanda, comment il faisait pour rester en selle après un combat pareil.

Celui-ci, bien plus que les autres, était décidé à éjecter son cavalier.

Mais Harry, fidèle à sa réputation, ne se laissa pas désarçonner et finit par le dompter.

Il fit quelques tours dans l’enclos et le fit galoper un peu avant de descendre. Profitant un peu de cette belle monture.

C’était fini ! Elle avait passé un bel après-midi, très instructif et divertissant.

Ils allèrent prendre un verre avant de repartir avec les autres cow-boys, qui ne se gênaient pas pour détailler la jeune fille.

Harry vint se joindre à eux, après avoir secoué la poussière que ce combat avait déposée sur lui.

— Merci, dit Junior, en serrant la main de son ami, c’était très beau à regarder. Enfin je parle surtout pour ma sœur, qui a découvert ce sport.

Harry sourit et se tourna vers Marjorie :

— C’est plus un métier qu’un sport, mais il faut être costaud ! Je l’avoue. J’espère que ça vous a plu, mademoiselle.

Elle le regarda dans les yeux, sourit et répondit :

— Oui monsieur Johnson, c’était magnifique. Je vous remercie de m’avoir invité.

Son cœur se mit à battre très vite. C’était la première fois qu’elle lui parlait aussi bien et ce sourire…

Il était aux anges. Il fallait qu’il trouve le moyen de la faire revenir, ce qu’il ressentait pour elle était trop fort pour qu’il la laisse repartir sans tenter quelque chose.

— La semaine prochaine, j’ai une pouliche qui doit mettre bas. Si ça vous intéresse de voir la venue au monde de son poulain, je vous ferais chercher.

— Oh oui ! J’aimerais beaucoup ! s’exclama-t-elle, enthousiaste.

— Alors c’est convenu. Dès qu’elle donnera des signes de contractions, je vous enverrais quelqu’un.

— Merci, merci. Je ne voudrais surtout pas rater cela.

Elle riait et avait des couleurs : elle était sublime. Junior les regarda un instant, ils ne se quittaient pas des yeux. Mais il fallait rentrer et il dut rompre le charme.

— Nous devons y aller Marjorie. À bientôt Harry.

— Bonne fin de journée, dit-il en les regardant remonter sur leurs chevaux.

Junior se retourna pour faire un signe de la main et Marjorie lui fit un petit signe aussi, en souriant.

Celui-ci, si discret qu’il fût, lui mit du baume au cœur. Elle commençait à changer avec lui et c’était bon signe pour l’avenir. Il rêvait au moment où il la serrait dans ses bras pour lui donner son premier baiser et rentra en sifflant, heureux de voir que les choses s’annonçaient bien pour lui.

Chapitre 12

Marjorie et le jeune poulain

Marjorie attendait la venue du petit poulain, comme on annonce la venue du messie.

Cela tardait et elle se demandait si Harry ne l’avait pas oubliée.

Un matin, elle vit un cow-boy du ranch arriver au galop et se douta que c’était le bon moment.

Elle alla crier à son frère, qu’elle s’absentait et qu’elle ne serait, peut-être pas, rentrée pour le déjeuner.

Le cow-boy lui fit part de la naissance évidente du poulain et la pria de se dépêcher.

Elle sella son cheval en grande hâte et ils partirent à bride abattue pour le ranch.

Harry était dans l’écurie, la jument était debout, une membrane blanche pendait contenant le liquide amniotique.

— Bonjour Harry, comment va-t-elle ?

Il fut surpris, c’était la première fois qu’elle l’appelait par son prénom.

— Bonjour Marjorie, c’est en bonne voie, répondit-il en la regardant. Faites attention, elle n’a pas l’habitude avec vous.

— Elle sait bien que je ne lui veux pas de mal, dit-elle doucement en tendant la main vers son museau, qu’elle caressa. La bête gémit :

— Tout doux ma belle, ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. Il fut surpris de voir que la jument l’avait adopté au premier contact.

— Je vois que vous avez un don avec les chevaux, déclara-t-il, surpris.

— Oui, je les aime et ils le savent bien.

Elle lui sourit et il fut troublé un instant, puis la jument hennit.

À ce moment, Harry s’écria :

— Regardez, il arrive ! Vous êtes arrivée juste à temps.

Il creva la poche des eaux pour attraper les pattes du poulain et les attacha avec une corde.

Puis doucement il tira pour l’aider. La jument se coucha et il recommença.

Marjorie se rapprocha si près de lui, qu’il sentit la température grimper. Mais l’instant était trop critique pour se laisser distraire ; il n’y en avait plus pour très longtemps.

La jument grogna, elle souffrait, c’était le plus dur pour elle. Il tira encore un peu et la tête apparut.

Et d’un seul coup, le poulain fut éjecté du ventre de sa mère. Harry enleva la corde et prit de la paille fraîche, pour le frotter vigoureusement. Puis il fit signe à Marjorie de se mettre à l’écart.

Le jeune poulain, à peine né, essayait de se mettre sur ses pattes.

— Ce n’est pas trop tôt ? chuchota la jeune fille inquiète.

— Non, répondit-il à voix basse, il doit se mettre sur ses pattes tout de suite, sinon c’est fichu !

Ils attendirent côte à côte, le parfum de Marjorie si léger qu’il fut, parvenait jusqu’à lui.

Il se demandait si elle se rendait compte de son émoi.

— Voilà ! Il s’est levé ! s’écria-t-elle heureuse.

La mère lécha son petit et celui-ci instinctivement, vint téter.

— Comme il est beau ! Elle souriait et se tournant vers Harry lui dit avec enthousiasme : merci !

Merci de m’avoir permis d’assister à cela ! C’était merveilleux !

Il lui rendit son sourire, à cet instant, il l’aurait bien attiré à lui pour l’embrasser, mais il craignait de brûler les étapes, qu’elle se fâche et qu’il ne la revoit plus. Il se dit qu’elle viendrait d’elle-même à lui et ils sortirent de la grange.

— Voulez-vous boire quelque chose ? demanda-t-il enfin.

— Oui, je veux bien ! répondit-elle en le regardant timidement.

— Il l’entraîna dans la maison et demanda :

— J’ai du café, de l’eau ou du whisky.

— De l’eau merci, dit-elle embarrassée. Son enthousiasme retombé, elle se sentait mal à l’aise seule avec lui dans la maison. Celle-ci n’était pas très riche, mais propre et bien tenue.

— C’est joli chez vous ! dit-elle en regardant partout.

Il lui tendit son verre d’eau et leurs yeux se rencontrèrent, mais de peur de la troubler, il tourna rapidement la tête et reprit :

— Oui, mais pas si beau que chez vous !

Marjorie sourit.

C’est différent, mais chaleureux. J’aime bien !

Puis elle se sentit troublée et porta son verre à ses lèvres.

— À la naissance du poulain ! dit Harry en levant son verre.

— À la naissance de… Il faudra lui trouver un nom ! Mais c’est une fille ou un garçon ?

— C’est un garçon. Ne vous inquiétez pas, il aura un nom. Si vous avez une idée, là tout de suite, je vous fais l’honneur de le baptiser.

— J’aime bien Joe ! déclara-t-elle.

— OK, va pour Joe.

Ils levèrent leur verre et trinquèrent tous les deux.

— Il faut que je rentre maintenant, dit-elle gênée. Encore merci.